La Société de Médecine de Nancy (1842-1969)

 

François STREIFF

 

Annales Médicales de Nancy, 1970, IX, 1-20

 

 

 

 

Le besoin d'échapper à l'individualisme dont les progrès croissants menacent l'honneur de notre profession, et le désir de profiter mutuellement des connaissances acquises isolément, telles furent les causes puissantes qui réunirent rapidement les membres actuels de notre Société. Ainsi, le 16 octobre 1843, Edmond SIMONIN, fondateur de la Société de Médecine de Nancy, définissait-il dans son rapport annuel sur la première année d'activité, les raisons qui conduisirent six jeunes médecins à fonder cette Société de Médecine (C. R. Soc. Med. Nancy, 1844, page 4).

Depuis 127 ans maintenant, la Société de Médecine poursuit ses activités, avec son rythme immuable depuis le début, avec des fortunes diverses aussi, il faut bien l'avouer, reflétant indirectement les événements et les mutations nombreuses dont elle a été le témoin au cours de son histoire.

Mais son histoire même menace de sombrer dans l'oubli : quel membre actuel de la Société connaît-il la date de sa fondation, le nom de son fondateur ; quel membre de la Société a-t-il connaissance des statuts de la Société ; quel membre de la Société connaît-il l'existence d'un diplôme décerné à chaque impétrant, d'un sceau de la Société ? Il est saisissant de constater la rapidité avec laquelle les choses tombent dans l'oubli.

Il s'avère cependant que la Société de Médecin, avec ses 127 années d'âge, est une institution déjà fort respectable, et que son histoire est attachante à plus d'un titre  sa genèse, en effet, est indissociable d'une phase cruciale de l'histoire de l'enseignement de la médecine en Lorraine, de sa restauration officielle cinquante ans après la hargne destructrice d'une révolution qui, sous un idéal égalitaire avait en fait détruit toute formation médicale sérieuse et fait sombrer la profession médicale dans la médiocrité et l'anarchie la plus scandaleuse.

Il nous a paru intéressant, pour toutes ces raisons, de rassembler les rares documents d'archives que nous avons pu retrouver et de tenter de reconstituer l'histoire aujourd'hui oubliée de la Société de Médecine de Nancy.

 

LES GRANDES ÉTAPES DE L'ENSEIGNEMENT MÉDICAL EN LORRAINE

 

Il n'est pas dans notre propos de nous livrer ici à une étude de l'histoire de l'enseignement de la médecine en Lorraine, mais il nous paraît indispensable d'en retracer brièvement les grandes étapes de son évolution afin de mieux saisir dans quel contexte se situent les origines de la Société de Médecine, ainsi que son évolution.

C'est par la bulle In supereminenti du 5 décembre 1572 que le Pape Grégoire XIII crée l'Université de Pont-à-Mousson à la demande pressante du Duc Charles III et de son cousin le Cardinal de Lorraine, frère du Grand Duc de Guise. En fait, ce n'est que quelques années plus tard que fut effective la création de la Faculté de Médecine le 25 octobre 1592 seulement, Toussaint FOURNIER ouvre les premiers cours, et surtout en 1598 Charles LEPOIS organise véritablement la Faculté de Médecine dont il est le premier Doyen.

La Faculté de Médecine de Pont-à-Mousson va donc exercer de 1598 à juillet 1768, date du transfert de l'Université de Pont-à-Mousson à Nancy, deux ans après la mort du roi Stanislas qui, malgré de nombreuses sollicitations, n'avait osé décider de ce transfert.

Cependant, dès 1752, cédant aux instances de Charles BAGARD (1696-1772), son premier médecin ordinaire, Stanislas par lettres patentes du 15 mai 1752 créait le Collège Royal de Médecine dont Charles BAGARD fut le premier Président, et qui se réunit place Royale, dans le pavillon abritant actuellement le musée des Beaux-Arts.

Enfin le 19 juin 1770, des lettres patentes du roi créaient le Collège Royal de Chirurgie, après maintes difficultés et péripéties.

A la veille de la Révolution Française, il existait donc à Nancy trois institutions officielles assurant la formation médicale, la Faculté de Médecine depuis 1768, le Collège Royal de Médecine depuis 1752, le Collège Royal de Chirurgie depuis 1770.

Si Faculté et Collège Royal de Médecine réussirent une association très relative, en cohabitation dans le pavillon de la place Royale, facilitée en 1778 par la mise à la disposition de la Faculté de la nouvelle Université place de Grève (Bibliothèque municipale actuelle), il n'en reste pas moins vrai que trois institutions officielles coexistaient avec plus ou moins de rivalité.

La Révolution devait régler toutes ces rivalités, mais hélas aussi supprimer tout enseignement médical officiel : le décret du 18 avril 1792 de l'Assemblée Constituante mettait un terme à l'existence légale de toute Université, Faculté, Collège Royal ; le décret du 8 avril 1793, pris par la Convention à l'instigation notamment de notre célèbre Abbé Grégoire, supprimait de plus toutes Académies et sociétés littéraires.

Il ne reste donc rien pour assurer la formation médicale, et la profession tombe alors dans une anarchie totale, bien relatée par FOURCRAY. La Convention elle-même s'en émeut et décide par la loi du 14 frimaire an III (4.12.1794) la création de trois Ecoles de Médecine à Paris, Montpellier, Strasbourg. Le 12 prairial an V (3.5.1797), un rapport de CALES proposait la création de cinq écoles, dont Nancy ; le rapport n'eut pas de suite.

C'est alors que, par leurs initiatives privées, par leur dévouement, des médecins nancéiens vont œuvrer sans relâche à la restauration de cet enseignement médical en Lorraine.

Dès 1792, J.B. SIMONIN (ex-professeur au Collège Royal de chirurgie) entreprend de poursuivre seul un enseignement particulier de la médecine. Le 25 thermidor, an IV, se crée une « Société de Santé de la commune de Nancy » qui assure les soins aux indigents et s'installe dans les locaux du ci-devant Collège Royal de Médecine ; y distribuent leur enseignement les professeurs SIMONIN, LALLEMAND, MANDEL, NICOLAS, SALMON, WILLEMET, mais sa durée n'est qu'éphémère.

Dès 1802, Alexandre de HALDAT avec le Docteur HENRY dispensent un enseignement particulier de la médecine. De même, J.B. SIMONIN, père et fils, exercent leur enseignement particulier dès 1807. En 1809, ces deux enseignements privés sont réunis.

Ces médecins se constituent alors en Ecole libre de Médecine le 2 frimaire an XI (en accord avec les règlements administratifs du 20 prairial an XI), école qui exerce au Palais Ducal, renforcée par la venue de SERRIERE et de BONFILS.

Le 17 juillet 1822, le ministre de l'Intérieur autorise « à appliquer à l'école particulière de médecine établie à Nancy les règlements adoptés pour l'enseignement et la discipline dans les écoles secondaires de médecine », en application de l'ordonnance du 18 mai 1820. Ainsi renaît en 1322 l'enseignement officiel de la médecine à Nancy.

C'est, nous le verrons, dans cette période que se situe la naissance de la Société de Médecine de Nancy, voulue par ces mêmes hommes que nous venons de citer.

Le 17 octobre 1843 l'Ecole secondaire est transformée en Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie de Nancy » en conformité avec les ordonnances royales du 13.10.1840 et du 12.3 et 18.4. 1841. L'Ecole s'installe alors dans l'actuelle Bibliothèque municipale ; elle est réorganisée par décret du 6 décembre 1854 ; elle s'installe dans l'aile droite du Palais de l'Académie le 17 novembre 1862 (actuelle Faculté de Droit).

La guerre de 1870 et ses séquelles douloureuses allaient entraîner comme conséquence le rétablissement de la Faculté de Médecine de Nancy. Le 21 mars 1872, l'Assemblée Nationale vote le transfèrement de la Faculté de Médecine et de l'Ecole Supérieure de Pharmacie de Strasbourg. Le 1e' octobre 1872, THIERS signe le décret. La Faculté de Médecine s'installe alors dans les locaux de l'Ecole préparatoire, puis dès leur construction terminée dans les actuels locaux (Institut anatomique inauguré le 28 juin 1896 - installation totale et définitive en 1902, rue Lionnois, à proximité immédiate de l'Hôpital général des Cliniques, édifié sur le terrain dit de la Prairie, inauguré le 5 novembre 1882). Depuis lors, la Faculté de Médecine de Nancy a connu une évolution continue et persévérante qui lui a donné l'activité et le rayonnement que nous connaissons aujourd'hui.

 

PRÉCURSEURS DE LA SOCIÉTÉ DE MÉDECINE

 

Il est difficile de savoir si bien avant 1842 d'autres académies, sociétés ou associations médicales, existèrent en Lorraine. Peu de documents subsistent en la matière. Au seizième siècle, Hugues des Hazards, évêque élu de Toul en 1506 (mort en 1517) aurait remis aux chirurgiens de Nancy un titre les réunissant en une confrérie sous l'invocation de Saint-Cosme et Saint-Damien ». Cette confrérie aurait eu une chapelle particulière dans l'ancienne église Saint-Epvre). Ces faits sont allégués par SIMONIN qui, en 1843, présenta aux membres de la Société un parchemin du XVI` siècle en témoignant ; ce manuscrit est à ma connaissance égaré. De toute façon, cette confrérie avait vraisemblablement des préoccupations surtout corporatives », visant à éliminer les charlatans » que le même évêque Hugues des Hazards excommuniait dans ses statuts synodaux (1515).

