` sommaire

L'obstétrique

par J. RICHON, M. RIBON

avec la collaboration de P. LANDES

Numéro Spécial du Centenaire de la Revue (1874-1974)

Annales Médicales de Nancy

(édité en avril 1975)

       

On sait que le malheureux Traité de Francfort procurait à Nancy la consolation de posséder à nouveau une Faculté de Médecine inaugurée solennellement lors de la séance de rentrée de l'Université, le 19 novembre 1872. Elle comptait dix-sept chaires, dont deux d'Obstétrique : la chaire de Clinique Obstétricale, avec Joseph-Alexis Stoltz, premier doyen de la nouvelle Faculté, et la chaire d'accouchement théorique, confiée à son élève : François-Joseph Herrgott, Mais avant d'aborder la séquence strasbourgeoise du nouvel enseignement de l'Obstétrioue et de la Gynécologie, en Lorraine, nous croyons intéressant d'en rappeler sommairement les étapes antérieures.

La première Faculté de Médecine Lorraine fonctionne dans le cadre de l'Université de Pont-à-Mousson, depuis 1592 (20 ans après la création de cette Université ducale) jusqu'à sa translation à Nancy, après l'expulsion des Jésuites, en 1768.

L'enseignement de l'Art des Accouchements n'y fut pas individualisé ; Christophe Pillement communiqua, en 1659, la curieuse découverte anatomique d'un fœtus intra-abdominal pétrifié, séquelle heureuse d'une grossesse extra-utérine.

Stanislas allait promouvoir un enseignement médical plus clinique, en créant un Collège de Médecine à Nancy, dès 1752. Le transfert de l'Université à Nancy, en 1768, permettait d'agréger à ce Collège, la nouvelle Faculté de Médecine nancéienne qui ne devait connaître que 25 ans d'existence, puisque supprimée en 1793, par la Convention. Mais c'est le Collège de Chirurgie, créé en 1770, qui allait permettre d'individualiser l'enseignement des accouchements.

En 1771, Richard Pierot enseignait à la « Renfermerie » ; sur décision de l'Intendant de Lorraine, Angélique-Marie Boursier du Coudray venait faire un cours d'accouchement pour former des Sages-Femmes.

Lamoureux, membre du Collège de Chirurgie, porte le titre de Professeur Royal de l'Art des Accouchements et ouvre un cours public et gratuit de 1786 à 1789.

Après la suppression de la Faculté en 1793, une Société de Santé regroupera, de 1796 à 1804, les membres des anciens Collèges ; Lamoureux devient « Professeur des Maladies des Femmes, des Enfants, des Accouchements»; le Préfet Marquis crée, l'an IX, un cours spécial et gratuit d'accouchements auquel étaient admises 25 femmes de la campagne. Parmi les membres de la Société se trouvent d'autres accoucheurs, dont Laffite, mais surtout François Bonfils (1770-1851), qui survivra à ses deux fils médecins morts jeunes, et cumulera les fonctions d'aliéniste et d accoucheur, puisqu'il fut Médecin-Chef de l'Asile de Maréville et de la Maison Départementale de Secours où il assure un cours d'accouchement pour les Sages-Femmes.

A la Société de Santé succède une Ecole libre, animée par quatre professeurs donnant des cours privés : De Haldat, J.B. Simonin (fils), F. Bonfils, Serrière. Ce dernier fut Médecin-Chef des Hospices Civils et rédigea un ouvrage sur la Femme enceinte et les accidents de la grossesse.

L'opiniâtreté de ces quatre mainteneurs d'un Enseignement libre, a permis la création, à Nancy, d'une Ecole Secondaire de Médecine en 1822, transformée en Ecole Préparatoire de Médecine et de Pharmacie en 1843.

Nous retrouvons l'Obstétrique enseignée par les Bonfils, père et fils ; Joseph-François Bonfils (fils aîné) sera Professeur d'accouchements à l'Ecole de Médecine de Nancy, Médecin-Chef de la Maison de Secours ; il meurt en 1831 mais François Bonfils son père, poursuit son activité jusqu'en 1843 et disparaît en 1851 à l'âge de 81 ans.

Mais, au cours de cette longue période que nous venons d'évoquer, Nancy a eu l'honneur de former le créateur de la Clinique d'Accouchement à la Faculté de Médecine de Strasbourg.

Ce fut la première Clinique Obstétricale créée en France; Nancy donna à Strasbourg Pierre-René Flamant (1762-1833) qui fut le Maître de Stoltz, créateur à son tour de la Clinique Obstétricale de la Faculté de Médecine de Nancy en 1873.

Voici pourquoi le portrait de Flamant ramené de Strasbourg en 1872, occupe la place qu'il mérite à la Bibliothèque de la Maternité de Nancy. Originaire de Nantes, d'abord aide-chirurgien major dans l'Infanterie du Roi dès l'âge de 17 ans, Flamant suivit son régiment à Nancy où il est reçu bachelier en Médecine et présente un travail ayant pour titre : « Tintamen de fluoré albo ».

C'est à Nancy qu'il montre ses qualités d'accoucheur. La Convention ayant fondé une École de Santé à Strasbourg, il est nommé en 1794 « Professeur de Chirurgie théorique et pratique, d'accouchements, de maladies des Femmes et d'éducation physique des enfants ».

Après la Fondation de l'Université de France, en 1808, il devient Professeur à la Faculté de Médecine établie à Strasbourg ; en 1817, Flamant se consacre uniquement aux accouchements. Ses publications se rapportent à l'Opération Césarienne, à la Version, au levier, à l'amélioration du forceps de Levret.

Il avait conservé des liens étroits avec Nancy, venant faire partie de jurys à l'École de Médecine, et fut membre de l'Académie de Stanislas, de 1825 jusqu'à sa mort en 1833.

