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Un siècle de chirurgie (1874-1974)

par A. BEAU

Numéro Spécial du Centenaire de la Revue (1874-1974)

Annales Médicales de Nancy

(édité en avril 1975)

C'est une tâche délicate que d'essayer de rappeler en quelques pages l'histoire de l'enseignement et de la pratique de la chirurgie à Nancy durant le siècle qui vient de s'écouler.

Cette période a été en effet le témoin d'un extraordinaire développement de cette discipline : elle a vu les progrès techniques, conséquence des découvertes de Lister et de Pasteur en ce qui concerne l'asepsie et l'antiseptie, le perfectionnement de plus en plus poussé des moyens de l'anesthésie, la naissance et le développement des méthodes de réanimation, la sécurité apportée par la couverture antibiotique, chimique d'abord, fongique ensuite.

Les chirurgiens nancéiens sont toujours restés durant cette période à la pointe du progrès, participant étroitement au développement de la technique, innovant souvent dans bien des domaines.

L'enseignement comme la recherche dans le domaine chirurgical ont toujours été en honneur dans notre faculté comme dans nos hôpitaux : stimulés par des maîtres éminents, développés par des équipes nombreuses et enthousiastes.

Les nombreuses communications scientifiques présentées dans différentes sociétés, à Nancy en particulier, et pour nombre d'entre elles publiées dans cette revue en sont le témoignage.

Il n'est pas possible d'en faire même un bref résumé. Aussi, nous bornerons nous essentiellement à rappeler en quelques lignes l'image des maîtres qui ont animé l'enseignement et la recherche en chirurgie et à faire revivre le cadre dans lequel ils ont travaillé.

Le décret présidentiel du 1er octobre 1872 portant transfert à Nancy de la Faculté de Médecine de Strasbourg créait dans ce nouvel établissement quatre chaires consacrées à l'enseignement de la chirurgie : deux chaires de clinique chirurgicale d'une part, et deux chaires théoriques : l'une de pathologie externe, l'autre de médecine opératoire d'autre part.

S'il était assez facile de trouver des locaux pour dispenser l'enseignement théorique, par contre l'installation des deux cliniques chirurgicales posait un très grave problème.

Nancy ne disposait que d'un seul hôpital dont les locaux vétustés et exigus occupaient, avec la maison mère des sœurs de St-Charles, l'emplacement de la rue Saint-Jean limité par les rues Notre-Dame et Léopold-Lallement.

La question d'un nouvel hôpital préoccupait depuis plusieurs années déjà la commission administrative et la Municipalité. Dès 1866 des terrains avaient été acquis rue de la Prairie et avenue de Strasbourg pour y bâtir un hôpital général des cliniques dont le projet avait été adopté en principe l'année suivante par la Commission des Hospices et le conseil d'Hygiène, mais n'avait reçu aucun début d'exécution.

Il fallait donc parer immédiatement au plus pressé, le 26 septembre 1873 le Conseil Municipal de Nancy cédait aux Hospices le dépôt de mendicité situé rue Saint-Léon, en face de l'église actuelle. C'est dans ce bâtiment que furent immédiatement installées, mais d'une façon précaire, les deux cliniques chirurgicales. Durant la première année de leur fonctionnement, elles reçurent 555 malades, des opérations importantes furent pratiquées et les consultants furent considérables. Mais il ne s'agissait en l'occurence que d'une solution très mauvaise et provisoire, la question de la construction d'un hôpital général des cliniques restait posée.

Une première solution fut proposée : un incendie venait de détruire une partie de l'Hospice Saint-Stanislas et la Faculté de Médecine estima que l'on pourrait réédifier cet hospice et l'aménager de manière à en faire l'hôpital principal des cliniques, un projet et des plans avaient été établis mais ils furent écartés par le conseil municipal.

Une seconde solution fut ensuite envisagée en 1876, elle consistait en un avant projet de reconstruction de l'hôpital Saint-Charles et un agrandissement de l'Hôpital Saint-Léon. Etudié avec soins, cet avant projet avait été proposé par la Commission administrative, approuvé par le conseil municipal et accepté par la Faculté de Médecine. Mais s'il avait reçu toutes ces approbations, il ne contentait finalement personne, et après bien des hésitations, il fut annulé.

Finalement, une commission d'études comportant des administrateurs, des conseillers municipaux et des professeurs de la Faculté fut désignée pour trouver une nouvelle solution. Très rapidement, un programme d'un hôpital général implanté sur le terrain de l'avenue de Strasbourg fut élaboré et recueillit l'approbation générale. Le conseil municipal de Nancy dans sa séance du 25 février 1878 décidait la construction de ce nouvel hôpital et les travaux furent immédiatement entrepris. Les plans et l'exécution des travaux furent placés sous la responsabilité d'un architecte de talent : Prosper Morey, élève de Viollet-le-Duc qui venait de se faire remarquer par la construction de la nouvelle église Saint-Epvre.

Les travaux furent rapidement menés à bien et l'inauguration du nouvel hôpital et des nouveaux services cliniques eut lieu le 6 novembre 1882.

Les deux cliniques chirurgicales furent installées au rez-de-chaussée des deux pavillons symétriques principaux : Roger de Videlange et Collinet de la Salle. C'est là qu'elles se trouvent encore actuellement. Chaque clinique comportait quatre salles communes d'hospitalisation, deux pour les hommes, deux pour les femmes, d'une capacité théorique de douze lits chacune. Au centre du pavillon se trouvaient deux salles d'opération et une salle de conférences pour les étudiants. Ces salles avaient été conçues à l'époque prépastorienne et ne correspondaient nullement aux impératifs de l'asepsie et de l'antisepsie, elles ne pouvaient plus répondre non plus au développement des techniques chirurgicales et aux impératifs posés par une chirurgie majeure. Pour remédier à cet état de chose, il fut décidé de construire un nouveau bloc opératoire, placé en appendice au centre du pavillon. Du côté de la clinique chirurgicale B, le problème était facile à résoudre et un pavillon annexe fut construit dans les jardins de l'hôpital. Du côté de la clinique chirurgicale A l'extension fut plus difficile à réaliser du fait de la proximité de la rue de la Prairie.

Ces deux groupes opératoires furent mis en construction en 1923 en accord avec le Professeur Gaston Michel pour la clinique Chirurgicale A et le professeur Alexis Vautrin pour la clinique chirurgicale B. Ils furent mis en service au mois de janvier 1925.

Depuis lors, c'est surtout le problème de l'humanisation de ces cliniques qui se posa avec insistance. Le nombre de malades ne faisait que s'accroître, les techniques chirurgicales avancées nécessitaient un isolement et des moyens de réanimation.

Progressivement, les quatre salles communes de chaque service furent aménagées et perfectionnées pour parvenir à leur état actuel.

Pendant longtemps, l'hospitalisation chirurgicale se limita à ces deux « grands services » mais petit à petit se différencièrent des services de spécialités dont nous rapporterons les vicissitudes : chirurgie infantile, urologie, gynécologie.

Un troisième service de chirurgie générale : clinique chirurgicale C prit naissance à la transformation de la clinique de gynécologie, abrité dans les locaux vétustés et inadaptables de la maison Marin, il a été transféré au C.H.U. de Brabois au cours de l'année 1974.

Grâce à l'initiative de la caisse régionale d'assurance maladie, une clinique chirurgicale et traumatologique a été construite à Nancy, rue Hermite. Une entente parfaite entre la caisse, la commission administrative des

hôpitaux et la faculté de médecine a permis d'établir une convention grâce à laquelle cette clinique possède un personnel médical détaché du C.H.U. Ouverte le 1er novembre 1967, cette clinique qui offre de remarquables conditions d'hospitalisation et de technique est dirigée par le professeur Jean Sommelet.

Enfin, pour être complet, nous devons mentionner l'existence d'un service chirurgical à l'hôpital Villemin dirigé par le Professeur Lochard.

Pendant de nombreuses années, deux petits services de chirurgie complémentaire furent installés à l'hôpital Maringer pour désencombrer les services généraux. Leur direction fut confiée à des chirurgiens des hôpitaux. Puis un service de chirurgie thoracique fut ouvert à l'hôpital Villemin à une époque où la tuberculose était traitée par de larges thoracectomies. La direction fut confiée au Professeur Guillemin puis au Professeur Lochard qui le fit perfectionner et adapter aux techniques chirurgicales modernes.

CLINIQUE CHIRURGICALE A

La direction de la clinique chirurgicale A a été assurée, au cours du siècle passé, par les chefs de service suivants : Professeur Edmond Simonin (1872-1879), Professeur Eugène Michel (1879-1883), Professeur Agrégé Théodore Weiss intérimaire (1883-1885), Professeur Albert Heydenreich (1885-1898), Professeur Théodore Weiss titulaire (1898-1922), Professeur Gaston Michel (1922-1937), Professeur Agrégé Pierre Chalnot, intérimaire (1937-1943), Professeur Marc Barthélémy (1943-1949), Professeur Pierre Chalnot, titulaire (1949-1974).

