Pharmacologie clinique
par R. ROYER
HISTORIQUE
La Thérapeutique est la finalité de
l’acte médical en vue d’obtenir la guérison ou du moins l’atténuation des maux.
Le diagnostic est seulement l’outil qui permet de choisir le meilleur remède.
Il est donc capital, après avoir porté un diagnostic avec précision, de définir
scientifiquement le traitement le plus efficace et le mieux adapté.
Claude Bernard disait déjà en
1865 « Tous les jours, on peut se faire les plus grandes illusions
sur la valeur d’un traitement, si on n’a pas recours à l’expérience
comparative »
Il saisissait déjà l’utilité d’une
évaluation scientifique des médicaments chez l’Homme.
Les pays scandinaves, le Royaume-Uni, se
lancèrent les premiers dans l’aventure en unissant et coordonnant les
connaissances des fondamentalistes et des cliniciens. Les USA suivent
rapidement et Harry Gold fait prévaloir en 1952, le terme de Pharmacologie
Clinique, « Clinical Pharmacology ».
Les peuples latins ont plus de mal à suivre, mais vont devoir s’y engager. Pour
la France, Nancy faisait partie du groupe de tête même si, au départ, la direction hospitalière ne saisissait pas pourquoi il fallait
étudier le médicament à l’Hôpital. Heureusement pour moi et la discipline, des
hommes clairvoyants comme les professeurs Kissel et Louyot, Larcan et Paysant, vont tout faire pour ouvrir le chemin hospitalier.
Toutefois, la pharmacologie avait pu se
développer plus rapidement à la Faculté.
Dès 1876, Rodolphe Engel, Agrégé de
Chimie et de Pharmacologie enseignait le médicament et la thérapeutique ;
puis ce fut la charge d’un autre chimiste, Sannie,
avant que les cours ne fussent confiés à des cliniciens avec, parmi les
premiers, S. Remy, M. Perrin, P. Louyot.
Chargé de cours de Pharmacologie en1957,
Maurice Lamarche, alors Chef de Travaux de Physiologie depuis 1955, agrégé en
1958, se voit confier la première Chaire nancéienne de Pharmacologie en 1964.
Il devient alors Chef de Service hospitalier par intégration en 1971.
René Royer, du fait de l’absence de
concours d’agrégation de 1965 à 1970, fut d’abord assistant, puis délégué dans
les fonctions d’Agrégé, enfin nommé au concours en 1970 comme Professeur Agrégé
- Praticien Hospitalier.
LES
STRUCTURES
La Pharmacologie se trouvait donc avec un
service et un chef de service (M. Lamarche), sous convention, et un praticien
hospitalier (R. Royer), intégré mais isolé, et exerçant en fait en
médecine interne pour sa partie hospitalière.
La Direction du CHU de Nancy ne voulant
pas voir à quoi la Pharmacologie pouvait aider l’hôpital et tardant à trouver
une solution réaliste, R. Royer envisagea des propositions intéressantes de
postes à Genève et à Liège, sièges de Centre Hospitaliers Universitaires de
qualité où l’on recherchait un Pharmacologue Clinicien.
Pendant ce temps, à la Faculté, sous
convention, furent développées des techniques de détection de médicaments et de
toxiques, permettant des contrôles de pharmacocinétique lors de certains
traitements délicats ainsi que l’exploration de nouveaux médicaments chez
l’homme. En Médecine interne, les Pr. P. Kissel et J.
Schmitt ; en Réanimation, le Pr. A. Larcan ;
en Pédiatrie, le Pr. P. Vert, contribuèrent grandement à la réalisation de nos
projets. La Toxicologie, par ailleurs, tirait bénéfice de nos méthodes qu’elle
utilisait largement.
Fin 1970 le Directeur Général du CHU, Mr.
Marquet envisageait de façon plus ouverte notre discipline et intégrait
effectivement René Royer. Notons que depuis ce moment, la pharmacologie
Clinique a reçu un soutien permanent de Mr. Aubanel, Paillé et de leurs
successeurs.
Il fallait créer un Laboratoire
Hospitalier, à dominante biologique, mais restant très proche de la clinique.
