` sommaire

Hépatogastroentérologie

 

par P. GAUCHER, M-A. BIGARD et J-P. BRONOWICKI

 

les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)

 

De même que les autres disciplines, l’Hépatogastroentérologie a évolué de façon  spectaculaire depuis une trentaine d’années et  s’est  rapidement  séparée de la médecine interne.

Pour sa part le Service d’H.G.E. du CHU de Nancy a souvent été à l’origine ou a permis le développement de certains aspects de notre spécialité, tant dans le domaine du diagnostic que dans ceux du traitement et de la prévention  et il convient de souligner d’emblée que l’objet de la plupart des travaux  réalisés a concerné l’endoscopie, la pathogénie et le traitement des affections oesophagiennes et de la maladie ulcéreuse gastrique, les maladies ulcéro-inflammatoires du tube digestif, le diagnostic et le traitement des maladies  hépatiques chroniques et des affections  biliaires et pancréatiques ainsi que la prise en charge des affections proctologiques.

 

RAPPEL HISTORIQUE

 

Alors qu’il n’existait dans les années 70 que très peu de services hospitaliers en France consacrés uniquement à notre spécialité, notre très regretté Maître, le Pr. François HEULLY avait déjà orienté le service de Médecine C  vers les maladies de l’appareil digestif  dans les années  1960, toutefois ce ne fut qu’en 1979 que le service prenait définitivement la dénomination de service d’Hépatogastroentérologie.

Mais à vrai dire c’est encore beaucoup plus tôt que le Pr. HEULLY devait se consacrer  aux maladies de l’appareil digestif et  dans les années 50 il fut nommé responsable d’une salle de la médicale A dont le Pr. ABEL était alors le chef de service. C’est à cette époque qu’il s’intéressa  à l’endoscopie digestive dont le précurseur nancéen fut le Pr. MICHON. Parallèlement le Pr. Guy RAUBER  réalisait la première biopsie endoscopique avec l’endoscope de Benedikt. Commençait alors une longue période durant laquelle le Pr. HEULLY essaya de persuader ses collègues de l’intérêt de la technique. Mais, quelques années auparavant, le Pr. René GUTMANN, gastroentérologue très célèbre, n’hésitait pas à écrire  in « Le Syndrome douloureux de la Région épigastrique » « La gastroscopie est une méthode compliquée et pénible pour le malade. Nous nous demandons si l’appoint qu’elle donne au diagnostic et au traitement contrebalance ses désagréments ».

Loin de se décourager et malgré cette opinion qui aurait pu stopper immédiatement l’avenir de l’endoscopie haute, tant l’aura de ce professeur était grande, le Pr. HEULLY persévéra dans ses convictions et réussit à  transformer ses collègues les plus sceptiques en partisans inconditionnels de l’endoscopie.

Puis tout devait évoluer très vite avec l’arrivée du premier fibroscope en 1968 et l’H.G.E. avec son secteur d’endoscopie  devait devenir un des services très actifs du  CHU.

Par ailleurs, en 1973 le service quittait l’Hôpital  St-Julien pour s’installer au  9ème étage du CHU de Brabois qui venait  d’être mis à la disposition de l’ensemble des services hospitaliers de l’Hôpital Central qui s’y installèrent progressivement . Mais  malheureusement, pour des raisons mal connues, la totalité des services ne fut pas transférée comme cela avait été prévu initialement et un deuxième  grand bâtiment, identique et parallèle au premier dont les plans avaient été soigneusement étudiés, ne fut pas construit sur le site. C’est ainsi que devaient être individualisés deux pôles  hospitalo-universitaires sans que leur complémentarité ne se manifeste de façon très évidente.

A Brabois, le service d’H.G.E. comprenait initialement 103 lits dont un secteur de soins intensifs de 7 lits destiné à recevoir essentiellement hémorragies digestives, affections hépatiques graves et désordres métaboliques sévères consécutifs à des affections digestives. Les autres lits étaient répartis en 4 secteurs, comportant des chambres à 1, 2 et 3 lits. Dans les années 80 les chambres à 3 lits furent transformées en chambres à 2 lits pour essayer d’améliorer le confort des malades, ce qui bien sur réduisait le nombre global de lits.

En plus des locaux d’hospitalisation, le service disposait au rez-de-chaussée du bâtiment d’un secteur  d’endoscopie doté de 3 salles d’examen, d’une salle de réveil, d’une salle d’attente et d’un secrétariat.

