Médecine sociale et Santé publique
par M. MANCIAUX
En cette année 2005 où Nancy célèbre le deux cent cinquantième
anniversaire de l’intronisation de Stanislas Leszcynski comme duc de Lorraine
et de Bar, il est juste de payer tribut à cet ami des Lettres, des Arts et des
Sciences en insistant sur son rôle éminent en matière de ce qui ne s’appelait
pas encore la Santé Publique. Sur le socle de la statue ornant la place qui
porte son nom, on peut lire la liste impressionnante des œuvres qu’il a
initiées pendant sa vie lorraine. En voici quelques-unes : Hôpitaux pour
les pauvres, Secours en cas d’épidémies, Secours aux malades dans les villages,
Fondation pour les Calculeux, Chambre de consultations gratuites, Pensionnat
pour les orphelins, Ecoles et Collèges,… Un vrai programme de Santé publique où
la dimension éducative a sa place. Stanislas le Bienfaisant a été véritablement
un pionnier de la Santé publique en Lorraine. Cependant, et avant lui, le duc
LEOPOLD avait déjà mis en place une politique sociale dans le Duché.
Deux siècles plus tard Jacques PARISOT a élevé la Santé publique à un haut niveau conceptuel et pratique. Le présenter brièvement est impossible : le beau livre d’Etienne THEVENIN y suffit à peine. Citons-en la quatrième de couverture.
« Le doyen Jacques PARISOT, l’un des créateurs de l’action sanitaire et sociale moderne, est né en 1882 à Nancy et décédé en 1967 dans sa ville natale. Professeur de médecine sociale, Jacques PARISOT eut le souci de prendre en compte l’arrière-plan social des maladies afin de mieux asseoir une politique de soins efficace et surtout une médecine préventive d’envergure. Il créa dès 1920 l’Office d’Hygiène Sociale (OHS) de Meurthe et Moselle, qui préfigurait les directions départementales d’action sanitaire et sociale installées dans tous les départements français après 1945. L’OHS mena une lutte efficace contre la tuberculose, la syphilis, la mortalité infantile et plusieurs autres fléaux. Les infirmières visiteuses de l’OHS accomplirent dans la Meurthe et Moselle de l’entre-deux-guerres le travail des assistantes sociales d’après 1945. Par ailleurs, la Meurthe et Moselle fut à partir de 1930 un département novateur en matière d’assurances sociales.
Après 1945 et à la suite de réalisations pionnières en Meurthe et Moselle, Jacques PARISOT, déjà père de la médecine préventive, introduisit en France la réadaptation, la kinésithérapie, l’ergothérapie, la gériatrie. Il participa à la naissance de l’océanographie et de nombreux organismes de recherche, tels l’INSERM ou l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité..
Tout en faisant de son département un département pilote sur le plan sanitaire et social, Jacques PARISOT occupa de hautes responsabilités nationales et internationales par lesquelles il put donner à ses idées novatrices un rayonnement et des applications très larges. Conseiller de plusieurs ministères durant une quarantaine d’années, il fut aussi président du Comité d’hygiène de la Société des Nations à la fin des années trente et l’un des fondateurs de l’Organisation Mondiale de la Santé dont il présida à maintes reprises les travaux. S’il n’exerça pas la responsabilité politique, ses interventions eurent des effets sur les choix de certains gouvernements ».
Ajoutons quelques mots pour souligner l’idée géniale qu’eut Jacques PARISOT d’associer étroitement ses collègues de la Faculté et des Hôpitaux dans la création et le fonctionnement des différentes sections spécialisées de l’OHS. Le même esprit a présidé à la création, en 1969 par le Pr. SENAULT, du Centre de Médecine Préventive à Vandoeuvre, en partenariat avec la Caisse Régionale d’Assurance Maladie, la Faculté de Médecine et le CHU. Ses difficultés actuelles ne doivent pas faire oublier le rôle pilote que le CMP a longtemps tenu dans la politique nationale de prévention.
Les successeurs de ces pionniers ont su faire fructifier cet héritage au point de faire de Nancy et de la Lorraine un pôle fort de la Médecine sociale et de la Santé publique au double plan national et international. Voyons ce qu’il en est aujourd’hui.
