La
candidature et l'accueil de Nancy
Jean-Pierre GRILLIAT
Nancy en 1871
Si la ville s'était montrée peu dynamique durant la première partie du siècle, un certain nombre
d'initiatives et d'innovations avaient
marqué les dernières décennies. Il
convient d'évoquer tout spécialement
la création en 1854 de deux
Facultés, une de lettres et une de sciences
en 1864, la création d'une
Faculté de droit avec la construction du "Palais
Universitaire" inauguré en 1864.
Durant la guerre de 1870 la ville fut occupée dès le 12 août pratiquement sans combat ni dégâts
matériels. Dans les suites de la guerre,
beaucoup d'Alsaciens et de Lorrains
du nord vinrent s'installer à Nancy
et en Lorraine du sud. Souvent ils
transplantaient avec eux leurs commerces et leurs industries créateurs d'activités et d'emplois. Il s'ensuivit une augmentation importante de la population qui en vingt ans passa de 50000
habitants à 75000 d'où, également, le développement d'un dynamisme industriel et
intellectuel qui va marquer l'évolution de Nancy.
Les grands acteurs nancéiens
C'est dans ce contexte qu'intervient la question du transfert de la
Faculté de Médecine de Strasbourg.
Trois personnalités vont jouer un rôle déterminant dans 1e transfert de
la Faculté de Médecine de Strasbourg
- Edmond Simonin
est le représentant de la tradition de l'enseignement de la médecine en lorraine. Rappelons qu'après la suppression
des universités en septembre 1793, Jean-Baptiste
Simonin, le grand-père d'Edmond, précédemment
professeur au Collège de Chirurgie créé en 1770, organisa un
enseignement libre. En 1808, il créa un
cours d'instruction médicale en
association avec Alexandre de Haldat du Lys. Il fut relayé à partir de 1814 par son fils qui enseigna à l'Eco1e
libre de Médecine devenue Ecole secondaire
de Médecine en 1822.
Lorsque les Ecoles secondaires furent transformées en Ecoles
préparatoires de Médecine (oct. 1840)
Edmond Simonin (troisième de la dynastie) devint professeur dans l'établissement de Nancy, puis Directeur à partir de 1850 et y
enseigna la chirurgie.
C'est donc un homme expérimenté, héritier d'une longue tradition
familiale qui dirigeait 1'Ecole de Médecine en 1870. Il avait pour
elle de grandes ambitions et avait déjà participé à deux démarches infructueuses (1860 et 1866) auprès des
pouvoirs publiques pour que l'Ecole
de Nancy soit transformée en Faculté.
- Henri Auguste Varrey est de toute autre origine. Né à Vittel en 1826, il sortit major de Polytechnique en 1849 ; il prit une part active dans l'établissement des
lignes de chemin de fer de la région
Lorraine.
En 1869, il est nommé ingénieur en chef des Ponts et Chaussées à Nancy
et prend une part active à l'organisation de la défense
nationale. Aux élections de février 1871,
il se présente sur la liste
républicaine de Gambetta. Elu, il démissionne le ter mars lors du débat sur les
préliminaires de paix, puis siège à nouveau à partir du 20 mars.
Il deviendra Conseiller
Général et rapidement président du Conseil Général
Il sera plus tard ministre des travaux publics dans les deux
premiers ministères de son camarade de Polytechnique Freycinet.
Il sera Sénateur en 1876 et le restera jusqu'à sa mort en 1883. Ce républicain lorrain fut un bon défenseur des intérêts de Nancy et fut inspiré dans son action universitaire, par un troisième personnage apparemment dans l'ombre du fait de son âge et son état de santé mais en réalité très actif par personnes interposées. Il s'agit du Baron Prosper Guerrrier de Dumast (1796-1883).
Guerrier
de Dumast est né à Nancy le 26 février 1796, issu
d'une famille noble, originaire du
Roussillon, installée en Lorraine au XVIIIe siècle. Son père et son grand-père furent, au travers des régimes, de loyaux
serviteurs de l'état. Prosper Guerrier de Dumast en début de carrière fut nommé (par son père)
commissaire puis administrateur militaire
à Phalsbourg. A l'issue de rapides études de droit à Paris et après s'être
approché de la
"Franc-Maçonnerie", il joua un rôle dans la renaissance catholique
dans le sillage de Lamenais.
Il
fut à partir de 1848 un ardent défenseur de la décentralisation en en voyant
les applications et avantages pour
Nancy et la Lorraine. C'est ainsi qu'il fut à l'origine du mouvement lotharingiste.
