Cardiologie
par J-M. GILGENKRANTZ
les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)
L’histoire générale de la
cardiologie est directement liée à l’enchaînement des progrès techniques
considérables qui ont jalonné, durant ces huit dernières décennies, l’exercice
de cette discipline. Et cependant, l’individualisation de cette spécialité au
sein des Hôpitaux de Nancy ne s’est pas imposée facilement. Il fallut la
détermination du Dr. Louis MATHIEU, son fondateur, pour la faire accepter en tant que telle.
CREATION D’UN
SERVICE DE CARDIOLOGIE A NANCY
C’est en 1921, à l’occasion de
son passage à Lyon dans le service du Dr. GALLAVARDIN, que Louis MATHIEU
assiste à l’enregistrement de l’activité électrique du cœur selon une technique
extraordinairement artisanale : chaque bras du patient est placé dans une
sorte de poissonnière emplie d’eau salée alors que le pied droit est plongé
dans une bassine !… Intéressé par les possibilités diagnostiques de cette
exploration, il accepte, quelque temps après son retour à Nancy, de prendre en
charge le fonctionnement d’un électrocardiographe que son Maître, le Pr.
Georges ETIENNE, vient d’acquérir grâce à la générosité d’un malade
reconnaissant. Ainsi étaient enregistrés en Lorraine les premiers tracés électrocardiographiques qui devaient donner lieu, en 1926,
à une première publication consacrée à l’aspect de quelques troubles du rythme
cardiaque.
Nommé Médecins des Hôpitaux en
1927, Louis MATHIEU prend possession d’un « Service complémentaire de médecine générale »
comportant 27 lits dans les greniers, modestement aménagés, du pavillon Collinet de la Salle. La dénomination « Service
de Cardiologie » n’avait pas été
acceptée par les professeurs des grandes Cliniques Médicales qui
redoutaient de se voir amputés d’une certaine partie de leurs activités. C’est
ainsi qu’aucune admission directe de malades ne pouvait se faire dans ce nouveau service, les entrées ne s’y
effectuant que par transfert des services de médecine. Cette époque où prend
naissance une spécialité au sein d’un secteur de médecine générale
complémentaire a été, à tous égards, véritablement héroïque : aucun crédit
alloué par l’administration pour l’achat de matériel, tracés ECG enregistrés
sur un appareil personnel du Dr. MATHIEU donné à l’hôpital, aucun budget pour
la rémunération d’éventuels attachés ! …
Ce n’est qu’en 1934 que les
services économiques de l’hôpital achètent enfin un électrocardiographe. Encore
faut-il mentionner que cet appareil terriblement encombrant, qui n’a toujours
pas convaincu les sceptiques, est placé
dans la cave du Laboratoire Central !
La deuxième guerre mondiale a de
nombreuses conséquences sur le fonctionnement des Hospices Civils de
Nancy : diminution du personnel, suppression de services, occupation de certains bâtiments
par l’armée allemande.
Le retour à une activité normale
ne se fera que progressivement. Le « grenier du Dr. MATHIEU », connu
de tous les cardiologues des centres hospitaliers français, recevra enfin, en
1956, l’intitulé qui lui revenait de droit : « Service de
Cardiologie ». C’est là, dans ces locaux assez misérables, qu’est née
l’école cardiologique de Nancy dont le rayonnement allait rapidement s’imposer.
A l’époque, électrocardiogramme, phonocardiogramme et vectocardiogramme
constituaient les explorations de base
du bilan cardiologique classique. Ces disciplines étaient pratiquées et
enseignées par les attachés du service, les Dr. Gabriel GRANDPIERRE, Elisabeth
et Simone HADOT.
La seconde moitié de ce XXème siècle allait être marquée par
l’explosion des explorations endocavitaires avec
leurs multiples conséquences, à commencer par le cathétérisme du cœur droit.
FORSMANN, dès 1929, était parvenu
à introduire une sonde urétérale dans une de ses propres veines périphériques
et, sous autocontrôle radioscopique grâce à un miroir, en guider l’extrémité
jusque dans son oreillette droite. Comme souvent, ce précurseur fut abondamment
critiqué par ses pairs. Il fallut attendre 1943 pour que COURNAND propose la
technique d’exploration des cavités droites et de l’artère pulmonaire,
technique reprise progressivement en France par l’école de Jean LENEGRE en
1944. Les premières explorations du cœur droit furent réalisées à Nancy, en
1950, par un physiologiste, le Dr. Pierre ARNOULD, alors chef de clinique dans
le service de médecine A du Pr. ABEL.