Les implantations et activités hospitalières de ces deux ensembles
disciplinaires qui, au-delà de leurs spécificités, ont beaucoup de points
communs, sont souvent difficiles à mettre en exergue : non qu’elle
n’auraient pas leur place à l’hôpital, au contraire, mais parce qu’elles
s’adressent peu ou prou à la vie quotidienne de tous les services hospitaliers.
Disciplines transversales, elles concernent la quasi-totalité du fonctionnement
hospitalier et se fondent dans un ensemble au risque de passer inaperçues.
En fait, certains de leurs aspects ont connu, dans les trente dernières
années, un développement spectaculaire. C’est par exemple le cas de l’hygiène
hospitalière désormais ubiquitaire : qu’on songe en particulier à la lutte
contre les infections nosocomiales ! C’est aussi tout ce qui concerne les
départements d’information médicale. D’apparition relativement récente ils ont
pris dans l’évaluation de l’activité hospitalière en vue d’une gestion
administrative et médicale rationnalisée une importance qui n’est plus
contestée, même si des améliorations fonctionnelles restent nécessaires.
D’autres activités ressortissant de la médecine sociale et de la santé
publique sont moins visibles, et cependant essentielles. Les besoins et
demandes de santé et de soins évoluent, l’âge moyen des personnes hospitalisées
augmente, les pathologies aigues, autrefois prédominantes, ne sont le plus
souvent que des évènements intercurrents dans le déroulement d’une maladie
chronique. Parallèlement, les durées de séjour hospitalier diminuent au profit
des hospitalisations de jour. C’est pourquoi l’éducation des patients et la
prise en compte de leurs problèmes psychologiques et sociaux, le suivi des
hospitalisations dans le cadre de réseaux ville-hôpital prennent tant
d’importance. Si l’on ajoute l’évolution actuelle des droits des malades et
l’afflux à l’hôpital de personnes bénéficiaires de la Couverture Maladie
Universelle, d’autres en grande précarité ou en situation irrégulière, on voit
que, plus que jamais, les problèmes sociaux s’y posent avec acuité. C’est
spécialement le cas aux urgences, mais tous les services hospitaliers sont
concernés. En fait la médecine sociale n’est pas une spécialité fermée et ce
sont tous les services hospitaliers, les personnels à tous les niveaux de la
hiérarchie hospitalière qui, avec l’aide des services sociaux, doivent dénouer
des situations souvent complexes et faire preuve d’un esprit social dans la
prise en charge, le traitement et le suivi de ces patients. La médecine sociale
est l’affaire de tous les médecins ! Et la non santé physique, mentale et
sociale des exclus nous interpelle tous.
La pédiatrie sociale – on devrait dire la pédopsychiatrie sociale –
représente toutefois un cas particulier. Les problématiques psychologiques et
sociales y sont omniprésentes. Maladies chroniques, handicaps, troubles du
caractère, du comportement, des apprentissages, autant de pathologies qui
nécessitent une prise en charge dans la durée, où l’hôpital a sa place. C’est
aussi dans les services d’enfants, puis à l’hôpital d’enfants que la
douloureuse question de la maltraitance a été soulevée, étudiée, approfondie
depuis un demi-siècle, faisant du CHU de Nancy un pôle d’excellence dans ces
situations où le service des urgences tient aussi une grande place. Par
ailleurs, en lien avec la Sécurité sociale et l’OHS, les établissements de
Flavigny sur Moselle ont accueilli, au fil des années, des milliers d’enfants
atteints de maladies chroniques ou de handicaps variés, faisant un travail remarquable
de réadaptation et de réinsertion scolaire et sociale.
D’autres problèmes psychosociaux se sont considérablement développés
depuis trente ans, au point que l’on parle souvent de nouvelle morbidité :
conduites addictives et tentatives de suicide prennent une place croissante
dans l’activité hospitalière, particulièrement à l’adolescence, et le besoin
est grand de personnels spécialisés, de structures adaptées à cette période de
l’existence. Les jeunes suicidants bien pris en charge après leur geste et correctement
suivis à leur sortie courent moins de risques de récidive : là encore
l’abord psychosocial d’une pathologie trop souvent réduite à ses aspects
somatiques est essentiel.
Après ces considérations générales vont être présentées un certain
nombre de réalisations hospitalières qui n’existaient pas ou n’étaient
qu’embryonnaires voici trente ans, mais qui ont pris depuis une place
essentielle dans le fonctionnement hospitalier et les programmes de formation.