Nous consacrerons aux maîtres disparus une courte notice rappelant les étapes de leur carrière et les thèmes principaux de leurs recherches scientifiques.

Né à Nancy en 1812, Edmond Simonin appartenait à une famille qui a grandement honoré la médecine. Son grand-père, Jean Baptiste (1750-1836) avait été professeur au Collège Royal de chirurgie avant la révolution. C'est grâce à lui et à quelques médecins que l'enseignement médical fut maintenu à Nancy sans interruption après la suppression de la faculté de médecine en 1793, sous la forme juridique d'une société de santé puis d'une école libre de médecine. Son père, lui aussi prénommé Jean-Baptiste (1785-1870) se consacra durant toute sa carrière, à l'enseignement médical et fut de 1842 à 1847 directeur de l'école de médecine. Formé à de tels exemples, Edmond Simonin était appelé, lui aussi, à jouer un rôle de tout premier plan à l'école puis à la Faculté de Médecine de Nancy. C'est dans cette école qu'il poursuit ses premières études et que débutent ses premières fonctions (prosecteur d'anatomie en 1831). Il va ensuite terminer sa scolarité à Paris, attiré par la chirurgie, il y devient l'élève de Velpeau et de Morel. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat en 1835, il revient à Nancy où il est nommé l'année suivante professeur suppléant de clinique et de pathologie externe à l'école préparatoire. En 1840, il devient professeur titulaire de clinique chirurgicale et de médecine opératoire. La confiance de ses collègues le désigne en 1850 comme directeur de l'école. Dés lors, Simonin va appliquer tous ses efforts pour consolider et développer l'institution qu'il dirige. Dès 1866, il demande la transformation de l'école de Nancy en faculté. Lors des douloureux événements de 1871, il va se dépenser, sans compter, pour obtenir le transfert à Nancy, de la faculté de Strasbourg. Il fait preuve alors d'un très grand attachement à sa patrie et d'un désintéressement personnel total puisqu'il n'ignore pas que la venue d'une faculté à Nancy lui fera perdre sa place de directeur de l'institution.

Le décret du 1er octobre 1872 lui accorde une chaire de clinique chirurgicale dans la faculté nouvelle, il est nommé en même temps directeur honoraire de l'école préparatoire de Nancy, récompense et précieux souvenir pour lui, des services rendus à cet établissement.

A la tête de la clinique chirurgicale A de la nouvelle Faculté de 1872 à 1879 Simonin va continuer de donner à ses nombreux élèves l'exemple de soins assidus et minutieux et un enseignement très apprécié.

Outre ses fonctions professorales, Simonin eut une activité administrative et médicale tout à fait remarquable. Il fut en 1844 l'un des fondateurs de la société de médecine. Il s'occupa plus particulièrement de l'assistance médicale à domicile et des œuvres d'hygiène publique.

Malgré ses occupations si nombreuses, il publia de très nombreux travaux de médecine, parmi lesquels la publication la plus importante est, sans aucun doute, son traité de l'emploi de l'éther et du chloroforme à la clinique chirurgicale de Nancy. Cet ouvrage considérable, en quatre volumes, commencé en 1849 et terminé en 1879, présente le développement successif de la question et la longue expérience de son auteur.

Simonin fut l'un des premiers en France à se servir du nouveau procédé d'anesthésie générale. Du 30 janvier au 10 février 1847, Simonin fait d'utiles expériences sur les appareils employés et dès le 4 décembre 1847, il étudie l'action du chloroforme. Il montre enfin, d'après l'ensemble de ses résultats cliniques, l'influence heureuse de l'anesthésie au point de vue de la diminution de la mortalité à la suite des interventions chirurgicales. Simonin fut donc l'un des pionniers de la chirurgie moderne.

A ses connaissances scientifiques, Simonin joignait un goût très marqué pour les lettres et les arts. Pendant de nombreuses années, il fut secrétaire perpétuel de l'Académie de Stanislas devant laquelle il se plut à retracer avec beaucoup d'érudition l'histoire des institutions médicales Lorraines.

Admis à la retraite le 1e' avril 1879, il devait succombera une longue et douloureuse maladie le 31 mai 1884, entouré de l'affection et de l'estime de sa famille et de ses nombreux élèves.

C'est le Professeur Eugène Michel, qui fut appelé à succéder au Professeur Simonin. Né à Saulx (Haute-Saône) en 1819, c'est à Strasbourg d'abord puis à Paris qu'il fit ses études médicales.

Docteur en médecine en 1841, il s'installe comme praticien à Besançon. En 1846, la chaire de physiologie de Strasbourg est déclarée vacante et un concours s'ouvre dont Kuss sort victorieux. Michel, qui s'était présenté, fit preuve de qualités remarquables lors des épreuves de ce concours. En 1847, il est reçu après concours chef des travaux anatomiques et deux ans plus tard, il passe brillamment le concours d'agrégation d'anatomie et de physiologie.

Passionné de recherches, il rédige alors un volumineux traité intitulé « du microscope, de ses applications à l'anatomie pathologique, au diagnostic et au traitement des maladies ».

Mais, malgré ses aptitudes d'observateur, c'est vers la chirurgie qu'il s'oriente, rédigeant plusieurs importants mémoires dans ce domaine. En 1856, Michel est nommé professeur de médecine opératoire.

Orateur brillant, possédant une large érudition, Michel va dispenser un enseignement remarquable souligné par des nombreuses publications : origine, développement et classification des tumeurs (1866), contribution à l'étude des embolies capillaires de l'artère pulmonaire à la suite de congélation du pied (1867), etc. En plus de la médecine opératoire, Michel était chargé de la clinique des maladies syphilitiques et cutanées, discipline qui alors était toujours confiée à des chirurgiens.

En 1872, Michel vient reprendre à Nancy l'enseignement de la médecine opératoire jusqu'en 1879, date à laquelle il passe, par mutation, à la direction de la clinique chirurgicale A. Sa réputation comme opérateur depuis longtemps acquise, il ne tarda pas à attirer de nombreux malades à son service. Opérant avec précision et méthode, il cherchait toujours à minimiser le traumatisme opératoire et obtenait ainsi de beaux succès.

La maladie vient malheureusement briser sa carrière, il est emporté le 30 avril 1883 après avoir dirigé, quatre ans à peine, la clinique chirurgicale. Lors de sa disparition, le conseil de faculté ne déclara pas immédiatement la chaire vacante, et la suppléance de l'enseignement et du service fut confiée à un jeune agrégé de chirurgie, Théodore Weiss qui assura cette tâche du 25 octobre 1883 au 1er mars 1885, cédant ensuite la place au Pr Heydenreich. Le Professeur Weiss devait revenir comme titulaire à la mort du Pr Heydenreich en 1898.

Albert Heydenreich, né à Strasbourg en 1849 était issu d'une ancienne famille alsacienne. C'est dans sa ville natale qu'il commença ses études médicales, rapidement interrompues par la guerre.

Décidé à garder la nationalité française, il va achever sa scolarité à Paris, où il est nommé externe (1871), puis interne des Hôpitaux (1872). Elève de Broca, Richet, Rayel et Duplay, il soutient sa thèse inaugurale en 1877, sur les fractures de l'extrémité supérieure du tibia. Dès l'année suivante, il réussit brillamment au Concours de l'Agrégation dans la section de chirurgie et est attaché à la Faculté de Médecine de Nancy.

D'abord chargé du cours annexe de maladies des yeux (1879), il est titularisé dans la chaire de pathologie externe en 1881 puis transféré à la Clinique Chirurgicale en 1885.

Désigné à l'unanimité lors de la retraite du Professeur Tourdes par ses collègues de la Faculté pour remplir les fonctions de Doyen, le conseil renouvela par trois fois sa confiance, témoignage de la haute estime que lui portait le corps enseignant.

Si le Professeur Heydenreich était devenu Nancéien par ses fonctions universitaires, il le devint plus encore par les liens familiaux en épousant la fille du Professeur Victor Parisot et en entrant ainsi dans une dynastie médicale qui a donné tant de représentants illustres à l'Ecole puis à la Faculté de Médecine de Nancy.

Une mort prématurée devait l'enlever à sa famille et à ses collègues. Albert Heydenreich mourait le 11 octobre 1898 à 48 ans, victime du devoir professionnel. Dès le jour où il contracta au chevet d'une malade le germe de l'affection qui devait entraîner sa mort, il entrevit avec une lucide clairvoyance toutes les conséquences de cette inoculation fatale, accomplissant sa tâche jusqu'au bout et ses multiples devoirs jusqu'au jour où il fut terrassé par les progrès de la maladie.

Chirurgien simple, sûr, consciencieux, seul l'intérêt du malade et non une vaine gloriole d'opérateur dictait sa conduite.

Son œuvre scientifique fut très appréciable. Une monographie consacrée aux accidents provoqués par l'éruption de la dent de sagesse est le thème de sa thèse d'agrégation.

Un volume de 300 pages intitulé « la thérapeutique chirurgicale contemporaine », paru en 1888, est une excellente mise au point pédagogique. De nombreuses publications scientifiques témoignent de la diversité des problèmes chirurgicaux qui retinrent l'attention de ce brillant professeur.