Un laboratoire d’hémodynamique
devait être créé en 1953 par le Dr. Claude PERNOT, chef de clinique dans le
service de Cardiologie du Dr. MATHIEU. De cette époque datent de nombreuses
publications, consacrées en particulier à l’hypertension artérielle pulmonaire.
Par ailleurs, pour la première fois en France était expérimenté, dans le
service, en collaboration avec l’ingénieur et constructeur Jean MASSIOT, un
prototype encore expérimental d’amplificateur de brillance qui réduisait
considérablement l’irradiation du patient mais aussi et surtout de l’opérateur.
Le cathétérisme droit complet
avec enregistrement des pressions et prélèvements sanguins étagés était entré
dans la pratique courante. Les dosages de la saturation oxygénée étaient
effectués sur place, permettant de détecter, en cours d’examen, l’existence
éventuelle d’un shunt.
Dans le même temps, ces
explorations hémodynamiques du cœur droit étaient également pratiquées à la
Clinique Médicale B du Pr. DROUET, sous l’impulsion du Pr. Gabriel FAIVRE, dont
la formation cardiologique avait commencé dès 1938, alors qu’il était externe
des Hôpitaux, dans le « Service complémentaire de Médecine Générale ».
En 1959, au départ en retraite de
Louis MATHIEU, le service de cardiologie revenait tout naturellement au Pr. FAIVREqui avait été son élève.
L’EXPLOSION
TECHNOLOGIQUE DES ANNEES 60
Cette décennie va constituer un
tournant dans l’histoire de la cardiologie hospitalière. Elle sera en effet
marquée essentiellement par la multiplication des techniques, impliquant des
remaniements structurels en fonction des besoins sans cesse croissants :
- Augmentation, tout d’abord, des
lits d’hospitalisation, aboutissant malheureusement à la dispersion des
cardiaques (lits supplémentaires à l’hôpital Saint-Julien puis dans le bâtiment
d’ophtalmologie et enfin à la clinique Bon-Secours).
Le nombre de lits passera de 27 en 1960
à 51 en 1970.
- Création, par ailleurs, de
locaux supplémentaires, eux aussi obligatoirement dispersés (sous-sol du
pavillon Collinet de la Salle et service de
radiologie), pour accueillir d’une part la consultation de cardiologie
(jusqu’alors au deuxième étage sans ascenseur) et d’autre part les nouvelles
techniques d’exploration qui se développent en fonction de la totale maîtrise
du cathétérisme droit (angiocardiographie sélective en particulier).
- Création enfin, en 1961, dans
le service de Médecine Infantile du Pr. NEIMANN, d’une antenne de Cardio-Pédiatrie, animée par Claude PERNOT.
Ce secteur d’activité, comportant un laboratoire d’hémodynamique et d’angiographie
(Dr. STEHLIN), deviendra rapidement un centre réputé de prise en charge des
cardiopathies infantiles, congénitales et acquises.
L’abord des cavités gauches
constitua durant plusieurs années un objectif difficile à atteindre. Plusieurs
techniques proposées furent rapidement abandonnées, en raison des risques
qu’elles comportaient : ponction directe de l’oreillette gauche par voie
postérieure ou transbronchique sous bronchoscope,
abord du ventricule gauche par ponction antérieure du thorax. Seules deux voies
d’abord furent retenues en pratique courante : la voie transseptale
introduite en France par l’école du Pr. SOULIE et pratiquée à Nancy au début
des années 60. Cette méthode fut assez rapidement abandonnée en faveur de la
voie aortique rétrograde, techniquement plus simple et plus rapide. Elle fut
pratiquée à Nancy dès 1961, sous l’impulsion des Dr. Jean-Marie GILGENKRANTZ et
François CHERRIER. Elle permit, jointe au
cathétérisme droit, des diagnostics précis sur la nature et le retentissement
des cardiopathies de l’adulte, acquises ou congénitales. Tous ces
renseignements étaient indispensables aux chirurgiens cardiovasculaires - sous
la direction du Pr. CHALNOT - avant d’entreprendre une éventuelle intervention
à cœur ouvert. La pratique quotidienne
du cathétérisme des cavités gauches devait conduire à l’exploration du
réseau coronaire. C’est ainsi que les premières coronarographies sélectives
effectuées en fin d’année 1968 allaient permettre une étude topographique
précise des lésions coronaires
Durant ces mêmes années 60-70, se
développait l’étude endocavitaire de l’activité
électrique du cœur qui ouvrait un champs extraordinaire d’investigations électrophysiologiques, en particulier sur le mécanisme de
certains troubles du rythme cardiaque, entraînant des sanctions thérapeutiques
propres à leur nature. C’est ainsi que le choc électrique externe devint
rapidement, à partir de 1962, sous l’impulsion de LOWN aux USA, le traitement
de choix du flutter auriculaire ainsi que celui de la fibrillation auriculaire,
avec cependant une restauration du rythme sinusal moins fréquente. Après une
année passée au Centre Cardiologique de Mexico dirigé par le Pr. CHAVEZ,
Jean-Marie POLU devait consacrer sa
thèse inaugurale aux résultats et aux indications du choc électrique,
thèse rapidement suivie d’une monographie.