Sont envisagés successivement les services d’hygiène hospitalière,
d’épidémiologie et d’évaluation cliniques et le département
hospitalo-universitaire environnement et santé publique.
Les infections nosocomiales sont connues depuis longtemps et
constituent un véritable fléau. On estime généralement qu’environ 6 à 7 % des
patients acquièrent à l’hôpital une pathologie – habituellement infectieuse,
souvent grave et parfois mortelle – dont ils n’étaient pas porteurs lors de leur
admission. Ces infections ont un impact économique important : leur
élimination pourrait probablement combler le déficit de la Sécurité
sociale !
Aussi la Direction Générale de la Santé a pris depuis plusieurs années
un certain nombre de mesures visant à prévenir ces infections nosocomiales.
Ainsi en 1975 a été créé au CHU de
Nancy un service d’Hygiène Hospitalière, l’un des premiers de France, dont le
chef de service était le Pr. Jean-Marie FOLIGUET. Il a été le pionnier de la
mise en place de la biologie appliquée à la surveillance de l’environnement
(prélèvements d’air dans les blocs opératoires, réanimations, services à
risques (brûlés, greffés …), de l’eau (dialyse, eau bactériologiquement
maîtrisée...) et de l’alimentation (stérile pour les patients immuno-déprimés,
alimentation par sonde, biberons).
On s’est progressivement aperçu que la seule surveillance de
l’environnement ne permettait pas de réduire les infections nosocomiales ;
elle doit être accompagnée d’une formation, d’une surveillance épidémiologique,
de la connaissance de tableaux de bord des résultats obtenus, d’audits dans les
services, par exemple audit sur le lavage des mains, la réfection des
pansements … D’où une collaboration plus étroite avec les services pour le
recueil des données et l’application de protocoles spécifiques. Mais surtout le
décret de 1988 a rendu obligatoire la création de comités de lutte contre les
infections nosocomiales (CLIN), ainsi que la mise en place d’équipes
opérationnelles d’hygiène en charge de ce type d’activité. Le Pr. Philippe
HARTEMANN est l’actuel responsable du service.
En 1991, la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales a
créé une Cellule Régionale d’Hygiène indépendante du CHU et dont la responsable
est le Dr. Marie-Françoise BLECH.
Ses missions sont :
- la mise en place d’une politique régionale en matière d’hygiène et de
prévention des infections nosocomiales dans les quatre
départements lorrains. Cela passe par un travail de partenariat avec les
présidents des CLIN, les directeurs et les équipes opérationnelles d’hygiène,
les professions sanitaires libérales (par exemple pour la stratégie de maîtrise
des bactéries multi-résistantes : information, signalement…), les
directeurs des soins, coordinateurs généraux des soins,
- la formation des soignants,
- la surveillance épidémiologique,
- l’aide aux établissements dans leurs pratiques et dans la mise en
oeuvre de la stratégie de prévention en matière d’hygiène.
En 1992, la Direction Générale de la Santé et la Direction des Hôpitaux
ont créé des Centres de Coordination de Lutte contre les Infections
Nosocomiales. Il en existe cinq en France ; le CCLIN EST, initialement
basé à Strasbourg, est maintenant localisé à Nancy ; il regroupe les cinq
régions du Grand Est. Le CCLIN a pour mission de transmettre les informations
et recommandations en matière de lutte contre les infections nosocomiales dans
le sens ascendant vers les tutelles (DGS, INVS, DRASS) et dans le sens
descendant aux CLIN des différents établissements.
Au cours des années 1980 et 1990, les activités d’évaluation des
pratiques de soins et de recherche clinique basées sur l’épidémiologie se sont
progressivement développées en réponse à des besoins réglementaires,
scientifiques et éthiques croissants. Elles ont en commun de s’appuyer sur des
approches méthodologiques similaires.
Les activités d’évaluation élaborées dans le cadre de la Commission
d’Evaluation et de la Qualité des Soins du CHU avaient permis de mener des
travaux concourant à l’amélioration progressive de la qualité des soins
prodigués aux malades dans certains secteurs. Les actions d’épidémiologie
clinique se sont développées en s’appuyant sur la création, au cours de la même
période, d’une maîtrise puis d’un DEA et d’un doctorat d’Université
d’épidémiologie clinique et d’évaluation des actions de santé à la Faculté de
Médecine de l’Université de Nancy1. A partir de 1992, ces activités ont été
accueillies au sein du SIMES (Service d’Informatique Médicale, Epidémiologie et
Statistiques – chef de service Pr. Bernard LEGRAS) dont une partie des
activités d’informatique médicale ont ensuite été relocalisées au Département
d’Information Médicale.
