` sommaire

Le centre régional de lutte

contre le cancer de Nancy

passé, évolution actuelle et perspectives prochaines

 

par C*. et J.  CHARDOT

 

* Directeur du C.R.L.C.C. de NANCY

Annales Médicales de Nancy – 1972

 

 

Au début du XXe siècle, à la suite des découvertes bactériologiques prodigieuses de PASTEUR, de KOCH, de SCHAUDINN, de WASSERMANN et d'autres, les cliniciens, les hygiénistes et les représentants des pouvoirs publics entreprennent d'organiser à l'échelle sociale la lutte contre les grandes endémies infectieuses, tuberculose et syphilis.

Les tumeurs malignes sont pressenties, dès ce moment, comme le fléau social de deuxième ligne qu'il faut combattre avec des connaissances et des moyens nouveaux. Le diagnostic cancérologique est solidement fondé sur l'observation microscopique inaugurée par VIRCHOW et sur la description anatomo-clinique des diverses tumeurs ; la chirurgie d'exérèse large des cancers a été conçue, organe par organe, par une pléiade internationale de brillants anatomistes et chirurgiens tels que HALSTED, BILLROTH, FAURE, WERTHEIM, CHEVASSU, MORESTIN, BASSET, etc... Déjà des guérisons définitives sont possibles lorsque survient la découverte des rayons X (ROENTGEN), celle de la radioactivité naturelle (BECQUEREL et P. et M. CURIE). L'intérêt de ces rayonnements dans le traitement des cancers est démontré par de nombreux travaux (BERGONIE, REGAUD, LACASSAGNE). Ces dernières découvertes enrichissent les bases d'une lutte active contre le cancer et suscitent les plus grands espoirs.

Une atmosphère dynamique surgit en EUROPE. La faculté de médecine de Nancy ne fait pas exception et certains désirent prendre une part active dans la poursuite de ces objectifs. Dès 1906, le Pr. HOCHE, anatomo-pathologiste, fait à la séance du 14 novembre 1906 de la Société de médecine de Nancy, des propositions pour que soit étudiée la géographie des cancers en Lorraine. Il offre que ses confrères médecins et vétérinaires adressent au laboratoire de la faculté des prélèvements faits sur les tumeurs qu'ils rencontrent avec divers renseignements anatomo-cliniques et géographiques. Le Pr. VAUTRIN, Chef de la Clinique chirurgicale A, s'intéresse plus directement au traitement : il propose la création d'une « Ligue de Lutte contre le Cancer » à l'instar de celle qui existe en ALLEMAGNE, en ANGLETERRE et en AMERIQUE, depuis quelques années. Il estime « qu'en ALLEMAGNE les ligues contre le cancer ont eu une très bonne influence et ont permis aux chirurgiens d'opérer plus tôt et de guérir plus de malades ».

Ces deux initiatives suscitent un tollé d'approbations immédiates et diverses interventions aux deux séances consécutives de la Société. Il fallut en fait attendre l'après-guerre pour que ces idées se concrétisent sous l'impulsion d'un effort national vigoureux.

 

CREATION DU CENTRE ANTICANCEREUX DE NANCY

A Paris, une première ligue avait été fondée par VERNEUIL et DUPLAY en 1892 et n'avait eu qu'une courte existence. A la fin de la première guerre mondiale, dans le sillage de la ligue franco-anglo-américaine contre le cancer un vif mouvement se développe en FRANCE avec HARTMANN, JUSTIN-GAUDART, LEBRET, BERARD, QUENU, BERGONIE, REGAUD, ROUSSY, DELBET, etc. ; il reçoit l'attention et les soins de P. STRAUSS, Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale. Une circulaire de ce dernier demande aux Offices départementaux d'Hygiène Sociale d'étendre leurs services aux futurs centres anticancéreux. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle, M. MAGRE, convoque pour le 24 février 1924, le bureau du conseil d'administration de l'O.H.S., l'inspecteur de l'Assistance Publique : il invite à se faire représenter la faculté de médecine, la municipalité, la commission des hospices, la chambre de commerce, la société industrielle de l'Est, l'association syndicale des médecins de Meurthe-et-Moselle.