Le service possédait également des locaux de consultation qui se sont progressivement développés ainsi que des locaux d’enseignement et une salle de conférence.

Par ailleurs, compte-tenu de ses relations constantes et efficaces avec d’autres services  dont l’activité était à l’évidence indispensable pour le développement harmonieux de la discipline, le service d’H.G.E. devait initier la création d’une  « Fédération des maladies de l’appareil digestif »  associant le service de Chirurgie C, le service de Radiologie de Brabois, le service d’anatomie pathologique et le service de Biochimie B, ce qui permit de mener à bien plusieurs travaux interdisciplinaires majeurs.

Rappelons d’autre part que compte-tenu de l’éloignement des 2 pôles hospitaliers, et pour des raisons évidentes de gestion, un Comité Consultatif  Médical (CCM)  émanation de la « Commission médicale d’établissement » fut créé sur chacun des deux sites et que  le Chef du Service d’H.G.E devait  prendre la Présidence de celui de l’Hôpital de Brabois. Pour des raisons mal connues ces comités devaient disparaître au cours des années 90.

Précisons enfin qu’au début des années 2000, en raison des nouvelles lois du travail, de la carence en personnel infirmier et des nouvelles règles hospitalières, le nombre de lits du service a du être réduit et un secteur définitivement fermé, ce qui n’a pas empêché le service de conserver une activité extrêmement importante, d’autant que certains examens endoscopiques et certaines thérapeutiques et notamment la chimiothérapie ne devenaient souvent justifiables que d’une hospitalisation de jour.

 

L’EQUIPE MEDICALE

 

Constituée lors de la création du service  d’un  Professeur chef de service, le Pr.  HEULLY, titulaire de la Chaire de Médecine Légale, et de 2 chefs de clinique, ainsi que de huit Médecins attachés, elle s’était enrichie en 1970 d’un  Pr. agrégé et d’un chef de clinique supplémentaire.

Par la suite furent nommés des praticiens hospitaliers, aujourd’hui au nombre de quatre, médecins hospitaliers plein temps, correspondant aux anciens médecins des hôpitaux.

Notre Maître le Pr. HEULLY ayant prématurément disparu en  1976 , laissant un vide considérable derrière lui et des regrets unanimes, son adjoint devenait  Professeur Titulaire et fut nommé dans son poste de chef de service en  1977. Un  Professeur Agrégé fut nommé en 1979, celui-la même qui devait à son  tour devenir Professeur titulaire et chef de service en 1997. Un Professeur spécialisé en Hépatologie fut enfin  nommé dans le poste rendu vacant par le départ en retraite  du premier successeur du Pr. HEULLY.

Ainsi depuis 1970, le service d’H.G.E. a toujours comporté 2 Professeurs, mais l’expérience  liée au surcroît de l’activité du service a largement démontré que la création d’un troisième  poste aurait été très utile sinon indispensable.

Il est à noter par ailleurs que ce n’est qu’en 1979 que fut créée la chaire des maladies de l’Appareil digestif (ou plutôt de l’Emploi puisque les chaires avaient été supprimées à la suite des événements de 1968) par le biais du transfert de l’Emploi de Médecine du Travail et de Réadaptation dont le Titulaire partant en retraite était le Pr. PIERQUIN.

Précisons enfin que par certains de ses membres, le service  d’H.G.E. devait occuper des postes de première responsabilité dans la société nationale  française de gastroentérologie, dans la société d’endoscopie, dans la société d’hépatologie, dans la sociéte nord-lotharingienne de gastroentérologie ainsi que dans l’Agence  française de sécurité sanitaire des produits de santé.

 

L’EVOLUTION DE LA DISCIPLINE

 

Depuis trente ans nous avons assisté à une  évolution très rapide des connaissances médicales et au vieillissement précoce d’idées que l’on croyait à l’épreuve du temps, qui aujourd’hui nous paraissent parfaitement anachroniques, et pour lesquelles nous sommes avons été conduits à défendre une conception totalement opposée à celle que nous avions soutenue quelques années auparavant.

