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Gérontologie

 

par F. PENIN

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les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)

 

L’école de gérontologie nancéienne est née dans le dernier quart du 19ème siècle  :

- l’activité gériatrique se déroule d’abord à l’Hospice Saint-Julien, deuxième du nom qui comporte 275 lits puis à partir de 1900 au troisième Saint-Julien, sur le site actuel

- un Cours complémentaire de Clinique des maladies des vieillards destiné aux étudiants en médecine est instauré le 1er novembre 1878 et confié à E. DEMANGE. P. PARISOT lui succède en 1889, puis G. ETIENNE de 1904 à 1913.

- ces pionniers et leurs élèves sont à l’origine de nombreux travaux dans tous les domaines de la gérontologie. En 1886, DEMANGE publie chez Baillières une Etude clinique et anatomo-pathologique sur la vieillesse et P. PARISOT chez Alcan en 1899 : Etudes sur les maladies mentales et nerveuses dont de nombreux thèmes attestent de son expérience gériatrique. Le Traité des maladies des vieillards de PIC et BONNAMOUR publié en 1913 témoigne de l’importance de la contribution lorraine.

La période des deux guerres mondiales et de l’entre deux guerres se caractérise par une éclipse dans le domaine gérontologique. Cette discipline va renaître dans les années cinquante à la Maison de Secours sous l’impulsion du Pr. R. HERBEUVAL, puis de ses élèves G. CUNY, O. GUERCI notamment, tant dans le domaine clinique, que de l’enseignement et de la recherche.

 

LOCALISATION ET DESCRIPTION DES INFRASTRUCTURES

 

En novembre 1973, la gériatrie quitte la Maison Hospitalière Saint-Charles pour l'Hôpital de Brabois qui vient d'ouvrir et s'installe en Médecine J aux 4ème et 5ème étages du Pavillon Drouet entre les services des Insuffisants Respiratoires (Pr. P. SADOUL) et des Maladies Infectieuses (Pr. J-B. DUREUX).

Le service comporte 60 lits (2 étages de 30 lits), un matériel technique des plus réduits et un personnel médical composé d'un Chef de Service (le Pr. Gérard CUNY), un adjoint (le Dr. Francis PENIN qui sera nommé Professeur agrégé le 1er septembre 1974), un Chef de clinique (le Dr. Jean Marie SEROT) et 2 internes.

Cette « montée à Brabois » marque une étape importante car la gériatrie fait son entrée au CHU alors qu'elle était auparavant cantonnée à la Maison Hospitalière Saint-Charles (ex. Maison Départementale de Secours), située dans la ville de Charles III, établissement privé géré par la Congrégation des Sœurs de Saint-Charles depuis 1804. La gériatrie y avait été développée par le Pr. HERBEUVAL et son élève le Pr. CUNY, devenu médecin chef après la nomination de HERBEUVAL comme Chef de Service de la Clinique médicale A en 1964.

En prenant la direction du Service de Médecine J à Brabois, le Pr. CUNY acceptait aussi la responsabilité médicale de l'Hospice Saint-Julien (secteur d'hébergement social et infirmerie) qui va se transformer pour partie en service de Long Séjour, suite à la loi du 30 juin 1975 relative aux Institutions Sociales et Médico-sociales. L'humanisation progressive de Saint-Julien (suppression des salles communes, création de lieux de vie…), la mise en place du « long séjour » aboutiront à une perte de près de la moitié de lits, qui sera en partie compensée par la construction de l’établissement Saint-Stanislas, rue des Fabriques, ouvert en 1993 augmentant de 89 lits la capacité d'accueil en « Long Séjour » de malades âgés dépendants, nécessitant une aide à la vie quotidienne ainsi qu'une surveillance médicale constante et des traitements d'entretien, portant le nombre de lits de long séjour du CHU à 178 lits et sur Nancy à 298 lits si l'on y ajoute les 120 lits de la Maison Hospitalière Saint-Charles.

