Chirurgie digestive
par P. BOISSEL
les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)
Initialement intégrée dans les
activités des deux grandes Cliniques chirurgicales A et B à l’Hôpital Central,
la Chirurgie Digestive des adultes est peu à peu isolée et affirmée à partir de
la fin des années 60 lorsque les Professeurs, formés dans ces Services, se sont
autonomisés et ont pris des orientations plus spécialisées dans le cadre
initial de la Chirurgie Générale.
La Chirurgie Digestive a été tout
d’abord une chirurgie d’exérèses de plus en plus étendues et codifiées permises
par les progrès de l’anesthésie, de la transfusion, etc.
En 1967, le Service de
Gynécologie chirurgicale de l’Hôpital Marin change d’affectation, devient un
Service de Chirurgie Générale à la tête duquel est nommé le Pr. Jean GROSDIDIER qui quitte la Clinique Chirurgicale A du Pr. CHALNOT. L’équipe est réduite : un attaché, Francis
GUIBAL ; un, puis deux chefs de Clinique. Les locaux sont assez vétustes,
une salle d’opération, une hospitalisation fragmentée en plusieurs salles de 4
à 15 lits. L’Hôpital Marin gardera une petite
communauté religieuse, bientôt réduite à la seule Sœur Lucie et cette
communauté regagnera très vite l’Hôpital Central.
Ce Service va s’orienter vers une
chirurgie digestive très prédominante gardant encore une activité de chirurgie
gynécologique et une activité de chirurgie générale dont des gardes de
Traumatologie comme c’était le cas à l’époque pour les Services de Chirurgie
dite « générale ».
Les années qui vont suivre
verront son organisation et le développement de plusieurs axes chirurgicaux qui
lui sont restés longtemps spécifiques :
- Développement de la chirurgie
oesophagienne, essentiellement cancérologique reposant sur des montages d’oesophagoplastie gastrique, mais développant les
différentes techniques de coloplastie.
- Développement de la chirurgie
pancréatique avec les différents types d’exérèse pancréatique, interventions
majeures adaptées à la cancérologie, aux lésions pancréatiques chroniques et
aux lésions de pancréatite aiguë.
- Développement de la chirurgie
hépatique avec des indications de plus en plus fréquentes d’hépatectomie
majeure.
- Chirurgie de l’hypertension
portale.
Durant ces mêmes années, une
orientation chirurgicale digestive cancérologique s’identifie dans la Clinique
Chirurgicale B avec les travaux du Pr. BESSOT, puis de l’équipe constituée par
les Pr. BESSOT et DUPREZ. Cette activité restera
limitée dans le temps en raison du décès du Pr. BESSOT.
Ces années 60/70 sont également
marquées par la construction de l’Hôpital de Brabois et l’éclatement des
Services aboutissant aux deux pôles que l’on connaît actuellement. La création
de l’Hôpital de Brabois va représenter une extraordinaire amélioration des
conditions d’exercice. Elle concrétise également malheureusement une division
en deux pôles d’activités différents avec tous les problèmes que poseront
pendant toutes les années suivantes ces activités dédoublées, les problèmes
difficiles de filière de prises en charge médicale et chirurgicale générant des
complications pratiques et des rivalités inutiles et nuisibles.
La construction de l’Hôpital de
Brabois s’achève en 1972 et en 1973 le Service du Pr. GROSDIDIER s’installe au troisième
étage du bâtiment central.
Toujours dominée par des gestes
d’exérèse, la Chirurgie Digestive va s’orienter également vers des actes fonctionnels.
C’est l’époque du traitement chirurgical des ulcères duodénaux, de la prise en
charge des rectocolites ulcéro-hémorragiques, des
maladies de Crohn. Ce sont également des années qui
verront se développer la chirurgie réparatrice des voies biliaires, l’étude de
différents montages chirurgicaux et de la prise en charge de leurs conséquences
diététiques.
Durant trois ans, le Service
gardera une activité de traumatologie, mais celle-ci sera abandonnée
progressivement.
L’orientation vasculaire et traumatologique
de la Clinique Chirurgicale B, l’évolution vers la chirurgie thoracique et des
activités de chirurgie générale d’urgence de la Clinique Chirurgicale A vont centraliser sur le Service de Chirurgie C l’ensemble
des activités de Chirurgie Digestive de l’adulte.
L’appellation « Chirurgie
C » disparaît officiellement.