Par ailleurs, le pronostic des
blocs auriculo-ventriculaires complets avec leur risque de mort subite était
totalement transformé grâce à l’entraînement électrosystolique
du cœur, thème d’un livre publié par G. FAIVRE et coll. en 1962. Un nouveau
secteur d’activités s’ouvrait, véritable spécialité dans la spécialité. Après
avoir publié les premiers résultats concernant
l’implantation de pacemakers synchrones à l’oreillette, Bernard DODINOT,
partait aux USA pour se perfectionner en électrostimulation
dans le service du Dr. NATHAN. De retour de Miami, où il avait entrepris,
durant une année, des travaux expérimentaux, il consacra à la stimulation
cardiaque sa thèse inaugurale en 1967. Rapidement, DODINOT devint le responsable
de ce secteur en constante évolution. Sa compétence en ce domaine, unanimement
admise, lui valut de se voir confier l’organisation du 2ème Symposium Mondial
sur les pacemakers (Monaco, 1970). Enfin, la revue « Stimucoeur »,
qu’il devait rapidement fonder, connaît encore aujourd’hui une large audience
auprès des médecins mais aussi des malades.
Toute cette explosion
technologique, permettant d‘affiner les diagnostics et de proposer des
traitements efficaces, devait trouver son expression pratique la plus
significative dans la création d’unités de soins intensifs qui s’imposaient
d’autant plus que la prise en charge d’urgence des cardiaques avaient été
remarquablement organisée par le service SOS, un des premiers créés en France
par le Pr. Alain LARCAN.
Huit lits avec contrôle ECG en
continu furent aménagés en 1967 sous les solives obliques du grenier!… Un
système de garde 24h/24 fut organisé comportant cardiologue et infirmières.
C’était la deuxième unité de soins intensifs créée en France, après celle du Pr.
BOUVRAIN à l’hôpital Lariboisière de Paris. De nombreux articles, les thèses de
HERSAN (1972) et de MARQUESE (1973) ainsi que des mises au point diverses dans
plusieurs symposia ou réunions internationales ont
bien mis en évidence les résultats particulièrement bénéfiques de cette
surveillance continue.
Dans le même temps, le secteur de
Cardiologie pédiatrique prenait un essor considérable sous la direction du Pr.
PERNOT et de son équipe (Dr. Anne-Marie WORMS, Michel HENRY, François MARCON et
Jean-Louis CLOEZ). Faisant œuvre de pionniers, ils développèrent plusieurs
techniques, parmi lesquelles le cathétérisme aortique rétrograde chez le
nourrisson et par voie ombilicale chez le nouveau-né ainsi que la phonographie endocavitaire. L’exploitation de ces différentes
explorations a permis à cette équipe d’aborder tous les aspects de la
Cardiologie de l’enfant dans de multiples publications dont certaines
particulièrement originales : sténoses aortiques congénitales,
malformation d’Ebstein, malformation d’Uhl (première observation française en 1965), étude de 73
pièces anatomiques d’hypoplasie du cœur gauche (la plus importante des séries
publiées à l’époque), les myocardiopathies obstructives de l’enfant (53
observations). Cette vaste expérience permettait à Claude PERNOT de participer
à la rédaction du « Traité de cardiologie pédiatrique » (éditions
Flammarion, 1981).
La création enfin d’un secteur de
réanimation néonatale et d’un laboratoire de gazométrie sanguine autorisait
d’entreprendre des interventions en urgence à toute heure du jour et de la
nuit.
