Gérontologie
par F. PENIN
L’école
de gérontologie nancéienne est née dans le dernier quart du 19ème siècle :
- l’activité gériatrique se déroule d’abord à
l’Hospice Saint-Julien, deuxième du nom qui comporte 275 lits puis à partir de
1900 au troisième Saint-Julien, sur le site actuel
- un Cours
complémentaire de Clinique des maladies des vieillards destiné aux
étudiants en médecine est instauré le 1er novembre 1878 et confié à E. DEMANGE.
P. PARISOT lui succède en 1889, puis G. ETIENNE de 1904 à 1913.
- ces pionniers et leurs élèves sont à l’origine de
nombreux travaux dans tous les domaines de la gérontologie. En 1886, DEMANGE
publie chez Baillières une Etude clinique
et anatomo-pathologique sur la vieillesse et P. PARISOT chez Alcan en
1899 : Etudes sur les maladies
mentales et nerveuses dont de nombreux thèmes attestent de son expérience
gériatrique. Le Traité des maladies des
vieillards de PIC et BONNAMOUR publié
en 1913 témoigne de l’importance de la contribution lorraine.
La
période des deux guerres mondiales et de l’entre deux guerres se caractérise
par une éclipse dans le domaine gérontologique. Cette discipline va renaître
dans les années cinquante à la Maison de Secours sous l’impulsion du Pr. R.
HERBEUVAL, puis de ses élèves G. CUNY, O. GUERCI notamment, tant dans le
domaine clinique, que de l’enseignement et de la recherche.
LOCALISATION ET DESCRIPTION DES
INFRASTRUCTURES
En
novembre 1973, la gériatrie quitte la Maison Hospitalière Saint-Charles pour
l'Hôpital de Brabois qui vient d'ouvrir et s'installe en Médecine J aux 4ème et
5ème étages du Pavillon Drouet entre les services des Insuffisants
Respiratoires (Pr. P. SADOUL) et des Maladies Infectieuses (Pr. J-B. DUREUX).
Le
service comporte 60 lits (2 étages de 30 lits), un matériel technique des plus
réduits et un personnel médical composé d'un Chef de Service (le Pr. Gérard
CUNY), un adjoint (le Dr. Francis PENIN qui sera nommé Professeur agrégé le 1er
septembre 1974), un Chef de clinique (le Dr. Jean Marie SEROT) et 2 internes.
Cette
« montée à Brabois » marque une étape importante car la gériatrie
fait son entrée au CHU alors qu'elle était auparavant cantonnée à la Maison
Hospitalière Saint-Charles (ex. Maison Départementale de Secours), située dans
la ville de Charles III, établissement privé géré par la Congrégation des Sœurs
de Saint-Charles depuis 1804. La gériatrie y avait été développée par le Pr.
HERBEUVAL et son élève le Pr. CUNY, devenu médecin chef après la nomination de
HERBEUVAL comme Chef de Service de la Clinique médicale A en 1964.
En
prenant la direction du Service de Médecine J à Brabois, le Pr. CUNY acceptait
aussi la responsabilité médicale de l'Hospice Saint-Julien (secteur
d'hébergement social et infirmerie) qui va se transformer pour partie en service
de Long Séjour, suite à la loi du 30 juin 1975 relative aux Institutions
Sociales et Médico-sociales. L'humanisation progressive de Saint-Julien
(suppression des salles communes, création de lieux de vie…), la mise en place
du « long séjour » aboutiront à une perte de près de la moitié de
lits, qui sera en partie compensée par la construction de l’établissement
Saint-Stanislas, rue des Fabriques, ouvert en 1993 augmentant de 89 lits la
capacité d'accueil en « Long Séjour » de malades âgés dépendants,
nécessitant une aide à la vie quotidienne ainsi qu'une surveillance médicale
constante et des traitements d'entretien, portant le nombre de lits de long
séjour du CHU à 178 lits et sur Nancy à 298 lits si l'on y ajoute les 120 lits
de la Maison Hospitalière Saint-Charles.