Son élève et collaborateur Joseph-Alexis Stoltz, né à Andlau en 1803, fut agrégé en 1829 et succède à son Maître en 1834, comme Professeur du Cours et de la Clinique d'Accouchements.

Avant de résumer ses travaux considérables portant sur 45 années de direction de Clinique Obstétricale, 38 ans à Strasbourg et 7 ans à Nancy, il faut rappeler qu'il fut le dernier Doyen de la Faculté de Médecine de Strasbourg et le premier Doyen de la nouvelle Faculté de Médecine de Nancy, où il fut transféré en 1872 à la tête de la presque totalité de ses collègues qui choisiront de quitter leur Patrie alsacienne.

Il fut le Président du premier Comité de rédaction de la Revue Médicale de l'Est, fondée en 1874.

Associé National de l'Académie de Médecine, il fut, selon François-Joseph Herrgott, son élève, un homme bienveillant quoique d'aspect sévère, mais sévère aussi dans ses critiques des Travaux d'autrui. Dès 1872, il s'attache à la réorganisation de la Faculté de Médecine de Nancy. Nommé à l'Honorariat en 1879, il se retire à Andlau, dans le domaine et les vignes familiales, et se consacre à des recherches sur l'Abbaye des Dames Nobles qui existait en ce lieu. Il mourut à Andlau en 1896 à l'âge de 93 ans.

Stoltz a introduit en France la technique de l'Accouchement prématuré provoqué en cas de rétrécissement pelvien ; il remit également à l'honneur l'opération césarienne qui rencontrait de nombreux adversaires en France. Il améliora le forceps, présenta de nombreux mémoires sur les sujets les plus variés, dirigea 170 thèses d'Obstétrique de 1836 à 1870.; de nombreux travaux concernant la gynécologie et la Pédiatrie, la collaboration au Traité de l'Art des Accouchements de Naegele, toutes ces activités ont contribué à la renommée de ce Maître, et des élèves qu'il a formés.

Avant de quitter Strasbourg, il faut mentionner le nom d'Eugène Koeberlé dont Nancy a bénéficié à distance, par l'intermédiaire de ses anciens Collègues et Elèves qui ont pu profiter de son expérience avant de se replier sur Nancy, alors que lui-même refusait de quitter sa vieille mère souffrante, restée en Alsace.

Né à Sélestat en 1828, Koeberlé est nommé Agrégé en 1853, dans la même promotion que F.J. Herrgott.

S'orientant vers la Chirurgie Gynécologique, il pratique dès 1862 des ovariotomies avec succès et met au point des pinces hémostatiques et des moyens d'asepsie. Il acquiert une réputation mondiale, reconnue par Spencer Wells et Keith qui lui rendent hommage.

Son œuvre immense fut quelque peu oubliée en France, parce qu'il refusa de quitter l'Alsace annexée ; mais, à Nancy, le Doyen Gross, qui fut son élève, a défendu ses mérites et la Maternité de notre ville a donné son nom à un secteur d'hospitalisation. Koeberlé fut d'ailleurs nommé Président d'Honneur de la Société d'Obstétrique et de Gynécologie de Nancy en 1912, alors qu'il était dans sa 84e année.

François-Joseph Herrgott né à Guebwiller en 1814, est Agrégé de Chirurgie-Accouchement à Strasbourg en 1853. La guerre de 1870 le fait désigner au poste de Chirurgien-Chef des Ambulances des Grand et Petit Séminaires.

Lors de son transfert à Nancy, il est nommé Professeur d'Accouchement théorique ; en 1879, il succède à son Maître Stoltz dans la Chaire de Clinique Obstétricale.

Excellent chirurgien, élève de Sédillot et l'un des premiers adeptes de l'anesthésie chloroformique, il fut un grand accoucheur, un historien de l'Obstétricie, un remarquable chirurgien-gynécologue, mais aussi très orienté vers la chirurgie infantile.

Ses nombreux travaux lui valurent d'appartenir à l'Académie de Médecine. Selon Adolphe Pinard : « il fut simple et modeste, fuyant même les apparences de la gloire ; il ne chercha le bonheur que dans l'intimité de sa conscience ».

Parmi ses œuvres capitales, nous devons citer :

- la traduction de l'Histoire de l'Obstétricie, de J. de Siebold,

- la traduction du Traité des Maladies des Femmes, de Soranus, d'Ephèse, avec annotations sur le texte de Moschion,

- la traduction du Traité des Déviations Utérines, de Schultze, ainsi que de l'ouvrage de Wigand, sur la version par manœuvres externes.

Ses travaux les plus importants concernent la Chirurgie Gynécologique, en particulier, le traitement des fistules vésico-vaginales, pour le repérage desquelles il met au point un spéculum-valve (1858) toujours utilisé ; il pratique l'ovariotomie avec Koeberle, met au point les indications et la technique de l'hystérectomie en s'inspirant de l'opération princeps de Sauter (Constance en 1822). Il présente une « Esquisse historique de l'extirpation de la matrice» à la Société de Médecine de Nancy (Rev. Méd. de l'Est, XVII, 1885).

En chirurgie infantile, il s'attache au traitement correctif des malformations congénitales : bec de lièvre, pied bot, dont il présente l'histoire thérapeutique à la même Société, en 1899.

Il fut Président de la Société de Médecine en 1877.

FJ. Herrgott bénéficia d'une longue et active retraite, après avoir eu la satisfaction de voir son fils Alphonse lui succéder, en 1866, à la tête de la Clinique Obstétricale. Il mourut à Nancy, en 1907, âgé de 93 ans.

Parmi les nombreux éloges consacrés à sa mémoire, signalons l'exposé complet de ses travaux, par A. Pinard dans une leçon faite à la Clinique Baudelocque le 10 mars 1907.