Mais les structures gériatriques, c'est aussi le « moyen séjour » destiné à accueillir – mais pas exclusivement des personnes âgées après une affection aiguë dans le but d'assurer leur retour à domicile après convalescence et réadaptation. Ce « moyen séjour » dans le cadre du CHU sera créé à Lay-Saint-Christophe par transformation du Service de Pneumologie Sociale : Mme le Dr. BOULANGE  en sera le Chef de Service jusqu'à sa retraite en juillet 1997, date à laquelle le Dr. Thérèse JONVEAUX lui succédera. A noter que la capacité d’accueil en          « moyen séjour » à Nancy sera de 110 lits : 59 à Lay-St-Christophe et 51 à la Maison Hospitalière Saint-Charles.

Outre l'accueil des patients ci-dessus défini, ces deux établissements ouvriront aussi des lits de soins palliatifs afin d'y prendre en charge et accompagner des malades en fin de vie.

Enfin, cette description des infrastructures gériatriques serait incomplète si nous ne mentionnions pas un établissement novateur, ouvert en 1966 à Bainville-sur-Madon : le Centre de rééducation pour personnes âgées, créé par l'Office d'Hygiène Sociale de Meurthe et Moselle (OHS) à l'initiative du Doyen J. PARISOT et du Pr. HERBEUVAL. Il comporte au départ 100 lits de rééducation confiés au Dr. Michelle TENETTE. Il évoluera vers un établissement comportant 340 lits par la construction de nouveaux bâtiments permettant, en 1977, l'ouverture de 40 lits supplémentaires de rééducation, de 60 lits de moyen séjour et de 140 lits de long séjour. L'ensemble portera le nom de Centre Jacques Parisot. Autre originalité, l'ouverture d'un service d'hospitalisation à domicile de rééducation sur Nancy et sa proche banlieue dès 1972.

A noter que le centre de rééducation pour personnes âgées a été le premier établissement en France de ce type. Il accueille dès son ouverture principalement des hémiplégiques, des artéritiques amputés et des patients orthopédiques (après fracture de l'extrémité supérieure du fémur ou après pose de prothèses de hanche pour coxarthrose).

En application à la loi portant réforme hospitalière du 31 juillet 1991, les services de « moyen séjour » et « long séjour » deviendront respectivement Services ou Unités de Soins de Suite/Réadaptation (SSR) et de Soins de Longue durée (USLD).

Sur le plan administratif, court séjour, soins de suite / réadaptation (SSR) et rééducation, soins de longue durée relèvent de la loi hospitalière. A la suite de la création de la « Prestation Spécifique Dépendance » (PSD), puis de « l'Allocation Personnalisée pour l'Autonomie » (APA) et de la réforme de la tarification, les soins de longue durée ainsi que les maisons de retraite vont comporter une triple tarification : hébergement, soins et dépendance. Par ailleurs, les services de soins de suite / réadaptation du centre Médical Paul Spillmann, de soins de longue durée de Saint-Julien et Saint-Stanislas, relèvent du service public (CHU). La Maison Hospitalière Saint-Charles et le Centre Jacques Parisot de Bainville-sur-Madon sont des établissements privés à but non lucratif participant au service public (dits PS-PH) et relèvent de la convention FEHAP.

En définitive, force est malheureusement de constater que les structures médiales gériatriques de Nancy sont dispersées,  pour des raisons historiques, contrairement à des villes comme Strasbourg, Bordeaux, Grenoble, Lille… qui possèdent de véritables « hôpitaux gériatriques » : si ceci ne nuit pas aux relations entre tous ces établissements, grâce à la bonne entente des équipes, toutes appartenant à une même « famille gériatrique », à une même école, il n'en est pas de même pour les malades ou les familles….