Grâce
à son dynamisme et sa détermination ce spécialiste des langues orientales fut à
l'origine de deux centres culturels à
Nancy : le Musée Lorrain et surtout l'Université. A ce sujet l'obtention
de trois Facultés sous le régime impérial ne lui suffisait pas, il manquait à
ses yeux une Faculté de Médecine et il était décidé à faire tout son possible
pour qu’elle soit créée.
En
1871, lorsque le problème du transfert de la Faculté de Strasbourg se pose, il
est âgé (74 ans) mais surtout très
handicapé par une cécité. Il doit donc agir plus comme inspirateur que comme
acteur. C'est ainsi que le Baron va collaborer avec le républicain Varrey tout en reconnaissant la "conduite noble
d'Edmond Simonin qui travaille franchement à faire aboutir les choses".
Les initiatives nancéiennes en faveur du transfert
de la Faculté de Médecine de Strasbourg
à Nancy
-
Il se trouve que le 27 septembre
1870, au moment de la capitulation de Strasbourg, Simonin
adressait au Préfet de la Meurthe son rapport annuel. Il y faisait le constat
du bon fonctionnement de l'Ecole préparatoire de Médecine de Nancy. Il
soulignait la possibilité
d'augmenter la capacité de l'Ecole déjà envisagée dans les années passées pour des étudiants hongrois et polonais et tout
récemment pour des étudiants venant des Ardennes et d'Alsace.
Le
16 mars 1871, alors que les préliminaires de paix sont connus, il écrit au
Maire de Nancy, Charles Welche et
demande que le Conseil Municipal prenne des initiatives en faveur de la création d'une Faculté de Médecine à Nancy. Une
commission est réunie par le Maire
sous sa présidence, elle comporte six conseillers municipaux dont les professeurs à l'Ecole de Médecine, V. Parisot et L. Poincaré.
Le rapport passe en revue les ressources actuelles
de l'Ecole de Médecine ainsi que les
aménagements possibles pour en faire une Faculté de Médecine à part entière.
Les
ressources anatomiques peuvent facilement être adaptées à l'augmentation du nombre des étudiants ; sur le
plan clinique il est totalisé 5500 malades hospitalisés durant une année dans les diverses cliniques (dont
il convient de retirer les aliénés qui n'interviennent
pas dans l'enseignement) par contre, l'hôpital militaire de 500 lits est ouvert
aux étudiants ainsi que le dépôt de mendicité et l'infirmerie des prisons.
Une
comparaison avec les possibilités de Strasbourg en 1870 montre que les différences
ne sont pas importantes. Il serait néanmoins nécessaire de créer un grand amphithéâtre et des salles de travaux pratiques, qui
devraient être équipées d'instruments de démonstration.
L'Ecole
supérieure de pharmacie ne devrait pas poser de problèmes particuliers d'autant plus qu’il existe à Nancy de nombreux lieux de stage.
Ainsi
en prenant en compte les ressources cliniques et les ressources en matériel, le
transfert de la Faculté de Strasbourg
est souhaitable et parfaitement possible au prix de quelques adaptations. La
conclusion est formelle :
"Il
est indispensable que l'expression de la civilisation française, loin de
s'affaiblir près des nouvelles
frontières, y brille de son plus vif éclat : il faut que les foyers d'instruction projettent leurs rayons sur
les parties de l'ancien territoire français de telle sorte que la persistance de l'union dans les idées
puisse dans nos revers être la consolation des exilés et soutenir en eux
l'espoir dans l'avenir".
Manifestement
ce rapport est quelque peu optimiste mais il sera à l'origine de deux initiatives capitales :
- D'une part une initiative
parlementaire : le 30 mai 1871 le
député du Nord-Est Henri Varrey, directement inspiré par Guerrier de Dumast, dépose sur le bureau de l'Assemblée
Nationale, une proposition de loi en faveur du transfert de la Faculté de Médecine de Strasbourg à Nancy.
Cette
proposition fut renvoyée à une commission parlementaire dont le rapporteur fut malheureusement Etienne-Frédéric Bouisson. Ce professeur de physiologie ayant enseigné à Strasbourg, était doyen en exercice de
la Faculté de Médecine de Montpellier.
Par ailleurs, le président de la commission était le professeur Dumas, assesseur
à la même Faculté. Tous deux s'étaient prononcés dès le 20 mai pour la disparition pure et simple de la Faculté de
Strasbourg. Ils considéraient qu'en dehors de Paris et Montpellier il était inutile de maintenir ou de créer une
troisième Faculté, que cela soit à
Lyon ou à Nancy.
- La seconde initiative fut
du domaine du Conseil Municipal qui se réunit le 9 juin 1871 en séance
exceptionnelle pour demander au gouvernement de transférer à Nancy la Faculté de Médecine de Strasbourg.