Mais les structures gériatriques, c'est aussi le
« moyen séjour » destiné à accueillir – mais pas exclusivement des
personnes âgées après une affection aiguë dans le but d'assurer leur retour à
domicile après convalescence et réadaptation. Ce « moyen séjour »
dans le cadre du CHU sera créé à Lay-Saint-Christophe par transformation du
Service de Pneumologie Sociale : Mme le Dr. BOULANGE en sera le Chef de Service jusqu'à sa
retraite en juillet 1997, date à laquelle le Dr. Thérèse JONVEAUX lui
succédera. A noter que la capacité d’accueil en « moyen séjour » à Nancy sera de
110 lits : 59 à Lay-St-Christophe et 51 à la Maison Hospitalière
Saint-Charles.
Outre
l'accueil des patients ci-dessus défini, ces deux établissements ouvriront aussi
des lits de soins palliatifs afin d'y prendre en charge et accompagner des
malades en fin de vie.
Enfin,
cette description des infrastructures gériatriques serait incomplète si nous ne
mentionnions pas un établissement novateur, ouvert en 1966 à Bainville-sur-Madon
: le Centre de rééducation pour personnes âgées, créé par l'Office d'Hygiène
Sociale de Meurthe et Moselle (OHS) à l'initiative du Doyen J. PARISOT et du
Pr. HERBEUVAL. Il comporte au départ 100 lits de rééducation confiés au Dr.
Michelle TENETTE. Il évoluera vers un établissement comportant 340 lits par la
construction de nouveaux bâtiments permettant, en 1977, l'ouverture de 40 lits
supplémentaires de rééducation, de 60 lits de moyen séjour et de 140 lits de
long séjour. L'ensemble portera le nom de Centre Jacques Parisot. Autre
originalité, l'ouverture d'un service d'hospitalisation à domicile de
rééducation sur Nancy et sa proche banlieue dès 1972.
A
noter que le centre de rééducation pour personnes âgées a été le premier
établissement en France de ce type. Il accueille dès son ouverture
principalement des hémiplégiques, des artéritiques amputés et des patients
orthopédiques (après fracture de l'extrémité supérieure du fémur ou après pose
de prothèses de hanche pour coxarthrose).
En
application à la loi portant réforme hospitalière du 31 juillet 1991, les
services de « moyen séjour » et « long séjour » deviendront
respectivement Services ou Unités de Soins de Suite/Réadaptation (SSR) et de
Soins de Longue durée (USLD).
Sur
le plan administratif, court séjour, soins de suite / réadaptation (SSR) et
rééducation, soins de longue durée relèvent de la loi hospitalière. A la suite
de la création de la « Prestation Spécifique Dépendance » (PSD), puis
de « l'Allocation Personnalisée pour l'Autonomie » (APA) et de la
réforme de la tarification, les soins de longue durée ainsi que les maisons de
retraite vont comporter une triple tarification : hébergement, soins et
dépendance. Par ailleurs, les services de soins de suite / réadaptation du centre
Médical Paul Spillmann, de soins de longue durée de Saint-Julien et
Saint-Stanislas, relèvent du service public (CHU). La Maison Hospitalière
Saint-Charles et le Centre Jacques Parisot de Bainville-sur-Madon sont des
établissements privés à but non lucratif participant au service public (dits
PS-PH) et relèvent de la convention FEHAP.
En
définitive, force est malheureusement de constater que les structures médiales
gériatriques de Nancy sont dispersées,
pour des raisons historiques, contrairement à des villes comme
Strasbourg, Bordeaux, Grenoble, Lille… qui possèdent de véritables
« hôpitaux gériatriques » : si ceci ne nuit pas aux relations entre
tous ces établissements, grâce à la bonne entente des équipes, toutes
appartenant à une même « famille gériatrique », à une même école, il
n'en est pas de même pour les malades ou les familles….
Une
triple évolution est en cours :
1.
