Les disciplines pédiatriques
par N. NEIMANN
Numéro Spécial du Centenaire de la Revue (1874-1974)
Annales Médicales de Nancy
(édité en avril 1975)
LES ORIGINES DE LA PÉDIATRIE
A Nancy comme partout ailleurs, la pédiatrie a accédé tardivement au rang de discipline médicale autonome. Ce retard s'explique par diverses raisons, dont les unes furent psychologiques et d'autres techniques.
Sur le plan psychologique, il faut rappeler le peu de prix qu'on accordait à la vie de l'enfant au cours de l'antiquité, du moyen-âge et de la Renaissance. Dans les sociétés antiques, l'homme devait déployer des efforts constants pour se procurer de la nourriture et assurer sa survie. L'enfant, être improductif, était, dans l'esprit des adultes, un poids mort, une bouche supplémentaire à nourrir. A la moindre difficulté on n'hésitait pas à s'en débarrasser en le faisant périr par la privation de nourriture ou la mort violente. Il en fut ainsi au sein des civilisations anciennes de la Chine et de l'Inde. La civilisation gréco-romaine accordait, elle aussi, peu de valeur à la vie de l'enfant dont les parents pouvaient disposer à leur guise. La situation de l'enfant fut transformée par les religions monothéïstes. La Bible enseigne que l'enfant est une bénédiction du ciel et que l'infanticide est un crime. Le Coran opine dans le même sens et dicte l'obligation, pour la mère, d'allaiter ses enfants. Le Christianisme a accentué cette tendance en glorifiant l'enfant Jésus. Les édits de Constantin, datés des années 315 et 321, interdisaient l'infanticide et l'esclavage des enfants. Néanmoins, au cours du Moyen-âge et de la Renaissance, la vie de l'enfant gardait peu de valeur. Sa mort était considérée comme une fatalité dont on ne saurait s'offusquer ou s'étonner. On conçoit que cette tournure d'esprit ne fut pas de nature à encourager les efforts et les études tendant à prévenir ou à guérir les maladies infantiles.
Diverses raisons techniques rendaient d'ailleurs particulièrement difficile l'étude de la pathologie infantile. Celle-ci est subordonnée, en grande partie, à l'étude de la pathologie de l'adulte : nombre de maladies infantiles ont été et sont encore étudiées par référence à ce qui se passe chez l'adulte.
Au surplus, il fallait, pour commencer, acquérir des notions solides concernant la physiologie du petit enfant, ses besoins nutritifs, sa croissance, son développement psychomoteur, ses particularités métaboliques. Ces notions furent acquises grâce à la médecine expérimentale créée par Claude Bernard à une période relativement récente. La séméiologie pédiatrique est, elle aussi, particulière du fait de l'impossibilité pour le jeune enfant d'expliquer ses troubles, de la pauvreté habituelle de la symptomatologie clinique. Ces difficultés furent aplanies lentement grâce à l'utilisation de la radiologie, des explorations biologiques et isotopiques.
Ajoutons encore l'extrême fragilité du nourrisson et la médiocrité des ressources thérapeutiques, dont l'enrichissement explosif date de peu d'années.
Ces considérations expliquent la stagnation de la médecine infantile jusqu'à une période récente. Auparavant et jusqu'à la fin du 18e siècle les enfants malades étaient soignés par des médecins généralistes ; il n'y en avait d'ailleurs pas d'autres. Il n'y avait pas, non plus, d'hôpitaux ou de services de pédiatrie. Les premiers établissements dévolus aux enfants abandonnés par les innombrables mères-célibataires ou légitimes - qui, du fait de la misère, ne pouvaient subvenir à leurs besoins. Il convient de rappeler, à cet égard, l'action charitable de Vincent de Paul, patron des orphelins (1576-1660) qui créa, à Paris, un Asile pour orphelins. De même, en 1670, Louis XIV avait fondé et doté l'hôpital des Enfants trouvés.
Malheureusement, le surpeuplement de ces Asiles, l'absence d'allaitement maternel ou d'une alimentation de substitution valable, la méconnaissance de la pathologie infantile, l'absence de thérapeutique efficace expliquent l'effrayante mortalité qui régnait au sein de ces orphelinats.
Ainsi, l'Hospice des Enfants trouvés de Dublin a accueilli, entre 1775-1776 10272 enfants; 45 survécurent, ce qui fait une mortalité de 99,6 %. A l'Hôpital des Enfants trouvés de Paris, entre 1771-1777, on enregistre 31951 entrées, suivies de 25476 décès, mortalité de 80 % par année. Un critique de l'époque a proposé d'inscrire sur le frontispice de cet établissement : « Ici on fait mourir les enfants ».
La création des services spécialisés pour les soins aux enfants malades fut encore plus récente. Jusqu'à la fin du 18e siècle, les enfants malades qui, pour des raisons socio-économiques, ne pouvaient être traités à domicile, étaient soignés avec les adultes.
En 1785, le rapport adressé à Louis XVI sur la situation de l'Hôtel-Dieu de Paris mentionnait l'entassement, dans une pièce de 100 malades. Le même lit abritait 8-9 malades, pêle-mêle, adultes, vieillards et enfants. Les malades contagieux n'étaient pas isolés. En 1802 fut créé, pour la première fois dans le monde, un Hôpital pour enfants. C'était l'Hôpital d'Enfants malades de Paris qui a regroupé les petits malades auparavant disséminés dans les établissements pour adultes. C'est là que fut promulgué le premier enseignement officieux, puis officiel, de pédiatrie, qui servit rapidement de modèle à la province et à l'étranger. Malgré les efforts déployés par les premiers chefs de service de pédiatrie : Billard, Valeix, Rilliet et Barthez, Bouchut, Trousseau, qui ont utilisé, pour l'étude des maladies infantiles, la méthode anatomo-clinique instaurée par Laennec, la mortalité y demeurait effrayante.
Parallèlement aux progrès de la pédiatrie clinique, est née, dans notre pays la pédiatrie préventive et sociale. En effet, la première loi visant la protection de l'enfant fut édictée par Théophile Roussel (1816-1893) en 1874 : elle visait la protection des enfants placés hors de leur famille.
En 1889, Roussel promulga la loi sur la protection des enfants abandonnés moralement ou maltraités.
A la même époque, fut créée en France le premier dispositif voué à la prévention et le diagnostic précoce des maladies infantiles : ce furent la première consultation de nourrisson, fondée à Paris par P. Budin, en 1892, et la première distribution de lait sain destiné aux enfants, effectuée par P. Variot, en 1893, au Dispensaire de Belleville et par Dufour à Fécamp en 1894. Ces initiatives constituèrent le point de départ des nombreuses œuvres privées et de la vaste législation vouée à la protection infantile. En somme la protection infantile fut d'abord assurée, d'une façon précaire, par la charité privée, puis par les initiatives dynastiques et religieuses avant de recevoir sa consécration et ses fondements solides grâce à la législation élaborée au sein de tous les pays civilisés.
LES ORIGINES DE LA PÉDIATRIE NANCÉIENNE
Les origines et l'essor initial de la pédiatrie nancéienne ont obéi aux mêmes impératifs et ont connu les mêmes vicissitudes que celles qui se sont manifestées dans les autres centres universitaires des pays civilisés. Il convient de rappeler, dans cet ordre d'idées, la création des établissements voués à la protection et aux soins des enfants et l'action des hommes qui les animèrent.
Les établissements
Chez nous, comme partout ailleurs, la bienfaisance privée, d'origine principalement religieuse, précéda, en matière de protection infantile, les mesures édictées par les organismes officiels. Les premiers établissements recevaient, indifféremment, les indigents et les enfants privés de famille. Dès 1158 fut créé à Nancy l'Hôpital Notre-Dame, première formation vouée aux soins aux malades.
Au 13e siècle, des dons privés permirent la création de la Maladrerie de la Madeleine qui accueillait les lépreux.
En 1626, le duc Charles IV avait créé, à l'Hôpital Saint-Julien, une centaine de lits pour l'accueil des orphelins. Ce fut notre premier établissement de protection infantile. Mais rien n'avait été prévu pour les enfants abandonnés, avant 1774. A cette date, Louis XVI ordonna la fondation de l'Hôpital des enfants trouvés à l'emplacement de l'ancienne Vénerie ducale, là où se trouve l'actuelle Université. Sa gestion fut confiée aux Sœurs Hospitalières de Saint-Charles dont l'histoire fut, dès lors, intimement liée à la vie de nos hôpitaux.