Les
arguments furent principalement de trois ordres :
Arguments politiques vis à vis de
l'Allemagne
"Considérant que
l'intention du gouvernement allemand... est de doter Strasbourg d'une Université
allemande, il importe de placer en face un centre important d'enseignement supérieur, capable de rivaliser avec elle.
Considérant
que c'est un devoir pour la France de fournir à nos compatriotes qui nous sont arrachés les bienfaits d'une éducation française.
Les
Facultés de Strasbourg pourraient être placées à Nancy mieux que dans toute autre, à titre de dépôt, pour être rétablies dans
leur siège primitif, le cas échéant".
Arguments techniques concernant les possibilités scientifiques à Nancy
"Considérant que les succès obtenus par les
Facultés des lettres, des sciences et de droit, et l'Ecole de médecine établies à Nancy, démontrent que cette
ville est éminemment propre au
développement des institutions d'enseignement supérieur.
Considérant
que la nécessité de la création d'une Faculté de médecine à Nancy se prouve suffisamment par le développement croissant
de son Ecole de médecine : la ville
offre actuellement des ressources anatomiques et cliniques suffisantes pour les
exigences d'un bon enseignement
médical s'adressant à un chiffre de 250 élèves".
Arguments concernant les
possibilités matérielles de Nancy
"Considérant que la ville possède les locaux nécessaires pour
installer sur-le-champ, dans des
conditions très suffisantes, quoique provisoires, tous les cours d'une Faculté de médecine. La ville de Nancy fidèle à ses
traditions libérales, est, par ailleurs, disposée à faire un sacrifice considérable pour l'installation définitive de
la Faculté dont elle demande le
rétablissement".
En conséquence, le Conseil Municipal unanime demande au gouvernement, à l'Assemblée et au ministre de l'Instruction
publique l'établissement à Nancy d'une Faculté
de médecine, destinée à remplacer celle que perd l'Alsace.
On remarquera dans ce texte
une certaine ambiguïté concernant l'avenir.
Il est dit d’une part que : "les Facultés de Strasbourg pourraient être
placées à Nancy à titre de dépôt,
pour être rétablies dans leur siège primitif le cas échéant, d'autre part dans
la conclusion il est demandé au gouvernement l'établissement à Nancy d'une Faculté destinée à remplacer celle que perd
l'Alsace et de la translation à Nancy des quatre Facultés de Strasbourg et de l'Ecole supérieure de Pharmacie.
Le Conseil prend l'engagement de subvenir à leur installation immédiate
et provisoire... et de contribuer à leur installation définitive conformément
aux dispositions arrêtées par le Ministre de l'Instruction publique et la
ville.
Quoiqu'il en soit cette déclaration fondamentale fut largement diffusée en particulier sur les bancs de l'Assemblée, elle servit de référence pour les discussions et débats qui suivirent.
Lyon ou Nancy ?
Aussitôt après l'élaboration des propositions de la municipalité, une
mission se déplace à Versailles. Elle
comporte le maire et des conseillers désignés qui iront joindre les députés de l'Est : Varroy, Desjardin et surtout Buffet, député des
Vosges, et président de la ligue des
députés du Nord-Est.
A la même période, trois enseignants strasbourgeois demandent à leur
doyen Joseph Alexis Stoltz de venir à Paris pour exprimer au gouvernement le
désir des professeurs de Strasbourg. A ce moment leur souhait est en faveur du
transfert de la Faculté et de son
personnel enseignant dans une grande ville, en l'occurrence Lyon. Dans son discours, lors de la rentrée à Nancy de la Faculté en
1872, le doyen Stoltz s'exprimera clairement : "... Personne n'ignore,
et nous ne tenons nullement à le cacher, que la Faculté de Strasbourg, dont les tendances ont toujours été plus
pratiques que purement scientifiques,
avait demandé à être transférée dans un centre plus populeux que Nancy, où
les hôpitaux et les malades abondent. Ce désir n'a pu être satisfait".
Les positions du corps enseignant parisien vont dans le même sens. A. Deschambre, rédacteur en chef de la Gazette
hebdomadaire de chirurgie et de médecine écrivait dès le 11 mars
1871 : " Entre ces deux
villes, Nancy et Lyon, nous n'hésitons pas un seul instant, la ville de Lyon est digne de l'honneur de recevoir la Faculté
de Strasbourg". L'auteur évoque l'importance de la population 300000
habitants en face des 45000 à Nancy,
la qualité des services hospitaliers, etc.".