En 1998, le service d’Epidémiologie et Evaluation Cliniques a été créé
et placé sous la responsabilité du Pr. Serge BRIANCON. Ce service joue un rôle
de service commun assurant le soutien logistique et méthodologique de travaux
d’épidémiologie et d’évaluation pour l’ensemble de l’établissement. Il anime
par ailleurs des activités générées sous l’impulsion des praticiens et des
chercheurs de l’établissement ou commanditées par l’institution.
Elle s’exerce tant dans le domaine de l’épidémiologie générale que dans
celui de l’épidémiologie clinique. Le service assure ainsi le développement de
programmes avec les équipes du CHU en fournissant une aide pour :
- la rédaction de protocoles
- le calcul du nombre de sujets nécessaire
- l’élaboration de bordereaux de recueil de données
- la prise en charge des aspects réglementaires
- le contrôle de qualité
- l’analyse statistique et la mise en forme des résultats pour
rédaction et publication.
Ces activités sont particulièrement développées dans le cadre de la consultation
de méthodologie et statistique qui accueille chaque année cent à cent-cinquante
collègues porteurs de projets, ce qui a permis notamment le développement de
nombreux programmes hospitaliers de recherche clinique, régionaux et nationaux,
depuis la création du Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) du
Ministère de la Santé en 1993. Le service aide par ailleurs à la mise en place
de systèmes permanents de recueil d’informations épidémiologiques dans le cadre
des transplantations (Etablissement Français des Greffes), du réseau REIN
(Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie) et de la prise en charge
de la sclérose en plaque (Réseau LORSEP).
L’ensemble de ces activités a conduit à la création du Centre
d’Epidémiologie Clinique (CEC) en 2003, reconnu par l’INSERM, la Direction de
l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins, le CHU et l’Université Henri
Poincaré de Nancy. Le CEC est placé sous la responsabilité du Pr. Francis
GUILLEMIN. Ses activités sont orientées principalement vers les études de
cohortes, notamment dans le domaine des maladies chroniques d’une part, et vers
l’évaluation des pratiques innovantes d’autre part. Dès la première année de
son fonctionnement, le CEC-Inserm anime plus de 20 projets de recherche de dimension
régionale, inter-régionale dans le Grand-Est ou nationale multicentrique.
Le service d’Epidémiologie et Evaluation Cliniques au CHU a également
été actif, avec l’Ecole de santé publique à la Faculté de Médecine et le
secteur de recherche clinique du Centre Alexis Vautrin, site de l’équipe de
recherche EA 3444 « Epidémiologie, prévention et qualité de vie des
maladies chroniques ». Cette équipe est depuis 2005 l’une des composantes
de la nouvelle EA (Equipe d’Accueil) « Risques, maladies chroniques et
société : des systèmes biologiques aux populations ». Dans ce cadre,
le service mène des travaux pour l’adaptation culturelle et la création
d’instruments de mesure de la qualité de vie dans les maladies chroniques et en
population générale aux différents âges de la vie. Ceci permet de façon plus
générale de développer les connaissances méthodologiques des échelles de mesure
complexes et de mettre au point des indicateurs centrés sur la perception de sa
santé ou de ses soins par le patient. Ces travaux de développement et de
validation de tels instruments, et des travaux d’application de ces nouveaux
indicateurs en épidémiologie descriptive, étiologique et interventionnelle des
maladies chroniques (cancérologie, néphrologie, cardiologie et maladies osteo-articulaires)
sont ainsi menés dans plusieurs programmes locaux, nationaux et internationaux.