Avec Alphonse Herrgott, né à Belfort en 1849, nous rencontrons le premier Maître de l'Obstétricie nancéienne ayant acquis ses grades et titres universitaires à la Nouvelle Faculté de Médecine de Nancy.

Ex-interne de l'Hôpital Civil de Strasbourg, il y fut déjà l'élève de son père François-Joseph qu'il seconda aux Ambulances pendant la guerre de 1870.

C'est à Nancy qu'il soutient sa thèse de Doctorat en 1874 : « De l'Exstrophie vésicale dans le sexe féminin», sous la présidence de Stoltz. Nommé Aide de Clinique, puis Chef de Clinique Obstétricale en 1874, A. Herrgott est institué Agrégé d'Obstétrique à Nancy en 1878, enfin nommé Professeur de Clinique Obstétricale, au départ de son Père, en mars 1887. Il y demeurera jusqu'à sa retraite en 1919, et son long règne de 32 ans sera riche d'initiatives heureuses ; on lui doit, en particulier, la conception générale de l'actuelle Maternité Adolphe Pinard, dont la construction fut retardée par la première guerre mondiale.

Pour ses Collègues, il fut un homme aimable et bon, d'une haute tenue morale, possédant un sens subtil des convenances, un conteur délicieux, très conscient de la mission sociale de l'Accoucheur.

Il présenta de nombreuses communications à la Société de Médecine dont il fut Président à trois reprises : 1887-1901-1915. Une de celles-ci, le 19 mai 1915, concerne la « Femme outragée, victime de la guerre » ; évoquant les femmes « violentées et fécondées par un ennemi barbare ». Herrgott explique pourquoi « l'avortement constituerait un nouveau crime succédant à l'acte criminel du barbare et ne pourrait rendre à ces femmes un honneur qu'elles n'ont jamais perdu ».

En 1890, A. Herrgott crée « l'œuvre de la Maternité » qui consiste à encourager l'allaitement maternel au moyen de primes d'argent.

Ses nombreux travaux lui valent le titre d'associé National de l'Académie de Médecine en 1911 et une médaille d'or de l'Assistance Publique en 1919.

Dans le but de grouper les travaux et de rapprocher gynécologues et accoucheurs, puisque « l'étude de la fonction féminine a grand avantage à n'être pas dissociée», Herrgott fonde à Nancy une Société d'Obstétrique et de Gynécologie, filiale de celle de Paris.

La séance inaugurale s'est tenue le 6 mars 1912, dans la moyenâgeuse Maison de Secours, sous la Présidence du Doyen Gross et en présence du Professeur Pinard, représentant la Société de Paris.

Forte, au départ, de 19 membres, dirigée par un Bureau comprenant MM. Gross, Herrgott, Fruhinsholz, Binet, Job, cette Société témoigne toujours, après 62 ans d'existence, d'une excellente vitalité, sous la forme actuelle d'un « Groupement nancéien de la Société nationale de gynécologie et d'obstétrique de France ». On peut trouver dans la Revue Médicale de l'Est (1912, 13 et 14), l'intéressant discours inaugural de son premier Président, le Doyen Gross.

Admis à l'honorariat en 1919, A. Herrgott mourut à Paris en 1927 ; il fut inhumé au Cimetière de Préville, à Nancy.

Avant de poursuivre cette étude biographique des titulaires de la Chaire de Clinique Obstétricale de Nancy, nous devons rendre hommage aux Maîtres que le déterminisme des choix d'attribution de l'unique chaire d'Obstétrique a écartés, puisque la seconde chaire, occupée par F.J. Herrgott, fut transférée en faveur d'une autre discipline en 1879.

Trois noms méritent d'être évoqués : S. Remy, E. Schuhl, L. Job.

Sébastien Remy (1854-1944) fut nommé Chef de Clinique Obstétricale en 1882, puis Agrégé d'accouchements en 1886.

On trouve trace de ses nombreuses communications à la Société de Médecine, étudiant tout particulièrement les complications médicales de la gravido-puerpéralité : accidents gravido-cardiaques, tuberculose, éclampsie, métrite post-puerpérale ; il a décrit « le petit retour de couches » vers la 3e semaine du post-partum.

Remy fut un accoucheur d'une haute conscience, enseignant à l'École de sages-femmes ; il était excellent opérateur et publia, en 1893, chez Baillière, un Précis de Médecine opératoire obstétricale.

Il disparut discrètement, comme il avait vécu, au cours de la seconde guerre mondiale.

Le Professeur Agrégé E. Schuhl naquit en 1861, à Westhausen. Il soutient sa thèse en 1883, sur «les Grossesses extra-utérines anciennes et leurs rapports avec les grossesses utérines subséquentes ».

Chef de clinique de FJ. Herrgott, en 1883, il reçoit en 1890, le Prix Capuron de l'Académie de Médecine pour un mémoire sur « l'avortement à répétition et les moyens d'y remédier ». Il publie beaucoup à la Société de Médecine, essentiellement sur les accidents gravidique et les complications de l'accouchement et préside cette Société de 1908 à 1909.

Agrégé d'Obstétrique en 1895, il succède à Remy, devenu Agrégé Libre ; Schuhl assurera le cours théorique d'accouchements durant 18 ans, jusqu'à sa mort survenue prématurément en 1913, à l'âge de 52 ans.

II fut le dévoué collaborateur de A. Herrgott qui fit l'éloge de ses qualités de dévouement, de bonté, de désintéressement, auxquelles s'ajoutaient une grande noblesse de caractère et de sentiments.

Le Professeur Louis Job (1878-1957) est né à Lunéville, d'une famille médicale, puisque son père et ses deux frères furent médecins.

