` sommaire

Endocrinologie

 

par J. LECLERE

 

les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)

 

Le Pr. Pierre HARTEMANN, dans un article paru en 1974 dans les Annales de Médecine de Nancy, exposait la naissance et le développement de l’endocrinologie à Nancy.

Naissance, ou plutôt, renaissance. En effet, cette discipline, dont l’individualisation en tant que spécialité médicale à part entière était récente, existait depuis longtemps à Nancy. C’est même à Nancy qu’en 1923, les Pr. LUCIEN, PARISOT et le Dr RICHARD créèrent la première Revue Française d’Endocrinologie.

 

SERVICE D’ENDOCRINOLOGIE

 

Le développement de la discipline fut favorisé par la création du Service d’Endocrinologie, d’abord à l’Hôpital Maringer, et à partir de septembre 1973 au nouvel hôpital de Brabois.

A l’ouverture de Brabois, le Service s’intitulait « Médecine Interne et Endocrinologie », d’où un nombre de lits prévu de cent lits environ. En fait, il s’avéra très rapidement que 80 lits seraient largement suffisants. Dans le même temps, la spécialité, comme d’autres, bénéficia de techniques d’explorations qui réduisirent considérablement les durées d’hospitalisation.

Suivant une politique nationale de réduction des lits conventionnels au profit d’alternatives comme l’hospitalisation de jour, le Service se restructura pour aboutir à sa situation actuelle :

-  32 lits d’hospitalisation conventionnelle

- 4 chambres plombées, équipées pour recevoir des patients traités par isotopes radioactifs nécessitant un isolement 

- 6 lits d’hospitalisation de jour

 

Personnel médical

Les personnels médicaux fixes du Service sont au nombre de quatre : deux PU-PH et deux PH. Le Dr Georges WERYHA a été nommé PU-PH en 1991 et Chef de Service en 2000. Son adjoint le Dr Marc KLEIN, d’abord PH au Service, a été nommé PU-PH en 2001. Mme le Dr Véronique PASCAL-VIGNERON a été nommée PH en 1993. Le Dr Jérôme CHATELAIN a été nommé PH en 2004.

Le Service comprend en outre un poste d’Assistant-Chef de Clinique et cinq postes d’Internes des Hôpitaux, dont un poste dévolu à un interne étranger. Cinq médecins spécialistes assurent des vacations et complètent l’effectif médical du Service.

 

Potentiel technique

L’activité du Service est essentiellement centrée sur l’exploration et le traitement des maladies endocriniennes et métaboliques. Cette activité repose entre autre sur l’acquisition d’un certain nombre de techniques qui s’est faite au cours des trente dernières années.

Au cours des années 1970, profitant des compétences neuro-physiologiques du Dr GENTON qui occupa les fonctions d’Assistant-Chef de Clinique, nous avons développé la polygraphie et les modifications neuro-physiologiques observées au cours du sommeil. Ceci  nous a conduit à l’exploration des perturbations de la fonction sexuelle masculine, et à nous équiper du matériel spécifique à l’enregistrement des érections nocturnes permettant de différencier les troubles fonctionnels de ceux d’origine organique. Actuellement, cette activité régresse en raison des acquisitions pharmacologiques récentes dans le traitement des troubles érectiles.

Dès 1970, en collaboration avec le Service de Médecine Nucléaire, nous nous sommes intéressés à l’exploration de la thyroïde par les ultra-sons. A cette époque, cette technique était exclusivement utilisée en obstétrique. Nous avons attiré l’attention des endocrinologues sur les possibilités d’avenir de cette technique en pathologie thyroïdienne lors d’une communication faite à la « Sixth International Thyroid Conference - Vienne 1970 ». C’est donc tout naturellement que nous avons ultérieurement estimé nécessaire de disposer d’un échographe, et c’est ainsi que le Service d’Endocrinologie de Nancy a été dans les premiers à s’équiper. Après avoir longtemps douté de l’intérêt d’une telle technique, la majorité des services d’endocrinologie s’équipent actuellement en échographes. 

Aux Etats-Unis et dans d’autres pays anglo-saxons, le métabolisme osseux est considéré comme partie intégrante de la spécialité d’endocrinologie. Nous avons suivi cet exemple, et avons développé cet axe sous la responsabilité du Pr. Georges WERYHA. Il s’agissait d’un complément logique à l’activité particulière de Mme le Dr Véronique PASCAL-VIGNERON dans le cadre de la pathologie de la ménopause.

