LOCHARD Jean
1918
Leçon inaugurale de la chaire de pathologie chirurgicale
ELOGE FUNEBRE
Jean LOCHARD nous a quitté le 5 mai 2008, il était né quelques jours après l'Armistice de la Première Guerre Mondiale en Franche-Comté.
Après de brillantes études secondaires à Montbeliard, il entre en médecine à Besançon où il est externe en 1937 et aide d'anatomie en 1938, année où il est reçu à l'Externat des Hôpitaux de Paris. Il fait son service militaire dans la Légion Etrangère et sera médecin capitaine de réserve. Finalement, c'est à Nancy, où il est reçu à l'Internat en 1942, qu'il va se fixer. Ses deux premières années d'internat sont consacrées à la médecine dans les services de Clinique Médicale des Professeurs DROUET et ABEL. C'est par scrupule et par honnêteté que le futur médecin de campagne qu'il voulait devenir, consacre une année d'internat à la chirurgie. Son appréhension et ses craintes sont effacées en quelques mois et la chirurgie, cet art, une découverte totale pour lui, va le passionner parce que, je le cite :
« Œuvre harmonieuse des mains et de l'esprit, elle s'exerce dans l'objectivité et la vérité et parce que beaucoup plus que toute autre activité humaine, elle permet d'approcher l'homme réel. »
Deux maîtres vont le guider dans sa découverte :
- Le Professeur HAMANT lui apprend le geste net, rapide, efficace, harmonieux, la chirurgie anatomique.
- Le Professeur CHALNOT lui enseigne par l'exemple et le travail en commun de tous les jours, ce que doit être la chirurgie au-delà du geste manuel : les nuances d'un diagnostic chirurgical qui doit rester aussi minutieux, patient et réfléchi que celui d'un médecin, la sincérité dans la recherche de nos erreurs et l'analyse de nos échecs, le scepticisme et l'enthousiasme à la fois, scepticisme devant le relativité et la fragilité des vérités d'aujourd'hui, et enthousiasme devant l'essor de la chirurgie, tout spécialement au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Au-delà du métier, le Professeur CHALNOT lui apprend qu'un patron peut aider ses élèves. Jean LOCHARD devient son premier chef de clinique à la Clinique Chirurgicale A en 1947 et plus tard, en 1953, il en devient le premier professeur agrégé, premier de la longue liste qui a constitué « l'école CHALNOT ». Jean LOCHARD assiste également son maître dans son activité au Centre Anticancéreux et au Service de Chirurgie de la Tuberculose, à l'Hôpital Sanatorial Villemin, service créé en 1948 à l'instigation du doyen SIMONIN.
Après avoir été formé à cette chirurgie thoracique alors en plein essor, Jean LOCHARD se voit confier par le Professeur CHALNOT la charge de ce service avant qu'il n'en prenne officiellement la chefferie en 1957, ayant été nommé préalablement chirurgien des hôpitaux en 1953. Il assiste aussi son maître à la création et au développement d'un service de chirurgie expérimentale, laboratoire d'essais de la chirurgie cardiaque dont la progression est rapide. Fidélité, amitié, estime et admiration réciproques ont toujours lié Pierre CHALNOT et Jean LOCHARD.
Les travaux scientifiques du Professeur LOCHARD appartiennent pour l'essentiel au domaine de la chirurgie pulmonaire et médiastinale. La chirurgie de la tuberculose domine entre 1947 et 1965, représentant 90 % de l'activité alors qu'elle devient très minoritaire à partir de 1970. Il faut mentionner particulièrement l'intérêt que Jean LOCHARD porte à l'arbre aérien, aux tumeurs médiastinales et notamment aux goitres plongeants, aux traumatismes thoraciques, à l'emphysème pulmonaire et à la pathologie pleurale. En outre, il saura s'adapter aux évolutions rapides de sa discipline chirurgicale spécifique et il conservera une activité de chirurgie générale, surtout viscérale, abdominale et pelvienne.
Chargé de cours de propédeutique chirurgicale (1953) puis de pathologie chirurgicale (1955), il devient titulaire de la chaire de pathologie chirurgicale en 1960. Le 16 mai 1961, il prononce à l'amphithéâtre Parisot sa leçon inaugurale qui reste dans toutes les mémoires. Précurseur, il souligne déjà le problème des infections acquises en milieu hospitalier chirurgical et insiste sur les mesures à prendre, tant dans le dépistage que dans la prophylaxie, souhaitant avant l'heure, la création de ce que seront les CLIN (Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales). Très favorable aux unités de soins et de recherche pluridisciplinaires, il craint cependant la déshumanisation de la médecine car le malade demeure sa préoccupation essentielle. Ses réflexions profiteront à l'organisation de son service hospitalier et aussi aux structures privées dont il sera le fondateur. En effet, son dynamisme, ses qualités au sens noble d'entrepreneur, l'amèneront à créer la Clinique Jeanne d'Arc puis, avec le Professeur Pierre LAMY, la Polyclinique de Gentilly. Ses qualités d'ouverture, d'accueil, de disponibilité et d'humanité lui permettent de prendre en charge pendant 20 ans l'enseignement de la chirurgie aux étudiants étrangers, CES notamment, le conduisant à établir des liens solides d'amitié avec des pays d'Afrique, particulièrement le Mali. Le Professeur LOCHARD a toujours été à l'écoute des problèmes humains rencontrés et ainsi il cautionnera, sous son autorité morale et non sans difficulté, la prise en charge et le bon déroulement de l'interruption volontaire de grossesse dans le cadre légal requis au sein du CHU.
Jean LOCHARD continuera d'affirmer sa liberté d'esprit en quittant à 62 ans ses fonctions hospitalo-universitaires, au moment qu'il jugera opportun.
Sportif depuis toujours, passionné de tennis, de montagne et de ski, à l'abri des honneurs et des lumières, il se consacra aux forêts. Il adorait toutes les montagnes des Vosges à l'Himalaya en passant par les Alpes, il aimait encore plus les montagnards.
Ayant eu l'honneur et le privilège d'être son collaborateur de 1960 à 1980, je garderai de lui le souvenir d'un honnête homme et d'un grand patron.
Professeur J. BORRELY
Texte paru dans la revue Binome
Cette année, le 5 mai 2008, j'ai perdu un ami.
Un vrai, un de ceux qu'on rencontre rarement et qu'on regrette sincèrement et profondément quand on les perd : Le Professeur Jean LOCHARD a quitté ce monde.
Né en 1918, interne des Hôpitaux de Besançon, puis de Nancy en 1942 après trois ans de guerre avec la Légion Étrangère, LOCHARD a fait ensuite partie de la prestigieuse équipe du Professeur CHALNOT et, en même temps qu'une activité de chirurgie générale, a développé à l'Hôpital Villemin tous les aspects de la chirurgie thoracique et pulmonaire naissante à une époque où la tuberculose était encore un grave problème.
C'est dans ce cadre que je l'ai connu, au début d'une collaboration de plus de 10 ans, d'un abord parfois un peu rugueux, mais franc et rapidement amical quand on avait gagné sa confiance. Il m'a initié à la chirurgie, mais aussi m'a appris par l'exemple ce que doit être un Médecin : entièrement dévoué à son patient, droit, franc, honnête, et soucieux tant du moral que du physique de celui qui se confie à lui.
Un autre aspect de Jean LOCHARD et la joie qu'il y trouvait a été son amour de la montagne, sous toutes ses formes : escalade, ski, trekking dans l'Himalaya qui lui ont valu bien des plaisirs mais aussi chutes et fractures, la dernière ayant peut être accéléré sa fin.
Professeur R. FRISCH