Chef de Clinique de Herrgott en 1908, il dut attendre la mise au concours d'une place, pour être nommé Agrégé en 1920. Sa brillante conduite militaire aux combats du Léomont, en 1914, lui valut de recevoir la Légion d'Honneur sur le front des Troupes.

Chargé de cours de puériculture. Professeur à l'École de Sages-Femmes, il défendit opiniâtrement l'allaitement maternel, présida la Société d'Obstétrique et de Gynécologie de Nancy, de 1926 à 1928, et fut nommé Professeur sans Chaire en 1934.

Homme discret et modeste, Job poursuivit son enseignement jusqu'en 1940, puis dut chercher la sécurité en Dordogne, de 1940 à 1944. Il reprit ensuite sa fidèle clientèle de Médecine générale, mais n'omettait pas d'assister aux réunions de notre Société, apportant à ses collègues les judicieuses remarques dues à son expérience de praticien. Il est mort à Nancy, le 8 octobre 1957, et nous laisse le souvenir d'un homme bon et généreux, chez qui la noblesse des sentiments s'alliait tout naturellement à une grande simplicité.

Il nous faut maintenant aborder la période moderne de l'activité de la Clinique Obstétricale de Nancy et reprendre notre étude biographique des récents titulaires de la chaire.

Albert Fruhinsholz naquit à Bayon le 17 janvier 1876, de parents alsaciens repliés à Nancy après 1870.

Il fit ses études secondaires au Lycée H. Poincaré de Nancy et entra à la Faculté de médecine.

Il passa brillamment les concours d'externat et d'internat des Hôpitaux. Élève des Professeurs Bernheim et Haushalter, respectivement titulaires des chaires de cliniques de médecine générale et de médecine infantile, il devint le chef de clinique obstétricale du Professeur Alphonse Herrgott. Agrégé d'obstétrique en 1904, il fut nommé au départ de son maître, le 1er janvier 1920, Professeur de clinique obstétricale et Directeur de l'École Départementale de Sages-femmes, fonctions qu'il assuma jusqu'au 1er octobre 1943.

Durant cette période de 24 ans, le Professeur Frunhinsholz est l'objet de hautes distinctions : membre correspondant national de l'Académie de Médecine en 1931, il devient en 1943, membre titulaire, distinction accordée rarement à un provincial.

II sera fait successivement officier de la Légion d'Honneur, officier de l'instruction publique et Commandeur de la santé Publique : il reçut enfin la médaille d'or de l'Assistance publique.

Son don de l'enseignement était reconnu de ses élèves et des étudiants. Tous les matins à 8 h 30 avait lieu la discussion clinique des cas de la journée précédente. Tout y était analysé dans les moindres détails : symptomatologie détaillée, approche du diagnostic, rigueur de l'indication dans la conduite à tenir. Les entretiens cliniques étaient souvent rehaussés de dessins dans lesquels il était passé maître. Il avait le souci constant du mot juste et il n'était pas rare dans ses exposés de le voir utiliser plusieurs synonymes pour s'arrêter au mot qu'il jugeait le plus approprié à son exposé.

Son œuvre scientifique est importante. Elle a touché à la fois la physiologie des glandes à sécrétion interne et tout particulièrement le corps jaune qui fait l'objet de son rapport à un des premiers congrès d'obstétrique de langue française après la guerre de 1914, la physiologie gravidique comme le prouve son étude de la courbe thermique chez la femme enceinte, les grossesses dites prolongées dont il définit les critères et les dangers, les néphropathies gravidiques et leurs complications. Les complications vasculaires de la grossesse retiennent particulièrement son attention et les nombreux travaux qui leur sont consacrés reflètent bien les préoccupations obstétricales de cette époque.

De nombreuses thèses étudient ce que Fruhinsholz appellera plus tard « un drame vasculaire ». L'éclampsie du post-partum par exemple, remarquablement traitée dans la thèse de Lahaussois en 1892, fut à nouveau étudiée sous toutes ses formes cliniques dans les années 1920 à 1930.

Fruhinsholz s'attache particulièrement à ces manifestations pathologiques gravidiques : il applique à leur genèse sa théorie de la grossesse, « agissant comme révélateur et pierre de touche » de ces accidents. L'hérédité vasculaire est souvent présente et affirmée par lui. L'avenir lui donnera raison : l'hérédité vasculaire est retrouvée dans les syndromes vasculo-rénaux actuels dans plus de 10 % des cas.

En plus de cette action universitaire et, hospitalière, le Professeur Fruhinsholz développe l'aide sociale aux mères déshéritées, multiplie les consultations pré-natales et développe ainsi la prévention des accidents maternels et la lutte contre la prématurité.

En collaboration avec le Professeur Jacques Parisot, il participe à la création d'une section de protection maternelle dans le cadre de l'Office d'Hygiène Sociale.

Le Professeur Albert Fruhinsholz reste, de toute évidence, la figure de proue de l'École Obstétricale de Nancy et de l'obstétrique en général. Pour lui, l'esprit d'observation rigoureuse, l'examen clinique poussé dans ses derniers retranchements, l'esprit de synthèse devant les aspects souvent discordants de la clinique, l'analyse minutieuse et critique des examens de laboratoire, le tout brassé dans un creuset de réflexion patiente et dépourvu de toute idée préconçue, lui permet de cadrer plusieurs syndromes de la pathologie obstétricale, tels que la pyélite gravido-toxique qui porte désormais son nom et de préciser le cadre physio-pathologique des néphropathies avec la notion admise à l'heure actuelle de spasme vasculaire.

Les vomissements graves des débuts de grossesse retiennent son attention : il en décrit le cycle irréversible dû à la déshydratation progressive, avec ses troubles métaboliques aboutissant à la mort : à cette époque,

l'avortement thérapeutique restant la seule voie de salut. Aujourd'hui, ces formes cliniques de vomissements ont pratiquement disparu.