L’évaluation clinique a pour but de contribuer à l’amélioration de la
qualité des soins à travers des méthodes de contrôle de qualité (vérification a
posteriori), de l’assurance qualité (vérification permanente) et à
l’amélioration continue de la qualité centrée sur l’analyse du processus. Dans
ce cadre, le service d’Epidémiologie et Evaluation Cliniques collabore à des
contrats d’assurance qualité financés par le CHU et à des programmes
d’assurance qualité nationaux. Il a contribué à la mise en place et l’animation
depuis 2000 d’un programme unique en France de mesure permanente de la
satisfaction des patients hospitalisés. Il participe à la préparation de
l’accréditation et collabore avec la Direction de la Qualité mise en place en
2004. Il participe également à l’évaluation de technologies innovantes comme
les caméras tomographiques à émission de positons récemment implantées dans
l’inter-région, ou les pratiques de communication et de consultation d’imagerie
médicale dans le cadre d’un programme PACS. Enfin, cette activité s’est
concrétisée plus récemment en cours de l’année 2005, par la mise en place d’un
réseau d’évaluation des pratiques de soins, des pratiques professionnelles et
des activités de réseau. Le service devient ainsi, avec le département
d’expertise de l’Ecole de santé publique, la cellule opérationnelle du réseau
EVALOR destiné à soutenir et fournir un apport méthodologique pour l’évaluation
des pratiques professionnelles dans les établissements, par les professionnels
de santé et au sein des réseaux. Il représente ainsi un nouvel outil régional
de préparation à l’accréditation, programmée par la Haute Autorité de Santé.
Dès la période du Collège Royal de Médecine fondé par STANISLAS le
bienfaisant il semble que les aspects environnementaux de la médecine aient
bien été pris en compte en particulier sous l’influence du Dr. Charles BAGARD
(1696-1772), véritable précurseur en matière de santé publique. Par exemple on
retrouve au Musée Lorrain un document du 28 juillet 1780 annonçant la
réalisation publique d'analyses d'eaux minérales de Saint Dié par M. NICOLAS,
démonstrateur royal de chimie, au sein du laboratoire de chimie de la Faculté
de Médecine.
La tradition a perduré puisque, après la tourmente révolutionnaire et
le désastre de 1870, on retrouve, dès le « transfèrement » de la
Faculté de Médecine de Strasbourg, une chaire d'Hygiène, discipline médicale
s'occupant des relations entre l'homme et son environnement, occupée par le Pr.
Emile POINCARE, père du mathématicien Henri dont notre Université a pris le
nom. Ses travaux sur les conditions environnementales de différents exercices
professionnels dans la région (textile, sidérurgie, mines, etc) sont
remarquables et les mesures de prévention proposées à l'époque pour lutter
contre les poussières, facteurs de risque de diverses pathologies, toujours
d'actualité.
Son successeur, le Pr. Eugène MACE mit en place avec Pasteur l'Institut
Sérothérapique de l'Est qui devint ensuite Institut Régional d'Hygiène,
bénéficiant de subventions parfois internationales (telles que les Fondations
Osiris et Rockfeller) pour financer les recherches et construire un bâtiment
(40 rue Lionnois), maintenant siège du laboratoire national d'hydrologie de
l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments.
Le rôle précurseur d'un thésard de MACE, le Dr. Edouard IMBEAUX, mérite
d’être souligné. Ce polytechnicien ayant perdu sa femme et ses deux filles lors
d’une épidémie de fièvre typhoïde fit ses études de médecine. Sa thèse
« Les eaux potables et leur rôle hygiénique dans le département de Meurthe
et Moselle », passée le 25 Juillet 1897, est un joyau de synthèse
d'épidémiologie, bactériologie, hydrogéologie et technologie. Devenu directeur
des services techniques de la ville, IMBEAUX est à l’origine de la place tenue
par Nancy dans ce domaine. Il fonda l'association des hygiénistes et
techniciens municipaux, récemment devenue ASTEE (Association scientifique et
technique de l’eau et de l’environnement) et qui regroupe maintenant tous les
acteurs de la prévention environnementale (eau, air, déchets, bruit etc ...),
soit plusieurs milliers de membres et dont le rayonnement international est
clairement reconnu.