Le Collège Royal de Médecine peut sans aucun doute être considéré en partie comme une académie et faire figure d'un précurseur des Sociétés Savantes médicales. Les règlements et statuts joints aux lettres patentes du 15 mai 1752 en portant création, prévoient des attributions multiples à ce collège. C'est ainsi que le collège se réunit une fois par mois pour discuter des matières qui concernent la médecine ; des mémoires et des observations y étaient présentés, une bibliothèque était fondée, en bref le Collège fonctionnait comme une académie. Mais ses attributions débordaient de loin cette seule vocation il avait également des prérogatives sanitaires, il surveillait les pharmacies et surtout il constituait un véritable établissement d'enseignement, but essentiel que poursuivait son fondateur Charles BAGARD.

Le Collège Royal de Chirurgie par contre ne fonctionna pratiquement pas en tant qu'académie ses préoccupations étaient essentiellement d'enseignement et de contrôle de l'art chirurgical dans la région.

De toute façon, le 8 août 1793, un décret promulgué sur proposition de l'Abbé Grégoire, rapporteur du Comité de l'Instruction Publique, portait suppression de toutes académies et sociétés littéraires patentées ou dotées par la nation.

La Société de Santé de la Commune de Nancy » créée le 25 Thermidor an IV peut-elle être considérée comme un précurseur de la Société de Médecine ? Il est assez difficile de répondre à cette question, bien étudiée récemment dans la thèse de Mlle A. WANG, inspirée par le Doyen BEAU.

En effet le préambule du règlement précise

Les citoyens de la commune de Nancy... ont résolu de profiter de l'autorisation accordée par l'article CCC de la constitution et de former un établissement d'instruction et de bienfaisance, sous le nom de Société de Santé, pour se communiquer réciproquement leurs connaissances, instruire par des leçons... »

L'article VII du règlement de cette société prévoit bien des prérogatives académiques La société s'assemblera le 15 de chaque mois, à trois heures de l'après-midi... Le secrétaire rendra compte des mémoires qui auront été adressés à la Société... Ensuite les membres communiqueront les observations qu'ils auront faites... »

Il semble bien que la société se soit fixé trois objectifs essentiels avant tout rétablir un enseignement organisé de la médecine, puis s'intéresser aux questions de salubrité publique, enfin et en ce qui nous intéresse constituer une véritable académie.

La Société ne devait pas survivre à l'an XII (1803­1804).

 

GENÈSE DE LA SOCIÉTÉ DE MÉDECINE DE NANCY

 

Si la première séance de la Société de Médecine se tient le 8 octobre 1842, au domicile du Dr Edmond SIMONIN, ainsi qu'en témoigne le cahier de procès-verbaux que j'ai eu la bonne fortune de retrouver, il semble que les premières tentatives de constitution de la Société remontent à 1832.

En effet, une lettre du 3 janvier 1833 de M. ARNAULT, Préfet de la Meurthe, adressée au Maire de Nancy, conservée aux Archives départementales, peut le faire croire. Dans cette missive, le préfet fait part de sa transmission au ministre de l'instruction publique « du projet de règlement relatif à la Société que désirent former les médecins et officiers de santé de Nancy », et informe le maire de la réponse du ministre une simple décision préfectorale suffisait alors pour autoriser la formation d'une société scientifique de plus de vingt membres, une ordonnance ministérielle étant nécessaire toutefois pour conférer à cette société un caractère d'Etablissement public. En dessous du chiffre de 20 membres, aucune autorisation particulière n'était exigée. Le ministre faisait cependant remarquer que la société en question se présentait comme une sorte de continuation de la commission de salubrité publique formée à l'occasion du choléra qui venait de ravager la France en 1832, et il redoutait quelque rivalité ou double emploi.

C'est donc comme société scientifique seulement que la Société de Médecine de Nancy doit exister » précise le ministre, et il demande en conséquence de modifier les articles 18 et 19 du projet de règlement, qui annonçaient justement l'intention de la Société de s'occuper particulièrement des épidémies et épizooties »­

Après cette première tentative, les efforts durent être poursuivis pour constituer la Société ; aucun document n'existe en témoignant. Toujours est-il que le 8 octobre 1842 la société dite alors « des conférences médicales de Nancy » se réunit pour la première fois chez Monsieur le Docteur Edmond SI­MONIN sont présents MM. DEMANGE, LEWYLIER, Léon PARISOT, Victor PARISOT et WINTER. Le procès-verbal de la séance relate les faits : Lecture par M. Edmond SIMONIN d'une note formulant nettement le but de la réunion. Mise en commun des journaux de médecine. Nomination d'un bureau provisoire composé de Edmond SIMONIN, président, et de Victor PARISOT, secrétaire-archiviste-trésorier. La durée des fonctions des membres du bureau sera égale au temps nécessaire à la discussion et à l'adoption d'un règlement ». Une commission composée de MM. Ed. SIMONIN et V. PARISOT est chargée d'élaborer le projet de règlement.

La Société existe donc, elle se réunit deux fois par mois. Tout en poursuivant l'élaboration de son règlement, elle manifeste déjà une activité scientifique régulière et remarquable.

L'élaboration des statuts paraît avoir été assez laborieuse, ainsi qu'en témoigne le cahier des procès-verbaux : le 27 octobre 1842, lecture des trois premiers titre, le 24 novembre lecture du projet en­tier par E. SIMONIN, le 12 janvier 1843 lecture et vote sur les quatre premiers titres, le 26 janvier 1843 lecture et vote sur l'ensemble : le règlement est définitivement adopté.

Le 9 février 1843, en conséquence, le bureau provisoire s'efface et un bureau définitif est élu :

M. de HALDAT président, SIMONIN père (J.B.) vice-président, Ed. SIMONIN secrétaire-trésorier-archiviste. M. de HALDAT informe alors par lettre du 10 avril 1843 le maire de Nancy de la formation d'une Société des Conférences Médicales de Nancy ; constituée de moins de 20 membres, elle ne nécessitait pas alors une autorisation légale.

II apparaît vite cependant que le cap critique des 20 membres doit être atteint et qu'en conséquence une autorisation préfectorale doit être sollicitée. Aussi, le 13 juillet 1843, une commission composée de MM. BECHET, V. PARISOT et Ed. SIMONIN est chargée de préparer les modifications des statuts dans ce but.

Le 27 juillet 1843, les titres 1 et 2 sont discutés puis, le 14 décembre 1843, le règlement définitif est discuté et adopté.

Le 16 décembre 1843, M. SIMONIN père l'adresse au Préfet en sollicitant son approbation après avis ministériel.

Le 24 mai 1944, la Société devenue « Société de Médecine de Nancy » reçoit un agrément provisoire, ainsi qu'en témoigne un extrait d'inventaire des sociétés savantes conservé aux Archives départementales. Mais par lettre du 8 juin 1844, le maire de Nancy informe le Président de la Société de la réponse faite par Monsieur le Ministre de l'Intérieur (le 24 mai), à Monsieur le Préfet de la Meurthe : il est demandé de préciser ou modifier trois points du règlement pour que l'agrément devienne définitif.

1 - Le nombre des membres doit être limité.

2 - II convient de préciser à l'art. 51 que toute modification ultérieure du règlement sera soumise à l'approbation ministérielle.

3 - Le lieu des séances doit être précisé.

Dans sa séance du 13 juin 1844, la Société décide alors de limiter le nombre de ses membres titulaires à 25.

Le 14 juin 1844, demande est faite au maire de Nancy de pouvoir tenir séance dans la salle de lecture de la bibliothèque publique. Par réponse du 29 juin 1844, l'accord du maire est donné. Le 27 juin 1844 le règlement ainsi modifié est adressé au Préfet et au Maire de Nancy.

Le 10 novembre 1844, une lettre du maire de Nancy, conservée dans le cahier des correspondances, informe le Président de la Société que « les modifications au règlement de la Société de Médecine indiquées dans la lettre de M. le Ministre de l'Intérieur en date du 24 mai dernier ayant été effectuées, cette Société a reçu de Monsieur le Ministre l'autorisation de se constituer de manière légale ».

On peut donc conclure que si la Société des Conférences Médicales de Nancy a vu le jour le 8 octobre 1842, c'est le 10 novembre 1844 que la Société de Médecine de Nancy a reçu son acte de naissance officielle, après un agrément provisoire du 24 mai 1844.

Telle est la genèse, reconstituée d'après les cahiers de procès-verbaux, cahiers de correspondance et autres pièces d'archives retrouvées, de la Société de Médecine de Nancy.

 

LE RÈGLEMENT DE LA SOCIÉTÉ DE MÈDECINE - SES MODIFICATIONS

 

I. - LES PREMIERS PROJETS DE RÈGLEMENT

Ainsi que cela a été signalé précédemment, un premier projet de règlement avait été élaboré dès 1832 la lettre du 3 janvier 1833 en témoigne, mais ce règlement même a aujourd'hui disparu. On peut se demander si cette première tentative de création d'une Société de Médecine était due à l'équipe des six médecins de 1842 ; on peut même en douter d'après les termes du discours d'Edmond SIMONIN, prononcé le 16 octobre 1843, lorsqu'il évoque « ceux qui, plusieurs fois avant eux, l'avaient tenté en vain ».