Théodore Weiss était né à Phalsbourg en 1852, fils d'un notaire, il se destinait à succéder à son père quand survinrent les événements de 1870. L'annexion de cette région de la Moselle modifia complètement son avenir. Quittant son pays natal, il s'inscrit à la Faculté de Médecine de Paris dont il devient un très brillant élève. Interne des Hôpitaux, il est l'élève de Guérin, de Duplay et de Verneuil ; c'est dans le service de ce dernier maître qu'il observe quelques cas de trépanation de l'os iliaque, comme voie d'abord de la fosse iliaque interne, qui constituèrent les éléments de sa thèse inaugurale (1880).

La même année, il se présente au concours d'agrégation de chirurgie en écrivant une thèse sur la tolérance des tissus pour les corps étrangers, travail rédigé à Paris à une époque où les théories de l'aseptie et de l'antiseptie n'avaient guère encore pénétré dans les services chirurgicaux. Reçu brillamment à ce concours, Théodore Weiss vint à Nancy en septembre 1880 et est aussitôt chargé de la clinique ophtalmologique qui, à cette époque, était dirigé par des chirurgiens. A la mort du Professeur Michel en 1883, il est chargé en qualité d'Agrégé, d'assurer le service de la clinique chirurgicale A vacant par le décès du Professeur Michel, jusqu'à la nomination d'Albert Heydenreich, en 1885.

Le 22 mai de cette année, Weiss est titularisé à son tour dans la chaire de Pathologie externe qu'il quittera en 1898 à la suite de la disparition dramatique du Professeur Heydenreich.

Il assurera à partir de ce moment la direction de la clinique chirurgicale A jusqu'à sa retraite en 1922.

Actif et laborieux, le Professeur Weiss acquit très rapidement à Nancy une grande notoriété chirurgicale et sut former de nombreux élèves auxquels il apprit l'art d'être exact, de commencer son travail de très bonne heure et de bien préparer ses tâches journalières.

Ses travaux scientifiques sont très nombreux et, dès le début, ils prouvent que Weiss a été rapidement partisan des doctrines listériennes. Nombre de ses communications et de ses mémoires ont été réunis dans un volume de « Leçons cliniques » puis dans un volume de « mélanges de chirurgie ».

Parmi ses travaux les plus significatifs, il faut rappeler plus particulièrement « la résection des côtes dans l'emphysème chronique ou opération d'Estlander » qu'il fut le premier à pratiquer en France, et d'autres communications consacrées à l'ouverture antiseptique des abcès par congestion d'origine vertébrale et sur la ponction antiseptique du genou.

Admis à la retraite en 1922, T. Weiss eut une longue et active vieillesse, s'occupant très activement des hôpitaux dont il fut, jusqu'à sa mort, membre du conseil puis vice-président. Il devait terminer tristement sa vie le 14 mars 1942, exilé de Nancy pendant l'occupation allemande dans sa famille à Grorouvre en Seine-et-Oise.

Le 1er novembre 1922, le Professeur Michel était appelé à prendre la succession de M. Weiss à la chaire de clinique chirurgicale A.

Gaston Michel était né dans la Meuse, à Bussy-la-Côte en 1874. Elève de la Faculté de Médecine de Nancy, il avait été successivement aide (1894) puis prosecteur d'anatomie (1895), externe puis interne des Hôpitaux (1896).

Il soutient sa thèse de doctorat en 1898. Il devient peu après chef de clinique chirurgicale dans le service du Doyen Gross et est nommé agrégé de chirurgie en 1901.

A la fin de ses années d'agrégation, la faculté le chargea, en qualité d'agrégé libre, des cours de médecine opératoire qu'il devait conserver jusqu'au 1er novembre 1921, date de sa titularisation comme professeur de médecine opératoire. L'année suivante, il était transféré en clinique chirurgicale. Très rapidement, Michel occupa une place de premier rang parmi les chirurgiens français.

Parmi de très nombreuses publications, empreintes d'un grand sens clinique, il faut rappeler un important travail sur la pancréatite, présenté au congrès de chirurgie de Bruxelles, en 1911, puis un rapport au congrès de l'association française de chirurgie, sur les arthrites gonococciques, présenté à Paris en 1926. Enfin, un important mémoire sur les lésions traumatiques du rachis, présenté au Congrès international des accidents du travail, à Genève, en 1935. L'estime de ses collègues lui valut le grand honneur de présider à Paris en octobre 1935, le congrès de chirurgie. A cette occasion, il prononça un remarquable discours où il exaltait en termes élevés la profession de chirurgien et le rôle qu'il est appelé à jouer dans la société.

Chirurgien habile, d'un dévouement, d'une bonté et d'un désintéressement à toute épreuve, d'une très haute conscience professionnelle, il avait acquis une très grande notoriété et très nombreux furent les malades qui se confièrent à lui.

Gaston Michel était un excellent professeur, d'un diagnostic très sûr, très prudent dans ses indications opératoires. Nombreux furent ses élèves auxquels il se sentait lié par des sentiments de véritable affection. Très attaché à la Lorraine, il s'attacha à faire revivre dans ses écrits l'histoire de nos anciennes institutions médicales.

D'une constitution particulièrement robuste, c'est à la surprise et à l'affliction de tous ses élèves qu'il fut terrassé en quelques jours (1937).

Lors de la disparition prématurée du Professeur Michel, le conseil de la faculté de médecine estima qu'il était équitable de reconnaître les mérites du Professeur Binet en lui confiant une chaire de clinique gynécologique.

Le service de clinique chirurgicale A fut alors confié (1937) à un agrégé, le Professeur Chalnot, qui en assuma la direction jusqu'au 1er janvier 1943, date à laquelle la chaire de clinique chirurgicale fut rétablie par transformation de la chaire d'ophtalmologie vacante depuis la retraite du Professeur Jeandelize.

Le Professeur Barthélémy devait diriger la clinique chirurgicale A jusque 1949. Né à Nancy, en 1881, Marc Barthélémy avait été successivement aide de clinique (1905) puis chef de clinique du professeur Gross (1906-1908). Il avait soutenu sa thèse de doctorat en 1906 sur les indications thérapeutiques dans les névralgies faciales rebelles.

Reçu au concours d'agrégation de chirurgie en 1920 chargé pendant de nombreuses années de l'enseignement de la chirurgie opératoire, il fut titularisé en 1937 dans la chaire théorique de pathologie chirurgicale.

Le professeur Barthélémy a publié nombre d'observations cliniques intéressantes et des ouvrages didactiques de séméiologie chirurgicale.

Lors de son départ en retraite en 1949, le Professeur Chalnot fut appelé à reprendre, en qualité de titulaire, le service de clinique chirurgicale qu'il avait déjà dirigé pendant six ans. Chef d'école, c'est le professeur Chalnot qui a été l'un des pionniers en France et le premier à Nancy, de la chirurgie thoracique et cardiaque. On sait avec quel dévouement et quelle science, il a dirigé, jusqu'à ces jours derniers, un service de pointe particulièrement actif.

CLINIQUE CHIRURGICALE B

Les titulaires de la chaire de clinique chirurgicale B ont été successivement : Philippe Rigaud (1872-1881), Frédéric Gross (1881-1914), Alexis Vautrin (1914-1927), Aimé Hamant (1927-1953), René Rousseaux (1953-1955), André Bodart (1956-1966), Pierre Bertrand (1966-1973) et Robert Frisch (depuis 1973)

Nous évoquerons, dans les lignes qui suivent, la biographie des Maîtres disparus en rappelant quelle fut leur activité scientifique.

Philippe Rigaud était né à Montpellier en 1805, mais c'est à Paris qu'il accomplit ses études médicales où il se révéla immédiatement comme un très brillant élève, comme le prouvent ses succès aux différents concours.

Externe des Hôpitaux en 1824, il est reçu en 1826 à l'internat et devient l'élève des maîtres les plus éminents de l'époque : Richerand, Cloquet, Rostan, Dupuytren et Béclard. Désireux de donner à sa pratique chirurgicale de solides connaissances anatomiques, il se présente en 1833 au concours d'aide d'anatomie, puis en 1835 à celui de prosecteur : pendant six ans, il enseigne l'anatomie à l'école pratique et se fait remarquer par son intelligence et la facilité de son élocution. Sa carrière se poursuit avec les mêmes succès.

En 1838, il est nommé au concours chirurgien du Bureau Central des Hôpitaux et enfin, comme couronnement de ses études, il obtient en 1839, le titre particulièrement envié d'agrégé de la Faculté de Médecine de Paris, pour la section de Chirurgie.

La notoriété qu'il avait acquise à Paris lui présageait un très brillant avenir dans la capitale. Cependant, en 1841, un concours s'ouvre devant la faculté de Paris pour recruter deux professeurs titulaires de pathologie externe pour la Faculté de Médecine de Strasbourg. Après bien des hésitations, Rigaud s'y présente, et le 23 juillet 1841, le jury, présidé par Velpeau reçoit deux candidats : Sédillot qui devint l'un des grands maîtres de la chirurgie de l'époque et dont l'Hôpital militaire de Nancy garde le nom, et Rigaud qui est immédiatement chargé à Strasbourg de l'enseignement de la pathologie externe et de la clinique chirurgicale. En 1865, il sera déchargé de l'enseignement de la pathologie externe pour pouvoir se consacrer uniquement à la clinique.