Les successeurs furent à la hauteur et l’on sait tout ce que Nancy et
la Lorraine doivent au Professeur et doyen Jacques PARISOT, à ses collègues, à
ses élèves dans les disciplines qui constituent maintenant ce qu’il est convenu
d’appeler Santé et Environnement : c’est désormais un chantier majeur de
travaux, d’enseignements, de recherches et d’innovations technologiques où la
Faculté de Médecine de Nancy est particulièrement bien placée. Le département
Environnement et Santé publique de l’Ecole de santé publique regroupe plusieurs
équipes :
- le Service d’Etudes et de Recherches en Environnement et
Santé (SERES) : Pr. Philippe HARTEMANN et Denis ZMIROU
- le Laboratoire d’Hydroclimatologie, Environnement et Santé de l’Ecole
Pratique des Hautes Etudes
- le Service d’Hydrologie et de Climatologie Médicale : Pr. Michel
BOULANGE
- le Service de Chimie et Toxicologie des Métaux : Pr. Daniel
BURNEL.
Ces deux derniers services sont présentés ailleurs.
Le SERES regroupe des activités d’enseignement, d’expertise et de
recherche, grâce au vivier de compétences représenté par les étudiants des deux
anciens DEA (Méthodes de Recherches sur l’Environnement et la Santé avec les
Universités de Grenoble et de Paris V, et Chimie et Microbiologie de l’Eau
animé par le Pr. BLOCK en partenariat avec les Universités de Poitiers et de
Pau) maintenant regroupés au sein de la filière LMD de l’Université Henri
Poincaré, dans la nouvelle spécialité Santé publique et environnement,
Epidémiologie clinique et évaluation des actions de santé.
Il est évident que l’ensemble de ces activités hospitalières ne peut se
faire et se développer que par un effort considérable d’enseignement :
formation initiale et continue de l’ensemble des professionnels de ces
différents services. L’Université et, plus précisément, l’Ecole de santé
publique de Nancy y jouent un rôle essentiel. De fait, cette école est devenue,
au fil des années, le centre francophone le plus important de formation en santé
publique. Sans entrer dans le détail est présentée ci-après la riche
gamme des formations offertes par les différents services; elles attirent
chaque année des centaines d’étudiants d’origines disciplinaires et
géographiques variées. Ceci démontre l’importance de la contribution de
l’Université au développement des services hospitaliers ressortissant de la
santé publique. Il convient de signaler tout particulièrement que bon nombre de
jeunes collègues se préparant à une carrière hospitalo-universitaire à Nancy ou
ailleurs ont suivi, ou suivent actuellement, une de ces filières de formation
doctorale, ce qui souligne l’étroite implication de l’Université dans le
développement des activités hospitalières de haut niveau.
A un niveau plus modeste, mais tout aussi important, il faut signaler
deux diplômes inter-universitaires co-organisés annuellement et en alternance
avec l’Université Louis Pasteur de Strasbourg depuis maintenant trente
ans : Hygiène hospitalière, destiné à des médecins et pharmaciens au nombre
de dix par promotion ; Prévention de l’infection nosocomiale, pour membres
des corps médical et paramédical (vingt à trente personnes).
A cela s’ajoutent les journées régionales annuelles d’hygiène
hospitalière organisées depuis 1992 par la Cellule régionale d’hygiène et la
DRAS et qui regroupent jusqu’à six cent personnes (de Lorraine mais aussi
d’autres régions du Grand Est). Ces différentes formations contribuent
grandement à un meilleur fonctionnement du système hospitalier, et tout
particulièrement du CHU de Nancy.
Les activités de l’Ecole de santé publique sont plus diversifiées.
Longtemps orientée vers la formation des seuls médecins, l’Ecole a rendu depuis
1978 cette offre de formation accessible à tous, professionnels de santé ou
non, en proposant un large éventail de diplômes et de méthodes pédagogiques.
Elle offre ainsi un panel complet de diplômes dans le champ de la Santé
Publique visant à la fois les méthodes et leurs applications sur le terrain, la
recherche et l’action, l’épidémiologie et la promotion de la
santé, l’exercice médical et le développement social.
L’enseignement se décline en
diplômes d’Etat (Licence, Master qui viennent prendre la place des
anciennes Maîtrises, DEA et DESS et enfin doctorat) et des diplômes
d’université ou interuniversitaires (DU et DIU). L’école offre ainsi
des formations professionnalisées et à la recherche, accessibles aussi bien en
formation initiale qu’en formation continue, en enseignement présentiel à Nancy
qu’en enseignement à distance soit sous forme traditionnelle soit, de façon
plus récente, par la technique du « e-learning ». Cet ensemble
de formations s’enracine dans la pratique et l’expérience, elle-même appuyée
sur la recherche.