Après le rapprochement des différentes composantes de la gériatrie au sein d'un
département, le service de Médecine B, devenant « Centre de
Gériatrie », la prochaine étape sera vraisemblablement la création d'un
« pôle de gériatrie ».
2.
La gériatrie s'est enrichie, ces dernières années, à la suite des
recommandations des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), et des
deux « plans Alzheimer » successifs, d'un hôpital de jour (HDJ)
espéré depuis plus de 15 ans, d'une équipe mobile gérontologique, d'une
consultation et d'un centre mémoire. Mais ceci s'est accompagné parallèlement
d'une diminution drastique du nombre de lits de court séjour et de soins
continus, passés de 103 à 47 actuellement, en attendant la réouverture espérée
des 12 lits du secteur 4. Ceci n'est pas sans conséquences sur l'accueil des
personnes les plus âgées, souvent polypathologiques, et /ou dépendantes, notamment
à certaines périodes de l'année.
3.
Le déménagement du SSR de Lay-St-Christophe à l'Hôpital Saint-Julien et à terme
aussi du « Centre de Gériatrie » vers le site de Saint-Julien ou
celui de l'Hôpital Central permettront de libérer le huitième étage de
l'Hôpital de Brabois-Adultes et rapprocheront toutes les composantes d'une
gériatrie jusqu'alors « éclatée » dans l'intérêt de tous, y compris
du Service d'Accueil des Urgences.
L'ACTIVITE GERIATRIQUE ET LES EQUIPES
A l'aube des années 1970, la gériatrie n'existe pas en tant que discipline à part entière et reconnue, même si elle compte déjà un petit nombre de pionniers. Pour exister encore faudrait-il qu'elle ait ses lieux d'exercice, notamment hospitaliers, qu'elle soit enseignée, que ses travaux puissent faire l'objet de confrontations au sein de sociétés savantes ou de congrès et publiées dans des revues. Les pionniers : Jean Vignalou et Paul Berthaux à Paris, Pierre Graux à Lille, Maurice Fresneau à Angers, Henri Choussat puis Galley à Bordeaux, Marius Audier à Marseille, Jean-Claude Dauverchain à Montpellier, Robert Hugonot à Grenoble, Gérard Cuny à Nancy sont issus de différentes disciplines : Médecine Interne, Cardiologie, Santé Publique, Gastro-entérologie… Il faut aussi mentionner Hervé Beck à Paris, Jean Marie Vetel au Mans, Michelle Tenette à Bainville-sur-Madon, Yves Delomier à Saint-Etienne, Paul Chapuy à Lyon-Villeurbanne, le Dr. Monneau à Nimes (Centre de Serre-Cavalier)…
Les lieux d'exercice : ce sont des services de médecine à orientation
gériatrique publics ou privés à but non lucratif, des services de moyen et long
séjour baptisés « Centres de Gériatrie » issus le plus souvent
d'anciens hospices transformés, exceptionnellement de constructions dédiées comme le centre de
réadaptation pour personnes âgées à Bainville-sur-Madon. Les possibilités de
formation sont modestes : les Journées d'Ivry qui persistent actuellement,
réunissent à l'automne pendant 48 heures tous ceux qui sont attirés par la
gériatrie. La Société Française de Gérontologie a peu de membres qui se
réunissent une à deux fois par an dans une petite salle mal équipée située à
proximité de la gare Saint Lazare. Certaines sociétés savantes à caractère
régional, comme la Société de Médecine de Nancy, consacreront une séance annuelle
à la gériatrie, occasion d'entendre et discuter des communications qui seront
publiées dans la Revue Médicale de Nancy et de l'Est. Au niveau national,
l'organe d'expression de la gérontologie est la Revue Française de gérontologie
qui deviendra par la suite Revue de Gérontologie d'Expression Française puis
Revue de Gériatrie. La Revue « Gérontologie » plutôt orientée vers
les sciences sociales est créée en 1970. D'autres suivront.
L'enseignement
de la gériatrie est inexistant dans les Facultés de Médecine devenues depuis
1968 et la réforme Edgar Faure, U.F.R. (Unités de Formation et de Recherche).