Une triple évolution est en cours :

1. Après le rapprochement des différentes composantes de la gériatrie au sein d'un département, le service de Médecine B, devenant « Centre de Gériatrie », la prochaine étape sera vraisemblablement la création d'un « pôle de gériatrie ».

2. La gériatrie s'est enrichie, ces dernières années, à la suite des recommandations des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), et des deux « plans Alzheimer » successifs, d'un hôpital de jour (HDJ) espéré depuis plus de 15 ans, d'une équipe mobile gérontologique, d'une consultation et d'un centre mémoire. Mais ceci s'est accompagné parallèlement d'une diminution drastique du nombre de lits de court séjour et de soins continus, passés de 103 à 47 actuellement, en attendant la réouverture espérée des 12 lits du secteur 4. Ceci n'est pas sans conséquences sur l'accueil des personnes les plus âgées, souvent polypathologiques, et /ou dépendantes, notamment à certaines périodes de l'année.

3. Le déménagement du SSR de Lay-St-Christophe à l'Hôpital Saint-Julien et à terme aussi du « Centre de Gériatrie » vers le site de Saint-Julien ou celui de l'Hôpital Central permettront de libérer le huitième étage de l'Hôpital de Brabois-Adultes et rapprocheront toutes les composantes d'une gériatrie jusqu'alors « éclatée » dans l'intérêt de tous, y compris du Service d'Accueil des Urgences.

 

L'ACTIVITE GERIATRIQUE ET LES EQUIPES

 

A l'aube des années 1970, la gériatrie n'existe pas en tant que discipline à part entière et reconnue, même si elle compte déjà un petit nombre de pionniers. Pour exister encore faudrait-il qu'elle ait ses lieux d'exercice, notamment hospitaliers, qu'elle soit enseignée, que ses travaux puissent faire l'objet de confrontations au sein de sociétés savantes ou de congrès et publiées dans des revues. Les pionniers : Jean Vignalou et Paul Berthaux à Paris, Pierre Graux à Lille, Maurice Fresneau à Angers, Henri Choussat puis Galley à Bordeaux, Marius Audier à Marseille, Jean-Claude Dauverchain à Montpellier, Robert Hugonot à Grenoble, Gérard Cuny à Nancy sont issus de différentes disciplines : Médecine Interne, Cardiologie, Santé Publique, Gastro-entérologie… Il faut aussi mentionner Hervé Beck à Paris, Jean Marie Vetel au Mans, Michelle Tenette à Bainville-sur-Madon, Yves Delomier à Saint-Etienne, Paul Chapuy à Lyon-Villeurbanne, le Dr. Monneau à Nimes (Centre de Serre-Cavalier)…

Les lieux d'exercice : ce sont des services de médecine à orientation gériatrique publics ou privés à but non lucratif, des services de moyen et long séjour baptisés « Centres de Gériatrie » issus le plus souvent d'anciens hospices transformés, exceptionnellement  de constructions dédiées comme le centre de réadaptation pour personnes âgées à Bainville-sur-Madon. Les possibilités de formation sont modestes : les Journées d'Ivry qui persistent actuellement, réunissent à l'automne pendant 48 heures tous ceux qui sont attirés par la gériatrie. La Société Française de Gérontologie a peu de membres qui se réunissent une à deux fois par an dans une petite salle mal équipée située à proximité de la gare Saint Lazare. Certaines sociétés savantes à caractère régional, comme la Société de Médecine de Nancy, consacreront une séance annuelle à la gériatrie, occasion d'entendre et discuter des communications qui seront publiées dans la Revue Médicale de Nancy et de l'Est. Au niveau national, l'organe d'expression de la gérontologie est la Revue Française de gérontologie qui deviendra par la suite Revue de Gérontologie d'Expression Française puis Revue de Gériatrie. La Revue « Gérontologie » plutôt orientée vers les sciences sociales est créée en 1970. D'autres suivront.