La solution de facilité
était une intégration dans le service de Biochimie. Avec l’aide du Pr. Paysant, nous avons pu démontrer que, même si les
techniques étaient voisines, les finalités des deux structures étaient
différentes : la biochimie devant privilégier la vitesse et le nombre des
dosages, la pharmacologie traitant ou un patient, ou de petites séries de
prélèvements, en fonction de l’évolution et dans un temps très court. Bien
entendu, la qualité était de rigueur dans les deux situations.
Une petite structure autonome fut
installée en 1972 à l’hôpital Central, avec un local de 35m2 prêté
par le service du Pr. Robert Frisch. Confiée au Pr. Royer, sous la
responsabilité du Chef de Service de Biochimie, le Pr. Pierre Paysant, elle allait être équipée correctement pour
l’époque. En association avec le service universitaire conventionné et avec son
chef de service, le Pr. Maurice Lamarche, il allait enfin être possible
d’envisager une politique globale de la Pharmacologie clinique.
Le développement rapide des techniques a
rendu les locaux hospitaliers trop exigus. Un transfert rue Lionnois,
dans des bâtiments cédés à l’hôpital par la Faculté, a permis de franchir une
nouvelle étape technologique en novembre 1978 et d’y intégrer le nouveau Centre
Régional de Pharmacovigilance, dont René Royer venait d’être nommé Directeur.
Il avait été précédemment désigné comme Chef du Service en décembre 1976.
Au
décès de Maurice Lamarche, les responsabilités vont être prises globalement par
René Royer qui devient titulaire de la Chaire en 1980. La constitution d’un
Département de pharmacologie clinique permet d’identifier et de dynamiser
plusieurs groupes :
- La pharmacologie fondamentale, la
recherche et son enseignement
- Le dosage des médicaments pour la
pharmacocinétique et le contrôle thérapeutique
- Le dosage des toxiques pour la
détection et le suivi des soins en toxicologie.
- La pharmacovigilance et l’information
sur les dangers des médicaments et de leur association
Les locaux hospitaliers vont être
agrandis et l’ensemble hospitalier et universitaire va fonctionner dans de
bonnes conditions ; Il faut indiquer cependant que le manque de personnel
sera, comme souvent, une limite à l’utilisation maximale des moyens matériels.
Le Centre d’investigation clinique sera
ensuite créé à l’hôpital Jeanne d’Arc, placé sous la responsabilité de Faiez Zannad et rattaché à la
Thérapeutique.
A Nancy, la Pharmacologie Clinique forme
alors un ensemble complet et cohérent à la disposition des collègues
cliniciens.
LES
PERSONNES
Les Pr. Lamarche et Royer ont été cités
précédemment en tant que fondateurs des structures. Tous les deux ont été
titulaires de la Chaire de Pharmacologie et Chefs de Service mais le premier
sous convention et le second en tant que PU-PH.
Patrick Netter
est devenu Professeur de Pharmacologie et PH dans la discipline en 1981 ; il a
pris en charge plus particulièrement l’animation de la recherche, a développé
une Unité associée au CNRS. Il anima, avec l’aide de Françoise Lapicque
MCU-PH, la section des dosages effectués sous convention. Patrick Netter devient Chef de Service au départ de René Royer
en 1997.
Pierre Gillet sera nommé
Professeur (PU-PH) en Pharmacologie clinique à
la même époque (1997) ; Jean-Yves Jouzeau, est
promu Professeur en Pharmacie en 2004.
Le premier s’implique plus
particulièrement dans les domaines de la Pharmacovigilance et de la recherche
clinique en physiologie articulaire.
Le second participe à l’activité de
Toxicologie tout en développant la recherche en pharmacologie de
l’inflammation.
Monique Rombach
et Françoise Humbert, pharmaciennes, développèrent les premières techniques
dans le cadre de la convention.
Marie-José Morrot,
également pharmacienne, deviendra MCU-PH et mettra en place, puis développera
avec efficacité les techniques hospitalières. Elle en assurera jusqu’à
maintenant le contrôle de leur qualité et de leur actualisation.
Philippe Tréchot
est nommé PH en Pharmacovigilance. Il est chargé de l’interface avec les
services cliniques hospitaliers. Parmi les attachés de cette section, citons
particulièrement les Dr. Corinne Pierfitte-Jouquelet
et Bernadette Hanesse, qui ont
beaucoup fait progresser ce domaine et ont aidé à construire la renommée
nationale et internationale de Nancy.