L’Ecole de santé publique a été le socle fondateur d’une structure labellisée
de la Recherche du Ministère de la jeunesse, de l’éducation et de la recherche en équipe dirigée par
Serge BRIANCON qui associe l’équipe hospitalière du service
d’épidémiologie et évaluation cliniques et l’équipe de recherche clinique du
Centre Alexis Vautrin. Aujourd’hui, cette équipe d’accueil (EA) a été intégrée
dans un ensemble plus vaste, la nouvelle EA, où elle collabore avec deux
équipes de l’INSERM : l’ERI 11 « Evaluation et Prévention des Risques
Professionnels et Environnementaux » et l’équipe 4 de l’Unité 525, dirigée
par Sophie VISVIKIS et travaillant sur le thème « Interaction
gène-environnement et phénotypes intermédiaires des maladies
cardio-vasculaires ». Les principaux thèmes de recherche de l’équipe
« Epidémiologie, prévention et qualité de vie des malades
chroniques » de cette nouvelle EA sont la mesure de l’état de santé et
notamment la mise au point de nouveaux indicateurs de santé perçue et de
qualité de vie qui peuvent être utilisés comme
critères de jugement des interventions et d’appréciation de l’état de
santé des populations. L’expertise en Santé Publique s’appuie également sur
l’expérience du service d’épidémiologie et évaluation cliniques du CHU et est
réalisée en collaboration avec l’ensemble du système de santé impliqué dans le
suivi, la mesure, la dispensation des soins et de la prévention aux
Lorrains : DRASS, DDASS, ARH, URCAM, CRAM, URML. L’Ecole de santé publique
contribue à la définition et à l’évaluation des programmes régionaux de santé,
des programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins, des priorités de
la conférence régionale de santé, des réseaux de soins …
Le Service d’Etudes et de Recherches en Environnement et Santé et
l’équipe INSERM EI 11 à laquelle il est associé sont, quant à eux, des centres
de recherche et d’expertise reconnus au plan national et européen en matière de
risques pour la santé liés à l’environnement. En complément des activités
« historiques » dans le domaine de la qualité microbiologique de
l’eau, qui reste un axe fort des travaux actuels, s’est développée une
recherche de haut niveau sur les risques associés à l’inhalation de substances
nocives en milieu professionnel ou extra professionnel. Ses responsables sont
très présents dans des instances scientifiques d’expertise (AFSSA, AFSSE,
comité d’expertise environnement-santé pour l’Union européenne).
Outre la formation à la santé Publique dans le cursus médical, dans le
premier cycle, le deuxième cycle, puis le troisième cycle en médecine
générale et enfin la spécialisation en santé publique par l’internat, les
principaux diplômes proposés sont les suivants :
Licence de sciences sanitaires
et sociales. Elle s’adresse
aux étudiants désireux de préparer les CAPET et CAPLP en sciences médico-sociales,
les concours de la fonction publique territoriale, aux professionnels de la
santé non médecins désireux d’obtenir un diplôme de licence dans le domaine de
la santé. Elle accueille chaque année environ cent soixante-dix étudiants, dont
une grande majorité sous forme d’un enseignement à distance réalisé en
collaboration avec le CNED (Centre National d’Enseignement à Distance). Cette
licence va entrer, avec la réforme LMD en cours, dans le champ des licences de
la santé, pour former des personnels non soignants dans le champ de la santé.
Maîtrise de sciences sanitaires et sociales. Elle accueille des étudiants issus de la
licence (environ vingt-cinq chaque année) et près de la moitié au titre de la
formation continue. Elle s’accompagne de la réalisation de stages
professionnels et parfois dans le cadre de coopérations européennes et
internationales.
DESS Promotion de la Santé et
Développement Social, Conduite de Projets. Ce diplôme accueillait environ 25 étudiants
chaque année. A partir de la rentrée universitaire 2005, ce diplôme constitue
une option de la nouvelle spécialité « Santé Publique et
Environnement » du « Master Sciences de la Vie et de la Santé »
de l’Université Henri Poincaré Nancy I. L’objectif est de former à la fonction
de responsable de projet dans les métiers de promotion, coordination et
intervention et transfert des actions
de santé. Un quart des étudiants suit ce DESS au titre de la formation
continue et effectue un stage de quatre mois en milieu professionnel,
parfois à l’étranger (ONG, coopération, universités …).