L'enseignement de la gériatrie est inexistant dans les Facultés de Médecine devenues depuis 1968 et la réforme Edgar Faure, U.F.R. (Unités de Formation et de Recherche). Les grands traités de médecine mentionnent toujours « la forme clinique du vieillard » dans la description des maladies. Les ouvrages de gériatrie sont rarissimes. Mentionnons le Précis de Gérontologie de L. Binet et F. Bourlière (Masson, 1955) repris par F. Bourlière en 1982 (Gérontologie, Biologie et Clinique) chez Flammarion et le Précis de Gérontologie d'E. Martin et J-P. Junod de Genève (1973).

A partir des années 1970 et surtout 1980, l'évolution s'accélère, la gérontologie - et tout particulièrement la gérontologie clinique ou gériatrie - se structure :

-       Certains services hospitaliers affirment haut et fort leur vocation gériatrique : c'est  le cas au CHU de Nancy du Service de Médecine Générale B à orientation gériatrique, après transfert de Médecine J en septembre 1976.

-       Création de nombreuses sociétés régionales, voire interrégionales comme la Société de Gérontologie de l'Est créée en 1976 par G. Cuny et F. Kuntzmann, qui couvre 5 régions et 18 départements, qui organise deux réunions plénières pluridisciplinaires et deux réunions d'enseignement ou de perfectionnement gériatrique par an.

La Société Française de Gérontologie voit son nombre de membres augmenter  au point de devoir changer plusieurs fois de lieux de réunions à Paris : alternent deux fois par an, réunion parisienne et provinciale avec le soutien et l'apport des sociétés régionales : la dernière en date à Nancy remonte aux  27 et 28 mai 1999.

-       Création des diplômes universitaires de gérontologie et / ou gériatrie à partir de 1978 avec uniformisation des programmes, DU auquel succède la Capacité de Gérontologie, c'est-à-dire un diplôme national et pour les futurs cadres hospitaliers un DESC de Gériatrie pour les titulaires du DES (pratiquement tous y ont accès).

-       Nomination de Professeurs agrégés puis de Professeurs des Universités, la plupart par la voie de la Médecine Interne, mais pas exclusivement : citons pour les plus anciens d'entre-eux : M. Gaudet à Dijon, F. Kuntzmann à Strasbourg, F. Penin à Nancy, J.L. Albarède à Toulouse, J. Othoniel à Montpellier, J.P. Emeriau à Bordeaux, F. Blanchard à Reims, F. Piette et B. Forette à Paris.

-       Création d'un Syndicat National de Gérontologie Clinique

-       Création du Collègue National des Enseignants de Gériatrie sous l'impulsion de F. Kuntzmann et J.P. Emeriau qui se réunit plusieurs fois par an dont une fois en séminaire de deux jours. Il joue un rôle moteur majeur dans les grands domaines de l'enseignement à tous les niveaux (cursus des études médicales, formations post-doctorales, préparation aux concours), de la recherche, de l'organisation hospitalière … En font partie, les hospitalo-universitaires, mais aussi pour les villes universitaires qui n'ont pas d'enseignant de rang A dans la discipline, ceux qui en assument la responsabilité. Ce Collège devient  l'interlocuteur des pouvoirs publics.

En ce début du XXIème  siècle, la plupart des Facultés de Médecine ont un ou deux (exceptionnellement plus) PU-PH enseignant la gérontologie/gériatrie : rares sont celles qui n'en ont pas ou n'en ont plus : Marseille, Amiens, quelques Facultés parisiennes, Besançon, Caen. La situation peut s'avérer difficile lorsqu'il n'existe qu'un seul enseignant, tant les besoins sont grands, les sollicitations nombreuses et multiples.

A Nancy, la situation est facile à résumer :

-         2 PU-PH à Brabois au Centre de Gériatrie (ex. Service de Médecine B) :

·           l'un Professeur de Médecine Interne ; Gériatrie et Biologie du Vieillissement : Athanase BENETOS qui a succédé sur le plan universitaire au Pr. Francis PENIN

·           l'autre, Professeur de Thérapeutique : François PAILLE.