Il s'agit de créer une « Commission Régionale de Lutte contre le Cancer ». Son rôle est avant tout de propagande ; il lui incombe aussi l'organisation statistique et la collection de tous les renseignements d'ordre sanitaire susceptibles d'intéresser la lutte contre le cancer. On y décide également la création de deux sous-commissions. La première devra constituer et assurer le fonctionnement du Centre Anticancéreux. Elle est composée du Pr. VAUTRIN, proposé comme Directeur, et des Prs HOCHE, DUFOUR et LAMBERT, proposés comme chefs de service. Ces nominations seront approuvées le 13 mars 1924 par le Ministre. La deuxième commission est constituée de « chercheurs et de techniciens » comprenant, outre, le Directeur, les Chefs de service du Centre Anticancéreux les Pr. COLLIN, GARNIER, JACQUES, MACE, VUILLEMIN de la faculté de médecine, CUENOT de la faculté des sciences, LASSEUR de la faculté de pharmacie.

Le Centre est conçu sur le modèle de celui de Bordeaux, dont le Pr. BERGONIE est l'initiateur. Il doit être à la fois « un hôpital spécialisé contre le cancer, un foyer d'enseignement et un laboratoire de recherches ». Il est appelé à devenir un organisme spécialisé et indépendant de l'université et de l'administration hospitalière, avec son budget propre. Cependant « il a paru bon et de sage administration de le placer sous  l'égide de l'Office d'Hygiène sociale qui a pour objet la lutte contre d'autres fléaux non moins redoutables ».

A cette assemblée du 24 février 1924, dira encore le Pr. VAUTRIN, « fut véritablement établi l'acte de naissance du Centre Anticancéreux Régional de Lorraine, fut élaboré son statut et fut désigné le conseil d'administration qui a pour mission de surveiller et de contrôler le fonctionnement et la gestion du Centre, suivant les  statuts approuvés  par  le  Ministère », le conseil est présidé par le Doyen de la faculté de médecine, le Pr SPILLMANN, qui contribua lui aussi largement à la création du Centre.

 

BUDGET INITIAL ET DONATIONS

Le Centre reçoit du Ministère de l'Hygiène ainsi que tous les Centres nouveau-nés 300 mg de radium « comme don de joyeux avènement ». La ville de Nancy met à sa disposition 200000 F pour l'achat d'un appareil de radiothérapie et inscrit pour 1924 10000 F de crédits supplémentaires. Le département fait don de 20000 F. Six départements étaient rattachés au Centre (Meuse, Vosges, Haute-Saône, Haute-Marne, Doubs, Territoire de Belfort), il est fait appel à la générosité de leurs conseillers généraux.

Par ailleurs eu  égard  aux services que C.A.C. doit rendre aux hospices, il est suggéré que   ces   derniers   accordent   une  subvention comme aide annuelle. Proposition est faite à la Commission administrative de prendre en charge : un secrétaire, un concierge, le chauffeur et le salaire du chauffeur, le gros entretien normal du bâtiment, sauf les réparations locatives les frais de fonctionnement des deux salles d'hospitalisation qu'il met à la disposition du Centre étant entendu qu'il recevra les prix de journée. Les autres charges s'inscrivent dans le budget propre du Centre dont les ressources devront donc être trouvées pour parfaire l'installation et contribuer au fonctionnement ; les progrès incessants vont imposer rapidement modifications, changements, compléments, dépenses nouvelles fort importantes. C'est pourquoi, le Directeur demande à plusieurs reprises à l'Etat, aux départements, à la ville, aux collectivités locales, à la commission des hospices et aussi à la générosité privée de s'imposer les sacrifices nécessaires pour s'opposer victorieusement à ce fléau qui, chaque année, dit-il, tue 40000 personnes en France.