De même, aucun document ne subsiste en ce qui concerne le règlement adopté au cours de la séance du 26 janvier 1843. On peut toutefois estimer qu'il est peu différent de celui qui fut adopté par la Société le 14 décembre 1843. Ce dernier projet lui-même n'a pu être retrouvé.

On connaît, ainsi que nous l'avons vu, les trois modifications qui furent apportées à la demande du ministre de l'intérieur à ce règlement du 14 décembre 1843 et qui permirent de rédiger le règlement définitivement adopté par l'autorité de tutelle en novembre 1844.

Ce dernier règlement lui-même n'a pu être retrouvé, mais il est facile de le reconstituer : en effet, nous possédons !e règlement imprimé en 1853 à la suite des modifications de 1851 et 1852, mais sur lequel les dites modifications sont imprimées en italique. Il est donc permis sur ce document de faire une analyse du règlement approuvé en novembre 1844.

 

II. - LE RÈGLEMENT INITIAL DE LA SOCIÉTÉ

(14.12.1843 - modifié, approuvé en novembre 1844)

Le titre I définit le but et les travaux de la Société.

La Société a pour but

1 - Le maintien parmi ses membres de l'honneur de la profession médicale.

2 - La communication réciproque des connaissances acquises isolément par ses membres, dans toutes les parties de l'art de guérir, et dans toutes les sciences accessoires, soit par la pratique, soit par l'étude. »

« La Société s'interdit toute question étrangère aux sciences médicales et à l'exercice de l'art. »

Le titre Il étudie la composition de la Société. Elle se compose

1 - De membres titulaires, dont le nombre a été fixé à 25 (séance du 13 juin 1844), choisis parmi les docteurs en médecine ou en chirurgie résidant dans l'un des trois cantons de Nancy, après avoir fait connaître leur désir par écrit, présenté leur diplôme, et avoir fait en personne une visite à chacun des membres. Une commission est alors désignée, de trois membres, qui élaborent un rapport sur les titres et moralité du candidat. Le candidat est alors élu à bulletin secret.

« Si pendant six mois consécutifs, un membre titulaire n'a assisté à aucune séance de la Société... il est censé renoncer à son titre de membre (Art. X... toujours en vigueur d'ailleurs !).

2 De membres libres, que des motifs légitimes- empêchent de remplir les devoirs imposés aux membres titulaires ».

3 - De membres correspondants résidants, choisis parmi les officiers de santé, pharmaciens, vétérinaires et autres personnes distinguées...

4 De membres correspondants non résidants, choisis parmi les docteurs en médecine et chirurgie, et les autres catégories citées, résidant en dehors de Nancy.

Le titre III traite de l'administration.

Elle comprend un président et un vice-président élus pour un an, un secrétaire de correspondance et un secrétaire-archiviste-trésorier ; ce dernier est chargé de la rédaction des procès-verbaux.

Le titre IV régit les séances.

« La Société s'assemble régulièrement le deuxième et le quatrième mercredi de chaque mois à six heures et demie du soir, dans le salon de lecture de la Bibliothèque publique. » Art. XXXIV.

La durée des séances est de une heure et demie.

« Les membres de la Société ont seuls le droit d'assister aux séances. « Art. XXXV.

L'ordre des séances, les présentations, les délibérations font l'objet des articles XXXVII à XLIV.

Le titre V traite « des publications ».

Un précis des travaux de la Société, rédigé annuellement par le secrétaire de bureau, est imprimé après avis favorable. Les dépenses d'impression sont portées par la Société entière.

Le titre VI étudie les recettes et les dépenses.

Enfin, le titre VII, sous la rubrique « dispositions générales » traite notamment des modalités nécessaires à toute modification du règlement.

Tel se présente, brièvement analysé, le règlement initial de la Société de Médecine de Nancy. Il va subir de nombreuses modifications, certaines approuvées par l'autorité de tutelle et donc légales, d'autres plus récentes, apparemment illégales... car non soumises à cette approbation.

 

III. - MODIFICATIONS DE 1853

Dès 1849, un certain nombre de modifications s'avèrent souhaitables une commission de révision du règlement est désignée dont le rapporteur est le Docteur GRANDEAN. Au cours de la séance du 22 décembre 1852, le rapporteur expose le détail des modifications à intervenir

Le nombre des membres titulaires est porté de 25 à 30.

Les membres titulaires peuvent être choisis, jus­qu'à concurrence du tiers, également parmi les personnes qui sans être docteur en médecine se livrent avec distinction à l'étude des sciences ayant des rapports avec l'art de guérir.

L'article VIII prévoit l'attribution, effective depuis 1849, d'un diplôme sur la description duquel nous reviendrons par la suite.

L'article XXIV prévoit en outre un trésorier-archiviste parmi les membres du bureau.

L'article XXXII prévoit enfin, à la suite du seul compte rendu annuel imprimé jusqu'alors, la publication in extenso des travaux et mémoires que la « commission de publication prévue à l'article XLV décidera de retenir. Les frais en seront supportés dans certaines limites par la Société, au-delà par les auteurs. Cette modification fut effective dès 1850.

Notons l'importance de cette dernière mesure qui élève les comptes rendus de la Société de Médecine au rang de véritable Revue médicale, et assure une plus grande diffusion des travaux de cette Société. Notons la mise en place d'une « commission de publication chargée de sélectionner les mémoires dignes d'impression.

Le règlement ainsi modifié fut adopté en séance le 22.12.1852, soumis à l'approbation de l'autorité, et approuvé le 26 juillet 1853 par M. MAMELLE, Conseiller de Préfecture, le Préfet de la Meurthe étant en congé.

 

IV. - MODIFICATIONS DE 1868

Le texte imprimé du règlement de 1868 a pu être retrouvé. Les modifications intervenues sont les suivantes :

Le nombre des membres titulaires est porté de trente à cinquante.

La Société se compose maintenant de membres titulaires, de membres honoraires, de membres correspondants nationaux ou étrangers.

Pour faire partie de la Société comme membre titulaire, il faut maintenant soumettre, en outre, à la Société un travail de sa composition.

Le vote par correspondance est admis pour l'élection des membres.

Le bureau est composé d'un président, d'un vice-président, d'un secrétaire général, d'un secrétaire annuel et d'un trésorier. Le secrétaire général et le trésorier sont élus pour cinq ans, le président et le vice-président pour un an. Leurs attributions sont précisées.

Enfin, le lieu des séances n'est plus mentionné, car objet de difficultés périodiques.

Ces modifications, brièvement résumées, furent approuvées par la Société dans sa séance du 13 mai 1868, et soumises à l'approbation du Préfet de la Meurthe, alors M. PODEVIN, qui les approuva le 8 août 1868.

 

V. - LES STATUTS DE 1869

Sans en comprendre parfaitement la signification ni la place réelle, je dois signaler l'existence de Statuts imprimés en 1869, retrouvés reliés dans les Comptes Rendus de la Société de Médecine de cette même année. En 25 articles seulement, ils représentent en fait un condensé du règlement de 1868, une sorte de règlement intérieur » à usage interne, ne donnant pas lieu aux formalités officielles d'approbation.

 

VI. - TENTATIVE DE RECONNAISSANCE D'UTILITÉ PUBLIQUE (1869)

Par lettre du 27 octobre 1869 (figurant aux archives), Ed. SIMONIN, alors directeur de l'Ecole de Médecine de Nancy, demande au Préfet de la Meurthe !a reconnaissance en tant qu'institution d'utilité publique ». Nous possédons même une lettre du baron Buquet, membre du corps législatif, promettant une intervention en sa faveur. Hélas, le ministère de l'instruction publique, par lettre (retrouvée) du 23 mai 1870, ajourne cette demande, sur de curieuses motivations la compagnie n'a pas ouvert de concours ni distribué de prix. Or, c'est par ces deux moyens qu'une Société exerce autour d'elle une influence sur les esprits... »

Le Conseil Général de la Meurthe lui-même estime que l'intérêt départemental ne lui semblait pas lié d'une façon directe à la prospérité de la Société .

Sur ces avis définitifs, la Société se vit refuser l'institution d'utilité publique et ne la demanda plus à l'avenir.

 

VII. - MODIFICATIONS DE 1880

Dans sa séance du 11 février 1880, la Société adopte les modifications exposées par M. GROSS, rapporteur de la commission composée de MM. SIMONIN, HERGOTT père, DIDION, DEMANGE, chargée de cette étude.

Le nombre des membres titulaires est fixé à 100.

Le lieu de résidence n'est plus limitatif aux trois cantons de Nancy, mais s'étend au département de Meurthe-et-Moselle et aux départements limitrophes.

Il n'est plus exigé de la part des impétrants de faire visite à chacun des membres en exercice.

Les publications font l'objet d'une discipline plus rigoureuse. Ce règlement fut approuvé par M. BAILE, Préfet de Meurthe-et-Moselle, le 16 octobre 1880.

 

VIII. - MODIFICATIONS ULTÉRIEURES DU RÈGLEMENT

Ainsi que nous allons le voir, le règlement fut modifié à plusieurs reprises après 1880. Mais il s'avère, paradoxalement, plus difficile de retrouver les documents d'archives postérieurs à 1880 qu'antérieurs à cette date. Les cahiers de procès-verbaux et de correspondance retrouvés s'arrêtent à cette date et nous ne savons si les registres postérieurs ont été égarés ou si même ils n'ont plus été tenus.