En 1805, les orphelins et les enfants abandonnés provenant de l'Hôpital des Enfants trouvés, de l'hospice de Boudonville, de l'hôpital de la Bienfaisance (actuel Saint-Julien) et de l'Hospice des Orphelines de Sainte-Elisabeth furent regroupés au sein de l'actuel hospice Saint-Stanislas.
Cette année fut célébré le bicentenaire de la création à Nancy de ces établissements voués à l'accueil et aux soins des enfants orphelins ou abandonnés. Une plaquette, éditée à cette occasion, rappelle leur histoire mouvementée.
Du fait de l'augmentation rapide du nombre d'enfants confiés à l'Hospice Saint-Stanislas par les services de l'Aide sociale, il devint nécessaire de créer de nouveaux locaux. Ainsi, on bâtit à l'intention des nourrissons une pouponnière de 100 lits située près de la Maternité Régionale, qui fut inaugurée en octobre 1965. En 1968, les enfants âgées de 2-6 ans et ceux de plus de 12 ans furent transférés au Foyer Bel-Air, situé à Laxou. Ainsi donc, à Nancy, comme partout ailleurs, les orphelinats furent les premiers établissements voués aux soins d'enfants.
Toutefois, dès 1804, fut créé, à la Maison de Bon Secours, un service pour les soins aux enfants « scrofuleux et teigneux » qui fut confié successivement aux professeurs Bechet, A. Herrgott, Schmitt, Simon. A partir de 1893 et jusqu'à sa mort sa direction fut confiée au professeur Paul Haushalter. En 1900, les enfants atteints de maladies chroniques et ceux affligés d'arriération furent transférés à l'hôpital J.-B. Thiery, créé à Maxéville à l'emplacement d'une propriété léguée au département par ce donateur. Cette formation subit une série de transformations et d'agrandissements en 1908, en 1914, en 1937, en 1957 et en 1970.
Jusqu'à sa mort, le professeur Haushalter en assuma la direction médicale. Lui succéda ensuite le professeur L. Caussade.
Les hommes
Deux médaillons incrustés dans des plaques de marbre sont fixés au mur du vestibule d'entrée de nos services de pédiatrie. Ils reproduisent les traits des Maîtres qui ont présidé à la création de la pédiatrie nancéienne et inspiré son expansion : Paul Haushalter et Louis Caussade.
Paul HAUSTALTER (1860-1925)
La personnalité attachante et prestigieuse du Professeur Paul Haustalter a dominé l'histoire de la pédiatrie nancéienne au cours de la fin du 18e et du début du 19e siècle.
Paul Haushalter est né en 1860. Son père a soutenu, en 1853, sa thèse de doctorat à la Faculté de Médecine de Strasbourg. Il exerça à Sierck où son souvenir resta vénéré et où naquit notre collègue. Chassé de sa ville natale par l'annexion de l'Alsace-Lorraine, Paul Haushalter fit à Nancy ses études secondaires et médicales. Doué d'une remarquable facilité et capacité de travail, il fut nommé externe des Hôpitaux en 1882, interne des Hôpitaux et aide de clinique en 1884, docteur en médecine en 1886, chef de clinique au service de médecine du Professeur Paul Spillmann en 1887. Il accéda à l'agrégation de médecine en 1892. Deux fois lauréat de la Faculté, en 1881 et 1886, il obtint, au surplus, le prix de l'internat et le prix de thèse en 1886. Tout en achevant sa formation clinique auprès de ses maîtres d'internat et de clinicat, il s'intéressa aux travaux de laboratoire. Il fut chargé du laboratoire de bactériologie des cliniques de 1887 à 1892 et de l'enseignement d'anatomie pathologique en 1892-1893. Cette solide formation lui permettra de mener de pair, dans ses travaux, les constatations cliniques et les études bactériologiques et anatomiques. En 1894, il fut chargé de la direction du Service de Pédiatrie qui venait d'ouvrir au pavillon Virginie-Mauvais et d'un cours complémentaire de maladies des enfants. Ce fut là une innovation : auparavant, il n'y avait ni service autonome, ni enseignement de pédiatrie. Cette discipline était enseignée, au hasard des circonstances, par des accoucheurs ou des médecins-généralistes. Notre faculté fut l'une des premières, après Paris, à reconnaître l'autonomie de la pédiatrie. La renommée de cet enseignement dépassa rapidement le cadre de Nancy ; de nombreux étudiants et médecins se pressaient aux leçons cliniques du jeune agrégé. Reconnaissant ses mérites, la Faculté le nomma, en 1906, Professeur titulaire de Clinique médicale infantile. Simultanément, Paul Haushalter s'est vu confier la direction médicale du nouvel Hôpital J.-B. Thiery et de l'hospice des Enfants assistés Saint-Stanislas, dont les ressources en malades lui ont permis d'étoffer son enseignement.
Survint la guerre de 1914. Sans rien abandonner de ses activités pédiatriques, il assuma bénévolement deux charges supplémentaires : celle d'un service hospitalier de la Société de Secours aux blessés et, surtout, celle de médecin de l'Hôpital Villemin, qui, à peine achevé, fut affecté aux militaires atteints de maladies contagieuses. L'activité bienfaisante et patriotique déployée par le Professeur Haushalter a trouvé sa consécration par l'attribution de la Croix de la Légion d'honneur, à titre militaire.
Après la fin des hostilités, il amplifia son activité dans le domaine de la pédiatrie. Chef de service ponctuel et méticuleux, Paul Haushalter attacha une grande importance au problème de l'hospitalisation des enfants. A ses débuts, la Clinique de Médecine Infantile disposait seulement du rez-de-chaussée du pavillon Virginie-Mauvais dont le premier étage était occupé par la Clinique de Chirurgie Infantile du Professeur Froelich.
Les locaux attribués à la Pédiatrie étaient notoirement insuffisants. L'entassement et la promiscuité étaient particulièrement néfastes aux nourrissons qui étaient hospitalisés au milieu des grands enfants, sans possibilité d'isolement des contagieux. De ce fait, l'infection nosocomiale y faisait des ravages : la mortalité des hospitalisés atteignait 74 %. Après bien des démarches, notre collègue a obtenu, en 1901, la possibilité d'hospitaliser les nourrissons dans un local situé au premier étage de l'actuel dispensaire Haushalter. Huit berceaux étaient disposés dans une salle commune. Une autre salle pouvait accueillir 6-8 enfants atteints de maladies contagieuses. Grâce à ces dispositions, la mortalité avait baissé à 48 %.
L'afflux croissant de malades rendit, peu à peu, ces locaux insuffisants. La Commission administrative a donc prévu le transfert du Service de pédiatrie dans le pavillon Krug. Haushalter avait suivi de près l'édification de ce service qui ne fut achevé qu'après sa mort, en 1931.
Il avait rapidement compris que l'activité d'un professeur de Pédiatrie ne saurait se cantonner dans le cadre hospitalier; l'amélioration de l'état sanitaire des enfants nécessite une action préventive, vigoureuse et planifiée. Aussi, tout en veillant à l'amélioration des soins dispensés à l'hôpital J.-B.-Thiery et à l'hospice Saint-Stanislas, a-t-il imprimé une impulsion vigoureuse aux œuvres vouées à la prévention : œuvre des crèches et œuvre du bon lait.
L'œuvre scientifique du professeur Haushalter fut considérable. Elle comporte 301 titres dont la plupart ont été présentés à la Société de Médecine de Nancy et publiés dans la Revue Médicale de l'Est et dans nos bulletins de la Société de Biologie.
Au début de sa carrière, il a étudié certains problèmes de l'adulte et du vieillard. Sa thèse inaugurale fut consacrée au cœur sénile.
Ce travail fut élaboré suivant la méthode qui avait fait la renommée de la Clinique française : il comportait une description clinique minutieuse de 132 vieillards atteints de troubles cardiaques, confrontée avec de nombreuses études anatomo-pathologiques et histologiques. Avec une prescience admirable, l'auteur a mis en évidence le rôle primordial des lésions coronariennes à l'origine de la déchéance du cœur des personnes âgées. La même méthode fut appliquée aux autres travaux de médecine d'adultes qui ont porté sur l'anévrysme de l'aorte, la thrombose de la veine cave inférieure, les calcifications de la vésicule, les cancers de l'estomac et du poumon, etc. Sa formation de bactériologiste lui a permis d'élaborer des travaux consacrés aux maladies infectieuses observées durant son clinicat et chez les militaires soignés durant la guerre à l'hôpital Villemin : études sur la fièvre typhoïde et son sérodiagnostic, sur la diphtérie, la variole, la morve, les streptococcies. Avec P. Spillmann, il a rédigé un Manuel de diagnostic médical ; avec P. et L Spillmann, un précis de diagnostic et, avec G. Etienne, L. Spillmann et Ch. Thiry les remarquables Cliniques médicales iconographiques.