Les grands traités de médecine mentionnent toujours « la forme clinique du
vieillard » dans la description des maladies. Les ouvrages de gériatrie
sont rarissimes. Mentionnons le Précis de Gérontologie de L. Binet et F.
Bourlière (Masson, 1955) repris par F. Bourlière en 1982 (Gérontologie,
Biologie et Clinique) chez Flammarion et le Précis de Gérontologie d'E. Martin
et J-P. Junod de Genève (1973).
A
partir des années 1970 et surtout 1980, l'évolution s'accélère, la gérontologie
- et tout particulièrement la gérontologie clinique ou gériatrie - se structure
:
-
Certains
services hospitaliers affirment haut et fort leur vocation gériatrique :
c'est le cas au CHU de Nancy du Service
de Médecine Générale B à orientation gériatrique, après transfert de Médecine J
en septembre 1976.
-
Création
de nombreuses sociétés régionales, voire interrégionales comme la Société de
Gérontologie de l'Est créée en 1976 par G. Cuny et F. Kuntzmann, qui couvre 5
régions et 18 départements, qui organise deux réunions plénières
pluridisciplinaires et deux réunions d'enseignement ou de perfectionnement
gériatrique par an.
La Société Française de Gérontologie voit son nombre
de membres augmenter au point de devoir
changer plusieurs fois de lieux de réunions à Paris : alternent deux fois par
an, réunion parisienne et provinciale avec le soutien et l'apport des sociétés
régionales : la dernière en date à Nancy remonte aux 27 et 28 mai 1999.
-
Création
des diplômes universitaires de gérontologie et / ou gériatrie à partir de 1978
avec uniformisation des programmes, DU auquel succède la Capacité de
Gérontologie, c'est-à-dire un diplôme national et pour les futurs cadres
hospitaliers un DESC de Gériatrie pour les titulaires du DES (pratiquement tous
y ont accès).
-
Nomination
de Professeurs agrégés puis de Professeurs des Universités, la plupart par la
voie de la Médecine Interne, mais pas exclusivement : citons pour les plus
anciens d'entre-eux : M. Gaudet à Dijon, F. Kuntzmann à Strasbourg, F. Penin à
Nancy, J.L. Albarède à Toulouse, J. Othoniel à Montpellier, J.P. Emeriau à
Bordeaux, F. Blanchard à Reims, F. Piette et B. Forette à Paris.
-
Création
d'un Syndicat National de Gérontologie Clinique
-
Création
du Collègue National des Enseignants de Gériatrie sous l'impulsion de F.
Kuntzmann et J.P. Emeriau qui se réunit plusieurs fois par an dont une fois en
séminaire de deux jours. Il joue un rôle moteur majeur dans les grands domaines
de l'enseignement à tous les niveaux (cursus des études médicales, formations
post-doctorales, préparation aux concours), de la recherche, de l'organisation
hospitalière … En font partie, les hospitalo-universitaires, mais aussi pour
les villes universitaires qui n'ont pas d'enseignant de rang A dans la
discipline, ceux qui en assument la responsabilité. Ce Collège devient l'interlocuteur des pouvoirs publics.
En
ce début du XXIème siècle, la plupart
des Facultés de Médecine ont un ou deux (exceptionnellement plus) PU-PH
enseignant la gérontologie/gériatrie : rares sont celles qui n'en ont pas ou
n'en ont plus : Marseille, Amiens, quelques Facultés parisiennes, Besançon,
Caen. La situation peut s'avérer difficile lorsqu'il n'existe qu'un seul
enseignant, tant les besoins sont grands, les sollicitations nombreuses et
multiples.
A
Nancy, la situation est facile à résumer :
-
2
PU-PH à Brabois au Centre de Gériatrie (ex. Service de Médecine B) :
·
l'un
Professeur de Médecine Interne ; Gériatrie et Biologie du Vieillissement : Athanase
BENETOS qui a succédé sur le plan universitaire au Pr. Francis PENIN
·
l'autre,
Professeur de Thérapeutique : François PAILLE.