Les correspondances furent rassemblées jusqu'en 1906 environ et ont pu être retrouvées. Pour reconstituer l'histoire de la société notre seule ressource fut de consulter les Comptes Rendus de la Société publiés jusqu'en 1942 dans la revue médicale de l'Est, puis de Nancy.

Par ailleurs, il semble bien que les modifications intervenues après 1880 n'aient jamais été soumises à l'approbation de l'autorité préfectorale et soient donc d'une portée légalement discutable ». De même, la promulgation de la loi de 1901 sur les associations ne paraît pas avoir donné lieu à une remise en ordre du statut de la société.

Au sens strict de la loi, la société serait donc aujourd'hui encore régie par le dernier règlement ratifié par l'autorité préfectorale le 16 octobre 1880. On peut même douter de l'orthodoxie juridique de la Société, à l'heure actuelle, car fondée en 1842, elle relevait d'une législation dont on ne sait si elle garde valeur pratique depuis 1901. Il y a là un point de droit qui laisse les services mêmes de la préfecture actuelle plutôt dubitatifs.

Quoi qu'il en soit, les principales modifications intervenues depuis 1880 nous paraissent, sous réserve d'omissions involontaires, les suivantes

 

A) - Lors de la séance du 8.11.1882 (Revue Med. Est, 1883, p. 29), M. V. PARISOT propose à l'exemple de ce qui se fait à Bordeaux d'admettre comme auditeurs aux séances de la Société les élèves de la Faculté remplissant une fonction dans les hôpitaux (Chefs de clinique non docteurs, aides de clinique, internes). M. TOURDES fait remarquer qu'à Strasbourg les étudiants pouvaient assister aux séances de la Société.

Une commission composée de MM. V. PARISOT, HERGOTT père et DIDION est constituée pour étudier cette question.

Lors de la séance du 22 novembre 1882, le rapport de la commission est exposé dont la conclusion suivante est mise aux voix.

« Les élèves en médecine seront admis, après en avoir fait la demande au président, à assister comme auditeurs aux séances de la Société. »

Cette proposition est adoptée à l'unanimité, avec demande de l'insérer dans le règlement de la Société ».

On retrouve effectivement dans les correspondances conservées un certain nombre de demandes émanant d'internes, aides de clinique et chefs de clinique.

 

B) - En 1919, au lendemain de la guerre, la Société paraît éprouver des difficultés financières importantes, exposées par Monsieur REMY, trésorier, au cours de la séance du 12 novembre 1919. Les cotisations sont alors relevées à 25 Francs. L'édition des comptes rendus pose surtout des problèmes insurmontables. Diverses modalités sont envisagées sur lesquelles nous reviendrons dans un paragraphe suivant.

En décembre 1919, il est décidé purement et simplement pour ces mêmes raisons de supprimer l'édition du Bulletin annuel de la Société de Médecine.

L'article 4, traitant des membres titulaires, est modifié sur proposition de M. PERRIN au cours de la séance du 10 décembre 1919. A l'avenir Les membres seront choisis à l'élection, quelle que soit leur résidence ».

Ce cadeau « apparent » était en fait « empoisonné », car il avait pour but et pour effet de faire payer cotisation pleine et entière (15 Francs) aux membres correspondants qui jusqu'alors bénéficiaient d'un tarif réduit (cinq francs)... La conséquence de cette modification de l'article 4, bien qu'elle n'ait pas été exprimée à ce moment, était évidemment l'extinction progressive du cadre des membres correspondants.

 

C) - En 1931, la présidence de M. FROELICH s'ouvre sur un programme de mesures vigoureuses pour lutter contre les raisons pour lesquelles la Société de Médecine avait perdu quelque peu de Son ancien prestige !... Les décisions, votées le 8 juillet 1931, sont les suivantes

1 - La Société de Médecine garde son caractère général, sans scissions médicales, chirurgicales ou autres.

2 - Le Président sera nommé pour 3 ans (...) et assisté de deux vice-présidents, de spécialités différentes et différente de la sienne. Ceux-ci seront nommés pour la première année, l'un pour un an, l'autre pour deux ans, ensuite pour 3 ans. Ainsi le bureau sera renouvelé par tiers chaque année.

3 - Les fonctions de secrétaire général et de trésorier sont tenues pendant 5 ans, renouvelables.

4 - Le secrétaire des séances est nommé pour 3 ans, un secrétaire adjoint annuel sera également nommé.

5 - Les élections auront lieu à la deuxième séance de juin, les membres élus entreront en fonction en octobre suivant (quatrième mercredi).

6 - Les séances auront lieu à 17 heures précises, au lieu de 16 h. 30.

7 - La durée des présentations et des communications sera strictement limitée selon le règlement.

8 - Les convocations seront envoyées 3 jours à l'avance, affranchies à 0,25 F. Les titres de présentations et de communications devront être fournis le jeudi précédant la séance ».

Le bureau constitué en conséquence comportait M. FROELICH Président, MM. SPILMANN et CAUSSADE, Vice-présidents, SIMONIN, Secrétaire général, GIRARD, secrétaire annuel, P. CORRET, secrétaire annuel adjoint, CHERY, trésorier.

 

D) - Depuis 1931, on ne trouve aucune trace de modifications statutaires sinon sur un point de détail en 1936, l'heure des séances est fixée à 17 h. 15 pour permettre aux membres de la société de se rendre facilement aux conférences médicales des officiers de réserve... ». A noter que, sans que cela ait fait l'objet d'une décision d'assemblée, il semble que la présidence soit redevenue annuelle à partir de 1942.

 

Ces points accessoires mis à part, il faut bien remarquer que la société se réunit depuis 1931 selon les rites transmis, dans une parfaite méconnaissance des statuts qui la régissent jusqu'à ce jour, tout en les respectant relativement par habitude.

Telle est, reconstituée aussi scrupuleusement que possible, la situation et l'évolution réglementaire de la Société de Médecine de Nancy. Elle n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes, théoriques, qui heureusement n'empêchent en rien la société de poursuivre ses travaux. On peut aussi remarquer que certaines dispositions oubliées de nos jours, étaient sages et pourraient être avantageusement méditées...

 PUBLICATIONS DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ

 

Ce point mérite une étude particulière, car il nous permet d'envisager l'évolution des publications médicales de la Faculté de Médecine de Nancy.

En 1842, la Société décide la publication annuelle d'un compte rendu de ses travaux. Le règlement de 1843 prévoit les dispositions suivantes

Article XLV - « Le précis des travaux de la Société, rédigé annuellement par le secrétaire du bureau, peut être imprimé lorsque la Société l'a jugé convenable et après qu'un scrutin l'a résolu affirmativement en donnant la majorité des suffrages des membres présents. Ce scrutin doit être indiqué à l'ordre du jour ».

Article XLVI - « Ce précis est publié par les soins d'une commission spéciale, au sein de laquelle les auteurs des travaux analysés peuvent se rendre. Les dépenses d'impression sont supportées par la société entière. »

 

En conséquence, en 1844, parut le premier « Compte Rendu des travaux de la Société de Médecine de Nancy » lu en séance le 16 octobre 1843 par son secrétaire Edmond SIMONIN, imprimé par GRIMBLOT, RAYBOIS et Cie. Il ne s'agissait alors que d'un compte rendu des travaux présentés qui parut régulièrement tous les ans.

En 1851, le compte rendu annuel rédigé par le Dr LAURENS, secrétaire, est suivi pour la première fois de deux mémoires publiés in extenso : ce sont le résumé des observations météorologiques et de la constitution médicale de Nancy pendant l'année 1849 par M. SIMONIN père, et une observation de tétanos traumatique suivi de guérison par le Dr GRANDEAN.

Le règlement de 1853, légalise et codifie la parution de mémoires originaux.

- Article XLV - «Peuvent aussi être publiés, in extenso, à la suite du compte rendu, les observations et mémoires de divers membres, dont la société a entendu la lecture et qui ont été renvoyés à l'examen définitif de la commission de publications ».

- Article XLVI concernant les dépenses d'impressions supportées par la Société, ... et si les mémoires dont l'impression a été votée excèdent certaines limites, par les auteurs de ces mémoires ».

Les comptes rendus des travaux de la Société de Médecine paraissent alors régulièrement de 1844 à 1873, sous le même format, éventuellement complétés des mémoires retenus.

En 1874, est fondée la Revue Médicale de l'Est », en corollaire souhaité par le gouvernement du transfert de la Faculté de Médecine de Strasbourg. Son rédacteur en chef en est le Dr F. GROSS, alors agrégé à la Faculté, président, MM. BEAUNIS, COZE, DIDION, ENGEL, HECHT, HERRGOTT, MONOYER, V. PARISOT, TOURDES, membres.

Dans son éditorial inaugural du 1er janvier 1874, M. GROSS définit les objectifs du nouveau journal assurer un refuge à la gazette médicale de Strasbourg si elle venait à être sacrifiée ; assurer la publication des procès verbaux et des mémoires de la Société de Médecine de Nancy, accrue par l'accueil des membres de la Société de Médecine de Strasbourg et de la Moselle (Si l'accueil des Strasbourgeois dans le cadre de la Société de Médecine ne posa pratiquement pas de problèmes, on ne saurait toutefois passer sous silence un certain sentiment « d'amertume » des anciens professeurs à l'Ecole préparatoire de Nancy, dont trois seulement - BLONDOT, SIMONIN Ed. et PARISOT V. -  accédèrent à une chaire sur les dix-sept existantes à Strasbourg et transférées à Nancy (GROSS - 1923)) ; publier le compte rendu des travaux les plus importants de la Société des Sciences naturelles de Strasbourg, reconstituée à Nancy sous le nom de Société des Sciences, enfin offrir ses pages à la publicité de l'Association de Prévoyance des médecins du département de Meurthe-et-Moselle, créée par Ed. SIMONIN en 1846. Ainsi un lien étroit était affirmé dès sa naissance entre la Revue Médicale de l'Est et la Société de Médecine de Nancy.

