LOUYOT Jean

 

1899-1967

 

Texte extrait de « Obstétrique » par J. RICHON et M. RIBON - Numéro spécial des Annales

 

En février 1967, Jean Louyot, gynécologue-accoucheur des Hôpitaux, décédait après une courte maladie.

Jean Louyot fut une des figures d'accoucheur nancéien bien connue, Reçu interne titulaire des Hôpitaux en 1925, après deux années de chirurgie générale qui marqueront toute sa carrière, Jean Louyot devient le chef de clinique du Pr. Fruhinsholz, puis est nommé gynécologue-accoucheur des Hôpitaux et ne quittera plus la Maternité jusqu'à sa mort.

Sa participation à la vie de la clinique obstétricale est double.

D'abord il coopère à l'enseignement clinique des étudiants (il fut candidat à l'agrégation d'obstétrique en 1939).

Ensuite, il assure les responsabilités chirurgicales gynécologiques à la Maternité jusqu'à l'âge de la retraite. Ses compétences chirurgicales sont reconnues et appréciées par ses maîtres les Prs Fruhinsholz et Vermelin.

Jean Louyot fut rapporteur au Congrès d'obstétrique et de gynécologie de Marseille en 1950 sur un sujet dont l'actualité ne s'est pas démentie : l'insémination artificielle ; dans ce rapport fort apprécié, il envisageait tous les aspects de la question : médicaux, légaux et moraux. Il fut l'auteur de plusieurs communications à la Revue Médicale de Nancy et à la Société d'Obstétrique et de Gynécologie portant essentiellement sur la pathologie de l'accouchement gravement dystocique.

A côté de ces activités hospitalières, Jean Louyot connut un succès mérité en clientèle privée. Son dévouement était sans borne, il semblait ignorer la fatigue et dédaigner le sommeil.

Tendre et ombrageux à la fois, il s'attache à sa clientèle avec un dévouement que beaucoup ne sont pas près d'oublier.

Il reste un exemple de probité intellectuelle et morale dans une spécialité où à l'heure actuelle cette qualité est plus que jamais indispensable.

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Texte du Bulletin de l'Internat (1968)

La carrière de Jean Louyot a suivi une ascension régulière, en conformité avec le développement et l'enrichissement d'une intelligence bien dotée, et avec une très grande délicatesse affective.

Elle a commencé avec l'accession au grade de licencié en philosophie scolastique (avec la mention « cum magna laude »), après avoir bénéficié de l'enseignement de maîtres éminents de l'Institut catholique de Paris. Mobilisé au début de 1918, Jean Louyot a longuement médité sur l'orientation de sa vie pendant trois années passées sous les drapeaux, optant en 1921 pour la carrière médicale.

Au lendemain des épreuves du P C N, il sollicite son admission à l'Hôpital pour occuper ses vacances, et fut reçu par M. le Professeur Vautrin, avec le plus bienveillant accueil, à la Clinique Chirurgicale B (A ce propos, il est curieux de souligner le contraste de la vie médicale de ce temps avec notre époque, ce service ayant fonctionné au cours des vacances, pendant près d'un mois, avec un Interne et quatre étudiants sortant du P C N !).

En 1923, il remporte le prix d'Anatomie-Histologie, puis en octobre de la même année, est reçu au concours d'Externat. Sans hésitation, il porte son choix, pour son premier stage, sur la Maternité départementale qui fonctionnait alors dans les vieux bâtiments de la Maison de Secours : son zèle et l'expérience vite acquise lui valurent d'être nommé rapidement Moniteur d'Obstétrique (1924-1928), et, plus tard, préparateur de Médecine Opératoire Obstétricale (1931-1936).

Entre temps, ce fut le succès au Concours d'Internat au sortir de la 4ème année. Au lieu de s'absorber d'emblée dans la spécialisation de son choix, Jean Louyot compléta d'abord sa culture en Médecine Générale (Pr. Louis Richon), puis en Chirurgie Générale (Pr. Gaston Michel). C'est dans ce dernier service qu'un phlegmon contracté à l'Hôpital lui valut la Médaille des Epidémies (1929).

En 1930, thèse très remarquée sur la « Rétrodéviation utérine mobile au cours du Post Partum » (172 pages), puis, au cours de l'année suivante, attribution du prix de Gynécologie Alexis Vautrin (1931).