L'accession à la Chaire de Pédiatrie a permis à Haushalter de donner toute sa mesure. Ses connaissances encyclopédiques, sa compétence en matière d'anatomie pathologique et de bactériologie, sa puissance de travail, ses dons d'observation, son goût pour la besogne bien faite, sa curiosité scientifique lui ont permis d'édifier une œuvre scientifique considérable qui a embrassé tous les aspects de la pédiatrie.
La tâche était d'autant plus passionnante que dans cette jeune discipline, tout était à découvrir. Durant 33 ans, Haushalter fut le fondateur et l'animateur de la pédiatrie nancéienne. Dans le cadre de la neurologie infantile, il a rédigé d'importantes études consacrées à la maladie de Little, à la paralysie générale infantile, à l'hydrocéphalie, à la thrombose des sinus, à l'hystérie infantile, à la myopathie, à la maladie de Werdnig-Hoffmann, à la méningite tuberculeuse, à l'encéphalite léthargique.
D'autres travaux, cliniques et expérimentaux, ont été consacrés à la pathologie infectieuse : fièvre typhoïde de l'enfant, infections staphylococciques, diphtérie humaine et aviaire, altération de la moelle osseuse au cours des infections et intoxications des jeunes animaux et de l'enfant, tétanos.
La tuberculose, un des principaux fléaux sociaux du début du 20e siècle, occupe une place de choix parmi les travaux du Maître nancéien : citons les études sur sa fréquence et ses manifestations cliniques, ses portes d'entrée, la granulie, l'adénopathie trachéo-bronchique, la tuberculose intestinale et cérébrale.
Signalons, également, les études sur la syphilis congénitale, la leucémie aiguë, les nombreux travaux consacrés au myxoedème, à l'achondroplasie, aux différents nanismes, aux malformations cardiaques et urinaires.
Une place de choix doit être réservée aux travaux consacrés à l'acrodynie infantile. Dans tous les manuels, la parenté de cette maladie est attribuée à l'auteur australien, Swift, qui en a rapporté, en 1914, 14 observations. Les premières observations européennes sont attribuées à Parkes Weber en 1921 et, surtout, à Feer entre 1922-1925. En fait, la découverte de cette singulière maladie peut être revendiquée par Haushalter. Celui-ci en a observé le premier cas en 1911. Il avait estimé d'emblée, qu'il s'agissait d'une maladie nouvelle. Par prudence, il avait attendu d'en recueillir d'autres exemples avant de les publier. Ainsi, en 1925 il pouvait faire état de 9 observations personnelles, relatées dans la thèse de Hoechstetter et dans un important mémoire paru dans la Revue Neurologique et intitulé : « Sur un syndrome constitué par des altérations du psychisme et du système neuro-végétatif chez l'enfant». Il a fourni de cette maladie une description pittoresque et précise à laquelle, maintenant, il n'y a rien à ajouter. Il a eu, surtout le mérite d'insister sur l'importance des troubles du comportement et sur la constance, des altérations vaso-motrices et sudorales qui prédominent aux extrémités. Il a clairement indiqué que la maladie avait une tendance spontanée à la guérison sans séquelles qui survient en 5 à 8 mois. Il expliqua sa symptomatologie déroutante par une atteinte des centres neuro-végétatifs, conception qui fut confirmée par la suite. Dans deux observations, il a signalé la prise de vermifuge à base de Calomel. On sait que, par la suite, Warkany devait démontrer que la maladie était due à l'intolérance à l'égard des produits mercuriels, parmi lesquels le Calomel joue le rôle principal. La suppression des vermifuges et des poudres dentaires à base de Calomel a été rapidement suivie de la disparition de l'acrodynie.
La fragilité du petit enfant et l'importance de la mortalité des tout-petits, avait, de tout temps, désolé Haushalter. D'emblée, il avait compris que le fléau devait être combattu par des mesures préventives ayant pour but l'amélioration de l'hygiène et de la diététique. Aussi, tout en imprimant aux œuvres de pédiatrie préventive une impulsion vigoureuse, a-t-il consacré de nombreuses publications aux problèmes démographiques et médico-sociaux. Citons les travaux sur la mortalité infantile, sur les œuvres de protection maternelle et infantile, sur la natalité, sur la puériculture.
La clarté d'esprit du Maître nancéien, son goût pour les conceptions simples, basées sur une observation rigoureuse des faits et débouchant sur des indications thérapeutiques efficaces apparaissent à.la lecture de son dernier travail, paru le 1er juillet 1925 dans la Revue Médicale de l'Est et intitulé « Réflexions à propos des affections digestives du nourrisson et de leur classement ». Ce travail, qui résume la vaste expérience de l'auteur, pourrait, à quelques détails près, paraître dans une revue pédiatrique contemporaine. L'auteur trace de cette maladie une description claire et concise. Il affirme la multiplicité des facteurs étiologiques. Parmi ceux-ci, à côté de l'infection intestinale, on doit retenir le rôle nocif des aliments altérés ou inappropriés aux capacités digestives du nourrisson. Le traitement doit débuter par la mise au repos du tube digestif, suivie par une réalimentation progressive.
P. Haushalter a inspiré 45 thèses parmi lesquelles on peut signaler celles de L. Richon sur la paralysie diphtérique, de L. Spillmann sur le rachitisme, de Ch. Thiry sur la paralysie générale infantile, de P. Jeandelize sur l'insuffisance thyroïdienne, de R. Goepfert sur la protection et l'assistance de la première enfance.
Travailleur acharné, Paul Haushalter ne se bornait pas à se tenir au courant du mouvement pédiatrique de notre pays. Il lisait, aussi, les principales revues étrangères, (ce qui était inhabituel à son époque) et il avait effectué plusieurs voyages d'études en Angleterre et en Allemagne. Sa notoriété fut consacrée par l'élection au sein de nombreuses sociétés savantes : Société de Médecine et Réunion Biologique de Nancy, Société Française de Dermatologie, Société de Pédiatrie et Société de Neurologie de Paris, Société Médicale des Hôpitaux de Lyon. Peu de temps avant sa mort, il fut élu membre correspondant à l'Académie de Médecine.
Paul Haushalter a dispensé, à de nombreuses générations d'étudiants, un enseignement dont la renommée a dépassé le cadre de notre Faculté. Il fut un admirable représentant de l'enseignement clinique français, basé sur la confrontation des constatations tirées de l'examen du malade avec les notions fournies par l'anatomie pathologique et la bactériologie. Ennemi des discours ampoulés, il affectionnait l'enseignement au lit du malade. Il excellait à tirer le maximum de renseignements de la si pauvre séméiologie pédiatrique. Le spectacle de cet homme scrutant le visage du nourrisson malade, le tournant au bout de ses longs bras et finissant par formuler un diagnostic péremptoire émerveillait l'assistance.
Qu'il me soit permis d'évoquer, à ce propos, un souvenir personnel. Etudiant de première année, j'ai assisté, un jour, parmi bien d'autres, à une leçon clinique d'Haushalter. Je l'entends encore dire, au terme d'un examen minutieux : auscultez ce nourrisson, vous n'entendrez rien d'anormal et, pourtant, j'affirme qu'il a une bronchopneumonie.
Cette sûreté du diagnostic, malgré la pauvreté de la séméiologie, nous a paru miraculeuse... C'était le fait d'un grand pédiatre.
Haushalter avait du Maître à l'ancienne mode la prestance, la distinction naturelle, la clarté de l'exposé et le goût pour l'enseignement.
Son apparence était quelque peu austère. Mais ses familiers savaient que cet aspect imposant cachait mal une gaieté et une bonté naturelle qui se manifestait avec efficacité à l'égard des membres de sa famille, de ses collaborateurs, de ses malades et de leurs parents.
Les mères ne s'y trompaient pas et lui manifestaient une confiance totale. Lors de la fatale matinée du 2 juin 1925, quand se répandit la nouvelle de l'accident cardiaque qui l'a terrassé dans le train qui le ramenait de Paris où il siégeait au Jury d'Agrégation, ce fut la consternation dans les quartiers populaires de notre cité. Dans l'allocution prononcée à son enterrement, le Doyen Spillmann décrivit le spectacle des femmes qui, le journal à la main et les larmes aux yeux, commentaient l'événement. Une foule immense est venue rendre le dernier hommage à ce grand ami des enfants malades.