 

PREMIERS LOCAUX

En 1913, Madame Veuve Joseph BOULANGER avait fait, en souvenir de son mari, un don aux hospices civils de 775000 F en espèces, pour la création d'un dispensaire et d'un hôpital de gynécologie. C'est seulement, en 1920, que les hospices purent acheter avec ce legs et pour deux tiers seulement, à cause de la dévaluation, un bel immeuble dit FERLIN-MAUBON, jouxtant l'hôpital central, au 47 de l'avenue de Strasbourg. Le Pr. VAUTRIN, mandataire de la donatrice, va demander à la commission administrative qu'elle consente à installer dans une partie des locaux les services du Centre. En contrepartie de ce prêt d'asile, l'institut de gynécologie utiliserait les compétences et les installations spécialisées du Centre pour traiter les malades cancéreuses. Ce projet, après un certain nombre de débats et de réunions parfois houleuses, est finalement adopté le 27 mai 1924. Le Pari Mutuel consent le 2 septembre suivant un don de 200000 F pour l'installation des services communs. Cette aide précieuse va permettre la réalisation du laboratoire et sa mise en route. Devis, adjudications, ratifications de marchés supplémentaires, tout cela est mené assez promptement pour aboutir à l'inauguration prévue et maintenue le 20 novembre 1925 à 16 heures, malgré les empêchements de dernière minute et les regrets du ministre invité.

 

LES PREMIERES ANNEES 1924-1927 (Directeur : Pr. VAUTRIN)

Le premier traitement radiothérapique a lieu le 24 décembre 1925 et le premier malade est hospitalisé le 12 janvier 1926. Le Centre possède 325 mg de radium, deux appareils « modernes et puissants » de radiothérapie profonde, un laboratoire pour les biopsies et les recherches anatomo-pathologiques, une salle d'opérations et une salle de stérilisation, deux salles de repos pour de courts séjours, en tout 13 lits. Bientôt des appareils d'actinothérapie et de diathermie s'ajoutent aux autres. La quantité de radium monte à 750 mg et en 1927 le rapport annuel d'activité annonce que le Centre Anticancéreux possède l'installation de radiothérapie pénétrante la plus puissante des Centres provinciaux français.

C'est alors que le Pr. VAUTRIN est emporté brutalement par une complication de l'affection chronique dont il souffrait depuis de nombreuses années. Il fut le promoteur hardi du Centre Anticancéreux de NANCY, ayant été séduit à la première heure, par l'originalité du projet tel que l'avaient défini BERGONIE et REGAUD. Cet éminent chirurgien, inventeur de plusieurs techniques opératoires originales auxquelles son nom est resté attaché, s'intéressait de longue date à la chirurgie cancérologique et vécut avec enthousiasme l'essor de la chirurgie large à la fin du siècle précédent. A la lecture de ses travaux, on remarque des publications personnelles sur l'exérèse large des goitres cancéreux, sur l'évidement ganglionnaire para-aortique pour tumeur du testicule à la manière de CHEVASSU, sur la résection du maxillaire inférieur... et la réparation prothétique immédiate à visée définitive (juillet 1893). Il sut s'attacher tout autant à la radiothérapie naissante en laquelle il pressentait beaucoup d'avenir. Des qualités de cœur exceptionnelles s'alliaient à cette intelligence brillante : travail, charité, tels sont les traits les plus éminents de son caractère, dira son élève André BINET, au moment de l'éloge funèbre. Les malades, en difficulté financière, sortaient souvent de son service les poches alourdies de quelques pièces qui faisaient à l'époque une aide appréciable. N'a-t-il pas demandé aussi à la commission des hospices l'autorisation de construire à ses frais une terrasse pour les malades de son service. N'a-t-il pas remis au Centre Anticancéreux de NANCY à titre posthume une somme de 110000 F pour améliorer l'équipement.

Il est bon de citer encore le témoignage du Pr. BINET, sur la ferveur qui l'anima pour promouvoir le Centre Anticancéreux : « Enfin, la faculté confia au Pr. VAUTRIN l'organisation du Centre Anticancéreux de Lorraine. Nul choix ne semblait meilleur. Il fallait pour mettre sur pied une œuvre aussi nouvelle, tout le prestige du Maître, toute sa ténacité, tout son dévouement au bien public. Et alors, on vit ce fait étonnant : ce vieillard, au soir de sa carrière, qui n'avait pendant toute son existence mis sa confiance qu'en son bistouri, s'adonner avec une ardeur juvénile à l'étude des techniques radio et curiethérapiques modernes. Tous les mois, il prenait le chemin de PARIS, pour assister à la réunion des Directeurs de Centres et revenait de chacun de ses voyages avec une ample moisson de connaissances nouvelles dont il nous faisait bénéficier. Et puis, il était aidé dans sa tâche par sa foi scientifique, la foi qui soulève les montagnes ».