Puis, survient le désastre de 1870, lors de la bataille d'Alsace et des bombardements de Strasbourg, Rigaud est resté seul chef de service de Chirurgie à l'Hospice civil de Strasbourg, aidé par Frédéric Gross, son élève. Il assure dans les conditions les plus dramatiques les soins chirurgicaux des victimes d'un bombardement qui dure plus de sept semaines et qui atteint plus de 1200 personnes.

Nuit et jour, avec le plus grand dévouement, il reste à la disposition de tous. Rigaud ne quittera son service que le 13 janvier 1871 avec le sentiment profond d avoir fait son devoir. Il quitte Strasbourg pour suivre la Faculté en exil à Nancy, où il est nommé professeur de clinique externe et placé à la direction de la clinique chirurgicale B, poste qu'il occupera jusqu'à sa mort survenue à Nancy le 22 janvier 1881, à 75 ans.

Rigaud fut un chirurgien habile qui pratiquait avec succès les opérations les plus graves et les plus importantes, à une époque où l'on ne disposait que d'une anesthésie précaire et où l'on ignorait les règles de l'asepsie et de l'antisepsie.

Doué d'un rare talent d'enseignant, il excellait dans l'art oratoire et dans la rédaction de mémoires scientifiques. Ses publications nombreuses ont trait à des sujets très divers : dilatation des rétrécissements de l'urèthre, extirpation du scapulum et la clavicule, hernies étranglées, extirpation du calcaneum. En 1875, l'Institut lui décerne un prix pour un important mémoire sur le traitement curatif des dilatations veineuses superficielles par la méthode d'isolement de ces vaisseaux.

Le Doyen Frédéric Gross, qui prit la succession du Professeur Rigaud, à la chaire de clinique chirurgicale B (21 février 1881), a été certainement l'une des figures les plus marquantes de la Faculté de Médecine, aux destinées de laquelle il présida pendant de nombreuses années.

Fils de médecin, Frédéric Gross était né à Strasbourg en 1844. Externe, puis interne des Hôpitaux, chef de clinique, élève de Koeberlé et Sédillot, il était nommé agrégé de Chirurgie à la Faculté de Strasbourg en 1869. Chargé d'un service à l'Hôpital Civil pendant le siège et le bombardement de 1870, il est nommé chef d'une ambulance dans le Doubs après reddition de sa ville natale. En 1872, il reprend ses fonctions d'agrégé à la Faculté de Médecine de Nancy. Chargé ensuite de la clinique ophtalmologique, il est nommé en 1879 professeur de médecine opératoire, charge qu'il n'occupera que pendant deux ans pour devenir professeur de clinique. Pendant trente trois ans, Gross assurera la direction de la clinique chirurgicale B.

Son œuvre scientifique est très considérable. On lui doit nombre de techniques opératoires concernant la chirurgie gastrique (il fut le premier à pratiquer une gastro-entérostomie à Nancy) et abdominale, la rhinoplastie, les trépanations, la chirurgie des membres, la gynécologie. Il a publié de très nombreux mémoires et plus particulièrement des traités : les nouveaux éléments de pathologie et de clinique chirurgicale (1893) et les nouveaux éléments de pathologie chirurgicale générale (1898) ont été longtemps des classiques.

Le premier en France avant Lucas Championnière, il introduisit dans son service d'agrégé, la méthode de Lister, dont il jugea les résultats dans sa leçon d'ouverture à la clinique chirurgicale. En 1875, il avait adressé à ce sujet, un mémoire à la société de chirurgie de Paris, et en 1879, il faisait paraître une monographie intitulée « la méthode antiseptique » où il relatait son expérience en la matière. S'il fut le promoteur en France de l'antisepsie, il fut aussi l'un des premiers à lui substituer l'asepsie.

En 1891, il écrit : «dans les opérations, l'asepsie doit être la règle » et à la faveur de cette méthode, il préconise déjà la suppression du drainage après suture des plaies opératoires.

Fondateur en 1874 de la revue médicale de l'Est, il en a été longtemps l'animateur et un rédacteur scrupuleux et méthodique. C'est en 1898 qu'il fut élu doyen à la mort du professeur Heydenreich, poste qu'il occupera jusqu'à la retraite.

Son décanat a été une brillante période pour la Faculté de Médecine. C'est grâce à ses efforts incessants que la construction de la faculté de Médecine fut réalisée rue Lionnois. On lui doit aussi la fondation de l'institut dentaire et la création de huit services hospitaliers d'enseignement.

L'heure de la retraite n'arrêta pas ses activités. A la fin de la première guerre mondiale, il avait dirigé la société de secours aux militaires tuberculeux qui fut le premier élément de l'office d'hygiène sociale dont on connaît la brillante destinée. Au cours d'une séance du conseil, la Faculté avait tenu, au cours d'une séance solennelle, à lui rendre un hommage reconnaissant. Son activité inlassable ne connut jamais de repos. Le 15 octobre 1927, il ressentit un court malaise au retour d'une visite dans les Hôpitaux et ce grand lutteur tomba, pour ne plus se relever.

Le Professeur Alexis Vautrin a laissé le souvenir d'un clinicien émérite, d'un brillant opérateur, d'un savant et d'un homme de cœur : travail et charité sont les vertus maîtresses qui ont fait le rayonnement de sa carrière.

Né en 1859, à Gercourt dans la Meuse, il s'inscrivit à la Faculté de Médecine de Nancy et devint rapidement aide d'anatomie dès 1882, interne des Hôpitaux puis chef de clinique chirurgicale de 1885 à 1889.

Sa thèse inaugurale (1885) consacrée à l'étude des kystes de l'ovaire intra-ligamentaires est la première étape d'une carrière de gynécologie à laquelle il portera une nette prédilection.

Reçu agrégé des facultés de médecine (section chirurgie et accouchement en 1886), sa thèse de concours a pour thème le traitement chirurgical des myomes utérins, il est alors chargé de cours complémentaires de clinique des maladies syphilitiques et cutanées, médecin de la maison départementale de secours. Agrégé libre pendant de nombreuses années, il est chargé de cours complémentaires de pathologie externe puis professeur adjoint à la faculté.

Il ne deviendra titulaire de la clinique chirurgicale que le 20 décembre 1914, succédant à son maître le doyen Gross. Il devait rester à la tête de ce service jusqu'à sa mort survenue en 1927. C'est sous sa direction qu'un nouveau pavillon opératoire fut construit en annexe de la clinique chirurgicale B.

Durant la longue période de 19 années où il fut écarté des activités de la faculté, et dans l'impossibilité de diriger un service, Vautrin décida de créer une clinique privée parfaitement équipée et qui connut un grand succès.

Les talents de créateur et d'administrateur, il les manifesta dans de nombreuses occasions. C'est à lui que la faculté confia la création et la direction du centre régional de lutte contre le cancer, c'est lui qui, grâce à une généreuse donation fit créer un service spécialisé de gynécologie.

A la fois professeur de clinique chirurgicale, directeur du centre anti-cancéreux, animateur d'une importante clinique privée, Vautrin eut une vie d'une activité extraordinaire mais qui eut vite raison de ses forces.

Orateur remarquable, excellant dans les exposés scientifiques et les présentations de malades, Vautrin jouissait d'une particulière admiration auprès de ses collègues et de ses élèves.

Ses publications sont assez nombreuses et consacrées avec prédilection à la gynécologie. Mais surtout, c'est à lui que les chirurgiens sont redevables de plusieurs techniques, toujours utilisées et qui portent son nom : le décollement retro-duodéno-pancréatique et le retournement de la vaginale dans la cure de l'hydrocèle. Admiré pour sa science et son habileté opératoire, Vautrin fut surtout aimé de tous pour sa bonté et la noblesse de son caractère.

La disparition du Professeur Vautrin entraînait la vacance de la chaire de clinique chirurgicale B de la Faculté.

Succession bien difficile à assumer, étant donné le prestige dont s'était entouré le maître qui l'avait dirigée. Le choix du conseil était délicat, entre deux candidats de valeur, il pencha en faveur du Professeur Hamant qui prit en mains le service le 2 novembre 1927 et qui devait en assurer la direction pendant 26 ans jusqu'en 1953.

Aimé Hamant était né à Nancy en 1884. Dès ses premières années d'études, couronnées par de multiples récompenses, il s'orienta vers l'anatomie et la chirurgie.

Elève du Professeur Nicolas, il fut successivement aide puis prosecteur d'anatomie. Par suite des circonstances, lors du départ de Nicolas à Paris (1907), il se trouva seul comme chef de laboratoire d'anatomie et dut, pendant quelques mois, assurer seul cet enseignement fondamental.