« La perpétuelle remise en question des idées reçues serait-elle la seule attitude raisonnable ? »

Quoiqu’il en soit, il est évident que l’hépatogastroentérologie médicale est intimement liée à des disciplines voisines sans lesquelles aucun progrès n’aurait été possible. Nous voulons bien sûr parler de la chirurgie digestive avec la réalisation en première mondiale d’une hépatectomie droite élargie à gauche, avec la transplantation hépatique dont la première réalisée à Nancy en 1979 l’a été pour un malade atteint d’échinococcose alvéolaire,  avec aussi entre autres la consécration de la chirurgie coelioscopique non seulement biliaire mais aussi rectocolique et gastrique en cas de hernie hiatale.

Mais nous devons aussi souligner l’essor de la radiologie digestive avec l’apport considérable qu’ont représenté le Scanner, l’IRM, la cholangio-IRM. La lithotritie biliaire que nous réalisions en commun avec nos confrères radiologues dans les années 80 représentait une technique d’avant garde  qui devait toutefois à terme se révéler peu efficace et elle fut abandonnée.

La biologie a elle aussi beaucoup contribué à la progression de notre discipline avec des publications à retentissement international  sur le métabolisme de la vitamine B12 effectués par l’Equipes des Pr.  NICOLAS et GUEANT poursuivant les travaux du Pr. WOLFF  qui avaient abouti à l’isolement du Facteur intrinsèque en 1950. Les progrès réalisés par ces laboratoires dans les techniques diagnostiques et la mise au point de tests diagnostiques, notamment en pathologie pancréatique firent  aussi l’objet de  communications  dans la presse internationale. Enfin signalons la première description mondiale du récepteur de l’ANDROGEN BINDING PROTEIN.

Mais voyons  successivement ce que fut le devenir des différentes branches de notre discipline.

 

L’EVOLUTION EN ENDOSCOPIE, EN GASTROENTEROLOGIE, EN HEPATOLOGIE  ET EN PATHOLOGIE PANCREATIQUE

 

Evolution en endoscopie

L’Endoscopie, sous tous ses aspects, a très rapidement été considérée comme absolument indispensable au diagnostic de  très nombreuses affections hépatogastroentérologiques et fut très largement utilisée au CHU de Nancy.

Pour satisfaire tous les besoins  toujours croissants fut donc crée en 1973 un secteur d’endoscopie, indépendant des secteurs d’hospitalisation. Plusieurs techniques endoscopiques furent initiées à Nancy et rappelons d’abord que la première endoscopie haute réalisée à Nancy le fut en 1923 par le Pr. Paul MICHON  avec un gastroscope  semi-rigide dérivé du gastroscope de Schindler, dérivé lui-même de l’endoscope de DESORMEAUX dont un descendant de la famille habite encore Nancy.

 

Appareillage

Depuis 1974, les progrès effectués  dans la conception des appareils eux-mêmes n’ont pas été révolutionnaires. L’usage  de la vidéo-endoscopie s’est bien sur généralisé et  est devenue la règle. Il est à noter cependant quelques nouveautés dans le matériel : l’apparition de mini oesogastroscopes, d’entéroscopes et d’écho-endoscopes ainsi que d’endoscopes ZOOM. Les explorations au moyen de capsules vidéo- endoscopiques dégluties par le patient récupérées par voie basse et  autorisant dans une certaine mesure l’exploration de tout le grêle restent  encore d’utilisation assez peu répandue.

Par contre l’oesogastroscopie, la coloscopie, la laparoscopie et le cathétérisme endoscopique des voies biliaires sont devenus des examens banals devenus indispensables, chacun bien entendu dans les indications qui leurs sont  propres.

Il est à noter qu’en France, c’est à Nancy en 1970 qu’a été  réalisé le premier cathétérisme endoscopique des voies biliaires, par le Dr. JERANPIERRE, aujourd’hui malheureusement disparu. Les premiers cathétérismes des voies biliaires ayant été effectués en 1969 par McCUNE aux  USA puis par OI au Japon. Il est d’ailleurs à noter que ce même Docteur  OI est  venu à  Nancy en 1971. Les premières sphinctérotomies oddiennes, permettant l’extraction de calculs de la voie biliaire principale, puis la mise en  place de prothèses en cas de sténose cholédocienne,  furent effectuées au service en 1973 .

Dans un tout autre domaine, pour éviter les risques de transmission d’infections de tous types par les endoscopes, des techniques de désinfection  sophistiquées des appareils sont désormais mises en œuvre systématiquement avant chaque examen.

