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Pharmacologie clinique

 

par R. ROYER

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les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)

 

HISTORIQUE

 

La Thérapeutique est la finalité de l’acte médical en vue d’obtenir la guérison ou du moins l’atténuation des maux. Le diagnostic est seulement l’outil qui permet de choisir le meilleur remède. Il est donc capital, après avoir porté un diagnostic avec précision, de définir scientifiquement le traitement le plus efficace et le mieux adapté.

Claude Bernard disait déjà en 1865 « Tous les jours, on peut se faire les plus grandes illusions sur la valeur d’un traitement, si on n’a pas recours à l’expérience comparative »

Il saisissait déjà l’utilité d’une évaluation scientifique des médicaments chez l’Homme.

Les pays scandinaves, le Royaume-Uni, se lancèrent les premiers dans l’aventure en unissant et coordonnant les connaissances des fondamentalistes et des cliniciens. Les USA suivent rapidement et Harry Gold fait prévaloir en 1952, le terme de Pharmacologie Clinique, « Clinical Pharmacology ». Les peuples latins ont plus de mal à suivre, mais vont devoir s’y engager. Pour la France, Nancy faisait partie du groupe de tête même si, au départ, la direction hospitalière ne saisissait pas pourquoi il fallait étudier le médicament à l’Hôpital. Heureusement pour moi et la discipline, des hommes clairvoyants comme les professeurs Kissel et Louyot, Larcan et Paysant, vont tout faire pour ouvrir le chemin hospitalier.

Toutefois, la pharmacologie avait pu se développer plus rapidement à la Faculté.

Dès 1876, Rodolphe Engel, Agrégé de Chimie et de Pharmacologie enseignait le médicament et la thérapeutique ; puis ce fut la charge d’un autre chimiste, Sannie, avant que les cours ne fussent confiés à des cliniciens avec, parmi les premiers, S. Remy, M. Perrin, P. Louyot.

Chargé de cours de Pharmacologie en1957, Maurice Lamarche, alors Chef de Travaux de Physiologie depuis 1955, agrégé en 1958, se voit confier la première Chaire nancéienne de Pharmacologie en 1964. Il devient alors Chef de Service hospitalier par intégration en 1971.

René Royer, du fait de l’absence de concours d’agrégation de 1965 à 1970, fut d’abord assistant, puis délégué dans les fonctions d’Agrégé, enfin nommé au concours en 1970 comme Professeur Agrégé - Praticien Hospitalier.

 

LES STRUCTURES

 

La Pharmacologie se trouvait donc avec un service et un chef de service (M. Lamarche), sous convention, et un praticien hospitalier (R. Royer), intégré mais isolé, et exerçant en fait en médecine interne pour sa partie hospitalière.

La Direction du CHU de Nancy ne voulant pas voir à quoi la Pharmacologie pouvait aider l’hôpital et tardant à trouver une solution réaliste, R. Royer envisagea des propositions intéressantes de postes à Genève et à Liège, sièges de Centre Hospitaliers Universitaires de qualité où l’on recherchait un Pharmacologue Clinicien.

Pendant ce temps, à la Faculté, sous convention, furent développées des techniques de détection de médicaments et de toxiques, permettant des contrôles de pharmacocinétique lors de certains traitements délicats ainsi que l’exploration de nouveaux médicaments chez l’homme. En Médecine interne, les Pr. P. Kissel et J. Schmitt ; en Réanimation, le Pr. A. Larcan ; en Pédiatrie, le Pr. P. Vert, contribuèrent grandement à la réalisation de nos projets. La Toxicologie, par ailleurs, tirait bénéfice de nos méthodes qu’elle utilisait largement.

Fin 1970 le Directeur Général du CHU, Mr. Marquet envisageait de façon plus ouverte notre discipline et intégrait effectivement René Royer. Notons que depuis ce moment, la pharmacologie Clinique a reçu un soutien permanent de Mr. Aubanel, Paillé et de leurs successeurs.

Il fallait créer un Laboratoire Hospitalier, à dominante biologique, mais restant très proche de la clinique.