Tous deux se partagent les activités cliniques
du Centre de Gériatrie.
Egalement à Brabois : 3 PH : les Dr. Marie-Christine
SCHMAL-LAURAIN à temps partiel, Christine PERRET-GUILLAUME, Bernadette HANESSE
en charge de l'équipe mobile gérontologique ou de liaison, toutes deux à temps
plein, et le Dr. Anne MAHEUT-BOSSER, psychogériatre à temps plein.
-
Au
Centre Médical Paul Spillmann : 3 PH : le Dr. Thérèse JONVEAUX qui exerce les
fonctions de médecin chef du service de soins de suite/réadaptation et partage
son temps avec une activité de consultation / évaluation cognitive en
Neurologie à l'Hôpital Central, le Dr. Marie-Claude FRANCOIS, responsable du
secteur de soins palliatifs (20 lits) et le Dr. Francis SCHWEITZER.
-
A
Saint-Julien / Saint-Stanislas, le Dr. Marie-Agnès MANCIAUX, PH temps plein
Chef de service de soins de longue durée, le Dr. Claude LEDERLIN, PH à temps
partiel.
-
A la
Maison Hospitalière Saint-Charles, établissement PS-PH de longue tradition
gériatrique liée par convention avec le CHU : 4 équivalents PH : les Dr.
Marie-Yvonne GEORGE, faisant fonction de médecin-chef, Marie-Hélène NOEL,
Isabelle LE BRUN et Gilbert MARTELLINA. L'établissement comporte toutes les
composantes d'une filière gériatrique.
-
Le
Centre Jacques Parisot, établissement PS-PH, dépendant de l'OHS de Meurthe et
Moselle, comporte, outre des lits de rééducation, des lits de soins de
suite/réadaptation, de soins de longue durée, une hospitalisation à domicile de
rééducation. Les équivalents PH qui y exercent sont au nombre de 9 : les Dr.
Andrée TESSIER, médecin chef, Marie-Christine REGENT, Catherine BERTOSSI,
Patricia JEANCLAUDE, Philippe MEYER, Jean-Noël DAUTREPPE, Guy VANCON, François
VIENNOT et Olivier AUBERT.
LA GERIATRIE : POUR QUOI
FAIRE ?
Un
non-initié comprend ou pressent aisément que le terme (par comparaison à la
pédiatrie) concerne la prise en charge médicale des vieillards malades : les
pays de langue anglaise sont attachés au terme de « geriatrician »
qui désigne le médecin gériatre. Les choses se compliquent lorsque l'on utilise
le terme gérontologie, car il concerne l'étude du vieillissement et embrasse
donc un plus vaste domaine que celui de gériatrie, sauf si l'on parle de son
synonyme : la gérontologie clinique.
Les
malades soignés par les gériatres ont largement plus de 65 ans, âge auquel on
devient une personne âgée. La pathologie présentée à cet âge est très
superposable globalement à celle de l'adulte, de la maturité. Le vrai champ
d'activité de la gériatrie s'adresse à des patients de plus de 75-80 ans, qui
cumulent les effets du vieillissement et une ou souvent plusieurs maladies
chroniques (polypathologie), qui les rendent fragiles, à risque de perte de
leur autonomie fonctionnelle susceptible d'imposer l'entrée en institution
gériatrique. Il existe d'autres marqueurs forts de fragilité, tels que des
troubles cognitifs, une dépression, les chutes répétées, la polymédication,
l'isolement social… Des processus pathologiques aigus surajoutés décompensent
ou aggravent un état déjà très précaire.