Enfin les techniques de préparation colique à la coloscopie furent revues et l’utilisation du Mannitol fut définitivement proscrite à la suite d’une explosion qui devait être fatale au cours d’une polypectomie.

C’est ainsi qu’il convient de rappeler que les gestes endoscopiques ne sont pas totalement exempts  d’accidents, bien que ceux-ci soient  extrêmement  rares,  et que la législation rend indispensable depuis quelques années une mise au courant très précise du patient sur les risques encourus du fait de l’acte qu’il va subir .

L’endoscopie devait finir par prendre une telle place dans la discipline hépatogastroentérologique qu’en 1973, il a été créé une « Attestation d’études spéciales en endoscopie digestive » à laquelle se sont inscrits tous les futurs spécialistes de la discipline.

 

Les possibilités diagnostiques et thérapeutiques de l’endoscopie

Toutes les techniques que nous allons évoquer sont pratiquées régulièrement à Nancy. Certaines  le sont depuis plusieurs dizaines d’années, d’autres sont d’utilisation plus récente, mais toutes ont fait l’objet de publications dans des revues médicales de grande diffusion.

 

L’endoscopie haute

Ses possibilités sont multiples. Outre la vision directe, la possibilité de réaliser des photographies des séquences filmées et bien sur  des biopsies dirigées de tous types, l’endoscopie haute permet d’effectuer de très nombreux gestes thérapeutiques.

Les gestes thérapeutiques au niveau de l’oesophage

Il est facile de réaliser des dilatations avec une sonde à ballonnet, de mettre en place  des prothèses en cas de sténose tumorale ou non, de pratiquer des scléroses et des ligatures de varices oesophagiennes. Il a été  par ailleurs possible de recourir au LASER ARGON dans les années 80 comme moyen palliatif de traitement des tumeurs oesophagiennes obstructives. Enfin la destruction endoscopique d’îlots d’endobrachyoesophage se banalise.

Les gestes thérapeutiques au niveau de l’estomac et du duodénum

Les  scléroses de varices tubérositaires et les injections d’adrénaline dans les lésions ulcérées hémorragiques sont de pratique courante  de même que  la dilatation de sténoses pylorobulbaires grâce à  des sondes à ballonnet. La gastrostomie par voie endoscopique réalisée très tôt à Nancy en 1981 a représenté un acquis très important  et l’on peut considérer que l’équipe nancéenne en fut l’un des pionniers.

Les gestes  thérapeutiques par l’abord de la papille duodénale

Grâce à un duodénoscope à vision latérale, cet examen réalisé à Nancy depuis 35 ans permet l’injection de produit de contraste dans les voies biliaires et pancréatiques et la réalisation à l’aide d’un sphinctérotome, d’une sphinctérotomie, rendant possible l’extraction de  calculs biliaires ainsi que la mise en place de prothèses biliaires en cas d’ictère du à une sténose de la voie biliaire  principale.

Au niveau de l’intestin grêle, les gestes thérapeutiques sont limités

Ils sont offerts par la duodénoscopie ainsi que par l’iléoscopie permise par la coloscopie. Par contre ces deux techniques associées à l’entéroscopie permettent de visualiser, de biopser et par suite de diagnostiquer une partie importante des affections du grêle qui très souvent atteignent la paroi intestinale de façon diffuse. L’exploration du grêle dans sa totalité a par la suite été rendue possible au moyen d’une capsule vidéoendoscopique, utilisée très tôt à Nancy. Ses pouvoirs diagnostiques, bien que prometteurs, restent encore à préciser.

 

L’endoscopie basse

Il est inutile d’insister sur l’immense intérêt de la rectosigmoidoscopie et sur celui  de la coloscopie qui  en plus de leur importance diagnostique permettent des gestes thérapeutiques tels que des résections de polypes, des dilatations de sténoses, voire même la mise en place de prothèses palliatives en cas de cancer sténosant non opérable. La coloscopie virtuelle, technique avant tout radiologique qui commence à se développer ne présente évidemment qu’un intérêt diagnostique. Par ailleurs en utilisant le Plasma Argon, l’endoscopie basse permet de lutter efficacement contre des lésions hémorragiques diffuses telles que par exemple des rectorragies consécutives à une radiothérapie pelvienne.