Tous deux se partagent les activités cliniques du Centre de Gériatrie.

Egalement à Brabois : 3 PH : les Dr. Marie-Christine SCHMAL-LAURAIN à temps partiel, Christine PERRET-GUILLAUME, Bernadette HANESSE en charge de l'équipe mobile gérontologique ou de liaison, toutes deux à temps plein, et le Dr. Anne MAHEUT-BOSSER, psychogériatre à temps plein.

-         Au Centre Médical Paul Spillmann : 3 PH : le Dr. Thérèse JONVEAUX qui exerce les fonctions de médecin chef du service de soins de suite/réadaptation et partage son temps avec une activité de consultation / évaluation cognitive en Neurologie à l'Hôpital Central, le Dr. Marie-Claude FRANCOIS, responsable du secteur de soins palliatifs (20 lits) et le Dr. Francis SCHWEITZER.

-         A Saint-Julien / Saint-Stanislas, le Dr. Marie-Agnès MANCIAUX, PH temps plein Chef de service de soins de longue durée, le Dr. Claude LEDERLIN, PH à temps partiel.

-         A la Maison Hospitalière Saint-Charles, établissement PS-PH de longue tradition gériatrique liée par convention avec le CHU : 4 équivalents PH : les Dr. Marie-Yvonne GEORGE, faisant fonction de médecin-chef, Marie-Hélène NOEL, Isabelle LE BRUN et Gilbert MARTELLINA. L'établissement comporte toutes les composantes d'une filière gériatrique.

-         Le Centre Jacques Parisot, établissement PS-PH, dépendant de l'OHS de Meurthe et Moselle, comporte, outre des lits de rééducation, des lits de soins de suite/réadaptation, de soins de longue durée, une hospitalisation à domicile de rééducation. Les équivalents PH qui y exercent sont au nombre de 9 : les Dr. Andrée TESSIER, médecin chef, Marie-Christine REGENT, Catherine BERTOSSI, Patricia JEANCLAUDE, Philippe MEYER, Jean-Noël DAUTREPPE, Guy VANCON, François VIENNOT et Olivier AUBERT.

 

LA GERIATRIE : POUR QUOI FAIRE ?

 

Un non-initié comprend ou pressent aisément que le terme (par comparaison à la pédiatrie) concerne la prise en charge médicale des vieillards malades : les pays de langue anglaise sont attachés au terme de « geriatrician » qui désigne le médecin gériatre. Les choses se compliquent lorsque l'on utilise le terme gérontologie, car il concerne l'étude du vieillissement et embrasse donc un plus vaste domaine que celui de gériatrie, sauf si l'on parle de son synonyme : la gérontologie clinique.

Les malades soignés par les gériatres ont largement plus de 65 ans, âge auquel on devient une personne âgée. La pathologie présentée à cet âge est très superposable globalement à celle de l'adulte, de la maturité. Le vrai champ d'activité de la gériatrie s'adresse à des patients de plus de 75-80 ans, qui cumulent les effets du vieillissement et une ou souvent plusieurs maladies chroniques (polypathologie), qui les rendent fragiles, à risque de perte de leur autonomie fonctionnelle susceptible d'imposer l'entrée en institution gériatrique. Il existe d'autres marqueurs forts de fragilité, tels que des troubles cognitifs, une dépression, les chutes répétées, la polymédication, l'isolement social… Des processus pathologiques aigus surajoutés décompensent ou aggravent un état déjà très précaire.