Son esprit d'observation, la rigueur dans la déduction, lui font entrevoir des problèmes que confirmera la période scientifique que nous vivons actuellement.

Avant tout, il reste le gardien exigeant de la fonction obstétricale de la femme, réprime les abus d'intervention, ne cesse de rappeler à ses élèves que l'intervention chirurgicale dans l'art des accouchements ne se justifie qu'après échec de toutes autres thérapeutiques.

Et, en 1974, ceci ne reste-t-il pas vrai ?

On mesure à l'heure actuelle la valeur de l'accoucheur en fonction inverse du nombre de césariennes pratiquées dans son service.

Voilà ce que fut le Professeur Fruhinsholz, un homme de bien, un grand « Patron ».

Nous espérons, à travers ces quelques lignes, n'avoir pas trahi la pensée de celui qui fut à l'origine de nombreuses vocations obstétricales et nous sommes certains qu'il a trouvé le repos éternel là où sont tous les hommes de bonne volonté.

Ses derniers élèves gardent pieusement sa mémoire.

Successeur du Professeur Fruhinsholz, Henri Vermelin est nommé titulaire de la chaire de clinique obstétricale en 1943.

Comme son maître, le Professeur Frunhinsholz, il marquera la chaire d'Obstétrique de sa forte personnalité.

Pour situer ce Maître, nous ferons de larges emprunts à la très belle notice nécrologique rédigée par le Professeur Jean Hartemann, son successeur dans la chaire en 1961.

Henri Vermelin naquit à Beaucourt le 31 juillet 1891. Il fit ses études secondaires au Collège de la Malgrange près de Nancy, puis entra à la Faculté de Médecine de Nancy, où il fit toutes ses études médicales. En 1910, il était externe des hôpitaux; en 1913, il passait avec succès le concours de l'internat et trouvait une place d'interne à la Maternité, installée alors dans les vétustés locaux de la Maison de Secours. Il ne semble pas qu'il ait gardé un souvenir enchanteur de son premier contact avec l'art des accouchements ; et cependant, il avait, en fin d'année, concouru avec succès pour le prix de chirurgie et d'accouchement. Il est vrai qu'il y avait la chirurgie !

Survint la première guerre mondiale qu'il fit d'abord comme médecin auxiliaire, et qu'il devait terminer comme médecin aide-major de Ve classe. Il la fit avec courage et obtint la croix de guerre avec deux citations, la légion d'honneur à titre militaire et la médaille d'or de la bravoure Serbe, car il termina cette guerre sur les champs de bataille d'Orient. Il est intéressant de noter qu'il fut, au cours de cette période, chef d'équipe chirurgicale d'un groupe mobile qu'il a suivi au cours de l'avance à travers la Serbie jusqu'en Hongrie, où il fut démobilisé en 1919.

Cette reprise de contact avec la chirurgie avait réveillé en lui son goût pour celle-ci, et c'est à son corps défendant que, de retour à Nancy, il devait, faute d'une place d'interne en chirurgie, et toujours sans vocation obstétricale, retourner à la Maternité chez le Professeur A. Herrgott, alors en fin de carrière. Ce nouveau séjour à la Maternité devait se prolonger pendant 47 ans. Il est vrai que la personnalité du Professeur Fiuhinsholz, devenu sur les entrefaites, titulaire de la chaire, l'entente qui s'établit entre les deux hommes, de tempéraments pourtant fort différents, devaient contribuer à créer cette deuxième vocation dont le déroulement fut si heureux. Successivement, interne, chef de clinique, agrégé en 1930, M. Vermelin devait s'attacher de plus en plus à la Maternité, surtout lorsque celle-ci, en 1929, fut transférée dans les nouveaux bâtiments et prit le nom de Maternité « A. Pinard ».

A part une interruption de deux ans, au début de la deuxième guerre mondiale, M. Vermelin resta sans cesse aux côtés du Pr Fruhinsholz jusqu'au début de l'année 1944, où il fut nommé son successeur dans la chaire de Clinique Obstétricale.

A son tour, il devait illustrer cette chaire de bien des façons. Il nous est impossible de les rappeler toutes. Signalons celles auxquelles lui-même attribuait le plus d'intérêt.

Ses préférences allaient aux œuvres sociales qu'il servit avec un particulier dévouement. En dehors de son rôle, sur le plan social, de Directeur de la Section Maternelle de l'O.H.S., fonction qu'il assura encore pendant les premières années qui ont suivi sa mise à la retraite, signalons qu'il fut membre du Conseil permanent d'Hygiène Sociale du Ministère de la Santé, et Consultant régional d'Obstétrique pour la région de Lorraine.

Signalons également qu'il fut jusqu'à sa retraite. Directeur de l'École de sages-femmes de Nancy, et qu'il s'intéressa toujours, tant à la formation des élèves sages-femmes qu'à celle des étudiants en médecine, c'est-à-dire avec passion. Alors qu'il était président de Tordre des sages-femmes de Meurthe-et-Moselle, jusqu'en 1961, il fut en même temps, Président de l'Ordre National des sages-femmes de France. Il contribua beaucoup à améliorer les statuts de la profession.

Une idée domina toujours sa conduite et son enseignement, idée qui au premier abord paraît élémentaire, mais qui malheureusement n'est plus la conduite obligée de bien des accoucheurs, l'idée que la nature dans le domaine physiologique que constitue la fonction de reproduction dans toutes ses phases et notamment dans sa phase terminale, la naissance de l'enfant, doit rester notre modèle.

C'est cette idée dominante qui explique que M. Vermelin se soit toujours refusé à pratiquer systématiquement ce que certains appellent l'accouchement médical, se contentant, pour son compte, de guetter l'apparition des anomalies du travail pour les corriger aussitôt. C'est la même idée qui lui a toujours, sauf certains cas pathologiques bien précis, fait respecter l'intégrité de la poche des eaux. C'est elle aussi qui l'a rendu hostile à toute interruption systématique de grossesse paraissant prolongée.