 

DEVELOPPEMENT JUSQU'A LA SECONDE GUERRE  MONDIALE  1927-1938 (Dir. Pr. HOCHE)

Le Pr HOCHE fut lui aussi un fervent pionnier aux côtés du Pr. VAUTRIN dont il avait été depuis le début le collaborateur efficace. Il fut choisi pour lui succéder. La valeur de son diagnostic anatomo-pathologique assit son autorité au-delà des frontières de sa Lorraine natale. Il était lié à ses confrères parisiens, en particulier au Pr ROUSSY qu'il rencontrait souvent. En feuilletant les comptes-rendus des activités de rétablissement, on y lit, revenant chaque année nouvelle, le regret de manquer de place. Que sont en effet 13 lits ? Comment, en particulier pratiquer la télécuriethérapie avec si peu de possibilités d'hospitalisation ? Cette voix s'élèvera pendant huit années avant d'être entendue.

Cependant le 16 juin 1931 est un jour décisif : un contrat est signé avec la commission des hospices : moyennant 700000 F, le Centre aura le droit d'occuper pendant 60 ans les locaux où il n'est installé jusqu'à présent que temporairement et recevra ceux que laissera libre le prochain transfert du service de gynécologie, puis de l'école d'infirmières. Ainsi le nombre de lits va passer à 35 puis à 50 environ. En fait, de nombreux retards étant intervenus, c'est à partir du 1er avril 1935 seulement que le Centre pourra occuper l'ensemble de l'immeuble Ferlin-Maubon et posséder les 50 lits souhaités.

Parallèlement l'équipement s'améliore : la quantité de radium s'élève à 1,397 g ; une subvention spéciale permet une nouvelle dotation d'appoint radifère : 10 tubes de 10 mg, 10 tubes de 5 mg, une plaque de 50 mg et une plaque de 10,33 mg. Un nouvel appareil de radiodiagnostic (Gaiffe-Gallot-Pilon) fait son apparition : sans doute ne permettra-t-il que des examens rapides, car il ne comporte pas de dispositif de protection. Des appareils de diathermie, de diathermocoagulation, deux appareils de « radiothérapie profonde » complètent ce moderne appareillage. En 1935, le conseil d'administration décide l'acquisition d'un appareil de « radiothérapie profonde » de 300000 volts avec deux postes de traitement dont un sera disposé pour l'irradiation totale et homogène du corps humain. Les salles de consultations sont aménagées et le laboratoire agrandi. 5500 F sont affectés par la Ligue Française contre le Cancer de Haute-Moselle pour l'installation d'un laboratoire de recherches. Grâce à toute cette modernisation dynamique et éclairée, l'activité du C.A.C. croît sensiblement.

En 1937, le Pr. HOCHE quitte la direction du Centre à l'occasion de sa retraite. Dans une lettre d'adieux que lui adressent ses collaborateurs, le Docteur ROY, curiethérapeute, montre comment, poursuivant l'élan de son prédécesseur, sans relâche il a aménagé et transformé le Centre pour le mieux-être de tous, tout en pratiquant une « gestion des plus scrupuleuses ».

 

LES ANNEES DE GUERRE 1938-1945 (Directeur : Pr. FLORENTIN)

Le Pr. FLORENTIN est nommé à la direction du Centre en janvier 1938. Histo-pathologiste éminent, c'est un esprit ouvert, particulièrement cultivé, de formation scientifique profonde et étendue. Il avait été l'élève puis le collaborateur du Pr. COLLIN et aussi du Pr. DE LAVERGNE auprès duquel il s'intéressait aux techniques sérologiques et microbiologiques. Il avait été également accueilli dans le laboratoire du Pr. CUENOT qui présida sa thèse de doctorat ès-sciences en 1932. Pendant de longues années, il fit profiter l'équipe médicale du Centre de ses hautes compétences histopathologiques et scientifiques pour la connaissance de l'histoire naturelle des tumeurs et de leur diagnostic.