En
fait, le corps médical lyonnais reste divisé sur cette question. Les chefs de
service en place redoutent l'arrivée
des professeurs strasbourgeois susceptibles d'occuper des places au détriment des Lyonnais. Ceux-ci
souhaiteraient en fait non pas un transfert mais la création d'une Faculté sans apport extérieur. Pour les Lyonnais,
il s'agit de créer des postes et des
chaires pour eux-mêmes.
Cette
attitude étonne et inquiète les Strasbourgeois. A. Blum, rédacteur en chef de
la Gazette médicale de Strasbourg écrit en juin 1871 : "... Lyon par sa situation, sa nombreuse population, ses hôpitaux, ses antécédents
scientifiques semble être la ville désignée à recueillir l'héritage de Strasbourg. Depuis longtemps, elle
demandait une Faculté de Médecine.
L'occasion était belle pour offrir une généreuse hospitalité aux savants professeurs de la Faculté de Strasbourg.
Quelle n'a pas été notre surprise de voir
Lyon profiter de l’occasion pour demander la création d'une Faculté,
c'est-à-dire la transformation de son
Ecole secondaire en Faculté de Médecine ! Il concluait "Autrement noble est la conduite à l'égard de
Strasbourg de la ville de Nancy. Son Conseil
Municipal abandonnant tout sentiment égoïste n'a songé qu'à l'intérêt général"
Dans
une correspondance du 15 juillet, Guerrier de Dumast
observe que "les professeurs strasbourgeois paraissent s'adoucir ; ils
ont l'air de ne plus trouver Nancy si mal". Il s'y ajoute que, fin aout, Lyon est le théâtre d'une agitation à
laquelle les étudiants prennent une
grande part. Cette situation indispose le gouvernement d'autant que Nancy donne l'image d'une "République"
parfaitement tranquille.
Les
conclusions de la commission nommée fin mai à la suite de la proposition du député Varroy sont présentées à l'Assemblée Nationale le 19
août. Comme on pouvait s'y attendre,
le rapporteur Brisson conclut que Paris et Montpellier suffisent largement pour l'heure aux besoins nationaux ; il n'y
a donc pas lieu d'envisager transfert ou création à Nancy ou à Lyon.
Les professeurs strasbourgeois peuvent être
transférés dans l'une ou l'autre des deux Facultés existantes.
Le
jour de la lecture publique du rapport, Varroy
défendit, une fois encore, la proposition
de Nancy en exposant "combien les alsaciens-lorrains verraient, dans une
autre solution, une marque de mépris
pour leurs souffrances".
Durant
cette séance, diverses propositions furent évoquées et quinze jours plus tard le député Royer présentait, enfin, une candidature
lyonnaise pour le transfert de la Faculté de Strasbourg.
A
ce moment la situation paraît confuse et inquiétante pour Nancy. Guerrier de Dumast qui suit ces affaires, constate que les
"informations sont alarmantes, Lyon aurait gagné". Il s'exprime avec
l'emphase qu'on lui connaît : "Sommes-nous donc arrivés à ce degré de honte que ce drapeau de la
science gauloise, n'osant plus se présenter
en face de la science germanique, déserte définitivement le voisinage du Rhin pour celui du Rhône et s'aille se réfugier
derrière les Alpes".
Vers
la solution Lorraine
Durant
les mois de juillet et août les représentants de la Faculté de Médecine de Strasbourg. avec
à leur tête le doyen Joseph-Alexis Stoltz, prirent
des initiatives afin de traiter directement
avec l'administration et le gouvernement : "dans ces démarches, dit Stoltz, j'ai été accompagné par mes collègues Bigaud. Hirtz et Héchel, le doyen de la Faculté de Médecine de Paris M. Wurtz. Alsacien,
élève de Strasbourg. C'est lui qui nous a obtenu une audience de M.
Thiers".
Wurtz
ayant exprimé les souhaits strasbourgeois de transfert vers Lyon, Thiers déclara : "Je suis Lorrain mais je prendrai tous les vœux et tous
les arguments exprimés en
considération".
Le
ministre de l’instruction publique, Jules Sultan, exprime début septembre son intérêt pour le transfert à Nancy. Ses arguments
sont essentiellement politiques : nécessité de développer un foyer intellectuel de
haut niveau à proximité du Rhin et face à l'Allemagne. Guerrier de Dumast exprime alors
sa satisfaction mais redoute les intrigues
qui peuvent survenir durant les vacances parlementaires (16 septembre, 8 décembre).