Les soins gériatriques visent d'une manière générale à prévenir si possible, à traiter et tenter de guérir, à assurer la réhabilitation en vue d'un retour à l'état antérieur, à accompagner les malades atteints d'affections chroniques, à assurer des soins palliatifs et la prise en charge de la phase terminale dans des conditions les plus appropriées. L'amélioration de l'état de santé et du confort de vie et par le fait même de la qualité de vie ou son maintien, sont les grandes priorités. Une réflexion éthique s'impose en permanence et dans tous les cas. Et tout particulièrement dans la dépendance liée à des atteintes psychiatriques ou neuro-dégénératives comme la maladie d'Alzheimer et affections apparentées, qui entraînent une atteinte des fonctions cognitives. La Charte des Droits et Libertés de la personne âgée  dépendante est là pour le rappeler. Limitées en nombre, voire anecdotiques, il y a trente ans ces affections ont « explosé » ces 20 dernières années, du fait surtout du vieillissement de la population dans les pays développés : l'âge en constitue le principal facteur de risque. On estime qu'il y a actuellement 850000 personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et maladies apparentées en France et, chaque année, 165000 cas nouveaux sont diagnostiqués tandis que 80000 en meurent. Elles touchent 18 % des plus de 75 ans, un quart des plus de 85 ans. C'est dire que les gériatres ont été très tôt confrontés (il y a 25 ans) à cette terrible maladie et ont dû assumer dans une relative indifférence à la fois des neurologues et des psychiatres, la difficile prise en charge de tels malades et de leur famille, tant la maladie est grave de conséquences pour les proches. Le début de l'ère thérapeutique n'a qu'une dizaine d'années. Elle est encore bien modeste dans ses effets. La recherche progresse dans tous les domaines, et ces maladies sont à l'origine des travaux et publications les plus nombreux en gériatrie (400 nouvelles références par quinzaine, d'après J.F. Dartigues de Bordeaux).

S'il existe une pédiatrie sociale, il existe aussi une gériatrie ou gérontologie sociale : la caractéristique de notre discipline est d'assurer une prise en charge globale du malade et de son entourage et pas seulement de sa (ou ses) maladie(s)…Cela nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et un travail en équipe.

La gériatrie a considérablement bénéficié des progrès médicaux spectaculaires de ces trente dernières années dans tous les domaines, mais surtout dans le domaine des explorations non invasives, permettant un ou des diagnostic(s) précis.

Parmi ces explorations mentionnons : l'échographie ultrasonique : abdominale, pelvienne, cardiaque…, les explorations vasculaires par doppler veineux ou artériel permettant de se passer de  phlébographie et d'artériographie pour le diagnostic de thrombose veineuse périphérique, d'atteinte des artères des membres inférieurs, rénales, mésentériques, des vaisseaux du cou…. Scanner et IRM permettent, couplés à l'injection de produits de contraste ou de substances isotopiques, le diagnostic de lésions ischémiques, tumorales ou neuro-dégénératives cérébrales ou médullaires, quelquefois avant même leur expression clinique ainsi que le diagnostic d'atteintes viscérales profondes. Devant un abdomen aigu, le scanner abdominal a remplacé la laparotomie exploratrice et permis un diagnostic préopératoire précis. Les explorations endoscopiques grâce à l'utilisation d'appareils à fibres de verre, permettent l'exploration directe, oesogastrique, colique, urologique et d'effectuer des prélèvements.

On peut citer aussi les progrès dans le domaine de l'anesthésie-réanimation, de la chirurgie, des chimiothérapies anticancéreuses, des techniques de suppléance (par exemple hémodialyse et dialyse péritonéale dans l'insuffisance rénale aiguë ou chronique). Dans chaque discipline spécialisée, les progrès ont aussi bénéficié aux plus âgés. A un point tel que la limite d'âge -longtemps prétexte à renoncement facile - pour telle exploration ou entreprendre tel traitement a sans cesse reculé jusqu'à souvent disparaître, même aux âges extrêmes. Il faut pourtant savoir raison garder, l'évaluation du rapport bénéfice / risque et la réflexion éthique doivent éviter l'acharnement diagnostique et thérapeutique. Le malade âgé doit être informé et consulté pour toute décision relative à sa santé. S'il n'est pas en mesure de donner un avis ou réponse, le dialogue avec la famille ou le référent s'impose.