Les indications chirurgicales
varieront au cours des quelques années qui suivront l’installation à Brabois.
La chirurgie de l’ulcère gastro-duodénal va
disparaître avec une approche thérapeutique physiologique différente efficace
comme disparaît de la chirurgie d’urgence la prise en charge des avortements
avec la génération de la pilule et du planning familial. Les pancréatites
aiguës qui motivaient des interventions complexes deviennent de plus en plus
des indications de prise en charge de réanimation. La chirurgie n’intervient
plus que grâce à des complications spécifiques. D’autres gestes apparaissent au
contraire avec des interventions chirurgicales dans le cadre des maladies hématologiques,
les débuts des prises en charge combinées de certains cancers avec une place
pour la radiothérapie. Il faudra attendre encore une dizaine d’années avant de
retenir des indications de chimiothérapie associée par voie portale
pratiquement abandonnée maintenant, ou complémentaires comme elles sont
maintenant appliquées avec une organisation pluridisciplinaire.
La première transplantation
hépatique remonte à 1969 à Denver et c’est chez le Pr. STARLZ que le Pr.
BOISSEL fera un séjour de 1971 avec l’idée d’appliquer cette technique qui cinq
à six ans plus tard commencera à être envisagée dans le Service avec un travail
sur l’animal de près de dix huit mois. La première transplantation sera
effectuée par le Pr. GROSDIDIER et le Pr. BOISSEL en 1979 sur un malade
présentant une échinococcose alvéolaire au dernier stade d’évolution. Cette
tentative n’aboutira pas. Les indications de greffe paraissent encore très peu
nombreuses à une époque où le traitement immunosuppresseur restait balbutiant.
Il faudra attendre 1983, date à laquelle le Service de Santé Américain
reconnaît cette technique comme une thérapeutique autonome et les années
suivantes qui verront apparaître les générations actuelles
d’immunosuppresseurs. Il s’en suit une expansion immédiate de toutes les
transplantations. En 1987, un véritable programme de transplantation hépatique
est lancé par les soins du Pr. BOISSEL et du Pr. BRESLER.
Cette activité de transplantation sera poursuivie pendant dix ans
principalement en chirurgie adultes, mais aussi en chirurgie pédiatrique, avec
le Service du Pr. SCHMITT et la collaboration du Dr DE MISCAULT.
En 1997, cette activité de transplantation sera interrompue en raison d’un
faible soutien de l’Etablissement qui choisira d’autres orientations. Durant
cette même période, vont être faites les premières transplantations rein-pancréas en collaboration étroite avec les Services de
Néphrologie et d’Urologie avec une greffe de pancréas partiel initialement,
puis rapidement de pancréas total. Ces greffes rein-pancréas
restent toujours effectuées actuellement et apparaissent les applications des
greffes d’îlots pancréatiques.
Durant ces années, le Service a
bénéficié de la nomination comme PH du Dr. Jean-Michel TORTUYAUX.
Ce poste fera l’objet ultérieurement d’un conventionnement avec l’Hôpital Saint
Charles de Toul.
Les années 83-85 seront marquées
par l’apparition de la coelio-chirurgie. Cette
technique de voie d’abord représente une véritable révolution dans les
pratiques chirurgicales et le Service de Chirurgie Digestive et Générale s’y
adaptera immédiatement en lui donnant une impulsion spécifique dans la prise en
charge des urgences où la collaboration médico-chirurgicale
avec les Services de Radiologie du Pr. REGENT va développer l’apport du scanner
dans le traitement des urgences abdominales et son utilité en lien avec la
chirurgie coelioscopique qui pouvait s’appuyer sur
les données d’imagerie précises.
Les applications de cet abord vidéoscopique vont devenir de plus en plus importantes,
concerner des interventions de plus en plus complexes et représenter
actuellement plus de 30% de l’activité du Service, repris en 1992 par le Pr. BOISSEL.
La nomination du Pr. CONROY,
oncologue, qui exerce une partie de son activité dans le Service, permettra de
structurer les réunions de cancérologie, évolution concrétisée dans la création
ultérieure d’Oncolor, le Service devient référent en
particulier en chirurgie colique et pancréatique.