Les
soins gériatriques visent d'une manière générale à prévenir si possible, à
traiter et tenter de guérir, à assurer la réhabilitation en vue d'un retour à
l'état antérieur, à accompagner les malades atteints d'affections chroniques, à
assurer des soins palliatifs et la prise en charge de la phase terminale dans
des conditions les plus appropriées. L'amélioration de l'état de santé et du
confort de vie et par le fait même de la qualité de vie ou son maintien, sont
les grandes priorités. Une réflexion éthique s'impose en permanence et dans
tous les cas. Et tout particulièrement dans la dépendance liée à des atteintes
psychiatriques ou neuro-dégénératives comme la maladie d'Alzheimer et
affections apparentées, qui entraînent une atteinte des fonctions cognitives.
La Charte des Droits et Libertés de la personne âgée dépendante est là pour le rappeler. Limitées
en nombre, voire anecdotiques, il y a trente ans ces affections ont
« explosé » ces 20 dernières années, du fait surtout du
vieillissement de la population dans les pays développés : l'âge en constitue
le principal facteur de risque. On estime qu'il y a actuellement 850000
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et maladies apparentées en France
et, chaque année, 165000 cas nouveaux sont diagnostiqués tandis que 80000 en
meurent. Elles touchent 18 % des plus de 75 ans, un quart des plus de 85 ans.
C'est dire que les gériatres ont été très tôt confrontés (il y a 25 ans) à
cette terrible maladie et ont dû assumer dans une relative indifférence à la
fois des neurologues et des psychiatres, la difficile prise en charge de tels
malades et de leur famille, tant la maladie est grave de conséquences pour les
proches. Le début de l'ère thérapeutique n'a qu'une dizaine d'années. Elle est
encore bien modeste dans ses effets. La recherche progresse dans tous les
domaines, et ces maladies sont à l'origine des travaux et publications les plus
nombreux en gériatrie (400 nouvelles références par quinzaine, d'après J.F.
Dartigues de Bordeaux).
S'il
existe une pédiatrie sociale, il existe aussi une gériatrie ou gérontologie
sociale : la caractéristique de notre discipline est d'assurer une prise en
charge globale du malade et de son entourage et pas seulement de sa (ou ses)
maladie(s)…Cela nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et un travail
en équipe.
La
gériatrie a considérablement bénéficié des progrès médicaux spectaculaires de
ces trente dernières années dans tous les domaines, mais surtout dans le
domaine des explorations non invasives, permettant un ou des diagnostic(s)
précis.
Parmi
ces explorations mentionnons : l'échographie ultrasonique : abdominale,
pelvienne, cardiaque…, les explorations vasculaires par doppler veineux ou
artériel permettant de se passer de
phlébographie et d'artériographie pour le diagnostic de thrombose
veineuse périphérique, d'atteinte des artères des membres inférieurs, rénales,
mésentériques, des vaisseaux du cou…. Scanner et IRM permettent, couplés à
l'injection de produits de contraste ou de substances isotopiques, le
diagnostic de lésions ischémiques, tumorales ou neuro-dégénératives cérébrales
ou médullaires, quelquefois avant même leur expression clinique ainsi que le
diagnostic d'atteintes viscérales profondes. Devant un abdomen aigu, le scanner
abdominal a remplacé la laparotomie exploratrice et permis un diagnostic
préopératoire précis. Les explorations endoscopiques grâce à l'utilisation
d'appareils à fibres de verre, permettent l'exploration directe, oesogastrique,
colique, urologique et d'effectuer des prélèvements.
On
peut citer aussi les progrès dans le domaine de l'anesthésie-réanimation, de la
chirurgie, des chimiothérapies anticancéreuses, des techniques de suppléance
(par exemple hémodialyse et dialyse péritonéale dans l'insuffisance rénale
aiguë ou chronique). Dans chaque discipline spécialisée, les progrès ont aussi
bénéficié aux plus âgés. A un point tel que la limite d'âge -longtemps prétexte
à renoncement facile - pour telle exploration ou entreprendre tel traitement a
sans cesse reculé jusqu'à souvent disparaître, même aux âges extrêmes. Il faut
pourtant savoir raison garder, l'évaluation du rapport bénéfice / risque et la
réflexion éthique doivent éviter l'acharnement diagnostique et thérapeutique.