Les progrès ont été tels que la gériatrie  - comme c'est déjà le cas en pédiatrie - est en train de se fragmenter en « sous-spécialités » : neuro-gériatrie, psycho-gériatrie, cardio-gériatrie, néphro-gériatrie, onco-gériatrie, chirurgie gériatrique, nutrition gériatrique, rééducation gériatrique ne sont pas des utopies. Elles ont leur « club », leur société, leurs réunions, séminaires, congrès, leurs enseignements spécifiques (DU ou DIU),  leur revue.

Tout ceci démontre l'extraordinaire vitalité de la gériatrie (on pourrait en dire autant pour beaucoup de composantes de la gérontologie) et, lui permet de progresser d'autant que la Recherche fondamentale, clinique, biologique, thérapeutique se développe à grands pas.

 

QU’EN EST-IL A NANCY ?

 

1.        Dans le domaine de l'enseignement, grâce au dynamisme du Pr. CUNY et de son équipe, Nancy a été parmi les premiers à s'impliquer dans les formations : création dès le début des années 1970, en DCEM 3, d'un demi-module facultatif de gérontologie alors que la Faculté de Médecine était encore rue Lionnois, enseignement de gérontologie sociale en fin du deuxième cycle, et de gérontologie-gériatrie en première année du troisième cycle de Médecine Générale, diplôme universitaire de gérontologie et gériatrie puis capacité de gérontologie, DESC de gériatrie, sans compter les participations à de très nombreux enseignements post-universitaires. Il n'y a pratiquement pas d'établissement hospitalier public ou privé PS-PH lorrain qui n'ait un ou plusieurs gériatres, issus de ces formations. D'autres ont essaimé… jusqu'en Nouvelle Calédonie ! Certains exercent dans des collectivités territoriales, dans des maisons de retraite ou EHPAD comme médecin coordonnateur. En 2001 a été créé avec Strasbourg et Dijon, un diplôme de médecin coordonnateur en EHPAD, ce « nouveau métier » né de la Loi du 26 avril 1999. Les gériatres interviennent par ailleurs dans les deux IFSI de Nancy et celui de Laxou…

L'enseignement, c'est aussi la participation à la gériatrie nancéienne à un certain nombre d'ouvrages : Précis de Gériatrie, Corpus de Gériatrie 1 et 2…

2.        Nous ne reviendrons pas sur les composantes de la filière gériatrique nancéienne. Le service de « Médecine B à orientation gériatrique » (le terme de service de gériatrie n'existant alors pas dans les CHU), a été longtemps en France un des rares services de court séjour gériatrique en CHU : outre ses 4 secteurs d'hospitalisation traditionnelle, il accueillait des malades âgés graves, dans son secteur de 7 lits dits de soins continus, en fait relevant souvent de soins intensifs, et provenant pour la majorité d'entre eux des services d'accueil des urgences de Brabois ou de l'Hôpital Central. Il a bénéficié de la collaboration de médecins québécois : citons Jacques Podvin et son cousin Laurent Potvin, Marie Jeanne Kergoat… venus au cours de leur année sabbatique. Ils nous ont fait profiter de leurs connaissances et de leur expérience dans le domaine de l'organisation gérontologique, de la psychogériatrie, des soins aux personnes âgées. La vocation gériatrique du service de Médecine B a été reconnue par l'ensemble de la communauté hospitalière et par la direction. L'âge moyen des malades supérieur à 80 ans, la polypathologie et les comorbidités, l'accueil d'un grand nombre de malades déments, apparaissent à travers le PMSI, introduit dans le service, à titre expérimental et volontaire bien avant de devenir obligatoire. Ce PMSI a aussi permis de mettre en évidence une durée moyenne de séjour deux à trois fois plus longue que dans les autres services de Médecine Interne et surtout de séjours particulièrement longs - et qui ne sont pas propres au CHU de Nancy - liés au manque de place dans les secteurs d'aval.