 

L’anuscopie

Elle est  aussi une endoscopie fondamentale. Elle a permis, grâce à des techniques interventionnelles nouvelles sur la sphère anale de régler plus rapidement des affections extrêmement pénibles telles que  les fissures anales, les thromboses hémorroïdaires aiguës, les ulcérations anorectales plus ou moins chroniques, mais aussi toute une pathologie plus banale, moins grave mais toutefois gênante. L’Ecole Gastroentérologique de Nancy est  actuellement  la référence nationale en ce domaine.

 

L’échoendoscopie

Les premiers échoendoscopes ayant été mis sur le marché il  y a une quinzaine d’années, les premières échoendoscopies hautes réalisées dans l’Est de la France l’ont été à Nancy en 1991. Cette technique d’un intérêt majeur permet d’explorer les zones péri-tumorales, d’apprécier l’extension de la tumeur et de préciser l’envahissement ganglionnaire proximal. Cette échoendoscopie trouve tout son intérêt dans l’exploration des lésions oesophagiennes, médiastinales, gastriques, duodénales, hépatobiliaires et pancréatiques.

 

La laparoscopie

Très développée à Nancy  bien avant les années 70, elle permet d’inspecter la cavité abdominale et de faire des biopsies dirigées. Actuellement moins utilisée, elle reste encore intéressante dans les affections diffuses de la cavité abdominale. Elle devint technique opératoire par la suite,  et permit alors aux chirurgiens de réaliser des cholécystectomies,  des résections intestinales, des cures de hernie hiatale et d’autres gestes chirurgicaux.

 

L’EVOLUTION EN GASROENTEROLOGIE MEDICALE

 

Dans ce domaine, l’évolution a été majeure, tant en ce qui concerne la pathogénie de la maladie que son diagnostic  et son traitement. Bien connues avant 1974, les maladies non cancéreuses de l’œsophage et la pathologie ulcéreuse gastroduodénale ont grandement bénéficié de la mise sur le marché depuis les années 80 d’antisécrétoires efficaces et notamment des inhibiteurs de la pompe à protons, ce qui a contribué à rendre très rares les indications de la chirurgie pour des affections ulcéreuses non néoplasiques.

Par ailleurs la mise en évidence de l’Helicobacter pylori comme facteur favorisant la genèse ulcéreuse a permis par une antibiothérapie adaptée d’augmenter encore le nombre de bons résultats dans  le traitement de la maladie ulcéreuse.

La reconnaissance de maladies de Crohn à localisation oesophagienne nous a permis d’attirer l’attention sur cet aspect très peu connu de cette affection.

En ce qui concerne les lésions néoplasiques de l’œsophage dont la fréquence ne diminue pas, aucune amélioration des moyens thérapeutiques ne s’est malheureusement manifestée de façon spectaculaire, par contre la prévention de l’endobrachyoesophage grâce aux inhibiteurs de la pompe à protons a constitué un progrès très appréciable.

De très grands progrès ont par contre été réalisés dans la connaissance, le diagnostic et le traitement des maladies de l’intestin grêle, du colon, du rectum et de la région anale.

Le recours à l’endoscopie et à la tomodensitométrie a rendu pratiquement obsolète les différentes techniques d’opacification barytée.

Dans les affections ulcéro-inflammatoires du colon, les schémas thérapeutiques sont devenus plus efficaces et l’utilisation d’anti-TNF-alpha a permis d’améliorer très notablement les formes de maladie de Crohn insensibles aux immunosuppresseurs et devenues cortico-dépendantes ou cortico résistantes.

Il faut souligner en outre l’intérêt tout particulier de ces médications dans les localisations anorectales de la maladie particulièrement invalidantes, résistantes aux traitements classiques et le service d’H.G.E ayant acquis une très grande expérience dans  l’utilisation de ces médications  est devenu le centre de référence dans l’accueil des maladies de Crohn.

De plus la possibilité de recours à des techniques interventionnelles très sophistiquées a encore accru très notablement le coté attractif du service pour les malades qui commençaient à croire qu’ils avaient perdu tout espoir d’être améliorés.

En pathologie cancéreuse colique la mise en place de  chimiothérapie adjuvante efficace après une chirurgie à visée curative, a permis d’améliorer très notablement le pronostic à 5 ans des tumeurs classées C1 ou T3 N1 MO.

Enfin le dépistage systématique du cancer du colon  qui va bientôt être généralisé en France  permet de réduire de  façon  très importante l’incidence de ce cancer qui demeure l’un des cancers les plus fréquents.