Louis CAUSSADE (1885-1962)
Louis Caussade est né le 23 janvier 1885 à Bouhans-les-Autrey (Haute-Saône). Très tôt, auprès de son père, bouquiniste, il a appris à aimer la lecture et l'étude. Après avoir accompli le P.C.N. à Besançon, il vint, en 1905, s'inscrire à la Faculté de Médecine de Nancy qu'il devait servir et illustrer jusqu'à sa disparition. Notre bon Maître aimait rappeler qu'au début de ses études universitaires il n'éprouvait aucune attirance pour la Médecine. Celle-ci ne s'est manifestée qu'au cours de l'externat. Au contact des malades, il découvrit, à la fois, le devoir de soulager leur souffrance et la possibilité d'accomplir cette mission en appliquant les méthodes apprises auprès de ses aînés. Il décida donc de travailler avec acharnement pour améliorer ses connaissances et demeurer ainsi digne de ses responsabilités. Grâce à sa puissance de travail et à sa brillante intelligence, il y réussit parfaitement. S'adaptant aisément aux servitudes hospitalières, il avait parfait sa formation au cours des années d'internat accomplies auprès de Bernheim, A. Herrgott, Gross et Simon. En même temps, ses fonctions de préparateur au Laboratoire de physiologie lui ont permis d'acquérir une formation de biologiste. De ces années d'apprentissage, L. Caussade a gardé un souvenir reconnaissant et ému. Il évoquait souvent les longues heures passées à l'hôpital, au chevet des malades, au contact de ses aînés et de ses pairs. Ces années d'internat l'ont marqué profondément et par la suite, il a toujours défendu cette institution, grande école de formation clinique et tremplin des carrières hospitalo-universitaires. Dès ces années d'apprentissage, ses Maîtres et ses pairs furent unanimes à reconnaître l'ampleur de ses connaissances et ses dons didactiques. Chemin faisant, il obtint le prix de l'Internat, et le prix Heydenreich-Parisot.
En 1913, il fut nommé Chef de clinique auprès du Professeur Simon. La guerre devait interrompre ces fonctions. L. Caussade fut mobilisé dans un régiment d'infanterie qui appartenait au corps d'armée de Besançon. Celui-ci se recrutant, en partie, dans l'Ile-de-France, il s'est trouvé au contact de collègues parisiens. Affecté dans un hôpital de secteur, il a travaillé aux côtés de Nobécourt et de Fernand Trémolières. A la fin de la guerre, il était chef de laboratoire d'une auto-chir. dont le médecin-chef était Mocquot. Au contact de ces Maîtres qui l'associèrent à leurs travaux, il perfectionna ses connaissances cliniques et bactériologiques.
Dès l'Armistice, notre Maître a repris ses fonctions de Chef de Clinique auprès du Professeur Simon et s'est attelé à la préparation du concours d'agrégation. Il eut la bonne fortune d'être entraîné, avec P. Simonin, par Jacques Parisot. Dès lors, une amitié solide a lié ces trois hommes, amitié qui devait durer quarante ans et qui fut fortifiée par la communauté des pensées généreuses et le travail accompli en commun, au sein de la Faculté et, surtout, dans le cadre de l'Office d'Hygiène Sociale de Meurthe-et-Moselle.
Nommé au concours d'agrégation de Médecine en 1920, Louis Caussade a été chargé de divers enseignements : cours complémentaire de clinique médicale élémentaire, conférences de diagnostic médical.
En 1922, il fut nommé à la direction du service des maladies contagieuses. La disparition soudaine de Paul Haushalter devait l'orienter définitivement vers la Pédiatrie. Dès 1925, il fut affecté à la direction du service de pédiatrie et chargé de cours d'hygiène et de pathologie médicale infantile. Puis, il a été nommé médecin-chef de l'Hôpital-Hospice J.-B. Thiery à Maxéville et de la Pouponnière départementale des Enfants assistés de Saint-Stanislas. En 1929, il fut promu professeur titulaire de clinique de maladies des enfants. Ainsi donc, rapidement, Louis Caussade a été appelé à succéder à P. Haushalter dans toutes ses fonctions universitaires, hospitalières et médico-sociales. Bien que la médecine infantile fût, à l'époque, moins différenciée que maintenant, la succession s'annonçait lourde pour un homme qui n'avait pas eu une formation spécifiquement pédiatrique, car Haushalter, fondateur de la pédiatrie lorraine, illustra sa chaire par son enseignement et ses nombreux et importants travaux scientifiques.
La tâche était d'autant plus complexe que l'accession de L. Caussade à la chaire de Pédiatrie a eu lieu à une période charnière qui a vu l'épanouissement de cette discipline. Sur le plan hospitalier, on assista à un accroissement rapide du nombre des entrées : celui-ci a rapidement passé de 500 par an à environ 1000 à la veille de la guerre de 1939-1945. Puis, il monta rapidement à plus de 5000 au cours des années suivantes. Par bonheur, le service de pédiatrie avait pu disposer, dès 1931, des nouveaux locaux situés au pavillon Krug et qui, à l'époque, pouvaient passer pour un établissement ultra-moderne. Parallèlement, les charges d'enseignement devenaient de plus en plus lourdes du fait de l'augmentation du nombre d'étudiants, de la création de l'attestation, puis du certificat de pédiatrie, de la participation à l'enseignement du personnel para-médical : assistances sociales, infirmières, puéricultrices
Au surplus, les activités pédiatriques devaient rapidement dépasser le cadre hospitalo-universitaire et accorder une place croissante aux établissements et aux organismes voués à la pédiatrie préventive.
Grâce à un travail acharné, utilisant à plein ses capacités éminentes d'enseigneur, de clinicien et d'hygiéniste, le professeur Caussade s'adapta rapidement à ses nouvelles fonctions et sut maintenir la renommée pédiatrique nancéienne au niveau enviable auquel l'éleva son prédécesseur.
Les premiers travaux scientifiques de notre Maître furent consacrés à des problèmes de pathologie d'adulte. Citons d'abord le mémoire sur la cytologie des liquides gastriques. Dans ce travail, rédigé en 1913, au cours de l'Internat, pour l'obtention du prix Heydenreich-Parisot, il démontrait l'intérêt de cette technique pour le diagnostic du cancer de l'estomac. L'essor actuel du cyto-diagnostic des différents cancers viscéraux est venu confirmer les notions établies par le Maître nancéien il y a 50 ans.
Au cours de la guerre, ses fonctions de bactériologiste lui ont permis de rédiger sa thèse de doctorat sur les ventricules latéraux dans la méningite cérébro-spinale. Ce travail comporte une étude détaillée de l'anatomie pathologique, de la symptomatologie, du diagnostic et du traitement des formes ventriculaires de la méningite à méningocoques. Il obtint le prix de thèse en 1916.
A la fin de la guerre, l'examen de nombreux soldats atteints d'insuffisance aortique d'origine rhumatismale le conduisit à démontrer que le souffle diastolique qui caractérise cette affection est situé plus souvent à gauche qu'à droite du sternum. Plus exactement, au début de la maladie, il siège toujours à gauche. Ultérieurement, l'hypertrophie du ventricule gauche déplace l'axe aortique et le siège du souffle vers la droite. Citons, également, ses recherches sur les phréno-péricardites adhésives, sur la forme cardiaque de la fièvre typhoïde, sur l'encéphalite léthargique, le tétanos, la myopathie, les néphrites de guerre, la simulation des maladies. Il rédigea avec J. Parisot un important rapport sur le traitement des gangrènes pulmonaires, présenté en 1925 au Congrès de Médecine de Nancy, et avec Trémolières, un travail sur les maladies du péritoine pour le traité de Médecine de Sergent, Ribadeau-Dumas et Babonneix.
A partir de 1925, l'accession à la Clinique des Maladies des Enfants orienta définitivement l'activité scientifique du Professeur Caussade vers la pédiatrie. En 1929, il rédigea, avec P. Parisot, un rapport sur les sévices envers les enfants qui fut présenté au Congrès Français de Médecine légale. Dans ce travail, il insista sur la fréquence, insoupçonnée auparavant, des agressions subies par le petit enfant, sur la variabilité de leur expression clinique et sur les problèmes sociologiques, psychologiques et médico-légaux qu'ils soulèvent.
Ce travail ne suscita que peu d'écho dans les milieux pédiatriques. Ce n'est qu'après la guerre que le problème, repris par les auteurs anglo-saxons et ainsi rajeuni, avait acquis droit de cité dans notre pays et suscité de nombreux travaux « de contrôle » rédigés par les successeurs du Maître nancéien.