La solution de facilité était une intégration dans le service de Biochimie. Avec l’aide du Pr. Paysant, nous avons pu démontrer que, même si les techniques étaient voisines, les finalités des deux structures étaient différentes : la biochimie devant privilégier la vitesse et le nombre des dosages, la pharmacologie traitant ou un patient, ou de petites séries de prélèvements, en fonction de l’évolution et dans un temps très court. Bien entendu, la qualité était de rigueur dans les deux situations.

Une petite structure autonome fut installée en 1972 à l’hôpital Central, avec un local de 35m2 prêté par le service du Pr. Robert Frisch. Confiée au Pr. Royer, sous la responsabilité du Chef de Service de Biochimie, le Pr. Pierre Paysant, elle allait être équipée correctement pour l’époque. En association avec le service universitaire conventionné et avec son chef de service, le Pr. Maurice Lamarche, il allait enfin être possible d’envisager une politique globale de la Pharmacologie clinique.

Le développement rapide des techniques a rendu les locaux hospitaliers trop exigus. Un transfert rue Lionnois, dans des bâtiments cédés à l’hôpital par la Faculté, a permis de franchir une nouvelle étape technologique en novembre 1978 et d’y intégrer le nouveau Centre Régional de Pharmacovigilance, dont René Royer venait d’être nommé Directeur. Il avait été précédemment désigné comme Chef du Service en décembre 1976.

 Au décès de Maurice Lamarche, les responsabilités vont être prises globalement par René Royer qui devient titulaire de la Chaire en 1980. La constitution d’un Département de pharmacologie clinique permet d’identifier et de dynamiser plusieurs groupes :

- La pharmacologie fondamentale, la recherche et son enseignement

- Le dosage des médicaments pour la pharmacocinétique et le contrôle thérapeutique

- Le dosage des toxiques pour la détection et le suivi des soins en toxicologie.

- La pharmacovigilance et l’information sur les dangers des médicaments et de leur association

Les locaux hospitaliers vont être agrandis et l’ensemble hospitalier et universitaire va fonctionner dans de bonnes conditions ; Il faut indiquer cependant que le manque de personnel sera, comme souvent, une limite à l’utilisation maximale des moyens matériels.

Le Centre d’investigation clinique sera ensuite créé à l’hôpital Jeanne d’Arc, placé sous la responsabilité de Faiez Zannad et rattaché à la Thérapeutique.

A Nancy, la Pharmacologie Clinique forme alors un ensemble complet et cohérent à la disposition des collègues cliniciens.

 

LES PERSONNES

 

Les Pr. Lamarche et Royer ont été cités précédemment en tant que fondateurs des structures. Tous les deux ont été titulaires de la Chaire de Pharmacologie et Chefs de Service mais le premier sous convention et le second en tant que PU-PH.

Patrick Netter est devenu Professeur de Pharmacologie et PH dans la discipline en 1981 ; il a pris en charge plus particulièrement l’animation de la recherche, a développé une Unité associée au CNRS. Il anima, avec l’aide de Françoise Lapicque MCU-PH, la section des dosages effectués sous convention. Patrick Netter devient Chef de Service au départ de René Royer en 1997.

Pierre Gillet sera nommé Professeur (PU-PH) en Pharmacologie clinique à la même époque (1997) ; Jean-Yves Jouzeau, est promu Professeur en Pharmacie en 2004.

Le premier s’implique plus particulièrement dans les domaines de la Pharmacovigilance et de la recherche clinique en physiologie articulaire.

Le second participe à l’activité de Toxicologie tout en développant la recherche en pharmacologie de l’inflammation.

Monique Rombach et Françoise Humbert, pharmaciennes, développèrent les premières techniques dans le cadre de la convention.

Marie-José Morrot, également pharmacienne, deviendra MCU-PH et mettra en place, puis développera avec efficacité les techniques hospitalières. Elle en assurera jusqu’à maintenant le contrôle de leur qualité et de leur actualisation.

Philippe Tréchot est nommé PH en Pharmacovigilance. Il est chargé de l’interface avec les services cliniques hospitaliers. Parmi les attachés de cette section, citons particulièrement les Dr. Corinne Pierfitte-Jouquelet et Bernadette Hanesse, qui ont beaucoup fait progresser ce domaine et ont aidé à construire la renommée nationale et internationale de Nancy. 