Durant cette même décennie, en 1961, le Pr.
Louis PIERQUIN chargeait C. PERNOT de
créer une unité de rééducation fonctionnelle et de réadaptation socio-professionnelle des cardiaques. Bien que les écoles cardiologiques scandinaves et
anglo-saxonnes aient bien montré, à l’époque, l’importance de cette discipline,
les cardiologues français étaient encore sceptiques sur l’intérêt de cette
réadaptation. La présentation nancéienne des premiers résultats, chez les
sujets atteints d’infarctus du myocarde, au Congrès français de Médecine physique a permis de convaincre
les plus réticents des bénéfices de cette prise en charge précoce des
coronariens.
C’est en raison même de
l’explosion des techniques et des demandes d’hospitalisation dans toutes les
disciplines qu’allaient s’élaborer, au cours de cette prodigieuse décennie, les
plans d’ensemble du futur CHU :
- Restructuration des deux
hôpitaux, Saint-Julien et Central,
- Ouverture de l’hôpital Jeanne
d’Arc (ancien hôpital américain de Dommartin-les-Toul)
- Construction, enfin et surtout,
d’un hôpital de plus de 1000 lits sur le site de Brabois.
La Cardiologie sera directement
concernée par ces ambitieux projets.
LA PLACE DE LA CARDIOLOGIE
DANS LE CHU A PARTIR DES ANNEES 70
L’ouverture de l’hôpital Jeanne
d’Arc a lieu en avril 1970, avec création d’un service de Médecine F (46 lits),
confié au Pr. PERNOT et essentiellement consacré à deux activités : cardio-pédiatrie en pleine expansion et réadaptation pour
coronariens ou opérés cardio-vasculaires. Cette unité cardiologique devait
largement bénéficier de la proximité du service de radiologie du Pr.
Jean-Claude HOEFFEL dont les activités allaient accorder une place importante
au diagnostic angiocardiographique des cardiopathies
de l’enfant et du nourrisson.
Le nouvel hôpital de Brabois,
dont la construction avait débuté en janvier 1968, sera inauguré le 15
septembre 1973. Quant au service de Cardiologie du Pr. FAIVRE, il sera
transféré le 21 mai 1975, au 6ème étage de ce nouvel établissement. Le nombre
de lits passe alors de 51 à 80 dont une unité de soins intensifs aux
coronariens de 7 lits. De plus est créé, au rez-de-chaussé
de ce nouvel hôpital, un secteur d’explorations cardio-vasculaires pour
cathétérisme, coronarographie et angioplastie, sous la responsabilité du Pr.
François CHERRIER, assisté des Dr. Jean-Louis NEIMANN, Claude TENETTE et Michel
CUILLIERE. Enfin, un secteur d’implantation et de
surveillance des pacemakers, confié à Bernard DODINOT, est ouvert dans le
service de chirurgie cardio-vasculaire du Pr. Pierre MATHIEU.
Le transfert de la Clinique Médicale
B de l’Hôpital Central au 8ème étage de l’hôpital de Brabois permet de créer,
dans les locaux ainsi libérés en centre ville, un nouveau service de Cardiologie
de 45 lits, dont 6 de réanimation cardiaque, pris en charge par le Pr. GILGENKRANTZ,
assisté des Dr. ALIOT, BRUNTZ et ZANNAD.
Au terme de ces restructurations,
la capacité d’accueil des cardiaques pouvait enfin répondre aux multiples
besoins. C’est ainsi que le nombre total d’entrées en cardiologie passait de
1340 en 1960 (durée moyenne de séjour de 18,3 jours) à 4309 en 1980 (durée
moyenne de séjour de 7,9 jours).
Enfin, la construction d’un
hôpital d’enfants sur le site de Brabois, puis son ouverture en 1983, devait
encore augmenter le capital lits de la cardiologie puisque un secteur de cardio-pédiatrie
était ouvert, confié au Pr. PERNOT et à son équipe (Dr. WORMS et MARCON).
Claude PERNOT gardait par ailleurs la chefferie de Médecine F à l’hôpital
Jeanne d’Arc.
Ces nouvelles structures, les
efforts consentis par l’Administration pour doter les trois services de
Cardiologie d’un équipement moderne répondant aux exigences des possibilités
diagnostiques et thérapeutiques de l’époque ont indiscutablement favorisé le
rayonnement de la cardiologie nancéienne en France mais aussi à l’étranger.