Jusqu'à la guerre, le Centre voit ses activités en expansion : achat de 150 mg de radium complémentaire, installation d'une « bouche » à télécuriethérapie qui permet de pratiquer une nouvelle forme de traitement. On projette la création d'un laboratoire de recherches, un chef de laboratoire est nommé. Un effort est fait dans le sens de la propagande anticancéreuse, pour informer les médecins et pour créer un lien permanent ; un « bulletin trimestriel » est diffusé. L'effectif médical est augmenté. Le Pr. GRIMAUD, O.R.L., donne une partie de son activité au Centre. L'amélioration des méthodes de traitement est entravée par la guerre. Le radium est mis à l'abri à RENNES en 1939, puis le Centre cesse de fonctionner le 16 juin 1940. Il rouvre ses portes le 2 juillet en l'absence du Directeur mobilisé, le Pr. HOCHE, étant rappelé à la direction. Peu à peu, la plus grande partie de l'appareillage réquisitionné est récupéré et les appareils radifères reviennent de RENNES. Le personnel revient progressivement de zone libre.

En 1941, les effectifs sont reconstitués et le Pr. FLORENTIN reprend ses fonctions le 20 octobre 1941, le Pr. HOCHE ayant assumé le remplacement jusqu'à la veille de sa mort (octobre 1941). Ce sont alors les années d'occupation où la pénurie et les difficultés d'approvisionnement vont compliquer la bonne marche des traitements. Pourtant les crédits financiers sont satisfaisants. En 1942, l'Union Régionale des Caisses d'Assurances Sociales dote le Centre d'une subvention de 800000 F qui permet de mettre en service un nouveau poste de radiothérapie de 300 KV et d'améliorer la radioscopie. Les subventions de l'Institut National d'Hygiène servent à ouvrir un service de statistiques. On fait l'acquisition d'un appareil de contacthérapie. Le personnel s'accroît également d'un hématologiste, de deux laborantines, d'une manipulatrice d'électroradiologie. La commission des hospices détache un poste d'externe en 1943 pour aider le Dr JACOB à assurer une consultation permanente.

 

EVOLUTION  1945-1970 (Directeur : Pr. FLORENTIN)

En 1945 la cessation des hostilités entraîne une reprise importante des chiffres d'activité. L'arrêté ministériel du 1er octobre 1945 confère aux Centres Anticancéreux une totale autonomie administrative et règle leur fonctionnement administratif et médical. Le Centre est adapté aux statuts. Ainsi, dès décembre 1945, un chirurgien nommé au concours, un interne et un externe vont constituer un service de chirurgie propre à l'établissement. C'est là que seront pratiquées les premières interventions pour cancer de l'œsophage et cancer du poumon, sous l'impulsion dynamique et novatrice du Pr. CHALNOT. Un médecin consultant (Pr. Ag. SIMONIN, Pr. HEULLY, puis Pr. MELNOTTE) est également nommé et se charge de la surveillance médicale des malades consultants et hospitalisés. Le Centre va alors atteindre dans les années 1950 ses limites de capacité rendant souhaitable la construction d'un nouvel établissement. L'emplacement de cette éventuelle construction est subordonnée à celui qui sera choisi pour édifier le nouveau Centre Hospitalier Régional, car le Centre fournit aux malades de l'hôpital tous les traitements physiothérapiques. Des retards interviennent pour cette décision ; on pallie en colonisant tout espace encore disponible : aménagement des sous-sols, construction sur la cour intérieure, adjonction d'une construction préfabriquée pour hospitalisation. Le nombre des lits atteint ainsi 90 en 1961. On fait le projet d'agrandir sur place, soit en surélevant le bâtiment de façade existant, soit en s'étendant sur un terrain voisin cédé par les hospices. Les autorisations ne seront pas accordées car l'autorité ministérielle estime qu'il ne faut plus faire de dépenses sur place, mais construire du neuf ailleurs.

Dans une nouvelle convention signée avec la commission  des  hospices en janvier 1960, le Centre acquiert une plus grande autonomie de gestion et encaisse lui-même son prix de journée.

Sous   l'impulsion   du   Pr.  ROUSSEL,  radiologiste,   un   accélérateur  linéaire est installé 1955. En 1962, il est remplacé par un appareil de télécaésium  auquel  s'adjoint un télécobalt en 1962, puis un autre en 1970. Le laboratoire intensifie ses travaux : 9156 examens biopsiques et 921 cytologiques. Le nombre des journées d'hospitalisation atteint 27082.