Nombre des travaux de L. Caussade ont été consacrés à des sujets explorés par son prédécesseur. Ainsi, il étudia les formes graves et malignes de l'acrodynie : chez 3 enfants la maladie a évolué d'une façon dramatique vers le collapsus, suivi de coma et terminé par la mort. Les contrôles anatomiques ont mis en évidence l'absence de manifestations inflammatoires ; au niveau de l'encéphale et de la plupart des viscères l'on notait la dilatation et la congestion massive des capillaires et des veinules, gorgés de sang et, par endroits, totalement thromboses.
Ces manifestations cliniques et histologiques reproduisent, assez fidèlement, celles décrites au cours du syndrome malin des infections infantiles. Elles impliquent l'altération du système neuro-végétatif, confirmant ainsi la primauté des atteintes de ce système au cours de l'acrodynie, conception défendue par P. Haushalter.
Dans le même ordre d'idées, on peut citer les travaux sur la syphilis congénitale, la paralysie générale infantile, la méningite tuberculeuse du nourrisson, la tuberculose trans-placentaire. L. Caussade a publié la première observation française de guérison de la méningite pneumococcique par les sulfamides et la première statistique de traitement sulfamide des pneumonies et broncho-pneumonies à pneumocoque. Il consacra plusieurs travaux au dépistage des carences frustres en vitamine A, grâce à l'étude de l'héméralopie débutante, pratiquée à l'aide d'un adaptomètre construit par le Professeur Thomas. L'appareil fut étalonné sur un groupe d'enfants sains qui reçurent de la vitamine A. Sa sensibilité fut vérifiée sur des enfants soumis, durant 90 jours, à un régime pauvre en vitamine A : leur seuil d'adaptation lumineuse fléchit pour remonter rapidement après l'administration de vitamine A la ramena à la normale en 7-21 jours. Ces études ont démontré la maniabilité et la sensibilité du test d'adaptation lumineuse pour le dépistage des carences frustres en vitamine A. Elles prouvent que ces carences ne sont pas exceptionnelles chez les enfants de classes pauvres, soumis à une alimentation insuffisante et déséquilibrée.
En 1947, il rédigea avec P. Florentin et N. Neimann un rapport sur les tumeurs malignes primitives des organes de la cavité générale chez les enfants. A l'époque, le problème du cancer intéressait peu les pédiatres. On admettait que cette maladie était rare chez l'enfant et qu'elle évoluait inéluctablement vers la mort.
Le rapport, qui comptait 169 pages, se proposait de faire le point de nos connaissances grâce à l'analyse de 1600 observations publiées en France et à l'étranger. Il comportait l'étude clinique et histologique de ces observations, classées par organes.
Dans une deuxième partie, synthétique, ont été étudiées l'étiologie, le pronostic et la pathogénie de ces tumeurs. Cette étude a précisé l'originalité clinique, histologique et pronostique du cancer chez l'enfant. Elle a mis en évidence la fréquence des tumeurs embryonnaires, consécutives à la persistance de blastèmes qui gardent des capacités évolutives anormales. Ces cancers dysembryoplasiques sont particulièrement fréquents chez le nourrisson. Une place de choix a été réservée aux cancers des glandes endocrines, sécrétant des hormones. Par la suite, d'autres travaux ont été consacrés à Nancy au cancer infantile : une étude sur 50 enfants cancéreux observés à la Clinique de Pédiatrie de Nancy entre 1947 et 1953, des travaux sur les sympathomes, la maladie de Cushing, l'hémangio-endothéliome, la leucose aiguë, la maladie de Letterer-Siwe, les tumeurs à manifestations endocriniennes : cancer virilisant de la surrénale, tumeur de la granulosa, tumeurs virilisantes du testicule et du diencéphale. D'autres études ont été consacrées à la puberté précoce. Ainsi, fut soulignée la différence entre la puberté précoce vraie, complète, qui pouvait être due à une tumeur diencéphalique ou à une simple anticipation de l'installation pubertaire et les fausses pubertés précoces dues aux tumeurs sécrétantes de la surrénale, du testicule et de l'ovaire.
Le rôle de l'intoxication oxycarbonée gravidique à l'origine des encéphalopathies infantiles fut démontré chez 3 enfants. Le passage transplacentaire du CO se fait aisément et son accumulation dans l'organisme du fœtus peut déterminer des lésions graves de l'encéphale, semblables à celles de l'anoxie.
La nosologie de la myatonie congénitale, discutée d'abord en 1939, a été étudiée, à nouveau, en 1948. On peut conclure à l'origine neurogène de la maladie qui est transmise par un gène autosomique récessif. L'école pédiatrique de Nancy publia en 1948 la première étude d'ensemble française consacrée à la fibrose kystique du pancréas. Les différents aspects cliniques et histologiques de cette maladie ont été étudiés à nouveau de 1949 à 1951.
Plusieurs études ont été consacrées aux affections génétiques de l'appareil locomoteur : hypertélorisme de Greig, Gargoïlisme, maladie de Morquio, maladie d'Ellis-van-Creveld, myosite ossifiante progressive, arthrogrippose.
On peut signaler, également, les travaux sur l'afibrinogènie congénitale, sur la maladie de Peutz et l'épidermolyse bulleuse. Dans le cadre de la pathologie infectieuse, figurent les études consacrées à l'exanthème subit, au mégalérythème épidermique, de même que les travaux sur la fièvre typhoïde du nourrisson et le purpura gangreneux.
Mentionnons encore la première observation française sur les manifestations pulmonaires dues à l'ingestion de pétrole, des études sur les intoxications infantiles et, plus spécialement, celles consacrées à l'intoxication par le chlorate de potasse, la nicotine et la méthémoglobinémie consécutive à l'ingestion d'eau de puit. Louis Caussade rédigea, dans le Traité de Médecine des Enfants de Nobécourt et Baboune, paru en 1934, le chapitre consacré aux intoxications en pédiatrie.
Ces nombreux travaux étaient rédigés dans un style clair, alerte et précis. Notre Maître n'a jamais consenti à accorder la caution de sa signature à un article mal documenté, bâclé ou mal écrit. Tout aussi brillant était son enseignement oral. Au lit du malade, il excellait à analyser les étapes du diagnostic. Dans un tableau clinique complexe, il savait dégager la manifestation principale ou, comme il aimait le dire, le maître-symptôme. Après l'identification et l'analyse minutieuse de ce signe privilégié, il procédait à l'analyse des autres symptômes et des constatations tirées des examens paracliniques qui s'ordonnaient harmonieusement dans le tableau d'ensemble. Puis, la discussion s'étendait aux indications thérapeutiques et aux enseignements d'ordre général qu'on pouvait tirer de cette observation. Tout cela était exposé avec un enthousiasme, une éloquence et une vivacité qui charmaient les plus blasés.
L. Caussade était également un conférencier prisé. Désireux de rendre service aux praticiens, il affectionnait les sujets de pratique quotidienne. L'exposé, bien ordonné, clair et concis, était émaillé de boutades et de comparaisons imagées qui fixent l'attention et stimulent l'imagination.
Au lendemain de la guerre, désireux d'instaurer des liens solides avec la Faculté renaissante de Strasbourg, il fonda avec le Professeur R. Rohmer, la réunion pédiatrique de l'Est. Cette première association de pédiatres provinciaux, née dans un climat d'amitié et d'estime, fut bientôt élargie par l'incorporation de l'école lilloise. Récemment, elle s'étendit aux jeunes facultés de Reims, Besançon et Amiens. Elle organise des réunions périodiques auxquelles assistent régulièrement nos collègues belges et luxembourgeois.
Les qualités de médecin hospitalier de L. Caussade ne le cédaient en rien à celles du professeur. Conscient de l'importance de sa mission et de l'étendue de ses responsabilités, il apportait à l'exercice de ses fonctions hospitalières une minutie et une rigueur extrêmes. En 1931, six années après sa nomination aux fonctions de Chef de Service de pédiatrie, il a pu aménager dans les nouveaux locaux, situés dans le pavillon Krug dont il élabora les plans et surveilla la construction. Ce service, qui passait à l'époque pour une formation modèle, s'avéra peu à peu insuffisant du fait de l'afflux de malades. Conscient des inconvénients graves, sanitaires et psychologiques qu'entraîné l'hospitalisation prolongée des enfants, il s'appliqua à améliorer l'équipement et le fonctionnement de cette formation et à abréger la durée de l'hospitalisation. Tout en répartissent la besogne entre ses collaborateurs, il mettait au service de ses petits malades son grand savoir et un sens clinique aiguisé. Il leur prodiguait aussi les ressources d'un cœur infiniment compatissant. Sa bonté naturelle s'épanouissait au contact des enfants malades et de leurs parents. Il trouvait, pour chacun, des mots d'espoir et de réconfort.