Il n'a jamais voulu accepter le caractère dystocique de la présentation du siège, bannissant toute intervention systématique, y compris la manœuvre de Mauriceau (technique de Vermelin de l'accouchement spontané par le siège). La technique de Henri Vermelin de l'accouchement spontané du siège reste classique.

Son goût de l'action, M. Vermelin a eu l'occasion de l'exercer en améliorant sans cesse son service : construction dès le début de sa titularisation d'un pavillon spécial où il réunissait l'ensemble des consultations externes, y compris le centre médico-social de protection maternelle, suppression des grandes salles d'hospitalisation, d'autrefois, modernisation du bloc de travail, le rendant apte notamment à l'application des méthodes psycho-prophylactiques, installation d'un service de radiographie, premiers pas dans la modernisation du service des prématurés.

Enfin, le Pr Vermelin a beaucoup écrit. Il a publié dans l'E.M.C. de nombreuses monographies, concernant surtout la physiologie obstétricale et particulièrement le mécanisme de l'accouchement, en collaboration avec son élève Ribon. Rappelons, dans ce domaine de la physiologie, un fort intéressant petit livre sur « l'œuf humain » paru en 1933. Il y développa notamment les belles recherches qu'il avait faites onze ans auparavant sur la circulation placentaire dans les grossesses gémellaires. Il contribue, pour sa part, à déboulonner la « syphilis héréditaire» de son piédestal obstétrical. Il étudia particulièrement les maladies de la grossesse, et notamment les accidents vasculo-rénaux, l'hémorragie rétro-placentaire, l'éclampsie, etc...

Toute cette activité hospitalo-universitaire et sociale, tous ces efforts couronnés d'un si constant succès ont été récompensés, outre de nombreuses décorations (Commandeur de la Santé Publique, Officier de la Légion d'Honneur, etc...) par son élection comme Membre correspondant national de l'Académie de Médecine peu de temps après l'immense succès du XIXe Congrès de la Fédération des Sociétés d'Obstétrique et de Gynécologie qui s'est tenu à Nancy en mai 1961, et qu'il a présidé avec tant d'autorité.

Il laisse à ses élèves le souvenir d'un homme exigeant dans la qualité, autant pour lui-même que pour les autres, et dont l'activité et le dynamisme ne se démentiront jamais durant près d'un demi-siècle au service des malades et des étudiants.

Le Professeur Jean Hartemann succède le 1er octobre 1961 à son Maître le Professeur Vermelin.

Il occupera la chaire jusqu'à l’âge inexorable de la retraite, en octobre 1968.

Ayant aisément parcouru les différentes étapes des concours hospitaliers, Jean Hartemann est nommé agrégé d'obstétrique en 1939.

Il fut l'un des élèves préférés du Professeur Fruhinsholz et l'ami personnel du Professeur Vermelin.

Esprit littéraire, brillant conférencier, Jean Hartemann s'intéresse à l'histoire de la médecine sans négliger pour autant les problèmes médicaux actuels. Dans son service, il oriente ses efforts sur l'élevage des prématurés, préconise la nécessité absolue de l'allaitement au sein. Un excellent rapport sur la question est présenté par lui au Congrès de Nancy, en 1961.

Depuis sa thèse de doctorat, de haute tenue, consacrée à ce qu'il avait appelé « le malaise de l'avortement thérapeutique », il continue à s'intéresser à ce problème discuté avec passion vis-à-vis des parturientes cardiaques ou tuberculeuses.

Il est l'auteur de plus de 100 communications, tant à la Revue Médicale de Nancy, où sa première publication date de 1924, qu'à la Société d'Obstétrique et de Gynécologie de Nancy. Sa carrière scientifique est longue et féconde. Citons, au hasard, ses mémoires sur les accidents gravido-cardiaques, la pathogénie des accidents gravido-cardiaques, sur la tuberculose génitale primitive, les phlébites du post-partum, la mort subite de l'accouchée, etc...

Reçu à l'Académie de Stanislas en 1965, il est l'auteur de conférences et d'articles dont l'élégance de style est devenue classique. Il est professeur honoraire depuis 1968.

Nous ne pouvons clore cette biographie générale de l'école obstétricale de Nancy, sans évoquer le souvenir d'un de nos collègues et amis qui, sans accéder aux honneurs universitaires, marqua fortement l'activité de la Maternité pendant près de trente ans.

En février 1967, Jean Louyot, gynécologue-accoucheur des Hôpitaux, décédait après une courte maladie.

Jean Louyot fut une des figures d'accoucheur nancéien bien connue, Reçu interne titulaire des Hôpitaux en 1925, après deux années de chirurgie générale qui marqueront toute sa carrière, Jean Louyot devient le chef de clinique du Professeur Fruhinsholz, puis est nommé gynécologue-accoucheur des Hôpitaux et ne quittera plus la Maternité jusqu'à sa mort.

Sa participation à la vie de la clinique obstétricale est double.

D'abord il coopère à l'enseignement clinique des étudiants (il fut candidat à l'agrégation d'obstétrique en 1939).

Ensuite, il assure les responsabilités chirurgicales gynécologiques à la Maternité jusqu'à l'âge de la retraite. Ses compétences chirurgicales sont reconnues et appréciées par ses maîtres les Professeurs Fruhinsholz et Vermelin.