Dès
la première séance de rentrée (8 décembre 1871), le député Varroy
plaide une fois encore pour le
maintien sur la frontière du Nord-Est d'une Université comprenant quatre Facultés : Droit-Lettres-Sciences (déjà
existantes) et Médecine (par transfert de Strasbourg à Nancy). Jules Simon prit ensuite la parole pour annoncer un
projet de loi visant à développer
"sur les frontières du Nord-Est une Université complète nationale, faisant face et contrepoids aux Universités
allemandes".
Thiers
avait donné son accord et Stoltz concluait dans sa
correspondance : "Thiers, maintenant président de la République (31 août 1871), persiste pour
Nancy :
"Il
faudra néanmoins attendre dix mois pour que soit signé le décret présidentiel
(1e r octobre 1872)
"Article
premier : La faculté de médecine et l'école supérieure de
pharmacie de Strasbourg sont transférées à Nancy.
Le doyen de la faculté est provisoirement chargé de l'administration de ces établissements.
L'école de médecine et de pharmacie de Nancy est supprimée".
Ce
transfert ne fut évoqué à l'Assemblée Nationale que par le biais de la loi
budgétaire.
Le
17 mars 1872, Jules Simon avait demandé à l'Assemblée Nationale le vote d'un
budget extraordinaire pour "compenser la perte du matériel et des
collections et pour équiper la nouvelle Faculté". Il déclare :
"L'Assemblée approuvera
certainement l'idée du gouvernement de reformer dans l'Est un foyer
intellectuel qui rappelle celui de Strasbourg. L'ancienne capitale de la Lorraine est digne de ce choix. D'autres raisons
ont poussé la commission du budget à s'opposer
â la création d'une Faculté de médecine à Lyon au moment même où l'on transfère à Nancy la Faculté de Strasbourg".
Ainsi
de longs mois avaient été nécessaires pour réaliser au plan administratif le transfert de la Faculté de Médecine de Strasbourg.
Il
fallait résoudre parallèlement les problèmes humains de répartition des charges
et enseignements. Ce fut l'objet de
tractations souvent âpres, menées par le doyen strasbourgeois et E. Simonin
directeur de l'ancienne Ecole de Médecine de Nancy. Finalement, la part strasbourgeoise fut
prépondérante pour ce qui est de l'attribution (les chaires (14 pour les
Strasbourgeois, 3 pour les Nancéiens) tandis que l'implantation hospitalière fut précaire jusqu'à l'établissement
d'un nouvel hôpital en 1883.
Restait
aux enseignants strasbourgeois à s'adapter à leur nouvelle vie. Voici ce qu'en dit Bernheim quarante ans plus tard lors de son
jubilé (1910) et à la fin de sa
carrière universitaire : "L'adaptation nouvelle ne se fit pas sans
tiraillements douloureux. Les souvenirs
de Strasbourg étaient trop récents ; et
notre nouveau champ d'enseignement clinique,
l'hôpital Saint-Charles, avait un aspect lugubre qui navrait le cœur".
"Nous
trouvâmes chez plusieurs de nos collègues de Nancy une hospitalité qui rompit la glace".
"Nous
rencontrâmes parmi nos nouveaux confrères, des modèles de dignité et d'honorabilité".
Références bibliographiques dans l’article publié dans la
revue : Histoire des sciences médicales,
no 2, 2000 p147-155
CONSEIL
MUNICIPAL
DE NANCY
-----------
Séance du 9 Juin 1871.
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Présents : MM. Welche, maire, président; Simette et ?Mangin,
adjoints ; Adam, André, Bastien,
Beau, Bernard, Bizalion, de Carey, Chatelain, Cournault, Depéronne, Drouot, Duvaux, Génie, Gomien, Lallement, Larcher, Lernoine, Lestaudin, Mangeot, Marchal, Martz, Parisot, Poincaré, Royé, Schott, Sidrot, Thouvenin, Volland,
conseillers municipaux.
Le Conseil municipal,
Considérant
que le traité de paix qui sépare, pour un temps, Strasbourg de la France prive
les départements du Nord-Est des
établissements d'instruction supérieure qui existaient dans cette ville, et enlève aux familles qui les
habitent les facilités d'enseignement
qu'elles trouvaient dans ces établissements depuis un temps suffisant pour créer des droits à leur conservation dans la même région,
Considérant que
l'intention du Gouvernement allemand, déjà manifestée par les déclarations faites au
Parlement de Berlin par M. Delbrück et
M. le Chancelier impérial, est de doter Strasbourg d'une Université allemande; qu'il
importe de placer en face de celle Université un centre important
d'enseignement supérieur, capable de rivaliser
avec elle, apte à surveiller les progrès de la science allemande pour maintenir
nos efforts scientifiques à la hauteur de ceux faits par nos voisins,