Pour autant cependant, la Société de Médecine n'en poursuivit pas moins la publication parallèle de ses comptes rendus annuels, procès-verbaux et mémoires », en ses bulletins dont le format, un peu plus grand que précédemment, était le même que celui de la Revue Médicale de l'Est les bulletins comportaient alors un compte rendu annuel rédigé par le secrétaire général imprimé en propre, et une remise en page des procès-verbaux de la Société et des mémoires ayant fait l'objet d'une impression dans la Revue Médicale de l'Est. Ainsi la Société alimentait la Revue Médicale de l'Est et trouvait en revanche des possibilités de diffusion de ses travaux très appréciables, et des modalités d'impression moins onéreuses. Une convention souscrite par la Société dans sa séance du 14 janvier 1874 prévoyait d'ailleurs une participation légitime à l'impression des procès-verbaux et mémoires paraissant dans la Revue Médicale de l'Est, comportant la prise en charge par la Société du tiers de leurs frais d'impression (Lettre du 8.12.1874 du Docteur GROSS).

Le 9 février 1876, le Docteur GROSS demande à la Société au nom du Comité d'administration et de rédaction de la Revue médicale de l'Est, de contribuer pour moitié et non plus pour un tiers seulement aux frais d'impression des procès-verbaux et mémoires de la Société ». Cette proposition mise aux voix est adoptée à l'unanimité lors de la séance du 9 février 1876.

Il semble que par la suite il ait été convenu de verser en outre une subvention forfaitaire annuelle à la Revue Médicale de l'Est qui fut de 500 Francs de 1908 à 1915 ainsi qu'en témoigne le cahier du trésorier.

La guerre de 1914-1918, si elle n'entraîna pas de suspension des séances de la Société de Médecine, interrompit la publication de la Revue Médicale de l'est de 1915 à 1919.

Seuls parurent pendant cette période, et ceci très régulièrement, les bulletins de la Société de Médecine portant d'ailleurs la mention Bulletins de guerre », édités aux frais de la seule Société de Médecine.

Cet effort méritoire ne fut pas récompensé. Dès la fin de la guerre, les difficultés matérielles surgissent les frais d'impression sont devenus très élevés ; les cotisations même élevées à 25 F n'y suffisent plus ; les actions que possédait la Société ont été liquidées... Il faut faire un bilan et en tirer les leçons.

 

Le 12 novembre 1919, M. REMY, trésorier, présente un rapport « sur l'impossibilité financière pour la Société de Médecine de continuer elle-même à assurer l'impression des comptes rendus de ses séances ». Il propose de confier la publication des comptes rendus de la Société à la Revue médicale de l'Est moyennant une subvention annuelle de 1200 F jusqu'à 240 pages d'impression, avec un supplément de 5 F par page en sus. A titre provisoire, il est décidé de poursuivre la publication du Bulletin de la Société de Médecine par remise en page des comptes rendus imprimés dans la Revue Médicale de l'Est. Ces propositions elles-mêmes ne paraissent pas suffisantes, et le 10.12.1919 M. ETIENNE vient, au nom de la Revue médicale de l'Est, exposer (on n'ose pas dire dicter...) ses conditions à la Société les termes en sont rigoureux :

1 - La Société de Médecine versera 1.200 F de subvention annuelle à la Revue Médicale de l'Est, pour l'impression de ses comptes rendus jusqu'à concurrence de 240 pages, et au besoin cinq francs par page en sus.

2 - La Société de Médecine prend à son compte l'abonnement à la Revue Médicale de l'Est de ses membres, et leur assure le service gratuit en guise de bulletin (ceci explique que les membres de la Société reçoivent la revue gratuitement encore de nos jours, bien que le montant des abonnements n'ait plus été réglé par la société depuis 1963).

3 - En conséquence, le bulletin de la Société de Médecine est supprimé ». Il aura donc paru sans interruption de 1842 à 1919.

 

Sur proposition de M. GROSS, la Revue Médicale de l'Est portera désormais en sous-titre Bulletin de la Société de Médecine de Nancy » ; ce sur quoi M. ETIENNE insiste sur la nécessaire indépendance des deux organismes en question !...

Ainsi parait consommé un divorce regrettable entre la Société de Médecine et la Revue Médicale de l'Est, après de nombreuses années d'association harmonieuse.

La Revue Médicale de l'Est, sous-titrée Bulletin de la Société de Médecine de Nancy, paraît ainsi régulièrement jusqu'en 1936.

A la mort du Professeur ETIENNE, le Professeur HAMANT devient rédacteur en chef en 1936, en même temps que président de la Société de Médecine.

La Revue Médicale de l'Est devient alors plus modestement « Revue Médicale de Nancy » toujours sous-titrée Bulletin de la Société de Médecine. Elle assure régulièrement la publication des comptes rendus de la Société et des mémoires sélectionnés par la commission des publications.

Soudain le 15 mai 1942, on constate avec surprise que le sous-titre disparaît et que seul subsiste l'intitulé Revue Médicale de Nancy ». Il n'y a plus de compte rendu de la Société. La raison en réside peut-être dans les servitudes de l'occupation si la Société n'a pratiquement pas cessé de se réunir (sinon du 24 avril 1940 au 25 juin 1941), il semble toutefois que l'occupant l'ait considérée avec quelque suspicion. Les réunions devinrent alors semi clandestines et l'on conçoit qu'il ait été jugé inopportun d'en imprimer les comptes rendus.

On conçoit moins, par contre, qu'une fois la tourmente passée, la Société n'ait pas retrouvé une place pour ses comptes rendus ni son sous-titre » dans la Revue Médicale de Nancy. Le fait est là et entraîne comme conséquence une absence totale de pièces d'archives, de traces d'activité pour toute la période qui suivit la deuxième guerre mondiale (seul le cahier de comptes du fidèle trésorier, le Dr CHERY, subsiste alors, qui s'éteint avec lui en 1963).

En 1962, la Revue Médicale de Nancy fait place aux « Annales Médicales de Nancy », dont le rédacteur en chef est le Professeur CHALNOT et le secrétaire de rédaction le Professeur LARCAN, entourés d'un Conseil de rédaction et d'un conseil scientifique constitué par le Doyen BEAU et les chefs de service de la Faculté et des Hôpitaux. Son format fut enfin modifié récemment.

Les Annales Médicales, comme la Revue Médicale de Nancy auparavant, sont en fait alimentées presque exclusivement par les travaux présentés à la Société de Médecine de Nancy, et constituent ainsi, de fait, à défaut du titre (ou du sous-titre), l'organe de diffusion des travaux de la Société.

 

LIEU DES SÉANCES

 

Ainsi que nous l'avons auparavant signalé, le lieu où se tenaient les séances de la Société de Médecine devait figurer explicitement sur le règlement. Du moins, ce désir fut-il exprimé par le maire de Nancy dans sa lettre du 8 juin 1844.

Or, il s'avère que la Société présenta à ce sujet une humeur quelque peu vagabonde, témoin de ses difficultés plus que de ses vœux.

1) - Du 8 octobre 1842 à juin 1844, les séances eurent lieu au domicile privé du Docteur Edmond SIMONIN (C.R. Société de Médecine de Nancy, 1844, p. 26).

2) - En juin 1844, après réponse favorable du maire de Nancy du 27 juin, les séances se déroulèrent dans le Salon de lecture de la bibliothèque publique. Ce fait figure au règlement de 1843, art. XXXIV, et persiste dans le règlement modifié de 1853. Par contre, le lieu des séances ne figure plus dans le règlement de 1868 ce n'est pas sans raisons, mais aucun document n'a pu être retrouvé sur ce fait, l'un des derniers procès-verbaux conservés, du 26.2.1861, révisant l'art. 34, mentionne encore la bibliothèque publique.

3) - On peut donc estimer qu'à une date située entre 1861 et 1868, la Société quitta la bibliothèque publique. Selon une lettre de M. HACQUARD, commis à la bibliothèque publique, agent de l'Académie Stanislas, la Société aurait alors tenu ses séances à la Salle de l'agriculture, ceci jusqu'en 1886. Ainsi se manifeste pour la première fois une relation curieuse avec la Société d'agriculture que la Société de Médecine retrouvera à plusieurs reprises. Je ne saurais d'ailleurs situer cette première Salle de l'agriculture ».

4) - En 1886, toujours selon la lettre du sieur HACQUARD, la Société revient à la bibliothèque publique. M. HACQUARD évoque les difficultés du déménagement vos collections étaient un peu éparses et mélangées dans l'immense armoire disposée à la salle de l'agriculture où vous teniez jadis vos séances (Lettre du 30.10.1889) - (On trouve ici mention d'une armoire... qui se trouve actuellement dans les sous-sols de la bibliothèque de la Faculté de Médecine depuis 1932, meuble assez banal quoique au moins centenaire, portant gravé sur son fronton en lettres de 20 cm de haut « Société de Médecine ».)