C’est ainsi que, pour se
perfectionner dans différentes techniques parfaitement maîtrisées au CHU de
Nancy, chez l’adulte comme chez l’enfant, de nombreux stagiaires furent
accueillis venant de France mais aussi de l’étranger : Liban, Amérique
latine, Brésil, Chili, Afrique du Nord, Japon, Chine, créant ainsi des liens
avec ces différents pays, liens qui perdurent aujourd’hui.
L’importante activité de certains
secteurs, jointe à l’apparition de nouvelles investigations accaparantes comme
l’échocardiographie, les enregistrements des 24 heures de l’ECG
et de la TA, les scintigraphies myocardiques, l’électrophysiologie aboutirent à
la division du service de cardiologie de Brabois. Ainsi était créée une
chefferie de service supplémentaire attribuée au Pr. CHERRIER qui développa la
cardiologie interventionnelle, nouvelle discipline
due à la maîtrise du cathétérisme des cavités gauches par voie aortique
rétrograde. La première « dilatation » coronaire fut réalisée le 2
février 1980. Cette technique de l’angioplastie devait prendre un essor
considérable avec notamment la pose de « stents »
intracoronaires qui allaient rapidement induire des
recherches sur la prévention d’éventuelles
récidives.
Dans le même temps, l’étude électrophysiologique des troubles du rythme cardiaque
s’individualisait en véritable spécialité. De rapides progrès en ce domaine
allaient donner naissance, grâce à une meilleure connaissance des mécanismes
physiopathologiques de ces anomalies rythmiques, à l’électrophysiologie interventionnelle.
Cette somme considérable de
techniques nouvelles dont avait bénéficié la cardiologie obligeait certes les
médecins à en suivre attentivement l’évolution. Mais elle imposait également la
formation et la collaboration de tout le
personnel, quelle que soit sa qualification.
La disparition tragique et
accidentelle du Pr. PERNOT en mars1989 imposa quelques remaniements dans l’organisation des différents services cardiologiques
:
- Deux services de cardiologie à
l’hôpital de Brabois : Pr. FAIVRE et CHERRIER
- Un service de cardiologie à l’hôpital
Central : Pr. GILGENKRANTZ
- Un service de Médecine F à l’hôpital
Jeanne d’Arc : Pr. ALIOT
- Une unité de Cardio-pédiatrie à l’hôpital d’enfants : Dr. WORMS.
Outre les activités classiques de
son service hospitalier, le Pr. FAIVRE, après avoir présidé la Société
Française de Cardiologie (1974), acceptait la présidence de la Fédération
Française de Cardiologie (1977). Il initia ainsi, dans tout l’hexagone et
pendant 7 années consécutives, de multiples séries de campagnes d’information
et de prévention, à l’intention du grand public, pour tenter de diminuer la
fréquence des maladies cardio-vasculaires, première cause de mortalité en
Lorraine comme en France. Sous son impulsion étaient créés en Lorraine, de
nombreux Clubs « Cœur et Santé », dans le cadre de l’Association
Lorraine de Cardiologie (ALC), filiale de la Fédération Française de
cardiologie (FFC), dont le but était de proposer aux cardiaques, opérés ou non,
de poursuivre une activité physique, indispensable au maintien d’un bon
équilibre cardio-vasculaire.En quittant ces
différentes activités, il confia la présidence de l’ALC
à J-M. GILGENKRANTZ qui devait, par ailleurs, être nommé vice-président
national de la FFC.
Le départ en retraite du Pr. FAIVRE,
en septembre 1984 allait, à nouveau, amener obligatoirement quelques
changements dans l’organigramme des
activités cardiologiques.
* Le Pr. CHERRIER reprit la
direction de l’ensemble de toutes les activités cardiologiques de l’hôpital de
Brabois, en collaboration avec le Pr. DANCHIN, très vite nommé, à son tour,
chef de service. Sans compter la prise en charge des problèmes généraux et
d’urgence inhérents à tout service de Cardiologie, cette équipe allait tout
particulièrement s’imposer, comme une des plus expérimentée en France, dans
l’exploration du réseau coronaire et le traitement des coronaropathies par
angioplastie. D’autres champs d’activités étaient également développés :
l’étude des troubles du rythme cardiaque (Béatrice BREMBILLAT-PERROT)
et l’insuffisance cardiaque sous l’impulsion d’Yves JUILLIERE qui devait être
nommé par la suite président du groupe « Insuffisance cardiaque » de
la Société française de Cardiologie .