L'insuffisance qualitative et quantitative de locaux  est  devenue  très  sérieuse.  Le Centre Hospitalier Régional réalise son nouvel hôpital hors des murs. L'avant-projet du nouveau Centre Anticancéreux à construire à proximité est approuvé en 1968. Le Pr FLORENTIN quitte la direction à sa retraite le 18 décembre 1970.

 

SITUATION  ET ACTIVITE DU C.R.LC.C. EN 1971

Le rapport d'activités pour l'année 1971 décrit la situation présente du C.A.C., ses moyens d'action  et ses problèmes les plus immédiats. Le manque de place est sévère ; il n'y a plus un  mètre carré disponible. Le manque de lits et leur inconfort étant le problème le plus grave, le Centre a acquis, sous convention annuellement renouvelable approuvée par l'autorité ministérielle, une annexe de 38 lits dans une clinique du voisinage récemment construite. Ceci a permis une amélioration notable du confort général en supprimant quelques lits dans l'ancien établissement, tout en portant la capacité d'hospitalisation de 86 à 114 lits. Une liaison d'ambulances permanente réunit les deux établissements et permet d'effectuer au Centre tous les gestes spéciaux de diagnostic et de traitement. Le nombre de journées d'hospitalisation pour 1971 est monté à 35433 (+ 30 %). Il y a 1979 nouveaux dossiers pour l'année ; les services de consultations, réorganisés et fonctionnant désormais sous le régime de la journée continue, ont assuré 8237 consultations (+ 22 %).

Le personnel administratif et médical du Centre a dû s'adapter à la perspective d'un développement rapide de toutes ses activités pour les trois prochaines années et à l'entrée en 1975 dans rétablissement à construire. Le conseil d'administration a prévu un budget spécial pour améliorer l'accueil et le confort des malades : réfection de la façade, organisation d'un accueil avec hôtesse, amélioration des salles d'attente etc... Le service d'archives et statistiques a été réorganisé sous la responsabilité d'un médecin spécialisé. Il a été établi 7362 fiches de surveillance des malades.

Le laboratoire d'Anatomie Pathologique qui sert, non seulement les besoins du Centre, en cytologie et en biopsie, mais reçoit de nombreux prélèvements de la région, a vu son activité s'accroître en 1971 de 14 % avec 11507 examens. Il s'est chargé de la lecture des prélèvements cytologiques effectués au Centre de Médecine Préventive pour la recherche systématique des cancers du col utérin.

Le service de radiothérapie dispose de 2 appareils de contactthérapie, d'un appareil de 200 KV, de deux appareils de télécobalt et d'un autre de télécaésium. Il a une activité intense : en moyenne 140 malades y viennent chaque jour en traitement, soit depuis le Centre ou son annexe, soit depuis leur domicile, quelquefois situé à 100 kilomètres, faute de locaux d'hospitalisation aptes à les recevoir, soit encore depuis le Centre Hospitalier Régional voisin qui dirige tous ses malades à irradier vers le Centre, puisqu'il ne dispose pas d'installation de radiothérapie. Par ailleurs, un département de dosimétrie et de centrage a été développé sous l'égide d'un médecin physicien.

Le service de radiodiagnostic a accru son activité de 18 %, disposant seulement de soixante m2 pour cinq appareils. La salle d'application de Curiethérapie a été rénovée pour garantir la protection. On y effectue le remplacement progressif du radium par des sources scellées d'isotopes radioactifs qui présentent divers avantages pour la protection du personnel et des malades autant que pour l'efficacité thérapeutique. L'iridium est utilisé dès maintenant ; le caesium le sera très prochainement.

Le service de chirurgie a effectué 866 interventions (+ 30 %). Un peu plus à l'aise en nombre de lits disponibles, les malades de ce service souffrent de l'inconfort et de la promiscuité des grands opérés. On dispose d'une seule salle d'opérations.