Externe des Hôpitaux, il est reçu en fin de sa troisième année d'études interne en 1907. C'est ainsi qu'il est appelé à devenir l'élève du Professeur Weiss dont il devient chef de clinique en 1912. C'est dans son service qu'il poursuit des recherches sur l'hydatidose péritonéale à laquelle il consacra sa thèse soutenue en 1913. Mais survient la guerre de 1914 qui va interrompre le cours de ses études et altérer gravement sa santé.

Déjà en pleine possession d'une technique chirurgicale remarquable, Hamant met au point, contrairement à la doctrine officielle de l'époque, le procédé des sutures primitives des plaies de guerre. Il arrive à convaincre de la valeur de cette méthode la plupart des chirurgiens des ambulances. Gravement victime d'une attaque de gaz, M. Hamant est obligé de quitter l'armée et de subir une très longue convalescence. Il reprend cependant, avec de multiples précautions, des occupations de chef de clinique en 1919, puis en 1922, il devient, pour une brève période, assistant du Professeur Froelich. Nommé agrégé de chirurgie en 1923, il est chargé de l'enseignement de la séméiologie et des services chirurgicaux de l'hôpital Maringer et de la maternité. Mais c'est à la direction de la clinique chirurgicale B qu'il allait donner toute sa mesure. Formé à l'école du Professeur Weiss, il avait une règle de conduite d'une rigueur extrême. Commençant son travail de très bonne heure, en clinique privée, comme à l'hôpital, il était toujours d'une exactitude rigoureuse qui seule lui permit de mener à bien la vie écrasante d'un chirurgien prestigieux ; on ne pouvait qu'admirer la précision et la sûreté de ses gestes comme la valeur de sa technique, à une époque où cette chirurgie brillante ne disposait que de moyens précaires d'anesthésie d'une réanimation presque inexistante, d'une défense médiocre contre l'infection. Aucune chirurgie ne lui était étrangère, il excellait aussi bien en chirurgie digestive, gynécologique, osseuse et même nerveuse. Il fut l’un des derniers représentants de ces chirurgiens généraux aptes à aborder, avec quelle élégance et quelle rapidité, n'importe quelle lésion. Passé si proche de nous et cependant combien révolu devant la spécialisation grandissante.

Chef d'école, M. Hamant a su s'entourer d'une pléiade d'élèves formés à une rude discipline mais tous ayant gardé une grande admiration pour leur Maître. Les uns sont devenus à leur tour des maîtres de la Faculté, d'autres, très nombreux, se sont éparpillés comme chefs de service ou chirurgiens dans de nombreuses villes.

Appelé à prendre la direction de la revue médicale de Nancy à la mort du professeur Etienne (1935), le professeur Hamant s'acquitta de cette tâche supplémentaire avec sa ponctualité coutumière et un très grand dynamisme. Très attaché à sa publication, il en garda la responsabilité pendant de nombreuses années, après sa retraite, pour la confier ensuite à son élève le professeur Chalnot. Ce fut pour lui l'occasion de publier une quantité de mémoires et d'observations cliniques recueillies par lui-même et par ses élèves dans son service chirurgical si actif.

A deux ans de l'âge de la retraite, M. Hamant décida avec une très grande sérénité de se retirer de la vie active (1er octobre 1953). Il devait jouir d'une longue et heureuse retraite durant vingt ans sous un ciel plus clément que celui de la Lorraine, dans sa propriété de Golfe Juan où il s'éteignit en 1973.

C'est le Professeur Rousseaux qui accéda à la chaire de clinique chirurgicale B quand le professeur Hamant prit sa retraite.

Né à Futeau (Meuse) en 1902, René Rousseaux avait fait une très belle carrière hospitalière et universitaire.

Externe des Hôpitaux, interne (1924), il avait été durant plusieurs années attaché au laboratoire d'anatomie en qualité d'aide (1923) puis de prosecteur (1925). Il avait fait fonction de chef de travaux (1928-1929), il y avait beaucoup œuvré comme enseignant et comme chercheur, publiant plusieurs travaux d'anatomie chirurgicale.

Elève du Professeur Michel, il devient en 1929 son chef de clinique. Rousseaux vouait à son maître une profonde et affectueuse vénération. C'est sous son inspiration qu'il rédige sa thèse de doctorat consacrée au syndrome de Kummel Verneuil qui sera l'élément de base d'une importante monographie publiée en 1933, en collaboration avec les professeurs Michel et Mutel et consacrée aux traumatismes fermés du rachis. Reçu au chirurgicat des Hôpitaux, Rousseaux dut attendre le concours de 1939 pour accéder à l'agrégation de chirurgie. Entre temps, son maître, le Professeur Michel étant disparu (1937), Rousseaux se trouvait sans emploi hospitalier valable, c'est alors qu'il décida de se diriger vers une discipline toute nouvelle, la neurochirurgie. Pour ce faire, il n'hésita pas d'aller s'initier pendant de longs mois auprès du Professeur Clovis Vincent qui était le pionnier en France de cette spécialité. Il eut l'occasion de rencontrer alors deux élèves de Clovis Vincent, les Professeurs Puech et David avec lesquels il noua une solide amitié.

Revenu à Nancy, il trouva un accueil chaleureux auprès du Professeur Jacques qui lui ouvrit largement les portes de son service d'O.R.L. et lui permit d'y recevoir ses malades et d'y pratiquer des interventions chirurgicales qui, à l'époque, étaient très longues et très pénibles. Le Pr Jacques tenait par ce geste d'hospitalité à favoriser une initiative nouvelle en souvenir des difficultés qu'il avait lui-même connues à la création de son propre service d'O.R.L.

Donnant tout son cœur et toute son énergie à son œuvre neuro-chirurgicale, Rousseaux parvint en quelques années à en faire un centre très actif et à attirer à lui de nombreux élèves et collaborateurs. Aussi, les travaux neuro-chirurgicaux publiés par cette école furent-ils nombreux, consacrés à la rhinorrhée, aux tumeurs cérébrales, aux hernies discales, aux cordotomies...

Les mérites du Professeur Rousseaux furent enfin reconnus en 1947 par la création d'une chaire de neurochirurgie. Mais il avait gardé une nostalgie de la chirurgie générale et il savait bien qu'il fallait la force de la jeunesse pour exercer la neurochirurgie. Aussi, quand en 1953, le Professeur Hamant prit sa retraite, il demanda son transfert en chirurgie B. Hélas, il ne devait pratiquement pas diriger ce service, atteint d'un mal inexorable dont il supporta avec sérénité les souffrances et les angoisses, il fut emporté en 1955.

Aimant enseigner, orateur brillant et précis, Rousseaux avait autour de lui une multitude d'amis et d'élèves qui n'ont pas oublié l'exemple qu'il leur avait donné.

A la disparition du Professeur Rousseaux, le Professeur Bodart, titulaire de la clinique de chirurgie infantile, fut transféré à la direction de la clinique chirurgicale B (1956) qu'il occupa jusqu'à sa retraite (1966). Le Professeur Pierre Bertrand lui succéda de 1966 à 1973. La chaire de clinique chirurgicale B est actuellement occupée par le Professeur Robert Frisch (depuis le 1er octobre 1973).

SPÉCIALITÉS CHIRURGICALES

Jusqu'à la dernière décade du XIXe siècle, la chirurgie a conservé son unicité : elle s'appliquait aussi bien à tous les organes de l'économie qu'à tous les âges de la vie.

Les progrès spectaculaires de la technique, joints à la sécurité provoquée par l'anesthésie et par les méthodes antiseptique et aseptique ont permis une large extension du domaine chirurgical. Et c'est ainsi que l'on a vu s'instaurer progressivement l'émiettement de cette discipline en diverses spécialités. A côté de la chirurgie générale classique, se sont instaurées petit à petit la chirurgie infantile et l'orthopédie, l'urologie et la gynécologie. Leur création à Nancy a été l'œuvre de pionniers auxquels un juste hommage doit être rendu.

CHIRURGIE INFANTILE ET ORTHOPEDIE

La création de l'enseignement et de la pratique de la chirurgie infantile à Nancy est l'œuvre du Professeur Froelich qui fut en France l'un des pionniers de cette discipline.

René Froelich était né à Drulingen dans le Bas-Rhin le 2 janvier 1867, l'annexion de son pays natal le contraignit à venir faire ses études à Nancy dont il devint rapidement un des meilleurs élèves. Aide d'anatomie en 1888, il est reçu à l'internat l'année suivante, il devient l'année d'après chef de clinique chirurgicale (1890). En 1891, il soutient sa thèse de doctorat en médecine sur « la destruction totale de l'urèthre chez la femme ».

Nommé agrégé des facultés de médecine (section de chirurgie et accouchement) en 1895, il est d'abord chargé des conférences de bandages et appareils puis du cours de pathologie externe, suppléant de la chaire de médecine opératoire en 1896 et de la chaire de clinique chirurgicale A en 1898 et 1899.

Mais, c'est vers l'orthopédie et la chirurgie infantile qu'il va très précocement s'orienter. Il va apprendre cette discipline à Wurzburg en Allemagne, auprès du Professeur Lorenz qui était le maître incontesté de l'époque dans cette discipline.