* Le Pr. GILGENKRANTZ, assisté du
Pr. ALIOT, des Dr. BRUNTZ et ZANNAD, gardait un service à l’hôpital Central,
orienté, selon son intitulé initial, vers les soins intensifs, compte tenu de
la proximité du service des urgences et de réanimation du Pr. LARCAN. Cette orientation, jointe aux besoins d’un service
de cardiologie générale, nécessitait l’implantation, à proximité des lits de
soins intensifs, d’une unité d’explorations hémodynamiques et électrophysiologiques. Par ailleurs, dans le service de radiologie
de l’Hôpital Central, était aménagée une salle d’angiographie et de
coronarographie sous la responsabilité du Dr. Gérard ETHEVENOT qui organisait,
pour la première fois en France, un système de garde permettant de pratiquer
angiographie et coronarographie d’urgence, tout particulièrement dans les premières heures de l’infarctus du
myocarde.
Enfin, le développement de
l’électrophysiologie interventionnelle allait
aboutir, dans l’abord thérapeutique moderne de certains troubles du rythme, à
la première fulguration du nœud auriculo-ventriculaire (1983) et à la première
ablation en France d’un faisceau de Kent (1991). Par ailleurs, avec le concours
du Pr. Jean-Pierre VILLEMOT (chirurgie cardio-vasculaire), le premier
défibrillateur était implanté en 1988.
* Le Dr. WORMS, nommée chef de service de Cardiologie pédiatrique en 1991,
allait développer dans les locaux de l’Hôpital d’enfants, en collaboration avec
le Dr. MARCON, toutes les techniques de cathétérisme interventionnel,
valvuloplasties et angioplasties par sondes à ballonnet introduites par voie
percutanée. Outre de nombreuses publications consacrées à ces techniques et à
leurs résultats, deux études présentées dans des réunions internationales
méritent d’être mentionnées : le risque de mort subite chez l’enfant avec
syndrome de Wolff-Parkinson-White et la fermeture des
communications interauriculaires de type ostium secundum par
une double pièce « boutonnée », introduite par cathétérisme.
* Le Pr. ALIOT enfin, à l’Hôpital
Jeanne d’Arc de Dommartin les Toul, prenait en
charge, tout en gardant une activité à l’Hôpital Central, la convalescence des
cardiaques et surtout leur rééducation physique et leur réadaptation
socioprofessionnelle avec l’aide des Dr. GOEPFERT et MAUREIRA.
Ce service de moyen séjour, en raison de
l’expérience en ce domaine de tout le personnel, a très souvent servi de
terrain de stages à de nombreux médecins et kinésithérapeutes en cours de formation.
Pour préparer l’avenir dans de
bonnes conditions, le Pr. GILGENKRANTZ, en 1992 soit 3 ans avant son départ en
retraite, décidait de permuter avec le Pr. ALIOT qui prenait totalement en
charge le service de Cardiologie de l’hôpital Central, assisté par les Dr.
Nicolas SADOUL et Christian DE CHILLOU ainsi que par le Dr. ZANNAD qui devait
être nommé Professeur de thérapeutique - tout en gardant en cardiologie des
activités orientées vers l’insuffisance cardiaque, l’hypertension artérielle et
la pathologie vasculaire.
Ainsi, toutes ces années qui
avaient vu la consécration de cette spécialité cardiologique et son
développement prodigieux en parfaite harmonie avec les progrès considérables de
la chirurgie cardiovasculaire, se terminaient par une certaine dispersion sur
trois sites des activités cardiologiques.
Au sein de la commission médicale
consultative du CHU, alors que le Pr. GILGENKRANTZ en était le président, une
réflexion était entreprise sur un
éventuel regroupement de toutes ces activités qui ,opportunément et pour
plusieurs raisons, allaient rapidement s’imposer :
- des consignes ministérielles
qui recommandaient une concentration des moyens techniques, de plus en plus
lourds mais aussi de plus en plus coûteux.
- le départ en retraite du Pr. CHERRIER
puis de celui du Dr. WORMS
- la nomination du Pr. DANCHIN à
l’Hôpital Européen Georges Pompidou.
C’est donc dans un esprit de
restructuration qu’allaient être abordées les années 2000.