Jean Louyot fut rapporteur au Congrès d'obstétrique et de gynécologie de Marseille en 1950 sur un sujet dont l'actualité ne s'est pas démentie : l'insémination artificielle ; dans ce rapport fort apprécié, il envisageait tous les aspects de la question : médicaux, légaux et moraux. Il fut l'auteur de plusieurs communications à la Revue Médicale de Nancy et à la Société d'Obstétrique et de Gynécologie portant essentiellement sur la pathologie de l'accouchement gravement dystocique. A côté de ces activités hospitalières, Jean Louyot connut un succès mérité en clientèle privée. Son dévouement était sans borne, il semblait ignorer la fatigue et dédaigner le sommeil.

Tendre et ombrageux à la fois, il s'attache à sa clientèle avec un dévouement que beaucoup ne sont pas près d'oublier.

Il reste un exemple de probité intellectuelle et morale dans une spécialité où à l'heure actuelle cette qualité est plus que jamais indispensable.

Les biographies évoquent des portraits qu'il faut situer dans le décor qui leur correspond.

Les débuts d'une Maternité à Nancy se confondent plus ou moins avec la curieuse et sombre histoire de la « Renfermerie », ébauche lointaine de notre actuelle Maison Départementale de Secours.

L'historien Christian Pfister nous relate la vie de cette Elisabeth de Ranfaing, née près de Remiremont en 1592 qui mérita le nom « d'énergumène de Nancy », tant son drame intérieur rappelle celui des possédées de Loudun.

Veuve d'un vieillard qui lui laissa trois filles, Elisabeth exaltait sa passion religieuse au détriment d'un médecin de la Cour ducale, Charles Poirot, qu'elle accuse d'avoir voulu l'ensorceler et la mener au sabbat !

II fut convaincu de sorcellerie et brûlé en 1622 ; Elisabeth retrouva son équilibre et se voua à une œuvre charitable au profit des filles perdues, prostituées et tombées dans la débauche ; ainsi naquit, grâce aux protections ducales et épiscopales, le Couvent de Notre-Dame du Refuge, consacré en 1631 et approuvé par Urbain VIII en 1634. Nous passerons sur les vicissitudes de cet ordre conventuel qui essaima hors de Lorraine et survécut à la mort de sa fondatrice, survenue en 1649.

Devenu trop étroit, le Couvent fut transféré en 1696 dans de nouveaux locaux, rue des Eglises ; de nouveaux bâtiments constituant « le Refuge » sont achevés en 1720, d'autres encore en 1733.

Les femmes ramassées pour libertinage étaient d'abord tenues enfermées et enchaînées (Renfermerie) ; leur admission au Refuge dépendait de leur repentir.

En 1793 les sœurs en furent expulsées et le Refuge devint prison ; en 1796 l'ensemble devient la Maison de Secours et abrite, à la fois, des hommes ou femmes atteintes de maladies vénériennes, et des malheureuses y venant faire leurs couches. Dès 1804, l'administration de l'établissement est confiée aux sœurs de Saint-Charles qui procèdent à des améliorations continuelles.

Telle nous apparaît aujourd'hui la peu reluisante naissance de la Première Maternité de Nancy ; de nouvelles constructions permettent d'y installer la Clinique Obstétricale de la Faculté, en 1872. L'impulsion donnée à l'enseignement de l'Obstétrique permet l'accroissement rapide du nombre des accouchements (790 entrées à la Maternité en 1900), mais les locaux s'avèrent notoirement insuffisants et incommodes. Il fut alors question de transférer la Maternité dans les bâtiments des Missions royales laissées vacants par le départ du Grand Séminaire.

Une bien meilleure solution fut choisie par le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle qui décidait, en 1907, la construction d'une nouvelle Maternité sur un vaste terrain acquis contre l'ancien domaine du Grand Séminaire.

Tout laissait espérer que le projet conçu par A. Herrgott serait facilement réalisé lorsque les travaux débutèrent en 1914. Ils furent malheureusement interrompus pendant la durée des hostilités et ne reprirent qu'en 1920.

Le vieux Maître, s'il ne vit point son œuvre achevée, éprouva toutefois la grande satisfaction de savoir que l'Établissement magnifique, qu'il avait inspiré en 1907, s'élevait peu à peu sous la surveillance attentive de son successeur A. Fruhinsholz.

Ouverte en 1929, et administrée sous le contrôle du Département, la Maternité fut placée sous l'invocation du Professeur Pinard dont elle conserve fidèlement la doctrine : « Protéger les droits matériels et moraux de la mère et de son enfant ».

Il nous faut rappeler cette inscription, aujourd'hui effacée, qui accueillait le visiteur à l'entrée des salles d'accouchement et d'intervention :

« N'entrez ici qu'avec respect. Approchez-vous avec douceur et compassion d'une femme anxieuse qui souffre et qui espère en vous. Ne la décevez pas. Surveillez bien vos paroles et chacun de vos gestes ».

L'accouchement a, naturellement, beaucoup évolué depuis 1929, mais cette simple et émouvante requête à l'étranger ne correspond-t-elle pas toujours à cette prise de conscience des lourdes responsabilités que se partagent les différents acteurs, sur la scène de la naissance.

Notre mission n'est pas de faire, dans cet article l'éloge de la Maternité de Nancy.

L'ensemble des activités homogènes qu'elle regroupe aujourd'hui est dédié à une fonction hautement sociale, quel que soit le plan où celle-ci s'exerce. Cette conception très large des objectifs de notre discipline permet de mieux comprendre l'évolution de cet établissement depuis une quinzaine d'années.

L'orientation actuelle conduit inéluctablement vers un regroupement des activités médicales et médico-sociales concernant la reproduction humaine. L'unité de lieu apparaît, jour après jour, plus indispensable.

La surveillance prénatale, l'accouchement et ses suites maternelles, la sécurité immédiate du nouveau-né pathologique, la Gynécologie sous ses différents aspects, la biologie sexuelle, les objectifs sociaux tels que la planification familiale ou la lutte contre la stérilité, toutes ces formes d'activité méritent d'être étroitement articulées entre elles puisque les problèmes qu'elles soulèvent sont interdépendants.