L'occasion va bientôt s'offrir à Froelich de créer un service de chirurgie infantile à l'hôpital de Nancy. En effet, en 1890, une bienfaitrice de la ville de Nancy, Mademoiselle Virginie Mauvais, laissait une partie de sa fortune pour construire un pavillon destiné aux enfants malades. Le bâtiment, terminé en 1894, abrita tout d'abord au rez-de-chaussée, la clinique médicale infantile dirigée par le Professeur Haushalter. En 1897, Froelich installe dans le sous-sol de ce pavillon une consultation d'orthopédie avec une salle de traitement munie de tous les appareils les plus perfectionnés de l'époque. Devant le succès remporté par cette consultation (plus de 300 consultants par an), l'administration des hospices décida d'ouvrir au premier étage du pavillon, des salles spécialement réservés aux enfants atteints d'affection chirurgicale qui, auparavant, étaient admis dans les services de clinique chirurgicale générale (1906).

Devant l'activité chirurgicale de ce service, la commission des hospices décide de construire un pavillon opératoire spécial, en arrière du bâtiment, comportant une salle d'opération, une salle de pansement et une salle de radiographie (1909-1910). L'installation du service fut terminée en 1931, au départ de la clinique médicale infantile qui occupait le rez-de-chaussée du pavillon et qui émigra à cette époque dans les nouveaux locaux du pavillon Krug.

Le conseil de la faculté consacra l'enseignement de la chirurgie infantile et de l'orthopédie par la création d'une charge de cours complémentaire (1901) qui fut transformée en charge d'état en 1913. Cependant, ce n'est que le 28 mai 1919 que fut créée une chaire magistrale de clinique chirurgicale infantile et d'orthopédie, par transformation de la chaire de médecine opératoire. Le Professeur Froelich devait l'occuper jusqu'à sa retraite survenue en 1937.

L'œuvre scientifique du Professeur Froelich fut considérable et il n'est de sujet d'orthopédie et de chirurgie infantile qui n'ait fait l'objet de travaux et de publications de sa part.

En 1905, il publiait ses « études de chirurgie infantile » qui apportaient des vues nouvelles et personnelles sur nombre de sujets. En 1900, au congrès de médecine, il est rapporteur sur le traitement de la luxation congénitale de la hanche. Il insiste beaucoup sur le dépistage précoce de cette affection et sur le traitement prophylactique par la mise en abduction des membres inférieurs. Cette méthode, dont il est le créateur, reste toujours appliquée.

Président d'honneur du congrès de Toulouse en 1910, il fait un rapport sur le mégacolon congénital. Président d'honneur du congrès de Rome en 1912, il présente un rapport sur la coxalgie. Rapporteur en 1930 avec Leriche au congrès français de Chirurgie, il présente un important travail sur la spondylite traumatique (maladie de Kummel-Verneuil).

Membre fondateur de la société d'orthopédie et de chirurgie, il reste jusqu'à sa mort, survenue en 1945, membre du comité directeur de cette société.

Sa renommée avait largement dépassé nos frontières et de très nombreuses sociétés étrangères l'avaient admis parmi leurs membres d'honneur.

Ses élèves, très nombreux, avaient toujours su apprécier son enseignement clair, éloigné des hypothèses hasardeuses et des traitements risqués. Une expérience consommée lui permettait de conseiller des thérapeutiques simples mais efficaces. Nombre de thèses de la faculté ont été inspirées par lui et embrassent les sujets les plus variés de la chirurgie infantile.

Foncièrement bon et généreux, le professeur Froelich a toujours donné l'exemple d'un travail fécond et d'une haute conscience professionnelle.

A la retraite du professeur Froelich, la chaire de clinique chirurgicale infantile et orthopédie fut transformée en chaire de pathologie chirurgicale (1er novembre 1937). Le service clinique fut confié au Professeur Agrégé André Bodart chirurgien des hôpitaux, qui devint à son tour professeur titulaire à dater du 1er novembre 1949. Le Professeur Bodart devait diriger le service de chirurgie infantile pendant 19 ans (1937-1956).

A la mort du Professeur Rousseaux, il abandonna la chirurgie infantile pour accéder aux fonctions de chef de service de la chaire de clinique chirurgicale B. A cette époque, la chaire de chirurgie infantile est à nouveau transformée en chaire de clinique urologique et le service de chirurgie infantile fut confié à M. A. Beau, Professeur d'anatomie, chirurgien des Hôpitaux, en faveur duquel une chaire de clinique chirurgicale infantile fut créée (1er octobre 1963).

UROLOGIE

La clinique d'urologie a été créée et s'est développée grâce à l'action persévérante et efficace du Pr Paul André.

Fils de médecin, Paul André était né à Nancy en 1869. Elève de la faculté de médecine, nous le trouvons successivement préparateur de thérapeutique (1891), externe des hôpitaux (1892), interne (1893), chef de clinique chirurgicale (1895). Il soutient sa thèse de doctorat en 1896 sur les déviations angulaires consécutives à la résection et à l'arthrotomie du genou chez l'enfant.

En 1898, il est reçu au concours d'agrégation de chirurgie et chargé des conférences de bandages et appareils. Mais, son activité clinique s'oriente immédiatement vers une spécialité alors toute nouvelle : l'urologie. En 1899, une consultation spéciale pour les malades des voies urinaires est ouverte sous la direction du Professeur André à l'hôpital civil. Elle connaît immédiatement une grande affluence de malades. En 1901, la commission des hospices fait aménager une salle spéciale pour la consultation de ces malades. Le Pr André est en même temps chargé par la faculté d'un cours complémentaire des maladies des voies urinaires qui deviendra une charge d'état en 1913.

Pendant plusieurs années, l'activité de l'urologie se limitait à cette consultation, les malades justiciables d'une intervention chirurgicale étant adressés dans des services de chirurgie générale. En 1906-1907, le deuxième étage, sous les combles du pavillon Collinet de la Salle était aménagé en service d'hospitalisation avec une salle d'opérations, le tout commun à la clinique d'oto-rhino-laryngologie et à celle d'urologie. Cette installation particulièrement précaire fut l'objet de nombreux vœux de la faculté pour qu'il y soit porté remède. Mais la guerre de 1914 survint sans que rien n'ait été fait. A ce moment, la clinique d'urologie dut émigrer temporairement à l'hôpital Maringer puis, de là, à l'hôpital Marin, où elle devait demeurer de nombreuses années avant de pouvoir enfin (1931) occuper un service nouvellement construit dans le pavillon Krug.

Et cependant, le service ne faisait que prospérer grâce à l'activité du Pr André pour lequel une chaire magistrale devait être créée au lendemain de la guerre, chaire qu'il dirigea jusqu'au moment de sa retraite en 1937.

L'œuvre scientifique du Pr André fut considérable. Tout d'abord orienté vers la chirurgie générale, il collabore aux nouveaux éléments de pathologie chirurgicale générale, avec F. Gross, Rohmer et Vautrin. Il rédige toute la partie concernant les affections chirurgicales de la peau et du tissu cellulaire sous cutané, des vaisseaux et ganglions lymphatiques et des nerfs.

Mais, c'est surtout dans le domaine de l'urologie que sa contribution a été la plus importante par de très nombreux articles parmi lesquels on relève des études sur la prostatectomie, les calculs de l'uretère, la tuberculose rénale, les tumeurs de la vessie. Le Pr André, s'il fut le créateur de l'urologie à Nancy, fut aussi l'un des pionniers en France de cette nouvelle discipline. Lors de sa retraite, la chaire de clinique des maladies urinaires ne fut pas maintenue mais transformée en chaire de médecine légale. La direction du service fut alors assumée par le Pr André Guillemin en faveur duquel une chaire de clinique d'urologie fut recréée par transformation de la chaire de clinique de chirurgie infantile en 1956.

Né à Nancy en 1891, André Guillemin débuta ses études médicales en 1909. Externe en 1911, il est reçu à l'internat en 1914, à la veille de la guerre qui devait interrompre durant cinq ans ses études. En même temps, il était successivement aide, puis prosecteur d'anatomie. Reprenant sa carrière hospitalière en 1919, il devient l'un des élèves préférés du Pr Vautrin qui l'oriente vers la gynécologie à laquelle il consacre une étude dans sa thèse de doctorat (1921).

En 1925, il est nommé au concours chef de clinique chirurgicale du service dirigé par son maître. Sa carrière se poursuit régulièrement ensuite par le chirurgical des hôpitaux (1926) puis par l'agrégation de chirurgie générale en 1930. Entre temps, à la mort du Pr Vautrin, il est appelé à recueillir sa succession à la direction de la clinique chirurgicale Ste-Marie.

Pendant de nombreuses années, il assura le service de chirurgie thoracique de l'hôpital Maringer, à une époque où la thoracoplastie était considérée, malgré l'importance mutilation qu'elle entraînait, comme une thérapeutique efficace dans l'évolution de certaines formes de tuberculose pulmonaire.