LA CARDIOLOGIE DANS LE CHU AU
DEBUT DU XXI° SIECLE
Dans le cadre d’une réflexion
générale sur la réorganisation complète des différents services médicaux et
chirurgicaux du CHU, décision fut prise par le Conseil d’Administration de
regrouper les activités cardiologiques sur le site de Brabois, à l’exclusion du
service de moyen séjour de l’hôpital Jeanne d’Arc.
Le service de cardiologie de
l’Hôpital Central fut donc transféré au complet, avec les annexes techniques,
au cours du 1er trimestre 2002, ce qui rendit possible la création, dès juillet
2002, d’un Département des maladies cardiovasculaires. La chefferie en fut
attribuée au Pr. ALIOT, président du groupe de rythmologie
de la Société Européenne de Cardiologie, membre du bureau de la Société
américaine d’électrophysiologie et Pr. honoraire de l’université d’Oklahoma. Le
Pr. SADOUL, en remplacement du Dr. DODINOT prenait en charge l’implantation et
la surveillance des pacemakers ainsi que celles des défibrillateurs. Quant au Pr.
DE CHILLOU, il orientait ses activités dans le domaine des techniques modernes
d’électophysiologique avec un intérêt particulier
pour les nouveaux systèmes de cartographie.
Actuellement, ce département
comporte 95 lits d’hospitalisation dont 15 de soins intensifs. Le transfert
s’est donc accompagné d’une réduction de
lits, ce qui entre dans le cadre d’une politique générale, les hospitalisations
de jour étant envisagées toutes les fois où elles sont possibles.
Le développement de certaines
techniques, hautement évoluées, impose aujourd’hui une véritable spécialisation
dans la spécialité. Il est donc logique de regrouper certaines activités et
d’en confier la responsabilité à un ou plusieurs membres de l’équipe médicale
C’est ainsi que l’actuel
département comprend différents secteurs fonctionnels :
- Soins intensifs : Dr. ANGIOI
et MOULIN
- Insuffisance cardiaque : Pr.
JUILLIERE et ZANNAD
- Hypertension artérielle et
vasculaire : Pr. ZANNAD
- Echocardiographie : Dr. BRUNTZ
et Christine SUTTY-SELTON
- Electrophysiologie : Pr. DE
CHILLOU, Dr. BREMBILLA-PERROT et MAGNIN-POULL
- Défibrillateurs et
Pacemakers : Pr. SADOUL et Dr. BLANGY
- Hémodynamique : Dr. Ethévenot ainsi que JUILLIERE, ANGIOI et MOULIN
- Réadaptation des
cardiaques : Dr. BLANGY et DJABALLAH (hôpital Jeanne d’Arc)
- Centre d’investigation
clinique: Pr. ZANNAD (hôpital Jeanne d’Arc)
Cependant, dans l’impossibilité
de supprimer toute activité cardiologique à l’Hôpital Central où arrivent
toutes les urgences, une consultation cardiovasculaire a été maintenue dans les
locaux de l’hôpital neurologique.
Par ailleurs, les activités de Cardio-Pédiatrie sont maintenues à l’Hôpital d’Enfants où
le Dr. MARCON a été nommé chef de service, au départ en retraite d’Anne-Marie WORMS.
A l’évidence, cette organisation
est transitoire. Elle a certes l’avantage de concentrer les moyens, de
rapprocher toute la cardiologie médicale adulte de la chirurgie
cardio-vasculaire. Il subsiste cependant encore quelques points faibles dans
cette organisation : non seulement la dispersion à différents étages de
l’hôpital de Brabois de ces multiples activités, mais aussi le maintien de la
cardiologie pédiatrique à l’hôpital d’enfants donc à distance des salles
d’opérations cardiovasculaires et de réanimation post-chirurgicale.
C’est pour pallier ces inconvénients que le Conseil d’Administration a décidé la construction, sur le même site de Brabois, d’un hôpital cardiologique où seront regroupées toutes les activités médicales, chirurgicales et techniques. Cette décision, entérinée par les autorités ministérielles, en est maintenant au stade de sa réalisation.
Ainsi, cette longue histoire de la cardiologie hospitalière nancéienne, commencée en 1927 dans les combles d’un bâtiment des Hospices Civils, se termine, pour tous ceux qui l’ont écrite, en apothéose par la construction imminente d’un hôpital cardiologique qui regroupera enfin toutes les composantes d’une cardiologie moderne.