En 1990, le Pr. WERYHA a participé au choix et à l’installation d’une unité de densitométrie osseuse située dans le Service de Radiologie de l’hôpital de Brabois et destiné à l’ensemble des services du CHU. Il s’est avéré rapidement que l’activité de cette structure reposait essentiellement sur les demandes du Service d’Endocrinologie, ce qui nous a conduit secondairement à acquérir un densitomètre pour le Service. Depuis 1997, nous disposons donc d’un densitomètre Hologic type QDR 4500 A.

 

ACTIVITES DE RECHERCHE

 

A - Dès son origine, notre activité dans le domaine de l’endocrinologie a été dominée par la prise en charge de la pathologie thyroïdienne. Ceci nous a amené à centrer notre activité de recherche dans ce domaine, et plus particulièrement sur l’immunopathologie thyroïdienne. Cette activité n’a été possible que grâce à une collaboration étroite avec certains Laboratoires de la Faculté, Laboratoire de Biophysique du Pr. C. BURG puis J. MARTIN, Laboratoire de Médecine Expérimentale du Pr. R. HERBEUVAL, puis surtout Laboratoire d’Immunologie (Pr. J. DUHEILLE, puis Pr. G. FAURE et M-C. BENE) et Laboratoire d’Anatomie Pathologique du Pr. A. DUPREZ. 

Cette collaboration nous a permis de décrire un certain nombre d’anomalies rencontrées dans les thyroïdites auto-immunes et dans la maladie de Basedow :

- les thyroïdites auto-immunes sont caractérisées par la présence d’anticorps anti-thyroïdiens dirigés contre la thyroglobuline (Ac-Tg) et la thyro-peroxydase (Ac-TPO), auxquels s’ajoutent dans la maladie de Basedow les anticorps anti-récepteur de la TSH. A la différence de la thyro-peroxydase qui reste intra-thyroïdienne, la thyroglobuline est circulante, elle est  donc plus facilement immunogène. Malgré cela, les taux d’anticorps anti-peroxydase sont en général plus élevés. Nous avons émis l’hypothèse qu’une partie des anticorps anti-Tg était masquée sous forme de complexes immuns circulants.

Nous nous sommes surtout intéressés  à l’étude des anomalies immunologiques intra-thyroïdiennes, grâce à la collaboration avec les Pr. FAURE et BENE :

- ceci nous a permis d’identifier les sous-types de populations lymphocytaires présents in situ.

- nous avons également décrit l’expression des antigènes de classe II du système HLA dans la thyroïde basedowienne. Malheureusement, notre attention s’était portée sur les cellules immunocompétentes, et pas sur les thyréocytes qui exprimaient (contre toute théorie à l’époque) eux aussi ces antigènes. La description princeps de ce phénomène par Gianfranco Bottazzo, la même année, a valu à cet auteur une renommée internationale…. !

- cette connaissance des désordres immunologiques intra-thyroïdiens dans la maladie de Basedow nous a amenés à décrire un phénomène qui n’avait jamais été publié jusque là. Il s’agit des anomalies immunologiques observées en phase aiguë de thyroïdite de De Quervain. Cette forme particulière de thyroïdite, dont l’origine virale est la plus probable (mais n’est toujours pas démontrée) évolue dans 95% des cas vers la guérison. Pourtant, à la phase aiguë on retrouve in situ les mêmes aspects immuno-pathologiques que dans la maladie de Basedow. L’expression aberrante des antigènes HLA de classe II y est également observée. Cette expression était considérée comme responsable du déclenchement de l’auto-immunisation, ce qui était en désaccord avec notre description. Nos constatations ont été confirmées depuis par plusieurs équipes, mais l’absence de développement habituel d’auto-immunité dans la majorité des thyroïdites de De Quervain reste sans explication… ! 