La profondeur de certaines détresses l'affligeait et je revois la crispation de ses traits quand il fallait préparer au pire une mère effondrée.
Dès son accession à la Chaire de Pédiatrie, L. Caussade a compris que l'activité d'un professeur de pédiatrie ne saurait se limiter aux problèmes d'enseignement et de soins aux malades. Pour être fructueuse, pour agir efficacement contre la morbidité et la mortalité infantile, cette action doit dépasser les cadres hospitalo-universitaires et s'étendre au vaste et prometteur domaine de la pédiatrie préventive. Aussi, tout naturellement, est-il venu apporter son concours à Jacques Parisot qui, précurseur en matière de médecine sociale, a fondé son admirable Office d'Hygiène Sociale, destiné à guider et à coordonner les efforts, auparavant dispersés, pour la lutte contre les fléaux sociaux. Dès 1928, L. Caussade a assumé la direction de la section de protection infantile de cet organisme dont il devint, par la suite, vice-président. Non content d'inspirer et de diriger cette section sur le plan administratif et technique, il s'appliqua à intéresser à l'action préventive les médecins praticiens, les administrations, la Sécurité Sociale, les Allocations Familiales.
Au surplus, il assuma la charge de la surveillance périodique des enfants traités dans les établissements créés par l'Office d'Hygiène Sociale : Centre de placement familial de Thorey-Lyautey, Maison de la Mère et de l'Enfant de Flavigny. Il accepta, également, la direction technique et la présidence du Conseil d'administration du Centre de Protection de l'Enfance de Blâmont. En 1955, atteint par la limite d'âge et déchargé de ses fonctions hospitalo-universitaires, il intensifia son action médico-sociale au sein de l'O.H.S. et dans les nombreuses commissions qui, sur le plan régional et national concourrent à la protection infantile. Ainsi donc, notre Maître assuma pleinement sa mission de Chef d'école pédiatrique, dans ses triples aspects : universitaire, hospitalier et social.
Il a voulu exprimer la passion qu'il éprouvait pour la pédiatrie en faisant graver sur le médaillon que ses amis, collègues et élèves lui offrirent en 1957, une inscription latine qui dit : « Une fois qu'on a commencé à soigner les enfants, il n'y a rien d'autre à quoi l'on aimerait consacrer son travail et sa vie. » A toutes ses qualités, il convient d'ajouter celle de chef d'école. Pour ses nombreux élèves, il fut un patron aussi exigeant qu'affectionné. Il manifestait, à chacun, un intérêt paternel, prompt à se dresser à sa défense et à se réjouir de ses succès. Dans toutes les circonstances de la vie, nous étions assurés à trouver, auprès de lui, conseils et soutien efficace. A la fin de sa vie, frappé par un mal inéluctable, il n'a pas voulu s'abandonner à la souffrance et continuait à nous prodiguer ses conseils, et à s'intéresser à nos travaux. Il a affronté l'ultime épreuve avec un courage admirable.
Les travaux scientifiques et l'activité médico-sociale de L. Caussade lui ont valu une réputation flatteuse auprès de ses pairs et l'estime des pouvoirs publics.
Il avait fait partie de nombreux organismes et commissions régionales. Ainsi, il fut nommé dans le cadre de notre département, membre du Conseil d'Administration des établissements de médecine préventive et de récupération sociale, du Comité régional d'action sanitaire et sociale, du Conseil de Famille des Enfants assistés, de la Commission départementale de la Natalité, de la Commission de Protection des Enfants du premier âge, de la Commission régionale d'Action sanitaire et sociale et directeur du Centre d'Education sanitaire.
Sur le plan national, il fut nommé vice-président de la Commission nationale de l'Enfance du Conseil permanent d'Hygiène sociale au ministère de la Santé publique, et membre du Conseil national d'Hygiène scolaire.
Il a fait partie du Conseil de l'Université de Nancy, du Comité consultatif des Universités et du Conseil d'Administration de l'Institut régional d'Education physique.
L'estime qu'inspirait l'œuvre de L. Caussade s'est exprimée par son élection dans de nombreuses sociétés scientifiques : Société de Médecine, Réunion biologique et Société d'Obstétrique et de Gynécologie de Nancy. Il fut, également, président de la Réunion pédiatrique de l'Est et de la Société française de Pédiatrie.
De nombreuses décorations lui furent conférées : il était titulaire de la Croix de Guerre, de la rosette de la Légion d'Honneur et de la Santé Publique, de l'Instruction Publique, de la Médaille d'argent des Epidémies et de la Médaille de vermeil de l'Académie de Médecine.
Dans leurs activités médico-sociales, les professeurs Parisot et Caussade furent secondés par le Docteur Paul Meignant, Ancien Interne des Hôpitaux et Chef de clinique neurologique de Paris, médecin des Hôpitaux psychiatriques, le docteur Meignant est venu à Nancy en 1932.
Elève de Heuyer, il s'est consacré, corps et âme, aux enfants déficients et inadaptés. Il déploya cette activité d'abord en qualité de directeur technique de la section d'hygiène mentale de l'Office d'hygiène mentale de Meurthe-et-Moselle et de médecin de l'hôpital Jean-Baptiste-Thiery. Puis, il élargit son champ d'action en créant, en 1944, avec M. Rousselet, l'A.LS.E.A. : l'association lorraine de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence dont il assuma la présidence jusqu'à son décès, survenu en 1960. Pour cette œuvre, il se dépensa sans compter, surveillant constamment le fonctionnement des organismes qui en émanent, intervenant auprès des administrations, stimulant l'énergie de ses collaborateurs, notant avec joie les créations nouvelles et les progrès accomplis. Il consacra, à l'enfance inadaptée de nombreux exposés oraux et rapports écrits, dont quelques uns ont paru dans le Revue médicale de Nancy.
Notre Faculté a reconnu l'ampleur de son œuvre en lui confiant la charge de cours de neuro-psychiatrie infantile.
Sa notoriété avait dépassé largement le cadre de notre région et ses avis étaient sollicités dans toutes les réunions, régionales, nationales et internationales, consacrées à l'enfance déficiente qu'il avait défendue jusqu'à son dernier souffle.
LA PÉDIATRIE NANCÉIENNE AU COURS DES VINGT DERNIÈRES ANNÉES
Ainsi donc, nos Maîtres ont élevé la pédiatrie à un niveau enviable. Il incombait à leurs successeurs de continuer cette œuvre. La tâche était rendue malaisée du fait de l'accélération des mutations de notre discipline sur les plans hospitalier, universitaire et scientifique.
Au cours des années dernières, l'hospitalisation des enfants a cessé d'augmenter, à Nancy comme dans les autres C.H.U. Cette stabilisation s'explique par l'ouverture de nombreux services n'appartenant pas au C.H.U. et dirigées par des pédiatres compétents, formés à Nancy. En même temps, les connaissances pédiatriques des omnipraticiens se sont améliorées et la mise à leur disposition de traitements efficaces permettent de soigner les enfants dans leurs familles.
Néanmoins, le nombre de nos hospitalisés dépasse 5000 par an et le nombre de lits de pédiatrie a atteint 200.
Les dimensions du Service n'étaient plus compatibles avec une direction unique. Aussi a-t-il été divisé en 1966 et le deuxième Service a été confié au Professeur Pierson. La qualité de nos malades a évolué : la technicité accrue des services a eu pour résultat l'élargissement de notre champ de recrutement et l'afflux d'enfants atteints de maladies graves et rares. A cet égard, la création d'une unité de soins intensifs, confiée au Professeur Pierson, a joué un rôle important.
Parallèlement, les activités de notre consultation ont augmenté. De plus, depuis 3 ans, fonctionne une section d'hospitalisation de jour. Destinée principalement aux enfants atteints de leucémie et de cancer, elle accueille, aussi, depuis peu, les malades atteints de diabète, de néphropathies et d'affections endocriniennes. Cette formule connaît un vif succès et, au cours de la dernière année, près de 12000 journées ont été décomptées.
En même temps, des secteurs nouveaux ont vu le jour : un service de néo-natalogie, confié au Professeur Vert, a été créé au sein de la Maternité régionale. Il a connu une expansion rapide ; tout en rendant des services éminents aux nouveaux-nés menacés dans leur vie et dans l'intégrité de leur cerveau, cette unité constitue un foyer d'actif d'études consacrées à la physiologie et à la pathologie péri-natale.