Grâce à l'annexe, le service de chimiothérapie, auquel un médecin se consacre désormais, a reçu une implantation confortable et 180 malades ont été hospitalisés et traités au seul titre de la chimiothérapie. Ce service de médecine est appelé à jouer le rôle de service d'entrée qu'il tiendra à part entière dans l'installation future du Centre pour effectuer le bilan général et local avant décision thérapeutique collégiale. Une bibliothèque médicale, installée et mise en route dans des locaux minuscules rend cependant les plus grands services.

L'équipe médicale du Centre qui comportait en 1970 trois médecins à plein temps, en a sept en 1971 et il en aura onze en 1972. Ces médecins sont tous au régime du plein temps, excluant tout secteur privé. L'équipe se complète d'une dizaine de médecins à temps partiel, sous statut d'assistant ou de vacataire. Le groupe médical se réunit au moins une fois par semaine pour prendre collégialement les décisions thérapeutiques multidisciplinaires, propres à la cancérologie clinique. Il élabore aussi des protocoles thérapeutiques qui schématisent son attitude dans les cas les plus habituels. Ce travail permanent nourrit l'esprit de collaboration qui doit régner entre les diverses disciplines et livre à l'enseignement un document précieux pour tous.

Le Centre est en effet largement engagé dans diverses activités d'enseignement pour le curriculum du doctorat en médecine (module hématologie-cancérologie), dans les deux unités d'enseignement et de recherche médicale de Nancy. Le Centre intervient également dans l'enseignement des C.E.S. et dans le recyclage post-universitaire. La signature d'une convention est prochaine avec le Centre hospitalier-universitaire. Un programme de recherches et travaux scientifiques a été mis en route en 1971.

Il faut ajouter que plusieurs médecins du Centre assurent des consultations avancées à Bar-le-Duc, Verdun, Epinal, Vesoul, Saint-Dizier et Briey.

Enfin, sur le plan administratif, une évolution rapide des activités de la maison, leur mise à jour technique, la perspective d'une construction très proche ont nécessité une augmentation du prix de journée qui se trouve porté pour 1972 à 183,70 F.

 

PERSPECTIVES D'AVENIR ET CONSTRUCTIONS PROJETEES

La préoccupation fondamentale du conseil d'administration et du directeur est désormais d'aboutir au mieux et au plus tôt, à la construction du nouveau Centre Anticancéreux dont la nécessité se fait cruellement sentir chaque jour. Le projet n'est pas nouveau puisque le conseil d'administration a émis le vœu de cette réalisation le 4 décembre 1959 et que le Ministère a donné son accord de principe le 16 août 1960. Plusieurs années se sont écoulées ensuite en études et remaniements de programme qui a été approuvé en janvier 1967.

Quoi qu'il en soit, le Centre a acquis sur le nouveau campus hospitalier, sous bail emphytéotique de 75 ans, signé le 24 février 1971, un terrain de 2,5 hectares voisin des nouvelles constructions du Centre Hospitalier Régional qui vont entrer en service dans les prochains mois. La procédure technique et administrative a pu être accélérée en 1971 et le dossier d'exécution du nouveau Centre a été présenté au service de l'Equipement en mars 1971. La promesse de subvention engageant l'Etat pour 60 % de la dépense totale de l'ordre de 2 milliards a été signée le 9 juin 1971 et l'autorisation préalable l'a été le 22 décembre 1971. Les adjudications ont été ouvertes à la fin de l'année et les nécessaires ajustements des offres font penser que les ordres de service lancés en juin 1972 offrent la perspective d'ouvrir l'établissement en 1975.

Le nouveau Centre Anticancéreux, autonome, recevra cependant du C.H.R. voisin certaines prestations telles que les fluides, le service de buanderie, les examens chimiques et bactériologiques,   les   investigations  diagnostiques pari les isotopes. Par contre le nouveau Centre comportera  des  locaux  spécialement protégés et équipés   pour   les   applications  thérapeutiques d'isotopes et il recevra aussi bien les malades de  l'hôpital que les siens  propres pour tous les traitements radiothérapiques puisqu'il disposera de l'équipement complet et moderne d'un Centre lourd de radiothérapie avec tout son personnel hautement spécialisé. La proximité du C.H.R. facilitera grandement tes échanges de compétences pour les consultations et traitements divers.  Le Centre de Transfusion, en cours construction, se trouvera, lui aussi très proche. Ainsi le nouveau Centre est conçu pour s'intégrer dans un grand ensemble hospitalier et en constituer une pièce indispensable. Il vivra ainsi en complémentarité avec les équipements et les groupes médicaux voisins, comme il l'a fait dans le passé. Il y a là quelques avantages d'intérêt général pour éviter les doubles emplois en investissement et rentabiliser des équipements onéreux et des personnels très spécialisés.