L’Ecole de santé publique collabore avec l’IUFM de Lorraine pour
proposer une préparation au concours externe de CAPET et de CAPLP en sciences
et techniques médico-sociales. Une quinzaine de personnes sont préparées chaque
année avec un excellent taux de succès au concours (près de 50 %).
Diplômes de formation à la
recherche
Dans la maîtrise des sciences
biologiques et médicales, l’Ecole de santé publique est responsable d’un certificat de méthodologie en recherche
clinique et épidémiologique et d’un certificat
d’évaluation médico-économique dans les systèmes de santé en collaboration
avec les cinq villes de l’inter-région Nord-Est. Elle accueille une vingtaine
d’étudiants originaires des études médicales, pharmaceutiques et
ondotologiques. En majorité, ce sont des médecins et il s’agit pour eux du
premier pas vers un accès aux formations de niveau doctoral.
La nouvelle spécialité Santé
publique et environnement du parcours LMD de l’Université Henri Poincaré regroupe
dorénavant l’ancien EA « Epidémiologique clinique et évaluation des
actions de santé » et les parties nancéiennes des anciens DEA
« Méthodes de Recherches sur l’environnement et la Santé » et
« Chimie et Microbiologie de l’Eau ». Outres les équipes de santé
publique médicales et pharmaceutiques de Nancy, il associe les équipes
correspondantes des cinq villes de l’inter-région Nord-Est et la Faculté de
Pharmacie de l’Université Paris V-René Descartes.
La dernière étape de ce
parcours LMD en santé publique est le Doctorat d’Université qui a
trouvé sa place au sein de l’Université Henri Poincaré Nancy 1 dans l’Ecole
Doctorale BioSE (Biologie Santé Environnement).
Le diplôme d’université de
Santé Publique a été créé
par le Pr. Jean-Pierre DESCHAMPS et a acquis depuis une réputation
internationale. Il a pour objectif de former des professionnels en exercice qui
souhaitent acquérir les méthodes et les outils de la santé publique. Il
accueille chaque année deux cent cinquante nouveaux inscrits, dont la
moitié en promotion de la santé et l’autre moitié en santé et développement, correspondant à un recrutement de plus de
60 % en dehors de la France métropolitaine. Il accueille des médecins, des professionnels de santé
paramédicaux, des enseignants, des formateurs, des membres des ONG et de la
coopération internationale. La moyenne d’âge est de 38 ans. La majorité est
inscrite au titre de la formation
continue. Initialement enseigné uniquement à Nancy, il a été ouvert à la
formation par correspondance, et depuis la rentrée 2004, il n’est plus enseigné
qu’à distance et en utilisant les méthodes du « e-learning »,
(informatique et internet), en combinant les méthodes pédagogiques, le tutorat à distance et des sessions de regroupement à
Nancy. Il est validé, entre autres, par un mémoire professionnel sur un thème
de Santé Publique.
Le DIU « évaluation,
qualité, accréditation dans les établissements de santé » s’adresse à des professionnels exerçant des
activités managériales, logistiques ou cliniques dans les établissements
sanitaires et sociaux. Il s’inscrit dans la démarche actuelle de développement
de l’amélioration de la qualité dans les établissements. Il a la particularité
d’être enseigné en association avec l’Université de Nancy 2 (IAE) et L’Institut
National Polytechnique de Lorraine (ENSGSI). Il accueille une vingtaine de
professionnels chaque année au titre de la formation continue.
La Santé Publique s’est développée de façon considérable ces dernières années en raison des enjeux et des crises sanitaires qui ont émaillé l’histoire de la France et du monde. La formation et la pratique ont été intensifiées dans le domaine universitaire et parallèlement dans le monde hospitalier où les démarches d’hygiène, de prévention, d’épidémiologie, d’évaluation et de prévention représentent un enjeu croissant. Ainsi elle est devenue, notamment à Nancy, une discipline fonctionnant en interface étroite avec les disciplines cliniques et le monde non médical de la santé. Ce n’est pas par hasard que la vénérable Société Française de Santé Publique (elle a 125 ans !) a son siège social à Nancy et que c’est là aussi qu’est préparée et éditée la revue Santé Publique. Cette discipline si bien mise en valeur dans les organismes et structures nancéiens et lorrains est encore appelée à se développer dans les années qui viennent.