Sylvie Debano,
Claude Maxan, Isabelle Grandclaude
ont vécu la période pionnière en tant que Laborantines, puis Techniciennes.
Beaucoup a été possible grâce à leur travail.
Enfin, nous ne pouvons qu’évoquer de
nombreuses personnes qui ont travaillé pendant des durées variables ;
elles ont contribué à la croissance de notre structure ; parmi
elles : Mr. Hayani, Klein, Ziri …
Mmes Giffard, Kaminsky, Payan,
Rambourg…
Les secrétaires, les agents de service,
les attachés, les stagiaires, les étudiants ne sont pas oubliés ; Ils ont
beaucoup donné et ils ont eu foi en notre création.
LES
ACTIVITES HOSPITALIERES
En dehors de quelques études pharmacodynamiques
pour le diagnostic et la thérapeutique, l’essentiel de l’activité hospitalière
a été de nature biochimique ;
Le dosage des médicaments dans les
liquides biologiques permet :
- des études pharmacocinétiques chez
l’Homme sain, dans différents états pathologiques et lors d’association de
médicaments entre eux,
- des analyses métaboliques fines,
- le monitorage thérapeutique des
médicaments spécifiques
- le suivi des intoxications ;
L’activité de recherche fait progresser
un domaine thérapeutique transposable aux patients hospitalisés. L’étude de la
physiopathologie de l’arthrose est un des sujets explorés actuellement.
Alcool éthylique, sédatifs,
neuroleptiques, hypnotiques, antidépresseurs, anti-inflammatoires, antalgiques,
sulfamides, isoniazide, L-Dopa, amphétamines et stupéfiants divers,
immunosuppresseurs (indispensables pour le suivi des greffes) et bien
d’autres médicaments et toxiques ont pu être dosés avec de plus en plus de
précision et de rapidité grâce au développement des techniques.
Colorimétrie, Spectrométrie UV, Warburg,
Chromatographie gaz sous ses diverses formes, Chromatographie liquide,
Chromatographie liquide haute performance, Spectrographie de masse, Immunoanalyses etc.…
Tous les résultats sont individualisés et
contrôlés, une analyse des données en fonction du cas clinique est pratiquée ou si nécessaire à la demande.
La Pharmacovigilance est une activité
complètement différente. Elle a plusieurs dimensions :
- Épidémiologique : en effectuant
régionalement, un recueil des effets indésirables et en contribuant à la
sélection des effets sérieux ou graves à certifier et à prévenir dans les
meilleurs délais Cette activité fait partie du réseau national de
Pharmacovigilance, lui-même en connexion avec le système européen (EMEA) et mondial (OMS)
- Épidémiologique : en utilisant
localement les données et en les comparant à celles nationales voire
internationales.
- Aide aux cliniciens : pour leur
permettre d’identifier et de certifier leurs observations d’effets
indésirables.
- Informations : sur les effets
indésirables non répertoriés ou non encore identifiés.
Ces fonctions mettent en œuvre des
techniques de validation, d’imputabilité, de définition de niveau de risque,
ainsi que des méthodes de Pharmaco-épidémiologie
adaptées au sujet.
Des réunions internes mais aussi
nationales, d’abord au Ministère de la Santé puis aujourd’hui à l’Afssapps, sont régulières ; René Royer les a présidées
et dirigées pendant plus de 10 ans.
Depuis leur création, les Centres ont
reçu des autorités centrales, des subventions annuelles pour compenser les
dépenses liées aux travaux d’intérêt national. Elles montrent si besoin était,
la nécessité française et européenne d’une pharmacovigilance active. Citons à
titre d’exemple, la place prise par Nancy pour la surveillance de la tolérance
des vaccins...
CONCLUSION
La
pharmacologie clinique est devenue une composante hospitalière incontournable
et une discipline universitaire reconnue ; Des évolutions sont possibles
en définissant un Pôle d’activité qui permettrait des études cliniques plus
vastes et plus complètes.
Le chef de service, Patrick Netter devra faire ses propres choix dans le contexte du
moment, mais je suis confiant en son jugement et en celui de ses
collaborateurs.