3.        Les travaux de recherche sont essentiellement des travaux cliniques, inspirés et / ou consacrés aux affections gériatriques, rencontrées au cours de la pratique hospitalière (beaucoup concernent les démences séniles) : ils ont fait l'objet de publications dans les congrès gériatriques (de la Société Française de Gérontologie, Congrès Francophone de Gérontologie ou Congrès internationaux), Congrès de la Société Nationale Française de Médecine Interne : SNFMI, dans les revues gériatriques et en particulier La Revue de Gériatrie. L'hospitalisation des plus âgés, les aspects médico-sociaux ont été étudiés.

Dans le domaine plus gérontologique et biologique des travaux ont été réalisés au Centre de Médecine Préventive de Vandoeuvre-les-Nancy (il s'agit surtout d'études transversales), mais aussi avec le Laboratoire d'Immunologie du Pr. J. Duheille puis des Pr. G. Faure et M.C. Bené, sur l'auto-immunité, avec l'équipe du Pr. F. Stoltz sur la microcirculation chez les sujets âgés hypertendus et au cours des accidents vasculaires cérébraux…

Un certain nombre de mémoires de DESC de Gériatrie, plus de 250 thèses de doctorat en médecine Générale ou de Spécialité ont trait aux personnes âgées : la grande majorité a été inspirée et dirigée par les gériatres. Ils peuvent être consultés à la bibliothèque du Centre de Gériatrie. La thérapeutique médicamenteuse, les traitements anticoagulants, la pathologie iatrogène ont inspiré de nombreux travaux.

Les gériatres nancéiens avaient un regret : c'est d'avoir toujours dû travailler en nombre plus que restreint, et de n'avoir jamais atteint la « masse critique » suffisante pour permettre de réaliser des travaux suivis dans le domaine de la recherche fondamentale et biologique : bon nombre de projets n'ont pu aboutir ou être poursuivis, faute de « bras » et faute de temps, ce qui est source de frustration. Mais les choses sont en train de changer…

En effet, l'arrivée de François PAILLE, Professeur de Thérapeutique, en 1999 au départ du Pr. C. JEANDEL pour Montpellier, la nomination du Pr. Athanase BENETOS, Directeur de Recherche à l'INSERM, en Médecine Interne ; Gériatrie et Biologie du Vieillissement à Nancy au 1er septembre 2002, la création d'une unité INSERM « Remodelage et vieillissement cardio-vasculaire » permettent l'essor de la recherche gérontologique à Nancy.

Sur le plan fondamental, les travaux portent sur les marqueurs biologiques et les mécanismes du vieillissement cardiovasculaire accéléré et ses relations avec certains grands fléaux tels que les troubles cognitifs, l'ostéoporose… La collaboration avec le Centre d'Investigations Cliniques (CIC) dont une antenne fonctionne dans le Centre de Gériatrie permet de faire le lien entre la recherche fondamentale et la recherche clinique. D'autres collaborations avec le Centre de Médecine Préventive ainsi qu’avec l'équipe de Philippe PERRIN portent sur la recherche épidémiologique et la prévention en gérontologie ainsi que sur l'activité physique et les troubles de l'équilibre.

Sur le plan clinique, des travaux coopératifs en cours ou des projets portent sur la thrombose veineuse et l'anticoagulation, sur les troubles de l'équilibre, de la marche, et les chutes chez le malade atteint de maladie d'Alzheimer, sur l'analyse de la plainte mnésique…. Le train est lancé.

Pour conclure ces quelques pages, témoignant de « l’entrée de la gériatrie dans le paysage médical français »,  Nancy peut se flatter d'y avoir contribué.