Chargé par la faculté de l'enseignement de la pathologie chirurgicale puis de la chirurgie opératoire, il fut sollicité pour prendre la direction de l'urologie au départ à la retraite du Pr André. Il accepta avec beaucoup de courage d'assumer une charge qui, pour lui, représentait une orientation toute nouvelle. Mais, grâce à sa ténacité et à son adresse opératoire, il sut se consacrer à cette nouvelle tâche et à donner une impulsion nouvelle à son service. Admis à la retraite en 1962, le Pr André Guillemin devait succomber le 31 mai 1967 à une courte mais inexorable maladie, ayant eu la consolation de voir son fils Paul titularisé dans la chaire de clinique des maladies des voies urinaires (1er janvier 1967) qu'il dirige à l'heure actuelle.

SERVICE DE GYNÉCOLOGIE

Le 12 juillet 1910, Madame Veuve Boulanger faisait don aux hospices civils de Nancy, d'une somme de 775000 francs devant être affectée à la fondation d'une œuvre hospitalière sous forme de clinique gynécologique et sous le nom de fondation Joseph Boulanger. Cette donation, très importante pour l'époque, avait été obtenue par l'entremise du Professeur Vautrin que la donatrice désignait expressément comme médecin-chef à vie. Cependant, une pareille création souleva de nombreuses observations de la part du conseil de la faculté de médecine qui voyait avec regret une future clinique hospitalière échapper à l'enseignement et le directeur nommé en dehors de son avis. La faculté obtint d'ailleurs gain de cause et une convention fut définie de manière à ce que la direction de ce nouvel hôpital de gynécologie soit confiée à un membre du personnel enseignant.

En même temps, le conseil de la faculté adressait, en 1911, une demande au ministre de l'instruction publique pour que soit créée une chaire de clinique gynécologique. Ce vœu renouvelé en 1912 et 1913 ne reçut pas de réponse. Ce n'est que le 10 juin 1924 que la création de la clinique gynécologique, avec dispensaire, fut réalisée avec les fonds de la donation, dans un important immeuble de l'avenue de Strasbourg, jouxtant l'hôpital Central, et que la commission des hospices avait pu acquérir. En même temps, sur la demande du Professeur Vautrin, et avec le consentement des héritiers Boulanger, une partie du même immeuble servait à l'organisation du centre anticancéreux qui était ouvert à son tour le 1er novembre 1925 sous la direction du Professeur Vautrin.

A sa mort, en 1927, la clinique de gynécologie fut confiée au Pr Agrégé Binet qui devint professeur titulaire de clinique gynécologique le 1er novembre 1937, par transformation de la chaire de clinique chirurgicale B. Entre temps, le service de gynécologie avait émigré à l'hôpital Marin, devenu libre en 1931 par le transfert de la clinique urologique à l'hôpital central dans le pavillon Krug.

Le Professeur Binet devait diriger la clinique gynécologique jusque sa retraite (30 septembre 1954).

Né à Nancy en 1883, André Binet appartenait à une famille d'universitaires. Son père fut pendant de nombreuses années, doyen de la faculté de Droit. Brillant élève de la faculté, il est reçu premier au concours d'externat en 1903, puis interne des Hôpitaux en 1905, il devient en 1908 chef de clinique chirurgicale B du Professeur Gross. A 27 ans, il est nommé agrégé de chirurgie générale (1910), il est chargé du cours de pathologie externe puis de séméiologie chirurgicale. A de nombreuses reprises, il est appelé à assurer des suppléances à la clinique chirurgicale infantile et aux cliniques de chirurgie générale. C'est ainsi qu'il devient l'élève du Professeur Vautrin dont l'influence le pousse à se diriger vers la gynécologie. Lors de la disparition du Pr Vautrin, Binet est chargé du service de gynécologie de la Fondation Boulanger. Quittant les locaux cédés au centre anti-cancéreux, son service doit émigrer dans les installations vétustés et précaires de l'hôpital Marin. Le 1er novembre 1937, la chaire de clinique chirurgicale A est transformée en chaire de clinique gynécologique, c'est la reconnaissance tardive de la notoriété et des mérites du Pr Binet. Il en assurera la charge jusqu'à sa retraite (30 septembre 1954).

Le Professeur Binet a beaucoup écrit au cours de sa carrière, ses livres, communications et présentations atteignent un nombre impressionnant. Au début de sa carrière, ses travaux ont d'abord porté sur différents problèmes de chirurgie générale et d'orthopédie. Puis, il s'est spécialisé en gynécologie et a fait paraître de nombreux ouvrages : la vie sexuelle de la femme, la douleur en gynécologie, la gynécologie indispensable, l'amour et l'émotion chez la femme, etc. Toutes ces publications ont eu un grand succès, éditées à plusieurs reprises et certaines traduites en plusieurs langues étrangères. Binet s'est montré un précurseur, les sujets qu'il aborde dans ses publications nous paraissent bien communs à l'heure actuelle et cependant, à l'époque où ils étaient publiés, ils paraissaient aborder des sujets dont il était de rigueur de ne point parler et pourtant avec quel style et quelle délicatesse ils étaient traités.

Après une longue carrière, le Professeur Binet se retira à Neuilly sur Seine où il s'éteignit le 1er mars 1966.

Lors de sa retraite, la chaire de clinique gynécologique fut confiée au Pr Pierre Bertrand. En 1965, elle fut transformée en chaire de clinique chirurgicale et gynécologique. Enfin, lors du transfert du Pr Bertrand à la clinique chirurgicale B la chaire fut à nouveau transformée en clinique chirurgicale C en faveur du Pr Grosdidier (1er janvier 1968).

AGRÉGÉS DE CHIRURGIE

Le nombre des chaires magistrales réservées à l'enseignement clinique et théorique de la chirurgie a toujours été très restreint à la Faculté de Médecine. Quatre chaires classiques, deux de clinique chirurgicale, une de pathologie externe, une de médecine opératoire avaient été prévues lors de la création de la Faculté en 1872.

A leur vacance bien des facteurs d'opportunité ou de nécessité ont joué de telle sorte que l'histoire de ces chaires magistrales a subi bien des vicissitudes. De ce fait, les agrégés reçus au concours de la section de chirurgie ont pour la plupart longuement attendu avant d'accéder à une chaire. Placés dans la position très inconfortable d'agrégé libre, après avoir accompli leur temps normal d'exercice, limité à neuf années, certains d'entre eux n'ont pas revêtu la robe rouge, à Nancy tout au moins et il serait injuste de les oublier, d'autant qu'ils ont joué un rôle important dans l'enseignement et l'exercice de la chirurgie à Nancy et c'est pour ces raisons que nous rappellerons brièvement leurs mérites, qu'il s'agisse de Georges Gross, de Louis Sencert et de Pierre André.

Fils du doyen de la Faculté, Georges Gross était né à Nancy en 1875. Suivant l'exemple paternel, il embrassa la carrière médicale. Externe des Hôpitaux en 1895, interne en 1897, prix de l'internat en 1899, il soutient sa thèse de doctorat en 1900 sur le sujet suivant : « hématométrie et hématocolpos dans les cas de duplicité du canal génital ».

Reçu au concours d'agrégation de chirurgie en 1904, il fut chargé des conférences de petite chirurgie, bandages et appareils, puis des conférences de pathologie chirurgicale. Nommé chirurgien adjoint de l'hospice Saint-Julien (1908-1918), puis chirurgien de la maison de secours.

Ayant terminé ses neuf années d'agrégation en 1913, Georges Gross fut maintenu en fonction, mais survint la première guerre mondiale qui devait l'éloigner définitivement de la faculté de Nancy, car la paix revenue, il abandonna toute fonction universitaire.

L'activité scientifique de Georges Gross a été importante et a donné lieu à de nombreuses publications consacrées essentiellement à la chirurgie abdominale et gynécologique. On doit aussi relever des travaux concernant la stérilisation par les vapeurs de formol et son application à la chirurgie, l'obstétrique et la gynécologie.

Avec Louis Sencert nous devons rappeler la carrière d'un des maîtres les plus éminents de la chirurgie qui ait été formé à la Faculté de Nancy.

Né à Viterne en 1878, Louis Sencert avait été un élève particulièrement remarquable, lauréat, chaque année, de la faculté.

Successivement externe des Hôpitaux en 1899, puis interne en 1901, aide d'anatomie 1902, chef de clinique chirurgicale la même année. Il soutient en 1904 sa thèse de doctorat sur « la chirurgie de l'œsophage thoracique et abdominal : étude anatomique, expérimentale et critique » qui est couronnée du prix de thèse et du prix de l'Académie de médecine.

Reçu à l'agrégation de chirurgie en 1907, il est nommé chef de travaux pratiques de consultations de clinique chirurgicale. Sa carrière est interrompue par la première guerre mondiale où il accomplit avec une maîtrise très remarquée la tâche périlleuse de chirurgien aux armées. L'Alsace étant redevenue française au lendemain de l'armistice de 1918, le gouvernement français eut à cœur de reconstituer une faculté française de médecine en faisant appel aux maîtres les plus réputés de l'époque. Sollicité de faire partie de cette nouvelle faculté Sencert estima qu'il était de son devoir de répondre à cet appel : il devait réaliser à Strasbourg une œuvre qui reste son honneur et sa gloire.