D'autre part, la cardiologie infantile a connu, grâce à la compétence et à l'activité inlassable du Professeur Pernot, une expansion considérable, drainant les malades bien au-delà de notre région. Depuis peu, un service de psychiatrie infantile a été confié au Professeur Tridon qui continue à nous fournir ses avis compétents en psychiatrie et neurologie.
Malheureusement, faute de locaux appropriés, ces secteurs d'activité pédiatrique sont dispersés : la néo-natologie a émigré à la Maternité régionale, la psychiatrie à l'Institution J.B. Thiery, la cardiologie est écartelée entre l'Hôpital Central et l'Hôpital Jeanne d'Arc de Toul.
L'accroissement rapide du nombre d'étudiants rend l'enseignement et, surtout, l'enseignement clinique de plus en plus difficile. Parallèlement, le nombre de candidats inscrits en vue de l'obtention de l'attestation et du Certificat de pédiatrie a augmenté, lui-aussi, dépassant la centaine et requiérant de notre part des efforts accrus. Il convient d'ajouter les charges qui incombent aux pédiatres pour la formation du personnel para-médical : infirmières, puériculturices, sages-femmes, assistantes sociales, éducateurs.
L'activité scientifique de la pédiatrie nancéienne s'est maintenue à un niveau élevé. Elle est favorisée par la collaboration qui s'est établie entre nos services et les laboratoires de Sciences fondamentale : chimie, micros-copie électronique, bactériologie, virologie, isotopes, statistique, Centre de Transfusion, cyto-génétique, anatomie-pathologiques, immunologie, physiologie. La création récente d'un laboratoire de recherches, annexé à nos Services, nous a procuré, également de précieuses possibilités de travail.
Le nombre de travaux publiés par le personnel de nos services, au cours des 20 dernières années, dépasse 400. Ne seront mentionnés ici que les plus importants.
Le myxoedème, auquel s'intéressèrent jadis Jeandelize et Haushalter, a été étudié dans nombre de nos travaux. Nous avons été les premiers à démontrer que sa cause principale, chez l'enfant, réside dans un défaut de migration et de développement de l'ébauche médiane de la thyroïde. Le volume du tissu ectopique conditionne la date d'apparition et la gravité de l'insuffisance thyroïdienne. Cette conception nouvelle fut exposée dans le rapport présenté, avec M. Pierson et M. Martin au 18e Congrès de l'Association des pédiatres de langue française et reprise dans la thèse de X. Berthier et dans plusieurs articles. Elle est actuellement admise par tous. D'autres travaux ont été consacrés aux hypothyroïdies avec glande en place et au métabolisme de l'hormone thyroïdienne au cours de la néphrose lipoïdique. Notre équipe a été chargée de la rédaction de plusieurs autres rapports présentés aux Congrès de l'Association des pédiatres de langue française et consacrés à l'ictère nucléaire (en 1959) au syndrome de Klinefelter et au diagnostic précoce des uropathies malformatives (en 1965), aux aspects chirurgicaux des détresses néonatales (en 1969).
En 1968, nous avons fait paraître, avec J. Montaut et P. Sapelier, une monographie de 210 pages consacrée aux épanchements sous-duraux chroniques du nourrisson. Dans ce travail, nous avons insisté sur la fréquence de l'origine traumatique de cette affection et sur le rôle des sévices. Par la suite, nous avons consacré, avec M. Manciaux, de nombreux travaux à ces sévices, dont l'importance, mise en évidence en 1929 par P. Parisot et L. Caussade, a été oubliée par la suite. En 1955, une épidémie d'asystolie aiguë du nourrisson nous a permis de consacrer à cette maladie plusieurs travaux rédigés avec C. Pernot et G. Lascombes. Nous avons incriminé, à l'origine de cette maladie, les infections virales, conception vérifiée par la suite. Une série de travaux, rédigés avec M. Pierson et C. Marchai, a été consacrée aux entéropathies exsudatives. Avec V. de Lavergne et M. Manciaux, nous avons étudié le rôle du Bacillus Bifidus et de ses facteurs de croissance. En collaboration avec le Laboratoire de virologie, que dirige V. de Lavergne, furent entrepris les travaux consacrés aux infections, à virus Echo (thèse de Mme A.M. Worms) et à la primo-infection herpétique (avec M. Pierson et Mme D. Olive). Citons encore les travaux consacrés au déficit en Glucose-6-phosphate deshydrogénase (thèse de J. Ducas) et une série de travaux de cytogénétique rédigés avec M. Pierson et Mme S. Gilgenkrantz.
De nombreuses études ont été consacrées, par notre équipe, aux maladies métaboliques : alcaptonurie, phényl-cétonurie, glycogénoses, cystinose, oxalose, citrullinémie. Maladie de Sandhoff. Le dépistage précoce des maladies métaboliques a été étudié dans la thèse de M. Vidailhet. Les renseignements fournis par la culture des fibroblastes ont été exposés dans les travaux rédigés avec Grignon, Vidailhet, et Rousseaux.
Récemment, notre équipe a isolé une maladie familiale nouvelle constituée par l'association de la fragilité osseuse avec l'arriération, des amyotrophies diffuses et des lésions dégénératives du système nerveux.
LES SPÉCIALITÉS PÉDIATRIQUES
Au cours des dernières années, la complexité croissante des connaissances et des procédés d'investigation ont conduit à l'épanouissement de certaines disciplines pédiatriques qui ont accédé au rang de spécialités autonomes.
Ce fut, chez nous, le cas de la néonatologie, de la cardiologie et de la neuro-psychiatrie.
LA NÉONATOLOGIE
La fréquence et la gravité de la pathologie néonatale n'ont jamais échappé aux obstétriciens et aux pédiatres. L'évolution récente des connaissances suscite un intérêt scientifique et thérapeutique tel, que, partout dans le monde, des unités ou des services de néonatologie sont créés.
L'individualisation d'une discipline au point de rencontre de l'obstétrique et de la pédiatrie s'explique par des arguments convergents :
- la mortalité infantile de 0 à 1 an a été ramenée à 19 pour 1000 naissances vivantes, mais la mortalité du premier mois en constitue la plus grande part, soit 11 %;
- une attitude fataliste a longtemps présidé aux soins à cette période de la vie car, à la modestie des moyens de diagnostic ou de traitement, s'ajoutait la crainte de faire survivre- des enfants handicapés. Les choses ont bien changé puisqu'on peut obtenir, pour un nouveau-né, si petit soit-il, tous les examens de routine, comme les dosages chimiques en microméthode et un bon nombre d'examens spécialisés tels que l'E.E.G. ou l'angiographie.
Les thérapeutiques ont été, elles aussi, adaptées au volume des patients ; l'usage des cathéters ombilicaux et des sondes digestives ou trachéales a permis cette évolution. L'expérience des premiers centres étrangers a montré que, si certains survivants pouvaient être exposés à des risques de handicap, leur nombre allait en diminuant avec l'expérience acquise et que les soins intensifs néonataux supprimaient des handicaps chez des enfants qui de toute manière, survivaient. On estime actuellement la population de nouveau-nés à traiter ou à surveiller de façon intensive à 14 % dont 6 à 7 % de prématurés.
A Nancy, la néonatologie s’est développé à partir de 1966, obstétriciens et pédiatres ayant d'un commun accord souhaité la mise en œuvre de ce qui fut d'abord la réanimation néonatale pour devenir ensuite la médecine néonatale. A la création d'une unité de soins intensifs en pédiatrie (service du Professeur M. Pierson), succédait rapidement l'extension des activités du Centre de prématurés créé par le Professeur M. Ribon, et le Professeur P. Vert se voyait confier la création d'un Service de Médecine et Réanimation néonatales à la Maternité Régionale. L'implantation de ce service en milieu obstétrical se justifiait par les risques du transport des nouveau-nés malades et par le développement parallèle des techniques obstétricales de pointe. Pathologie obstétricale et néonatale sont désormais regroupées, les soins périnataux devant être en continuité. Les incitations ministérielles ont confirmé le bien-fondé de cette conception qui est actuellement recommandée partout.
Le Service de médecine néo-natale ne pouvait se développer sans l'aide d'un laboratoire de biologie (Docteur Badonnel) et d'un laboratoire d'E.E.G. (Dr M. André).