Sur le campus de NANCY-BRABOIS, se trouve également une unité de recherche de radiobiologie et de cancérologie de l'INSERM (Pr. BURG). Le Centre est appelé à collaborer pour des recherches fondamentales avec cet établissement ; un programme s'élabore actuellement pour des cultures de tissus cancéreux humains. Une collaboration doit se développer également avec le Centre de Médecine Préventive (Pr. SENAULT). Cet organisme, parfaitement original, qui effectue chaque jour ouvrable une moyenne de 72 bilans de santé avec examens cliniques, radiologiques, biologiques, pourvu des équipements les plus modernes et d'un service d'informatique, constitue le partenaire de collaboration idéal pour le dépistage des cancers par le Centre Anticancéreux selon sa vocation statutaire régionale. Le principe est de trouver par interrogatoire les personnes qui, venant pour le bilan de santé, présentent un risque de cancérisation élevé pour tel ou tel organe. Un projet de création pour cette antenne de dépistage a été établi et présenté au Conseil Général. Déjà la participation du Centre au programme d'interrogatoire et aux examens cytologiques du col utérin concrétise cette collaboration. Enfin la construction d'une nouvelle faculté de médecine est projetée à côté du campus hospitalier et les plans du nouveau Centre incluent des locaux d'enseignement pris en charge l'Education Nationale.

 

DESCRIPTION  DU  NOUVEAU  CENTRE

Le projet d'exécution (architecte M. N. LE MARESQUIER) a reçu l'approbation ministérielle le 22 décembre 1971 et représente 14000 m2 environ, répartis en 7 plans :

- Le rez-de-chaussée comprend des locaux d'accueil distincts pour malades couchés, visiteurs et malades valides, les locaux médico-sociaux, d'archives et d'informatique, d'administration, les locaux d'enseignement et la bibliothèque avec leur entrée propre, des locaux de consultation et à leur voisinage les locaux de radiodiagnostic ; enfin le laboratoire d'anatomie pathologique et la pharmacie.

- Au sous-sol se trouvent les cuisines et divers locaux de service, les salles d'applications curiethérapiques et isotopiques formant avec 10 chambres isolées et protégées un ensemble de traitement parfaitement délimité, les locaux de traitements radiothérapiques et en particulier des locaux de haute énergie pour un accélérateur de 32 Mev, un générateur de 6 à 10 Mev et un appareil de télécobalt, enfin les locaux de dosimétrie et centrage interposés entre la zone de curiethérapie et la zone de radiothérapie.

- On trouve ensuite trois étages d'hospitalisation avec 6 unités de 28 lits chacune, chaque unité comportant des chambres de 1 à 3 lits, une salle de séjour.

- Il y a plus haut un étage technique qui contient toutes les installations centrales de conditionnement d'air, de chauffage, le groupe de stérilisation, les salles à manger et locaux de détente du personnel.

- Le dernier étage comprend le bloc opératoire avec deux grandes salles d'opérations et leurs annexes, une salle septique, une salle d'endoscopie ; au même niveau se trouvent 18 lits de réanimation chirurgicale et de soins intensifs incluant deux chambres stériles.

Quand ce programme sera complètement exécuté, le Centre de Lutte contre le Cancer de NANCY, s'il conserve son annexe pour la diététique et la chimiothérapie, utilisera 250 lits environ. Il disposera de liaisons extrêmement faciles avec le Centre Hospitalier Régional, le Centre de Transfusion, les Unités de Recherche, le Centre de Médecine Préventive pour le dépistage, la nouvelle faculté de médecine pour l'enseignement. Si ces conditions sont réunies, bel et bien réalisées, l'établissement pourra assumer pleinement le rôle de dépistage, de soins, de recherche, d'enseignement et de rayonnement régional qui lui est imparti.