5) - Ce deuxième séjour à la bibliothèque publique sera de courte durée. En 1890 « la bibliothèque publique va s'emparer de tout le bâtiment de l'ancienne université ». (HACQUARD)

Par lettre du 5 juin 1890, le maire de la ville de Nancy autorise la Société à tenir ses séances « dans la salle dite de l'agriculture, au rez-de-chaussée du Conservatoire de Musique », rue Chanzy, en accord avec les Sociétés d'agriculture et d'horticulture. Ce séjour fut assez long, malgré certains inconvénients relatés avec humour par M. MUTEL dans son discours du 27.10.1937 malgré le choix d'un tel local, l'acoustique n'y fut pas toujours favorable, car en 1907 un de nos membres, le Dr GANZINOTTY, alors président, annonçait à ses collègues cette bonne nouvelle la partie de la rue Chanzy qui se trouve en bordure du conservatoire va être prochainement revêtue de bitume armé... ».

6) - En 1920, les Sociétés de Médecine, d'agriculture et d'horticulture sont invitées à quitter le Conservatoire de musique. La Société se réunit provisoirement dans la Salle de Conférences de la Clinique médicale du Professeur ETIENNE et émet le veeu de tenir ses séances dans un local choisi, soit à l'hôpital, soit à la Faculté (Rev. Med. Est, 1920, p. 51).

7) - Lors de la séance du 21 juillet 1920, le secrétaire annonce que dorénavant les réunions de la Société de Médecine auront lieu dans la salle de récréation des malades, salle dite de jeu située au chevet de la chapelle, salle que la commission des hospices met à notre disposition et dont elle assure gracieusement le chauffage et l'éclairage ».

La Société de Médecine remercie vivement la Commission des Hospices. »

Cette salle de jeu fut détruite lors de l'agrandissement de la chapelle on peut toutefois se demander si la dénomination actuelle de la Salle de Jour », construite par la suite et en remplacement, n'est pas une déformation phonétique de l'appellation « Salle de Jeu ». Toujours est-il que la Société se réunit à la Salle de Jeu à partir de juillet 1920 pour une période très difficile à déterminer, mais qui se termine vraisemblablement au début de 1923, donc pendant 3 ans environ. On ne sait quelles sont les raisons qui conduisirent la Société à quitter l'Hôpital.

Quant aux archives, elles furent tout d'abord maintenues à la Salle de l'Agriculture du Conservatoire de musique, puis déménagées en 1928 seulement si l'on en croit le cahier des comptes du Trésorier scrupuleusement tenu à jour, qui porte en 1928 une somme de 191 Francs 45 « pour le transfert des revues, brochures ». Elles entamèrent alors leur déclin... Selon M. FROELICH (discours du 24.10.1934) nous n'avions plus d'archives, ni de bibliothèque nos documents traînaient en vrac ou dans des sacs déchirés dans les sous-sols de la Faculté de Médecine ».

Il semble en effet, selon les souvenirs des anciens Maîtres de la Faculté, que lors de leur déménagement, les archives et l'armoire aient été entreposées dans les sous-sols de l'actuel laboratoire de Physiologie.

8) - Nous entrons alors dans une période confuse au cours de laquelle la Société, selon les termes de M. FROELICH « va errer lamentablement » ; « elle s'est assise sur les bancs de l'amphithéâtre de physique de la Faculté de Médecine, elle a eu un peu froid dans la salle austère de la Société d'anthropologie » (salle située rue Bailly et détruite récemment à la suite des travaux d'extension du Lycée Jeanne d'Arc), elle a grelotté à la salie de la rue des Fabriques », située entre les deux portes Saint-Nicolas (extraits du discours de M. MUTEL - 27.10.1937), locaux d'un froid glacial l'hiver » (selon M. FROELICH - 24.10.1934).

« Elle est alors venue se réchauffer vers ses premières amours bucoliques dans une salle de la Coopérative agricole de l'Est » (MUTEL), salle située encore à l'heure actuelle place des Vosges, utilisée par la Société de 1934 à 1936. Ainsi se renouait le flirt presque centenaire de la Société de Médecine avec la Société d'Agriculture.

M. FROELICH ne manqua pas de vanter ce progrès « nous avons un local bien chauffé, nous y avons installé les dispositifs nécessaires pour y faire des projections avec un appareil à nous. A côté de notre salle de réunions se trouve un vestiaire et un bureau, avec poste téléphonique à votre disposition ».

Ces données, extraites des discours de M. FROELICH (24.10.1934) et de M. MUTEL (27.10.1937) sont plus empreintes d'humour et de poésie que d'exactitude historique. Il nous est en fait très difficile de reconstituer la chronologie exacte des divers lieux de réunion de la Société. Le cahier de « comptes du trésorier nous apporte d'autres données, mais elles aussi fragmentaires malgré nos recherches, l'incertitude règne entre juillet 1920, où la Société se réunit à la Salle de Jeu de l'Hôpital et 1937, date à laquelle elle tint ses séances à l'Institut Dentaire. L'analyse du cahier du trésorier donne quelques dates précises :

:• Pour 1919 et 1920, on trouve mention des « frais de salle de l'Agriculture (200 F pour séance de guerre en 1919, 24 F pour 1920).

:• De 1920 à 1923, aucune mention ne figure la salle de jeu était gratuite, ainsi que nous l'avons vu.

:• De 1923 à 1925, il est fait état de locations mensuelles sous forme de « frais de salle » sans précision particulière, mais identiques pendant 3 ans.

:• En 1926 apparaît la première « gratification au garçon de l'amphithéâtre de physique » (50 Francs), qui paraît se poursuivre jusqu'en 1930 ; à noter toutefois que le trésorier inscrit pour ces années 27, 28, 29, 30 « gratification garçon de salle, 50 Francs » sans préciser s'il s'agit de l'amphithéâtre de physique.

:• De 1931 à 1934, aucune location ni gratification n'est signalée.

:• En 1935, figure la « location de la salle de l'Agriculture pour la période du 12 février au 31 décembre 1935, soit 750 F » ; en 1936, de même, location de la Salle de l'Agriculture, 900 F.

:• Enfin, en 1937, apparaît la « gratification au concierge de l'Institut Dentaire, 50 F ».

 

Des données extraites des discours et de celles extraites du cahier des comptes, il est difficile de déduire une chronologie exacte ; elle pourrait être la suivante :

:• Juillet 1920 (Salle de Jeu de l'Hôpital Central, jusque début 1923) (fait prouvé par les comp­tes rendus).

:• 1923 - 1924 - 1925, location mensuelle (de l'ordre de 20 F) d'une salle qui peut être soit la salle de la Société d'Anthropologie, soit la salle de la porte Saint-Nicolas.

1926, amphithéâtre de physique (attesté par le cahier du trésorier) jusqu'en 1930.

:• 1930 - 1934, aucun document écrit ne subsiste ; la Société a dû se réunir soit dans la salle de la porte Saint-Nicolas, soit dans la salle d'Anthropologie, le choix est le même que pour la période 1923-1925.

:• 1935, Salle de la Coopérative Agricole de l'Est, place des Vosges, jusqu'en 1937.

 

Outre ce calendrier, le cahier des comptes du trésorier laisse transparaître des lieux de résidences éphémères c'est ainsi qu'en 1922 et en 1924 on trouve mention de location d'une « Salle de la Visitation » (10 F en 1921, 5 F en mai 1924) ; de même, en 1926, on note une gratification au « concierge de la rue des Ponts » (20 F). Je n'ai pu retrouver la signification ni le souvenir de ces faits.

 

Le procès-verbal de la vingt-huitième séance, tenue le 11 janvier 1844, porte assez laconiquement « adoption d'un cachet particulier pour la société ».

Quant aux archives et à la bibliothèque, là encore l'amélioration est importante toujours selon M. FROELICH nous avons un local bien à nous et définitif, grâce à l'amabilité de M. SPILLMANN, doyen de la Faculté de Médecine à côté de la grande bibliothèque de la Faculté (") nous avons une salle avec table et chaise, armoire (la fameuse armoire réapparaît enfin !) et rayons. Le local est chauffé, la clef se trouve suspendue à l'entrée de la grande bibliothèque. Tous les membres de la Société y ont accès gratuitement. Toutes nos archives depuis la fondation ont été reliées et vous y trouverez tout ce que vos prédécesseurs et vous-même avez présenté à la Société de Médecine depuis 1843 ». (Rev. Med. Est, 1934, 62, 762.)

L'armoire est toujours à la bibliothèque (dans une pièce du sous-sol) mais elle est vide... Les archives reliées en question se sont hélas évanouies..., seuls subsistent quelques exemplaires dépareillées des Bulletins de la Société de Médecine.

9) - Enfin, en 1937, quittant ses amis de l'agriculture, la Société de Médecine tient ses séances à l'Amphithéâtre de l'Institut Dentaire jusqu'à l'achèvement des travaux d'extension de la Faculté de Médecine réalisés par le Doyen J. PARISOT depuis cette date la Société se réunit à la Salle des Sociétés Savantes de la Faculté de Médecine, sous le regard austère de Charles Lepois et des anciens Maîtres de l'Université de Pont-à-Mousson, dont les portraits sont suspendus à des murs dont les lambris sont fort curieusement plus évocateurs d'un chalet alpin que d'une salle de rigueur toute scientifique.