Au cours de la vie estudiantine, le sens et le goût de l'action orientèrent Jean Louyot vers la recherche du contact humain ; l'ascendant qui l'imposait à ses camarades et à ses amis l'éleva, par élection, au poste de Président de la Section de Médecine, puis à celle de Président du groupe des Etudiants Catholiques.

L'interpénétration d'une formation solide, philosophique, littéraire et scientifique, d'une pleine possession des techniques professionnelles, d'une connaissance aiguë de l'esprit et de la conscience humaines, réalisait en Jean Louyot un capital intellectuel complet. Et il ajoutait encore à ces dons exceptionnels, épanouis au maximum par le travail, des qualités de cœur incomparables, indispensables à tout homme d'action, cadrées sous un abord qu'il voulait rude, en Lorrain de bonne souche qu'il était. Mais la misère physique, la moindre détresse morale, pourvu qu'elles soient sincères, vraies, dignes d'être secourues, faisaient évanouir aisément la rudesse des traits et de la grosse voix. Sa compassion, agissante et sans mièvrerie, a sauvé combien de foyers !

Son métier fut une passion qui l'absorba tout entier, et, si rien n'échappait à sa curiosité scientifique, il accorda une préférence toute particulière à la chirurgie gynécologique et surtout à la psychologie de la femme ; la profonde connaissance qu'il eut de cette psychologie, et qui lui permit d'aider tant de malades en difficulté, il en donna un aperçu dans une conférence faite devant les membres du Rotary. C'était l'un de ses sujets préférés.

En dépit de longues nuits privées de sommeil, et passées à la Maternité, il fallait des circonstances exceptionnelles et rares pour le contraindre à se faire remplacer. Les vacances lui étaient inconnues. Et cependant, il trouva encore le temps d'accepter avec enthousiasme la présentation d'un rapport sur l'Insémination artificielle, devant le Congrès Français de Gynécologie de Marseille en 1957; entouré d'une documentation considérable, ayant eu le souci d'interroger, sur le problème moral posé par l'Insémination, tous les Chefs Religieux qu'il put atteindre dans le monde entier, il fournit un rapport très remarqué par ses conclusions pondérées, réfléchies, et conformes aux règles de morale qu'il s'est toujours imposées.

Il trouvait aussi le temps de lire, avec autant d'avidité que de profit, étant atteint, comme son ami Jean Girard, d'une bibliophagie invétérée; chaque moment d'attente (et ils sont nombreux dans la vie d'un accoucheur) était ainsi utilisé. Il eut ainsi une très grande culture sur de multiples sujets, mais il affectionnait surtout l'histoire et l'astronomie : son goût pour la métaphysique en est la raison.

Très éclectique, l'enseignement l'attirait. Il participa ainsi à la vie de l'Ecole des Sages-Femmes de la Maternité, non seulement quant à l'instruction, mais aussi il ne dédaignait pas d'apporter son expérience dans la réalisation des séances récréatives données chaque année par les élèves de l'Ecole.

La carrière médicale et hospitalière de Jean Louyot est une ascension régulière vers un idéal, mais un idéal aussi vaste que sa culture et que l'éclectisme des dons qu'il avait reçus en partage : idéal du médecin, idéal de l'homme, idéal de l'ami, idéal du chrétien. Celui du médecin peut être dit : il était visible de tous. Celui de l'homme et de l'ami est fait de choses indicibles, que seuls peuvent comprendre et revivre ceux qui ont approché de près cette âme sensible.

L'idéal du chrétien manifesté avec simplicité en maintes circonstances, il en donna une preuve parmi beaucoup d'autres, ce qui allait de pair avec sa bonté foncière et son sens de l'altruisme. Entré avec enthousiasme dans l'Hospitalité de Lourdes en 1922, il acquit la médaille d'argent des Hospitaliers Titulaires en 1929. Il créa, dès 1926, la direction médicale des Pèlerinages du diocèse de Nancy, la conservant et la perfectionnant chaque année : à la manifestation de sa foi, il ajoutait le souci d'assurer aux malades des pèlerinages tout le confort possible souhaitable et la poursuite des soins médicaux indispensables. Seule défense dans sa vie professionnelle, il assura personnellement et sans ostentation, le Service du Train des malades à chaque pèlerinage annuel. Au retour du pèlerinage de 1966, il eut le pressentiment que c'était le dernier. Avait-il ressenti les premiers indices du mal auquel il devait succomber ? Il ne devait plus retourner à Lourdes