La Fédération des Maladies de
l’Appareil Digestif voit le jour à cette période. Elle développera peu
d’actions communes, limitée comme les Fédérations similaires par l’absence
d’enjeu économique. Elle reflètera l’interdépendance d’une chirurgie et d’une
imagerie de qualité. Elle s’exprimera également par les liens établis entre le
Service de Biochimie du Pr. GUEANT et le Service de Chirurgie qui aboutiront
aux DEA et travaux expérimentaux des Pr. BRESLER, BRUNAUD et bientôt AYAV.
En parallèle avec la chirurgie de
transplantation, la chirurgie hépatique continuait à progresser durant ces
vingt dernières années, bénéficiant d’apports technologiques tels que le
CAVITRON, le bistouri harmonique, la radiofréquence, la généralisation de
techniques d’exclusion du foie dérivées de la chirurgie de greffe.
Au cours des dix dernières années, la chirurgie endocrinienne a pris une importance croissante bénéficiant de progrès considérables dans l’approche médicale, puis plus récemment, dans l’application des techniques vidéoscopiques, en particulier dans la chirurgie des parathyroïdes. Celle-ci bénéficie également des évolutions biologiques avec les dosages hormonaux per opératoires, technique qui avait déjà été appliquée à la chirurgie des insulinomes pancréatiques, chirurgie qui avait utilisé pendant quelques années un pancréas artificiel développé par le Service des Pr. DEBRY puis DROUIN. Une étroite collaboration s’est établie avec le Service d’Endocrinologie du Pr. WERYHA.
Plus récemment, en moins de dix
ans, la chirurgie de l’obésité (dite bariatrique) a
pris un essor important, répondant à des besoins qui iront croissants pendant
au moins les dix prochaines années. Une véritable équipe médico-chirurgicale
s’est constituée avec le Service du Pr. ZIEGLER.
Parmi les évolutions
technologiques majeures de ces toutes dernières années, il faut citer la prise
en charge des problèmes d’incontinence avec les remplacements sphinctériens
utilisant un muscle de la cuisse dynamisé par un stimulateur, le recours au
sphincter artificiel, puis aux techniques de neurostimulation, domaine du Pr. BRESLER.
Il faut enfin citer l’apparition de la chirurgie vidéoscopique avec assistance robotisée et la place toute particulière prise par Nancy dans ce domaine en acquérant un système DA VINCI implanté de façon originale dans une salle dédiée avec une application pluridisciplinaire concernant également la Chirurgie Cardiaque, l’Urologie, la Chirurgie cancérologique pelvienne.
Ces dernières années ont vu une
tentative de réorganisation partielle des filières médicales entre les deux
pôles hospitaliers définissant l’Hôpital Central comme le site d’accueil des
Urgences imposant de ce fait des déplacements d’activité de Chirurgie Générale,
mais également tendant à répartir sur les deux sites les urgences purement
digestives.
Le Service de Chirurgie Générale
et Urgences de l’Hôpital Central, après avoir perdu pendant quelques années
avec la montée du Pr. BORRELLY à Brabois une part importante de l’activité
thoracique et s’être concentré sur la Chirurgie Général d’Urgence, a repris
l’activité thoracique et répond aux urgences de chirurgie générale regroupées
sur le site de Central sous la direction du Pr. Gilles GROSDIDIER, avec lequel
le Service de Chirurgie Digestive et Générale entretient des relations
constantes.
En 2004, le Dr Laurent BRUNAUD
est nommé Professeur des Universités, affecté dans le Service au terme d’une
longue formation qui l’a conduit en particulier à un séjour d’un an dans l’un
des plus grands Services de Chirurgie endocrinienne à San
Francisco.
L’année 2005 vit l’application
des nouvelles réformes hospitalières, avec en particulier la création des Pôles
d’Activités. Le Service de Chirurgie Digestive et Générale devient partie
intégrante du Pôle dit « Uro-Néphro-Digestif »
regroupant les quatre Services d’Urologie, Néphrologie, Hépato-Gastro-Entérologie
et Chirurgie Digestive et Générale.
Durant les trente huit années
écoulées depuis son individualisation, le Service de Chirurgie Digestive et
Générale a formé la quasi-totalité des chirurgiens généraux et digestifs
lorrains issus de l’Internat et marqué toutes les étapes de l’évolution
chirurgicale. La relève est assurée, mais l’avenir dira le retentissement de
l’évolution générale de la Société et plus particulièrement des réformes
hospitalières, et de la démographie médicale sur cette Ecole Chirurgicale.