Ces travaux immunologiques nous ont permis de décrire en 1979 une nouvelle forme d’hyperthyroïdie et à suggérer de la désigner sous le terme d’Hyperplasie Thyroïdienne Toxique. A cette époque, l’hyperthyroïdie diffuse, atteignant la totalité de la glande thyroïde, avait une seule étiologie, la maladie de Basedow d’origine auto-immune. Cette affection est due à la présence d’auto-anticorps dirigés contre le récepteur de la TSH, mais ayant la propriété d’être thyréostimulants. De rares formes familiales ont permis d’établir un lien entre la maladie de Basedow et certains haplotypes du système d’histocompatibilité HLA de type II. La famille dont nous avons fait la description princeps, et qui est intitulée « famille Nancy », ne révélait aucun lien entre les sujets atteints et leur génotype HLA. Plus inattendue était l’absence de tous les signes dysimmunitaires décrits dans la maladie de Basedow classique, tant au niveau sanguin qu’in situ. L’aspect anatomo-pathologique était au contraire semblable à celui des adénomes toxiques, dont la physio-pathologie était parfaitement inconnue dans les années 1980. Nous avons rencontré d’énormes difficultés à faire part de nos observations à la communauté endocrinologique. Notre proposition de communication fut refusée lors de deux congrès successifs de l’European Thyroid Association. Notre soumission d’article fut refusée pour publication par le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, avec pour argument « qu’il était en contradiction avec les conceptions établies dans l’hyperthyroïdie commune »…Finalement, la publication fut acceptée, mais dans une revue de moindre impact. Notre choix du terme d’Hyperplasie Thyroïdienne Toxique était basé sur l’aspect du tissu pathologique évoquant un nodule toxique, et surtout sur le comportement de ce tissu après greffe sur la souris nude. Cette étude expérimentale fut possible grâce à l’accueil, et surtout à l’aide du Pr. DUPREZ qui réalisa les premières greffes, et nous appris à les réaliser ensuite. Grâce à cette collaboration, nous avons pu montrer que le tissu basedowien greffé perdait en quelques semaines son infiltrat lymphocytaire et devenait quiescent comme le tissu humain normal. A l’inverse, le tissu provenant des patients atteints d’hyperplasie toxique restait hyperactif, comme l’était également celui provenant de nodules toxiques. Notre hypothèse physio-pathologique n’a trouvé sa confirmation que dix ans plus tard, grâce à la collaboration avec les Pr. Jacques Dumont et Gilbert Vassart de l’Institut de Recherche Interdisciplinaire de l’Université Libre de Bruxelles. Ces chercheurs ont prouvé que nos patients étaient porteurs d’une mutation activatrice du récepteur de la TSH qui fonctionnait ainsi seul sans l’intervention de la TSH. Cette anomalie est également retrouvée dans les nodules toxiques. Depuis, notre description princeps, les cas d’hyperplasie thyroïdienne toxique se sont multipliés, et un site internet permettant de les colliger a été créé (uni-leipzig.de/innere/tshr) et les laboratoires français susceptibles de détecter l’anomalie génétique sont répertoriés dans Orphanet (orpha.net). L’étude des cinq premières familles publiées nous a permis de décrire les différents phénotypes empruntés par la maladie, les cas publiés depuis confirment cette description.  

 

B- Le deuxième axe de recherche clinique est consacré à l’étude du métabolisme osseux et aux pathologies qui s’y rapportent.

Les activités de soin et de recherche se sont concentrées sur la ménopause, l’ostéoporose et le vieillissement. Elles ont été développées dans le cadre du groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO). Une filière de soins pour la Qualité de l’Os en Lorraine (QOL) a permis de fournir aux patientes et aux patients à risque ostéoporotique élevé des explorations intégrées dans le cadre d’une hospitalisation de jour. QOL monte progressivement en charge jusqu’à dépasser 1000 hospitalisations de jour en 2005. La densitométrie osseuse a permis de réaliser jusqu’à 2000 examens par an au profit d’un très grand nombre de spécialités médicales et chirurgicales. Parallèlement, elle a permis de développer une très forte activité de recherche clinique dans le domaine des traitements de la ménopause et de l’ostéoporose post-ménopausique. Cette activité a permis de tester tous les médicaments anti-ostéoporotiques commercialisés à ce jour ou en cours d’évaluation. Les ramifications de cette activité se sont étendues à des coopérations ponctuelles pour l’évaluation des anti-rétroviraux du SIDA, de l’hormone de croissance chez l’enfant et des anti-aromatases dans le traitement du cancer du sein.

L’enthousiasme et la ténacité du Dr Véronique PASCAL, de Mme Dominique RENAUD, Attachée de recherche clinique, et de Mr Thierry MAIRE, Manipulateur en électroradiologie, ont fait de QOL un pôle d’excellence reconnu par l’attribution du label du Pôle Européen de Santé.

 

Le service d’endocrinologie a bénéficié de la création du DES de Gynécologie Médicale dont il assure la coordination régionale.

Parallèlement  et naturellement, la prise en charge de l’ostéoporose et de la ménopause a conduit au développement de liens étroits avec les instances politiques de la Communauté Urbaine du Grand Nancy afin de sensibiliser le grand public par des actions de prévention du vieillissement. L’arrivée du Pr. Athanase BENETOS responsable universitaire de la gériatrie a été l’opportunité d’établir  des passerelles de soins et de recherche dont le départ du Pr. Claude JEANDEL  nous avait frustrés.

Les perspectives d’évolution du service d’endocrinologie s’ancrent aujourd’hui dans la prévention des grands problèmes de santé publique : ostéoporose, ménopause, vieillissement, … et s’ouvrent à l’exploration et au traitement des tumeurs neuro-endocrines dans le cadre de l’European Neuro-Endocine Tumor Society.