Sylvie Debano, Claude Maxan, Isabelle Grandclaude ont vécu la période pionnière en tant que Laborantines, puis Techniciennes. Beaucoup a été possible grâce à leur travail.

Enfin, nous ne pouvons qu’évoquer de nombreuses personnes qui ont travaillé pendant des durées variables ; elles ont contribué à la croissance de notre structure ; parmi elles : Mr. Hayani, Klein, Ziri … Mmes Giffard, Kaminsky, Payan, Rambourg

Les secrétaires, les agents de service, les attachés, les stagiaires, les étudiants ne sont pas oubliés ; Ils ont beaucoup donné et ils ont eu foi en notre création.

 

LES ACTIVITES HOSPITALIERES

 

En dehors de quelques études pharmacodynamiques pour le diagnostic et la thérapeutique, l’essentiel de l’activité hospitalière a été de nature biochimique ;

Le dosage des médicaments dans les liquides biologiques permet :

- des études pharmacocinétiques chez l’Homme sain, dans différents états pathologiques et lors d’association de médicaments entre eux,

- des analyses métaboliques fines,

- le monitorage thérapeutique des médicaments spécifiques

- le suivi des intoxications ;

L’activité de recherche fait progresser un domaine thérapeutique transposable aux patients hospitalisés. L’étude de la physiopathologie de l’arthrose est un des sujets explorés actuellement.

Alcool éthylique, sédatifs, neuroleptiques, hypnotiques, antidépresseurs, anti-inflammatoires, antalgiques, sulfamides, isoniazide, L-Dopa, amphétamines et stupéfiants divers, immunosuppresseurs (indispensables pour le suivi des greffes) et bien d’autres médicaments et toxiques ont pu être dosés avec de plus en plus de précision et de rapidité grâce au développement des techniques.

Colorimétrie, Spectrométrie UV, Warburg, Chromatographie gaz sous ses diverses formes, Chromatographie liquide, Chromatographie liquide haute performance, Spectrographie de masse, Immunoanalyses etc.…

Tous les résultats sont individualisés et contrôlés, une analyse des données en fonction du cas clinique est pratiquée ou si nécessaire à la demande.

La Pharmacovigilance est une activité complètement différente. Elle a plusieurs dimensions :

- Épidémiologique : en effectuant régionalement, un recueil des effets indésirables et en contribuant à la sélection des effets sérieux ou graves à certifier et à prévenir dans les meilleurs délais  Cette activité fait partie du réseau national de Pharmacovigilance, lui-même en connexion avec le système européen (EMEA) et mondial (OMS)

- Épidémiologique : en utilisant localement les données et en les comparant à celles nationales voire internationales.

- Aide aux cliniciens : pour leur permettre d’identifier et de certifier leurs observations d’effets indésirables.

- Informations : sur les effets indésirables non répertoriés ou non encore identifiés.

Ces fonctions mettent en œuvre des techniques de validation, d’imputabilité, de définition de niveau de risque, ainsi que des méthodes de Pharmaco-épidémiologie adaptées au sujet.

Des réunions internes mais aussi nationales, d’abord au Ministère de la Santé puis aujourd’hui à l’Afssapps, sont régulières ; René Royer les a présidées et dirigées pendant plus de 10 ans.

Depuis leur création, les Centres ont reçu des autorités centrales, des subventions annuelles pour compenser les dépenses liées aux travaux d’intérêt national. Elles montrent si besoin était, la nécessité française et européenne d’une pharmacovigilance active. Citons à titre d’exemple, la place prise par Nancy pour la surveillance de la tolérance des vaccins...

 

CONCLUSION

 

 La pharmacologie clinique est devenue une composante hospitalière incontournable et une discipline universitaire reconnue ; Des évolutions sont possibles en définissant un Pôle d’activité qui permettrait des études cliniques plus vastes et plus complètes.

Le chef de service, Patrick Netter devra faire ses propres choix dans le contexte du moment, mais je suis confiant en son jugement et en celui de ses collaborateurs.