Le malade âgé doit être informé et consulté pour toute décision relative à sa
santé. S'il n'est pas en mesure de donner un avis ou réponse, le dialogue avec
la famille ou le référent s'impose.
Les
progrès ont été tels que la gériatrie -
comme c'est déjà le cas en pédiatrie - est en train de se fragmenter en
« sous-spécialités » : neuro-gériatrie, psycho-gériatrie,
cardio-gériatrie, néphro-gériatrie, onco-gériatrie, chirurgie gériatrique,
nutrition gériatrique, rééducation gériatrique ne sont pas des utopies. Elles
ont leur « club », leur société, leurs réunions, séminaires, congrès,
leurs enseignements spécifiques (DU ou DIU),
leur revue.
Tout
ceci démontre l'extraordinaire vitalité de la gériatrie (on pourrait en dire
autant pour beaucoup de composantes de la gérontologie) et, lui permet de
progresser d'autant que la Recherche fondamentale, clinique, biologique,
thérapeutique se développe à grands pas.
QU’EN EST-IL A NANCY ?
1.
Dans le domaine de l'enseignement, grâce au dynamisme du Pr. CUNY et de son équipe,
Nancy a été parmi les premiers à s'impliquer dans les formations : création dès
le début des années 1970, en DCEM 3, d'un demi-module facultatif de
gérontologie alors que la Faculté de Médecine était encore rue Lionnois,
enseignement de gérontologie sociale en fin du deuxième cycle, et de
gérontologie-gériatrie en première année du troisième cycle de Médecine
Générale, diplôme universitaire de gérontologie et gériatrie puis capacité de
gérontologie, DESC de gériatrie, sans compter les participations à de très
nombreux enseignements post-universitaires. Il n'y a pratiquement pas
d'établissement hospitalier public ou privé PS-PH lorrain qui n'ait un ou
plusieurs gériatres, issus de ces formations. D'autres ont essaimé… jusqu'en
Nouvelle Calédonie ! Certains exercent dans des collectivités territoriales,
dans des maisons de retraite ou EHPAD comme médecin coordonnateur. En 2001 a
été créé avec Strasbourg et Dijon, un diplôme de médecin coordonnateur en
EHPAD, ce « nouveau métier » né de la Loi du 26 avril 1999. Les
gériatres interviennent par ailleurs dans les deux IFSI de Nancy et celui de
Laxou…
L'enseignement, c'est aussi la participation à la
gériatrie nancéienne à un certain nombre d'ouvrages : Précis de Gériatrie,
Corpus de Gériatrie 1 et 2…
2.
Nous
ne reviendrons pas sur les composantes de la
filière gériatrique nancéienne. Le service de « Médecine B à
orientation gériatrique » (le terme de service de gériatrie n'existant
alors pas dans les CHU), a été longtemps en France un des rares services de
court séjour gériatrique en CHU : outre ses 4 secteurs d'hospitalisation
traditionnelle, il accueillait des malades âgés graves, dans son secteur de 7
lits dits de soins continus, en fait relevant souvent de soins intensifs, et
provenant pour la majorité d'entre eux des services d'accueil des urgences de
Brabois ou de l'Hôpital Central. Il a bénéficié de la collaboration de médecins
québécois : citons Jacques Podvin et son cousin Laurent Potvin, Marie Jeanne Kergoat…
venus au cours de leur année sabbatique. Ils nous ont fait profiter de leurs
connaissances et de leur expérience dans le domaine de l'organisation
gérontologique, de la psychogériatrie, des soins aux personnes âgées. La
vocation gériatrique du service de Médecine B a été reconnue par l'ensemble de
la communauté hospitalière et par la direction. L'âge moyen des malades
supérieur à 80 ans, la polypathologie et les comorbidités, l'accueil d'un grand
nombre de malades déments, apparaissent à travers le PMSI, introduit dans le
service, à titre expérimental et volontaire bien avant de devenir obligatoire.