 

DIPLOME ET SCEAU DE LA SOCIÉTÉ

 

Au cours de nos recherches des pièces d'archives de la Société, et à l'occasion de leur lecture, nous avons eu la bonne fortune de découvrir deux faits aujourd'hui totalement oubliés : la société possédait un sceau, elle décernait un diplôme à ses membres.

 

I - LE SCEAU DE LA SOCIÉTÉ

Le procès-verbal de la vingt-huitième séance, tenue le 11 janvier 1844, porte assez laconiquement « adoption d'un cachet particulier pour la société »

Ce n'est qu'à l'occasion de la découverte d'un cahier de correspondances de la Société de Médecine que j'ai pu retrouver la trace du fameux cachet le 8 novembre 1844, les commissaires, chargés de vérifier la bonne tenue du registre selon le règlement en vigueur, ont constaté la régularité des transcriptions et leur signature est accompagnée du cachet de la Société.

La description du sceau est donné à l'occasion d'une réponse à une enquête du Ministre de l'Instruction Publique en date du 4 octobre 1845 (Lettre adressée n" 42) Le sceau de la Société représente le buste d'Esculape, encadré par ces mots Société de Médecine de Nancy

Ce sceau ne semble avoir été utilisé que pour ce registre, on perd sa trace dès 1851.

 

II. - LE DIPLOME DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ

Initialement, la Société ne disposait pas d'un diplôme particulier pour ses membres. Elle se contentait d'adresser aux nouveaux membres après leur élection une lettre servant de diplôme », dont un modèle est transcrit sous le n" 10 dans le registre des correspondances.

 

Nancy, le……            184

Monsieur et Honoré Confrère,

Nous avons l'honneur de vous annoncer que, d'après votre demande, la Société de Médecine de Nancy dans la séance du……            184. . vous a reçu au nombre

de ses membres titulaires (ou membres libres, ou membres correspondants résidants, ou membres correspondants non résidants).

Signé     Les Membres du bureau Président

Secrétaire de correspondance

Vice-président

Secrétaire des Procès-verbaux

 

La première mention d'un diplôme se trouve dans les Comptes Rendus de la Société de Médecine de Nancy, 1850, pages 6 et 7. Dans son rapport annuel, le secrétaire, le Dr GILLEBERT-DHERCOURT félicite ses collègues à l'occasion d'une décision prise donc en 1849, en ces termes

Vous avez voulu que les traits de Charles Le­pois, Carolus Piso, un des plus illustres médecins qui soient nés en Lorraine, fussent reproduits sur vos diplômes. Comme complément de la même pensée, vous y avez encore inscrit les noms d'Antoine LEPOIS, de CACHET, de Charles BAGARD et de MARQUET, célèbres médecins lorrains. Le juste et éclatant tribut offert au passé est un nouveau témoignage de votre vénération pour les hommes qui ont le plus contribué aux progrès de la médecine. »

Le registre des correspondances permet de confirmer la date à laquelle les premiers diplômes furent délivrés jusqu'en 1849 on y trouve régulièrement trace des envois de lettre dite modèle n° 10 aux nouveaux membres. Le 7 juin 1851, lettre et diplôme sont envoyés au Dr MELY de Marseille, admis membre correspondant le 9 avril, ainsi qu'au Dr SEE de Paris admis le 12 mars 1851.

Le règlement de 1853 légalise l'attribution d'un diplôme l'article VIII en effet est complété ainsi la lettre annonçant l'admission, est accompagnée d'un diplôme délivré par la Société et signé des membres du bureau ». A l'article XXI, il est précisé que les membres correspondants non résidants reçoivent un diplôme semblable à celui des membres titulaires.

Enfin, le règlement modifié de 1880 prévoit à l'article 40 (titre VI) que « tous les membres titulaires ou correspondants sont soumis à leur entrée à un droit de diplôme de cinq francs ».

Il semble que le diplôme ait été décerné très régulièrement de 1851 à 1925 le registre de trésorerie (le troisième seul est en notre possession qui s'étend de 1904 à 1963) permet de déceler dans les recettes les perceptions du droit de diplôme jusqu'en 1925 : c'est ainsi que nous nous sommes rendu compte que les derniers récipiendaires furent : en 1925 le Professeur Paul MICHON, et en 1924, le Professeur Paulin de LAVERGNE et M. le Dr Louis MATHIEU. Depuis 1925, aucun diplôme n'a été décerné, et le souvenir même s'en était effacé des mémoires.

Il s'agit d'une lithogravure réalisée par les Ateliers Christophe à Nancy, représentant l'effigie de Charles Lepois, né à Nancy en 1563, mort à Nancy en 1633, de la peste qu'il était venu courageusement soigner malgré son âge, après avoir été le premier doyen de la Faculté de Médecine de Pont-à-Mousson en 1598. Figurent également sur ce diplôme les armes de la ville de Nancy, des motifs ornementés de croix de Lorraine et aux quatre coins le nom de médecins lorrains célèbres.

Antoine LEPOIS (en haut à gauche), né en 1525, mort en 1575, est le frère de Nicolas LEPOIS, lui-même père de Charles LEPOIS. Antoine Lepois fut médecin de Charles III de Lorraine ; il est resté célèbre comme « numismate » à la suite notamment de son discours sur les médailles qui parut en 1579 seulement (portrait conservé à la Faculté).

Christophe CACHET naquit à Neufchâteau en 1572, fit ses études médicales à Padoue, de­vint médecin et conseiller des Ducs de Lorraine Charles III, Henri II, François Il et Char­les IV. Il est également célèbre en tant que poète « Lotharingius archiater », praticien répandu et poète qui compose sous le nom « d'Exercitationes Équestres » un recueil d'épigrammes en six centuries, « pendant qu'il allait à cheval visiter ses malades ». (TOURDES). Il mourut en 1624. Son portrait figure au vestiaire de la Salle du Conseil de la Faculté.

• Charles BAGARD est trop connu pour qu'il soit besoin d'insister. Médecin de Léopold et de Stanislas il fut surtout le créateur du Collège Royal de Médecine de Nancy et du jardin botanique (1696-1772). Son portrait est également conservé à la Faculté, dans le bureau de M. le Doyen.

Charles MARQUET, par contre, pose quelques problèmes d'identification. En effet, deux Marquet sont surtout connus :

1) François-Nicolas MARQUET, fils d'un marchand passementier de Nancy, né en 1685, fait ses études à Montpellier, soutient sa thèse de Doctorat à Pont-à-Mousson. Il avait un goût très prononcé pour la botanique et s'appliquait à traiter les maladies par les plantes et principalement par celles de Lorraine. Botaniste et médecin ordinaire du Duc Léopold (21 juin 1720), Doyen du Collège Royal de Médecine, il mourut le 28 mai 1759 (son portrait est conservé à la Faculté).

2) Paul-François MARQUET, cousin de François-Nicolas, fils d'un marchand, né à Nancy le 12 décembre 1685, études à Montpellier, Doctorat à Pont-à-Mousson, 1710), s'embarque sur un vaisseau marchand partant pour le Levant. Attaqué par un corsaire algérien, blessé, fait prisonnier, il est vendu comme esclave à un entrepreneur de bâtiments. Libéré grâce à l'entremise et à la générosité du Duc Léopold, revient à Nancy, surnommé « l'esclave », médecin ordinaire du Duc Léopold (1723), médecin stipendié de la ville de Nancy, il meurt en 1743.

Charles MARQUET paraît pour l'instant inconnu... des recherches complémentaires devront être entreprises ; une erreur typographique n'est pas non plus à exclure.

Tel se présente le diplôme de membre de la Société de Médecine décerné de 1850 à 1925, disparu et aujourd'hui retrouvé.

 

 

PERSPECTIVES ACTUELLES (en guise de conclusion...)

 

L'étude rétrospective de l'histoire de la Société de Médecine de Nancy nous a permis de constater un certain nombre de faits : d'une part cette institution possède une ancienneté déjà respectable avec ses cent-vingt-sept années ; d'autre part, il est indiscutable que la Société a joué un rôle éminent dans la diffusion des travaux de la Faculté de Médecine de Nancy, et même que son destin a été lié étroitement à celui de l'enseignement de la médecine en Lorraine au cours de son évolution. Il est également évident que la Société connut un grand prestige et qu'elle fut le siège de discussions vivantes, parfois même passionnées et toujours fructueuses.

Elle connut même des heures émouvantes pour les Lorrains que nous sommes telle cette séance du 23 mai 1888 au cours de laquelle la Société décida à l'unanimité de conférer de droit le titre de membre correspondant aux membres de la Société de Médecine de Strasbourg, dissoute par arrêté préfectoral du 25 avril 1888 imposé par l'occupant.

Cette période faste de la Société paraît se terminer en 1919 il faut bien l'avouer, depuis cette date la Société a entamé un lent processus de dégradation : les procès-verbaux ne sont plus rédigés, il n'y a plus d'archives, les statuts sont méconnus, modifiés à la sauvette sans faire légaliser ces réformes, les séances sont moins suivies, il n'y a plus de comptes rendus imprimés propres à la Société, les traditions ne sont plus respectées.

En 1931, inaugurant sa présidence, M. FROELICH dresse ce constat de carence, et tente d'analyser « les raisons pour lesquelles la Société de Médecine avait perdu quelque peu de son ancien prestige ». « Il y avait d'abord l'éparpillement des sciences médicales en une multitude d'associations gynécologie, biologie, dermatologie, ophtalmologie, qui, tout en s'ignorant s'affaiblissaient réciproquement ».

