1844-1914
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ELOGE FUNEBRE
Né à Nancy le 16 février 1844, Paul Spillmann fit ses études classiques au Lycée de Strasbourg, à celui de Nancy ensuite. Puis il commença ses études médicales à l'ancienne Ecole de Médecine de notre ville, et y fut interne des Hôpitaux. Il alla ensuite travailler à la Faculté de Paris, y fit son internat dans les services de Lasègue, de Grisolles et de Fournier ; il fut en même temps attaché au laboratoire de Ranvier, au Collège de France, d'où la traduction du Traité d'Histologie de Frey, qui joua un rôle important dans le développement de l'Histologie en France. Il passa en 1869 sa thèse de doctorat sur les Syphilides vulvaires.
Survint la guerre de 1870. Paul Spillmann revint aussitôt à Nancy, et se fit attacher à l'ambulance des Prisons d'abord, puis à celle de la Manufacture des Tabacs. Dès la création de la Faculté de Médecine de Nancy, en novembre 1872, il est nommé chef de clinique médicale, puis chef du service des autopsies, et fait des conférences d'anatomie pathologique. En 1878, il est nommé agrégé à la Faculté de Médecine, avec une thèse restée classique sur la Tuberculose du tube digestif. Chargé en 1880 de la Clinique complémentaire des maladies cutanées et syphilitiques, il est titularisé en 1887 dans la chaire de Clinique médicale qu'il n'a plus quittée. L'Académie de Médecine l'avait appelé à elle à titre de membre correspondant, puis de membre associé en 1910.
Après 41 ans de services universitaires, 34 ans de services hospitaliers comme chef de grands services, la croix de la Légion d'honneur lui fut enfin donnée en juillet 1913, dans la promotion dite de l'institut Pasteur. A ce moment, le Professeur Spillmann était déjà gravement touché par la maladie qui ne devait pas guérir. Ce fut « une croix pour placer au cimetière », ainsi qu'il le dit lui-même à quelqu'un de son entourage hospitalier. A l'occasion de cette décoration, ses anciens élèves avaient fait graver par Prudhomme une plaquette à l'effigie du Maître. On avait projeté de la lui remettre le 19 février, dans une cérémonie tout intime, dans l'amphithéâtre de la clinique où tant de générations s'étaient pressées à ses leçons. Deux jours avant, éclatait la crise qui devait l'emporter.
M. Spillmann avait publié, en collaboration avec Doyon, une adaptation française de la Thérapeutique générale des maladies de la peau de Unna, puis du Traité de la syphilis et des maladies vénériennes de Finger. Son « Manuel de Diagnostic médical », remanié ensuite avec Garnier, Haushalter, L. Spillmann, en est à sa huitième édition française, à sa deuxième édition espagnole. Il fut l'auteur d'importants articles du Dictionnaire de Dechambre (gangrène, péritonite, érysipèle) ; puis de nombreux mémoires, dont bon nombre publiés en collaboration avec ses élèves.
C'est qu'en effet, le Professeur P. Spillmann fut avant tout un maître. La plus grande partie de son activité scientifique fut consacrée à son enseignement de la clinique. Orienté d'abord vers l'étude de la syphilis, ce type des grandes infections chroniques, arrivé à la Clinique médicale au moment de l'adaptation à la Clinique de la bactériologie, de l'anatomie pathologique, de la médecine expérimentale, au moment de la rénovation de la neurologie ; doué d'une prodigieuse puissance d'assimilation, d'une activité infatigable, d'un sens clinique remarquable, très au courant de la littérature étrangère, il chercha toujours à susciter autour de lui l'ardeur dans les recherches, à éveiller des initiatives, à développer des personnalités. Et de son service sortirent les travaux qui éclairèrent de nombreux chapitres de la pathologie nouvelle : études sur les grandes infections, sur la syphilis viscérale, sur les maladies nerveuses, sur leurs rapports avec la syphilis, etc...
Son aptitude à remonter aux causes devait aussi l'amener vers la médecine sociale, d'où l'oeuvre lorraine des tuberculeux indigents, et la création du Sanatorium de Lay-Saint-Christophe ; d'où ses campagnes sur la prophylaxie des maladies vénériennes ; d'où ses observations répétées sur la contamination de nos eaux potables, qui finirent par provoquer la réorganisation du régime des eaux et la presque disparition de la fièvre typhoïde, dont les anciennes épidémies nancéiennes sont encore présentes à la mémoire de tous.
Excellent clinicien, très aimé de ses malades, avec qui il était très bon, très populaire parmi les étudiants entraînés par son activité inlassable, le Professeur P. Spillmann sut marquer d'une forte empreinte de réalisme scientifique, de thérapeutique agissante, ceux dont l'éducation clinique lui fut confiée. Et le souvenir très ému de tous ses élèves va à ce générateur d'initiative, à cet entraîneur qui, parmi tous les maîtres de l'Université de Nancy, fut, par quarante générations de médecins, très familièrement appelé « Le Maître. »
Professeur G. ETIENNE