Ce PMSI a aussi permis de mettre en évidence une durée moyenne de séjour deux à
trois fois plus longue que dans les autres services de Médecine Interne et
surtout de séjours particulièrement longs - et qui ne sont pas propres au CHU
de Nancy - liés au manque de place dans les secteurs d'aval.
3.
Les travaux de recherche sont essentiellement des travaux cliniques, inspirés
et / ou consacrés aux affections gériatriques, rencontrées au cours de la
pratique hospitalière (beaucoup concernent les démences séniles) : ils ont fait
l'objet de publications dans les congrès gériatriques (de la Société Française
de Gérontologie, Congrès Francophone de Gérontologie ou Congrès
internationaux), Congrès de la Société Nationale Française de Médecine Interne
: SNFMI, dans les revues gériatriques et en particulier La Revue de Gériatrie.
L'hospitalisation des plus âgés, les aspects médico-sociaux ont été étudiés.
Dans le
domaine plus gérontologique et biologique des travaux ont été réalisés au
Centre de Médecine Préventive de Vandoeuvre-les-Nancy (il s'agit surtout
d'études transversales), mais aussi avec le Laboratoire d'Immunologie du Pr. J.
Duheille puis des Pr. G. Faure et M.C. Bené, sur l'auto-immunité, avec l'équipe
du Pr. F. Stoltz sur la microcirculation chez les sujets âgés hypertendus et au
cours des accidents vasculaires cérébraux…
Un certain nombre de mémoires de DESC de Gériatrie,
plus de 250 thèses de doctorat en médecine Générale ou de Spécialité ont trait
aux personnes âgées : la grande majorité a été inspirée et dirigée par les
gériatres. Ils peuvent être consultés à la bibliothèque du Centre de Gériatrie.
La thérapeutique médicamenteuse, les traitements anticoagulants, la pathologie
iatrogène ont inspiré de nombreux travaux.
Les
gériatres nancéiens avaient un regret : c'est d'avoir toujours dû travailler en
nombre plus que restreint, et de n'avoir jamais atteint la « masse
critique » suffisante pour permettre de réaliser des travaux suivis dans
le domaine de la recherche fondamentale et biologique : bon nombre de projets
n'ont pu aboutir ou être poursuivis, faute de « bras » et faute de
temps, ce qui est source de frustration. Mais les choses sont en train de
changer…
En
effet, l'arrivée de François PAILLE, Professeur de Thérapeutique, en 1999 au
départ du Pr. C. JEANDEL pour Montpellier, la nomination du Pr. Athanase
BENETOS, Directeur de Recherche à l'INSERM, en Médecine Interne ; Gériatrie et
Biologie du Vieillissement à Nancy au 1er septembre 2002, la création d'une
unité INSERM « Remodelage et vieillissement cardio-vasculaire »
permettent l'essor de la recherche gérontologique à Nancy.
Sur
le plan fondamental, les travaux portent sur les marqueurs biologiques et les
mécanismes du vieillissement cardiovasculaire accéléré et ses relations avec
certains grands fléaux tels que les troubles cognitifs, l'ostéoporose… La
collaboration avec le Centre d'Investigations Cliniques (CIC) dont une antenne
fonctionne dans le Centre de Gériatrie permet de faire le lien entre la
recherche fondamentale et la recherche clinique. D'autres collaborations avec
le Centre de Médecine Préventive ainsi qu’avec l'équipe de Philippe PERRIN
portent sur la recherche épidémiologique et la prévention en gérontologie ainsi
que sur l'activité physique et les troubles de l'équilibre.
Sur
le plan clinique, des travaux coopératifs en cours ou des projets portent sur
la thrombose veineuse et l'anticoagulation, sur les troubles de l'équilibre, de
la marche, et les chutes chez le malade atteint de maladie d'Alzheimer, sur
l'analyse de la plainte mnésique…. Le train est lancé.
Pour
conclure ces quelques pages, témoignant de « l’entrée de la gériatrie dans
le paysage médical français », Nancy peut se flatter d'y avoir
contribué.