Chirurgien aux idées hardies et aux initiatives heureuses, il avait pour son avenir les plus légitimes espoirs. Malheureusement, il devait succomber à l'âge de 46 ans à un mal implacable, laissant un grand vide dans la chirurgie française (1924).

Ses publications, basées sur des données anatomiques approfondies montrent un esprit novateur très accentué. L'un des premiers, il introduisit l'expérimentation chez l'animal comme méthode de recherche primordiale dans la création de nouvelles techniques chirurgicales. Durant son séjour à Nancy, c'est surtout à l'étude de l'œsophage qu'il consacra le meilleur de son œuvre : chirurgie de l'œsophage, œsophagoscopie, bronchoscopie en sont les thèmes dominants. Nombre de notes sont consacrées à la résection de l'œsophage thoracique, à la chirurgie du cardia, aux rétrécissements cicatriciels et infranchissables du conduit, aux corps étrangers, à l'œsophagotomie. Sa thèse inaugurale est un travail très remarquable qui marque à la fois un début et une époque dans la chirurgie œsophagienne.

Né à Nancy en 1904, Pierre André était le fils du Professeur Paul André, fondateur de l'école urologique de Nancy.

Suivant l'exemple paternel, il s'inscrivit à la faculté de Médecine. Reçu au concours de l'externat puis de l'internat, il fut d'abord l'élève du Professeur Hamant avant de s'orienter vers la spécialité fondée par son père.

Chef de clinique au service d'urologie de 1933 à 1937, il devait faire toute sa carrière hospitalière dans cette spécialité que la guerre devait interrompre momentanément.

Reçu à l'agrégation de chirurgie en 1946, il fut chargé à la Faculté de l'enseignement de la chirurgie générale et plus particulièrement de la propédeutique et de la séméiologie qu'il continua à enseigner à partir de 1965, comme agrégé libre.

Une mort prématurée devait l'enlever en 1971.

Pierre André est l'auteur d'un certain nombre de publications intéressantes consacrées essentiellement à l'urologie.

Avec son père et Grandineau, il présenta en 1932 un rapport sur les tumeurs de la vessie. Sa thèse inaugurale (1937) se rapporte à l'étude des résultats immédiats et lointains des ruptures de l'uretère. Enfin, il publia en 1944 un important rapport sur les résultats éloignés des néphrectomies dans le cancer du rein.

Participant activement aux réunions de la société de médecine, ses nombreuses présentations de cas cliniques figurent en bonne place dans ses annales.

ENSEIGNEMENT THÉORIQUE DE LA CHIRURGIE

Lors de la fondation de la Faculté de Médecine en 1872, deux chaires d'enseignement théorique furent créées : l'une pour l'enseignement de la médecine opératoire, l'autre pour l'enseignement de la pathologie externe.

Leur histoire connut au cours du siècle passé nombre de vicissitudes, tantôt occupées par des professeurs titulaires, tantôt assurées dans leur fonctionnement par des agrégés.

Nous y retrouvons comme responsables plus ou moins temporaires la plupart des professeurs de clinique chirurgicale.

Seuls quelqu'uns y sont restés durant toute leur carrière et méritent qu'on en rappelle la biographie.

MÉDECINE OPÉRATOIRE

La chaire de médecine opératoire fut attribuée en 1872 au Professeur Eugène Michel qui était déjà titulaire de cette chaire à la Faculté de Strasbourg depuis 1856. Il fut transféré dans cette chaire le 1er octobre 1872 jusqu'au 26 mai 1879, date à laquelle il fut nommé professeur de clinique externe. La chaire fut ensuite confiée, à titre de passage, au professeur Frédéric Gross qui l'occupa durant deux années, de 1879 à 1881, avant d'être nommé professeur de clinique externe.

L'enseignement de la médecine opératoire devait être alors confié au Professeur Chrétien qui en assuma la direction pendant 35 ans.

Henri Chrétien était né à Chaligny (Meurthe-et-Moselle) le 23 juin 1845. Il avait fait ses premières études médicales à l'école de Nancy et avait soutenu sa thèse de doctorat à Paris en 1873. Interne des Hôpitaux de Nancy, puis interne à Paris, il avait été remarqué comme un très brillant élève. A son retour à Nancy (1874), il est nommé chef des travaux anatomiques et passe avec succès l'agrégation d'anatomie et physiologie en 1876. Nommé professeur de médecine opératoire le 28 mai 1881, il occupe ce poste jusqu'à sa retraite (1er novembre 1918). Il meurt à Sfax (Tunisie), le 20 février 1923.

Durant son long enseignement, le Professeur Chrétien a écrit un volume très apprécié intitulé « nouveaux éléments de médecine opératoire » (Paris, J.B. Baillière, 1881 in 8° de 528 p.).

A la retraite du professeur Chrétien, la chaire de médecine opératoire fut transformée en clinique chirurgicale infantile et orthopédie pour le professeur Froelich. Elle fut de nouveau reconstituée en chaire de médecine opératoire en 1921, pour le professeur Gaston Michel qui ne l'occupa que deux ans, jusqu'à sa nomination à la clinique chirurgicale A. A partir de 1923, l'enseignement fut confié à des agrégés de chirurgie.

D'ailleurs, la médecine opératoire classique, telle qu'elle avait été codifiée par Farabeuf et ses élèves, avait considérablement vieilli. Elle s'orientait tout naturellement vers la technique opératoire et maintenant vers la chirurgie expérimentale pour laquelle une unité de recherche a été construite par l'éducation nationale sur le plateau de Brabois, au voisinage immédiat du bloc hospitalier principal.

PATHOLOGIE EXTERNE

Lors de la fondation de la faculté de médecine en 1872, l'enseignement théorique de la chirurgie fut consacré par la création d'une chaire de pathologie externe qui fut confiée au titulaire de cette chaire à la faculté de Strasbourg : le Professeur Bach.

Marie-Joseph, Auguste Bach était né à Soultz (Haut-Rhin) en 1809. Elève à la faculté de Strasbourg, il soutient sa thèse de doctorat le 28 août 1832, consacrée aux ruptures des symphyses du bassin dans l'accouchement. Il est attaché à cette faculté comme prosecteur d'anatomie puis comme chef de clinique et enfin comme chef des travaux anatomiques (1837).

En 1834, il avait brillamment concouru pour l'agrégation de chirurgie en présentant un mémoire sur les méthodes de traitement dans les fractures des os longs. Agrégé libre en 1854, il est rappelé à l'exercice en 1856 puis nommé professeur de pathologie externe dans une chaire créée à la faculté de Strasbourg.

Excellent enseignant, Bach fut à la fois un chirurgien remarquable et un anatomiste éprouvé. Employant de fines techniques d'injection, il décrit la structure des canaux galactophores et le système veineux rachidien. Par trois fois, ses mémoires seront couronnés par l'académie de médecine. L'annexion de Strasbourg fut pour Bach une douloureuse épreuve à laquelle il ne put se résigner. En 1880, il demande sa retraite par anticipation pour regagner son Alsace Natale où il termine sa vie le 3 novembre 1886 à Bergheim.

Pour les successeurs de Bach, la chaire de pathologie externe ne fut plus qu'une situation de transition avant le passage à une clinique chirurgicale. La chaire fut occupée de 1881 à 1885 par Heydenreich, puis de 1885 à 1898 par Weiss. A ce moment, elle fut supprimée et transformée en chaire de clinique ophtalmologique pour le professeur Rohmer (1899).

L'enseignement fut désormais assuré à tour de rôle par les agrégés de chirurgie en exercice. Rétablie sous le nom de pathologie chirurgicale (1937), la chaire est successivement occupée par le Professeur Barthélémy puis le professeur Chalnot de 1943 à 1948. Supprimée à nouveau, elle fait l'objet d'une création nouvelle en 1960 en faveur du professeur Lochard.

L'accroissement du nombre des étudiants et les nouveaux programmes d'enseignement amènent la création en 1963 d'une chaire de séméiologie chirurgicale qui n'aura qu'une existence éphémère, son titulaire, le professeur Sommelet, en devenant chef de service de la clinique traumatologique estima plus logique de consacrer sa chaire à cette nouvelle discipline (1967).

Les pages qui précèdent n'ont eu la prétention que de tracer une rapide esquisse de l'histoire de la chirurgie à Nancy, au cours du siècle oui vient de s'écouler.

Les figures des Maîtres qui ont marqué cette histoire méritaient certes mieux que ces brèves et sèches notices biographiques mais l'ampleur de leur nombre et l'importance de leurs travaux ne pouvait pas trouver dans ce numéro commémoratif la place trop étendue qu'il aurait fallu leur consacrer.

Maîtres disparus, venus de Strasbourg ou formés à Nancy, ont donné à la chirurgie une place exceptionnelle et il n'est que de feuilleter la collection de cette revue pour voir le nombre de travaux ou de mémoires, de communications consacrés à la discipline chirurgicale qu'il était impossible d'énumérer.

C'est aussi de propos délibéré que nous n'avons fait qu'évoquer la mémoire des maîtres disparus pour ne pas atteindre à la modestie des vivants.