Devenue, depuis quelques années, la Maternité Régionale Adolphe Pinard, notre grand établissement devient à son tour un peu trop étroit. Au cours de la dernière décennie, le Service hospitalier unique, correspondant à l'unique chaire de Clinique Obstétricale, a fait place à cinq services bien individualisés au sein du C.H.U. : Prénatal - d'Accouchement - de Gynécologie - de Néonatologie - de Biologie. Cet ensemble homogène est très favorable à l'enseignement des Etudiants et des Sages-Femmes ; il permet par ailleurs une formation complète et élargie des Spécialistes en Gynécologie-Obstétrique.

Pour animer ces activités individualisées mais complémentaires, nous demandons l'agrandissement des locaux actuels, l'augmentation des effectifs hospitalo-universitaires.

Nous tournons nos regards vers l'avenir et nos espérances vers la réalisation d'une formule nouvelle, telle que la Maison de la Mère et de l'Enfant, encore que ce titre nous apparaisse déjà trop restrictif en face des orientations qui se dessinent.

On accorde aujourd'hui de plus en plus d'importance aux problèmes de sexologie, à l'information du couple, à la planification familiale.

Il est plus difficile de modifier le nom d'un établissement tel que la Maternité que de prévoir ce que, dans l'avenir, on y fera ou on n'y fera pas.

Après l'évocation du passé, il nous reste, pour conclure, à présenter au lecteur une synthèse de nos conceptions actuelles concernant les problèmes de la naissance.

A Nancy, le respect de la fonction obstétricale est absolu : l'accouchement, phénomène naturel ne doit pas être troublé par des initiatives médicales intempestives, surtout celles destinées à l'accélérer.

Le déclenchement préconisé par Stoltz est admis sous certaines réserves. Une naissance ne doit jamais grever le pronostic obstétrical futur : l'intervention césarienne est rare, d'abord en raison du spectre de l'infection puerpérale toujours présente et aussi des suites obstétricales laissant un utérus blessé, cicatriciel et, par là-même, diminué dans sa finalité première.

La réduction instrumentale était à cette époque relativement fréquente, le foetus étant sacrifié aux intérêts maternels, mais la fonction restant intacte.

La fécondité ultérieure de la femme compensait les décès foetaux. D'autre part, les bassins rétrécis étaient fréquents, les uns interdisant tout accouchement par voie basse, les autres dits bassins limites autorisant l'épreuve du travail, avec sa surveillance rigoureuse et son pronostic foetal le plus souvent favorable.

Les néphropathies gravidiques florissaient avec albuminurie massive, hypertension : l'éclampsie était fréquente avec ses conséquences maternelles et foetales redoutables, et l'on perçoit dans les travaux de l'époque la redoutable menace qu'elle apportait avec elle. A cette époque une grossesse, même bien suivie, restait une épreuve que jadis les mères affrontaient avec courage et souvent persévérance. Les temps ont bien changé, la natalité est en baisse, la contraception largement appliquée.

Aussi le foetus devient-il de plus en plus précieux ; les couples se reproduisent beaucoup moins volontiers. Chaque grossesse en évolution devient encore plus précieuse qu'auparavant. Il faut aussi noter que la surveillance est devenue plus compliquée : l'obstétrique moderne devient audacieuse dans la lutte entreprise contre la mortalité périnatale : les techniques d'approche du foetus se multiplient. Isolé comme un ludion dans son sac membraneux, le foetus ne pouvait manifester sa vie que par ses mouvements spontanés ou battements cardiaques enregistrés au stéthoscope de Pinard.

Maintenant, on enregistre la contraction utérine et les battements du cœur foetal, on ponctionne le liquide amniotique, on effectue la mesure du pH sur le foetus en cours de travail, on étudie ce fameux liquide amniotique resté longtemps mystérieux et qui n'a pas livré tous ses secrets, mais grâce auquel on peut appréhender, détecter et diagnostiquer une souffrance foetale. De même le développement intra-utérin du foetus est suivi de mois en mois par des explorations physiques telles que l'emploi des ultra-sons.

La réanimation du nouveau-né à la naissance s'enrichit de techniques nouvelles : l'élevage des prématurés se perfectionne.

Actuellement est installé au centre dé la salle de travail un local équipé pour la réanimation des premières minutes effectuée par l'équipe obstétrico-pédiatrique.

Mais la collaboration avec les pédiatres ne s'arrête pas à ce stade. Le 25 novembre 1970, la première association obstétrico-pédiatrique de médecine péri-natale est fondée à la Maternité Régionale.

Un bâtiment supplémentaire de 40 chambres va permettre une meilleure surveillance des grossesses.

Un centre des problèmes de la naissance vient d'être créé : centre qui permettra de regrouper les problèmes gynécologiques de stérilité, les problèmes de contraception, et la surveillance intensive des grossesses à risques. Les techniques les plus modernes sont utilisées, tant physiques que biologiques. Mais lès-idées maîtresses de l'école obstétricale demeurent : respect de la fonction de reproduction, respect de la vie du foetus, limitation des interventions par voie haute ou par voie basse.

Les progrès techniques réalisés doivent permettre d'apprécier l'état foetal, d'intervenir efficacement dans un but de sauvegarde foetale. On opère un peu plus, mais on opère mieux : on peut opérer à meilleur escient pour mettre au monde des nouveaux-nés de qualité : c'est là le véritable rôle de l'accoucheur.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que toutes les améliorations techniques dont les générations actuelles ont le bonheur de bénéficier ne seront valables que dans la mesure où elles seront bien codifiées, et où la machine ne prendra pas le pas sur l'observation clinique et le problème humain.