En 1979 le service d’H.G.E. avait déjà publié les résultats qui s’étaient montrés intéressants d’une campagne de  dépistage, qui toutefois ne s’adressait qu’à une communauté bien définie ou existait une forte incitation à se soumettre au test Hemoccult.

Actuellement une nouvelle campagne de dépistage en Meurthe et Moselle, initiée par le service d’H.G.E. va bientôt être lancée.

En Proctologie les techniques thérapeutiques se sont aussi  très nettement améliorées et permettent la guérison d’affections particulièrement pénibles telles que les hémorroïdes compliquées, les fissures et les fistules.

 

EVOLUTION EN HEPATOLOGIE

 

De très importantes découvertes ont été enregistrées ces trente dernières  années et la discipline, dont la naissance fut un peu difficile, devait s’affirmer définitivement.

 

Dans le domaine  du diagnostic et du traitement

L’identification du virus de l’hépatite B par Blumberg en 1963, puis la mise au point  de la vaccination contre le VHB en 1982 représentèrent une étape majeure dans l’évolution de l’hépatologie et permirent de faire des progrès considérables dans la lutte contre cette hépatite responsable de 300 millions de sujets infectés dans le monde, sujets à risque majeur d’hépatocarcinome.

C’est ainsi que le vaccin contre le virus B représente le premier vaccin anticancéreux connu dont l’efficacité est incontestable et dont les effets secondaires (SEP) sont non démontrés. Il est d’ailleurs à noter que la presque généralisation de cette vaccination en France a permis de réduire de façon spectaculaire la prévalence de cette maladie et réduit pratiquement à zéro le risque transfusionnel. Malheureusement la non-vaccination ou l’insuffisance de vaccination dans les pays d’endémie font que dans ces parties du monde, l’hépatocarcinome reste une des tumeurs les plus fréquentes.

La  mise en évidence du VHC en 1989 par des techniques de biologie moléculaire  a constitué une autre étape très importante en hépatologie. Elle a permis elle aussi de diminuer considérablement le risque post -transfusionnel, mais puisqu’il n’existe pas encore de vaccin, la  transmission reste encore très importante chez les toxicomanes.  Cependant le cas de transmission du VHC que nous avons pu observer au décours d’une coloscopie démontre qu’il existe encore quelques voies ignorées de contamination. Enfin un travail  a attiré l’attention sur le rôle joué par le VHC en cas de lymphome hépatique.

Il  faut par ailleurs  souligner le perfectionnement du diagnostic sérologique de ces hépatites et la pratique courante de la PCR qui permet de mettre en évidence l’ADN ou l’ARN viral et d’affirmer le caractère évolutif de la maladie.

Qu’il s’agisse du virus  B ou du virus C, l’on dispose actuellement d’antiviraux efficaces, surtout en cas de virose C. Mais aucun traitement ne permet encore en 2004 d’obtenir plus de 50 pour cent de guérisons.

Des essais thérapeutiques divers, auxquels participe activement le service depuis plus de 10 ans en cas d’hépatite VHC sont toujours en cours  et l’un d’eux a permis notamment d’apprécier l’intérêt de l’Interféron chez les  hémophiles contaminés par le VHC. Récemment  par ailleurs vient de débuter un essai  portant sur une trithérapie dont on attend beaucoup.

Quoiqu’il en soit le traitement le plus reconnu actuellement  semble bien être celui qui associe Peg-Interferon et Ribavirine.

En ce qui concerne le traitement de l’hépatite B, un protocole comportant une bithérapie associant un nouvel antiviral, le Pegasys à la Lamivudine est en cours et  semble prometteur .

Enfin rappelons que pour apprécier l’importance de l’atteinte hépatique, ce qui est capital avant la mise en œuvre d’un traitement,  le  Fibro-test (dosage de 5 marqueurs indirects de fibrose : alpha-2-macroglobuline, haptoglobine, apolipoproteineA1, bilirubine totale, gammaglutamyltranspeptidase) pourrait par son caractère non invasif, se substituer à la ponction  biopsique de foie, mais sa valeur réelle reste encore à évaluer.

Dans un tout autre domaine, nous avons pu malheureusement constater l’effet toxique chez 4 patients parmi lesquels un devait décéder, d’un tranquillisant largement prescrit en son temps , ce qui nous a conduit bien entendu à le faire retirer immédiatement de la vente.