Il y avait aussi l'absence de local » ; nous n'avions plus d'archives ni de bibliothèque » ; les comptes rendus de nos séances étaient publiés avec des retards de 6 à 7 mois dans une revue médicale de l'Est dont la présentation matérielle était déplorable » (FROELICH - Rev. Med. Est, 1934, 62, 762).

Par une action vigoureuse et personnelle, Monsieur FROELICH réussit à redonner, semble-t-il, pendant plusieurs années, un regain de vitalité à la Société, tant il est vrai que le rôle des hommes est au moins aussi important que celui des institutions qu'ils animent.

 

La deuxième guerre mondiale devait casser ce nouvel élan même les comptes rendus, pourtant succincts, de la Société, ne paraissent plus dans la Revue Médicale de Nancy qui néglige même de restaurer en sous-titre l'appellation légitime de Bulletin de la Société de Médecine de Nancy.

Qu'en est-il aujourd'hui ? La Société paraît atteinte d'une certaine mélancolie » sinon de torpeur, avec quelques beaux sursauts, il est vrai, à l'occasion de certaines séances spécialisées sur un thème donné.

Certes, il est de nombreuses justifications à cet état de choses les sociétés spécialisées sont une nécessité, l'attrait des audiences parisiennes est grand (elles connaissent d'ailleurs le même malaise), des formules nouvelles répondant à de nouveaux besoins ont vu le jour staffs de service, fixés parfois et sans vergogne aux jours et heures même de la Société, enseignement post-universitaire à la vérité de vocation différente. Et surtout il faut incriminer les sollicitations innombrables, les charges écrasantes de soins, d'enseignement, de recherche qui sont le lot de ceux qui pourraient être les animateurs les plus qualifiés et écoutés de la Société.

Est-ce à dire que la Société de Médecine est arrivée à son terme et que cette note historique a quelque relent d'éloge funèbre.

Je ne le crois pas, car tous les Maîtres du C.H.U., tous les praticiens demeurent très attachés à leur Société et regrettent, victimes de la vie et de ses servitudes, de ne la pouvoir fréquenter plus assidûment.

 

Peut-être des adaptations, portant sur le lieu des réunions, l'heure, les modalités des séances, sur la parution des travaux et l'association plus étroite de la Société avec les Annales seraient souhaitables.

Mais au fond du problème, il faut que les hommes aient le désir de réanimer cette vieille et noble institution. Il est indiscutable, quoi qu'il en soit, qu'en 1969 comme en 1842 la Société de Médecine de Nancy doit rester et reste la tribune d'expression des recherches médicales de notre CHU lorrain.

 

TABLEAU DES PRÉSIDENTS DE LA SOCIÉTÉ DE MÉDECINE DE NANCY DEPUIS SA FONDATION

1842-1843         Ed. SIMONIN

1843-1844         J.B. SIMONIN

1844-1845         BONFILS père

1845-1846         NERET

1846-1847         Ed. SIMONIN

1847-1848         GODRON

1848-1849         Victor PARISOT

1849-1850         GRANDJEAN

1850-1851         BERTIN père

1851-1852         CHATELAIN

1852-1853         Ch. DEMANGE

1853-1854         WINTER

1854-1855         MOREL

1855-1856         XARDEL

1856-1857         Ed. SIMONIN

1857-1858         BECHET

1858-1859         RENAULDIN

1859-1860         LEMOINE père

1860-1861         DE SCHACKEN

1861-1862         Léon PARISOT

1862-1863         Eugène BERTIN

1863-1864         Victor PARISOT

1864-1865         POINCARE

1865-1866         LEVYLIER

1866-1867         HENRION

1867-1868         Ed. SIMONIN

1868-1869         Ed. SIMONIN

1869-1870         Eugène LEMOINE

1870-1871         GIRAUD

1871-1872         GRANDJEAN

1872-1873         Ed. SIMONIN

1873-1874         TOURDES

1874-1875         DIDION

1875-1876         Victor PARISOT

1876-1877         HERRGOTT père

1877-1878         GIRAUD

1878-1879         J. WEISS

1879-1880         HECHT

1880-1881         C. DEMANGE père

1881-1882         BERNHEIM

1882-1883         Fr. GROSS

1883-1884         P. SPILLMANN

1884-1885         J. WEISS

1885-1886         HEYDENREICH

1886-1887         LALLEMENT

1887-1888         A. HERRGOTT

1888-1889         E. DEMANGE

1889-1890         Th. WEISS

1890-1891         Ch. LEVY

1891-1892         REGNIER

1892-1893         SCHMITT

1893-1894         STOEBER

1894-1895         ROHMER

1895-1896         BERNHEIM

1896-1897         REIBEL

1897-1898         REMY

1898-1899         P. SPILLMANN

1899-1900         VAUTRIN

1900-1901         GUILLEMIN

1901-1902         A. HERRGOTT

1902-1903         FEVRI ER

1903-1904         KNOEPFLER

1904-1905         SIMON

1905-1906         Pierre PARISOT

1906-1907         HAUSHALTER

1907-1908         GANZINOTTY

1908-1909         SCHUHL

1909-1910         BENECH

1910-1911         FROELICH

1911-1912         SCHNEIDER

1912-1913         G. ETIENNE

1913-1914         J. STERNE

1914-1915         J. STERNE  

1915-1916         A. HERRGOTT

1916-1917         JACQUES

1917-1918         PARIS

1918-1919         M. MEYER

1919-1920         ST!ROUP

1920-1921         ANDRE

1921-1922         RADOUAN

1922-1923         HOCHE

1923-1924         G. MICHEL

1924-1925         LALANNE

1925-1926         SPILMANN

1926-1927         Ch. GARNIER

1927-1928         L. BICHON

1928-1929         M. PERRIN

1929-1930         L. MICHEL

1930-1931         SPICK

1931-1932         FROELICH

1932-1933         FROELICH

1933-1934         FROELICH

1934-1935         HAMANT

1935-1936         HAMANT

1936-1937         HAMANT

1937-1938         MUTEL

1938-1939         HAMEL

1939-1940         HAMEL  

1940-1941         HAMEL

1941-1942         HAMEL

1942-1943         de LAVERGNE

1943-1944         GOEPFERT

1944-1945         WATRIN

1945-1946         GU I BA L

1946-1947         DROUET

1947-1948         COULET

1948-1949         LAURENT Mlle

1949-1950         MELNOTTE

1950-1951         L. MATHIEU

1951-1952         KISSEL

1952-1953         AUBRIOT

1953-1954         BODART

1954-1955         GERBAUT

1955-1956         P. MICHON

1956-1957         GRIMAUD

1957-1958         NEIMANN

1958-1959         LOUYOT

1959-1960         BRETAGNE

1960-1961         BEAU

1961-1962         FLORENTIN

1962-1963         BERTRAND

1963-1964         PIERQUIN

1964-1965         BLEICHER

1965-1966         R. HERBEUVAL

1966-1967         BRIQUEL

1967-1968         F. H E U LLY

1968-1969         G. GRANDPIERRE

1969-1970         G. FAIVRE

 

RÉFÉRENCES GÉNÉRALES

 

BEAU (A.). -  L'enseignement de l'anatomie en Lorraine. 1 vol. Arts Graphiques, éd., 1933.

BEAU (A.). - La Faculté de Médecine de Nancy (deux siècles d'histoire). - Hommage de la Lorraine à la France ».

1 vol. Berger Levrault, éd., 1966.

BEAU (A.). - La fondation du Collège royal de Médecine de Nancy.

1 fasc. G. Thomas, éd.

CHAUTARD. - Sceaux des anciennes institutions médicales de Lorraine avec planches.

C.R. Soc. Med. Nancy, 1873, 183-203.

DELOUPY (H.V.A.). - Le Collège royal de chirurgie de Nancy.

Thèse Méd., Nancy, 11.1.1938.

GROSS (F.). - La Faculté de Médecine de Nancy de 1872 à 1914 (extrait des mémoires de l'Académie de Stanislas 1921-1922).

1 vol. Berger-Levrault, 117 p., 1923.

HYVER (Abbé). - La Faculté de Médecine de l'Université de Pont-à-Mousson. - Extrait des mémoires de la Société d'Archéologie Lorraine pour 1876.

Crepin Leblond, éd. 1876.

MICHEL (G.). - La Faculté de Médecine de Nancy, son histoire, ses origines.

Rev. Méd. Nancy, 1936, 64, 77-85.

SIMONIN (Ed.). - Notice sur l'école préparatoire de médecine et de pharmacie de Nancy, et compte rendu de ses travaux.

- en 1850-1851

- en 1852-1853

Ed. Grimblot et Yve Raybois, 1852-1853. Reliée Fac. de Médecine, n° 131-248.

SIMONIN (Ed.). - Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie de Nancy. Note de l'Académie départementale de la Meurthe », 1852.

Bibi. Fac. Méd., n° 132-012.

TOURDES (G.). - Origines de l'enseignement médical en Lorraine. - La Faculté de Médecine de Pont-à-Mousson. - Extrait des mémoires de l'Académie de Stanislas pour 1875 (discours de réception 27 mai 1875).

1 vol. Berger-Levrault - Masson éd. 1875.

WANG (A.). - L'enseignement de la médecine à Nancy de 1789 à 1822.

Thèse Méd. Nancy. 14.11.69.

L'UNIVERSITE DE NANCY.

1 vol. Edition du « Pays lorrain », 1934.