Ces différents aspects des hépatites virales ont donné lieu évidemment a un certain nombre de travaux au niveau du service. Le premier qui devait donner lieu à des polémiques sérieuses (dont une critique assez violente parue dans le journal Le Monde)  fut celui concernant les conséquences de la prescription de corticoïdes dans les hépatites dont nous avions pu montrer qu’elle aggravait  les formes chroniques et qu’elle favorisait l’évolution des formes aiguës vers la chronicité. Le Bien fondé de notre opinion fut d’ailleurs et heureusement, rapidement reconnu.

Puis d’autres travaux moins médiatiques insistaient par exemple sur le rôle aggravant dans ces hépatites de la co-infection VIH, de la co-infection B en cas d’hépatite C et sur le rôle majeur joué par l’alcool dans l’évolution vers la cirrhose et vers l’hépatocarcinome.

Et puis la transplantation hépatique a constitué un progrès exceptionnel dans le traitement des hépatites malignes, mais aussi dans celui des cirrhoses de toutes origines et même dans celui de lésions  cancéreuses peu étendues.

A noter enfin  dans le cas de l’hépatocarcinome la possibilité de chimio-embolisation dont l’efficacité a pu être comparée à la résection et à la transplantation et publiée dans une revue internationale.

A noter que sur le plan physiopathologique a pu être réalisée une étude sur le rôle des stéroïdes sexuels et de leurs récepteurs dans la physiopathologie du carcinome hépatocellulaire qui a permis de mieux comprendre la pathogénie de cette tumeur

 

Dans le domaine épidémiologique

Il a été constitué à Nancy dés le début des années 90 un Registre des hépatites C,  recensant initialement toutes les hépatites virales C de Lorraine. L’analyse de ce registre a été à l’origine d’un certain nombre de travaux et de thèses de doctorat. Ce Registre, qui  continue à répertorier  les nouveaux cas recensés, qui d’année en année sont infiniment moins nombreux et qui ne concernent pratiquement plus que des toxicomanes, permet maintenant d’apprécier les réponses aux différents traitements mis en œuvre.

 

EVOLUTION EN PATHOLOGIE PANCREATIQUE

 

D’immenses progrès diagnostiques  ont pu être  accomplis depuis 1974 grâce au recours au scanner, à l’IRM, à la cholangio-IRM, qui ont rendu relativement faciles les diagnostics de pancréatite aiguë et chronique, de tumeur pancréatique, grâce à l’école radiologique nancéenne qui devait  être considérée en la matière comme un précurseur.

Des progrès thérapeutiques  ont aussi été rendus possibles grâce au cathétérisme endoscopique de la papille qui autorise dans certains cas des gestes thérapeutiques efficaces, notamment en cas de sténoses de la voie biliaire principale par une tumeur  pancréatique, ou par un cholangiocarcinome par mise en place d’une prothèse ainsi qu’en cas de calcul enclavé dans l’ampoule de Vater qui sera évacué après réalisation d’une  sphinctérotomie.

Mais l’école nancéenne s’est également beaucoup intéressée au diagnostic biologique des affections pancréatiques, en évaluant  la valeur d’un test de dégradation de l’haptocorine dans l’insuffisance pancréatique chronique et en démontrant l’existence d’une malabsorption de la vitamine B12 dans cette même affection.

Par ailleurs un nouveau test  utilisant l’apolipoproteineB-48 plasmatique post-prandiale évaluant la malabsorption lipidique en cas de pancréatite chronique était mis au point par ce même laboratoire.

 

Ainsi, comme il a été dit au début de cet aperçu  de l’histoire de l’hépatogastroentérologie  depuis les années  70, des progrès considérables ont été réalisés dans l’évolution de la discipline et l’équipe nancéenne a  très largement contribué  à cette amélioration.

Si l’intelligence des hommes, leur capacité de travail, leur dévouement n’ont pas varié, les découvertes dans le domaine fondamental, le perfectionnement de techniques déjà connues antérieurement, l’apparition de nouvelles techniques,  les moyens  mis à disposition, ont conduit  à  la réalisation de progrès considérables, ce qui a permis « in fine », comme dans les autres disciplines médicales et chirurgicales de se rapprocher de plus en plus  du but recherché, LE BIEN DU MALADE.