Les techniques de réanimation néonatale ont pu progresser grâce à des informations importées principalement de Suède, d'Angleterre ou d'Amérique du Nord. Des relations de travail ont été établies avec des groupes de ces différents pays. Elles se concrétisent, en particulier, par des visites d'enseignants. Le Docteur P. Monin, Interne des Hôpitaux, doit prochainement s'intégrer, pour un an, à une équipe de recherche de l'Université Brown à Providence (U.S.A.).
L'obtention d'informations scientifiques nécessitait dans le but d'échanges, le développement de thèmes de recherche en néonatologie. Pour cela on bénéficie non seulement d'une collaboration obstétrico-pédiatrique mais aussi de l'aide des laboratoires de Physiologie (Pr P. Arnould, Pr Ag. Crance), de Pharmacologie (Pr Ag. R.J. Royer), de Médecine expérimentale (Pr J. Lacoste), d'anatomie pathologique (Pr Ag. Duprez), de Physique (Pr J. Robert), d'anatomie pathologique (Pr Ag. Duprez), de Physique (Pr J. Robert), d'informatique (Pr J. Martin) et du service de radiologie du Pr Ag. Bernadac. L'INSERM et la Fondation pour l'aide à la recherche médicale (Comité Lorraine) participent au financement de ces recherches. Tout au long de la mise en place du service de médecine néonatale et de ses activités de recherche, nous avons bénéficié du soutien de l'Office d'Hygiène Sociale et du Centre de Médecine Préventive, le Professeur R. Senault considérant qu'à cet âge les interventions de médecine préventive sont les plus rentables : examens de santé, B.C.G., surveillance spécialisée des enfants à risque.
On peut résumer actuellement les activités en néonatologie dans les trois missions traditionnelles :
LES SOINS : Le service traite environ 1300 nouveau-nés par an, avec, en particulier, la réanimation lourde (assistance ventilatoire). Les consultations spécialisées médico-psychologiques permettent de suivre le devenir de ces enfants. Les orientations nouvelles concernent surtout le dépistage néonatal des affections congénitales.
L'ENSEIGNEMENT : intégré à la fois à celui de pédiatrie et d'obstétrique, il intéresse les étudiants, les élèves spécialistes, les sages-femmes, les puéricultrices.
LA RECHERCHE : est consacrée essentiellement aux thèmes suivants :
- l'assistance ventilatoire et son retentissement hémodynamique,
- la souffrance cérébrale,
- la pharmacocinétique des drogues,
- l'étude épidémiologique de la morbidité néonatale.
Des locaux neufs, en cours d'aménagement à la Maternité Régionale, doivent permettre de répondre à ces trois missions et de donner à la néonatologie le moyen de minimiser les risques inhérants à toute naissance.
LA CARDIOLOGIE PÉDIATRIQUE
La cardiologie de l'enfant s'est développée à Nancy dès 1955, sous l'influence du Pr Caussade, puis du Pr Neimann. Dès cette époque, le Pr C. Pernot a orienté son activité cardiologique vers cette spécialité, encore à l'état embryonnaire, mais promise à un brillant avenir du fait de l'introduction, chez l'enfant, des méthodes d'investigation intracardiaque : cathétérisme et angiocardiographie. Cette orientation a valu à Nancy de posséder un des premiers Centres de Cardiologie pédiatrique français, et à son représentant d'être membre fondateur, puis membre du Conseil d'Administration de l'Association européenne des Cardiologues Pédiatres, enfin d'être nommé, comme seul membre francophone, au « Committe of Nomenclature » de la Société internationale de Cardiologie, pour les cardiopathies de l'enfant. Nancy a pu organiser plusieurs séminaires et réunions consacrés à cette spécialité nouvelle, en particulier les Journées Internatio-nationales de 1973 qui ont réuni plus de 200 spécialistes d'une dizaine de pays.
La section d'hémodynamique infantile s'est développée d'abord au sein des Services de Pédiatrie (Pr Neimann et Pr Pierson), avant que l'ouverture de l'Hôpital Jeanne d'Arc ne permette la création d'une importante section de Cardiologie pédiatrique au Service de Médecine « F » (Pr Pernot). Le recrutement des enfants relevant de cette spécialité est géographiquement très étendu, ce qui explique l'importance de son activité, avec plus de 700 cathétérismes et angiocardiographies couplés par an.
Les recherches ont porté à Nancy sur la plupart des domaines de la pathologie cardiovasculaire de l'enfant, principalement sur les cardiopathies congénitales, chez le nouveau-né, le nourrisson, l'enfant plus âgé. En collaboration avec l'équipe cardio-pédiatrique, l'équipe de chirurgie cardiaque (Pr Chalnot) a pu prendre une place de premier plan en France dans le domaine de la chirurgie cardiaque du nourrisson, en particulier dans la mise au point de méthodes palliatives (« banding » de l'artère pulmonaire). La précision du diagnostic, nécessitée par les progrès de la chirurgie cardiaque, a justifié la mise au point de méthodes d'investigation intracardiaque chez le nourrisson, puis le nouveau-né (en particulier par la voie ombilicale). Récemment, l'école de Nancy a pris la tête en France en matière de cathétérisme du cœur gauche chez l'enfant et le nourrisson, technique délicate que de nombreux cardio-pédiatres français et étrangers sont venus étudier à Nancy.
En dehors des rapports aux Congrès de Pédiatrie de Langue Française de 1970 et 1972, les auteurs nancéens ont contribué à la rédaction des ouvrages de base dans cette spécialité nouvelle (Traité de Cardiologie de l'enfant, Traité de Radiodiagnostic, tome consacré à la radiologie pédiatrique cardiovasculaire, Conférences de cardiologie, « Cardiologie 73 », etc...) et ont publié plusieurs monographies, en particulier sur l'hypertension artérielle pulmonaire, les cardiopathies génotypiques, ainsi que plus de 300 mémoires originaux et publications, dans les Archives des Maladies du Cœur, Cœur, Cœur et Médecine interne, les Archives françaises de Pédiatrie, Pédiatrie, la Médecine infantile, la Revue du Praticien, la Presse Médicale, etc... enfin dans plusieurs revues anglo-saxons (American Heart Journal, Thorax, Radiology). 45 thèses consacrées à la cardiologie de l'enfant ont été réalisées dans le Service.
LA NEURO-PSYCHIATRIE INFANTILE
La place de la psychiatrie infanto-juvénile était mal définie dans le cadre de nos Centres Hospitaliers Universitaires. Actuellement, tout le monde estime qu'elle répond à un besoin évident si l'on tient compte simplement du fait que 10 % des enfants présentent ou présenteront, à un moment quelconque de leur évolution, des problèmes d'adaptation qui pourront justifier une intervention psychiatrique dans un but diagnostic ou thérapeutique.
La pédopsychiatrie dans le cadre des C.H.U. doit posséder sa spécificité se situant en complémentarité des autres structures et, en particulier, des intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile nouvellement créés.
Le service de Psychiatrie universitaire dirigé par le Professeur P. Tridon, assure, d'ailleurs, en plus de sa vocation propre, la mise en charge d'un tel intersecteur : Nancy-Toul.
Cette spécificité se situe sur le plan de l'enseignement et sur le plan des soins et de la recherche.
A) Enseignement
La psychiatrie infanto-juvénile ne représente pas une spécialité propre mais fait l'objet d'une option dans le cadre du C.E.S. de psychiatrie, comportant donc un enseignement complémentaire de psychiatrie infantile et de pédiatrie.
Il importe de signaler, en outre, la participation à de nombreux enseignements,
- module de pédiatrie,
- module de neuro-psychiatrie,
- module de santé publique,
- diplôme d'orthophonie,
- école de puéricultrices...
b) Soins
Un service hospitalier, actuellement situé dans l'Institution J.B. Thiery, doit permettre l'observation pour diagnostic et prise en charge thérapeutique de courte et moyenne durée. La prise en charge des enfants qui ne peuvent être soignés dans leurs familles est assurée par des formations de cure au long cours, ou des structures ambulatoires, telles que l'hôpital de jour.
La prise en charge de ces malades implique, évidemment, un travail d'équipe associant psychiatrie, psychologues, infirmiers, éducateurs...
L'activité de consultation est importante, et implique, également, une équipe soudée et pluridisciplinaire, susceptible d'établir des bilans ambulatoires complets et, éventuellement, une prise en charge thérapeutique pour les cas légers.
Il importe d'insister sur les liaisons étroites entre le service de psychiatrie et les différents services hospitaliers accueillant des enfants, dont une proportion non négligeable justifie un avis, voire une prise en charge spécialisée.
Pour toutes ces raisons, il apparaît très souhaitable que le service de psychiatrie infanto-juvénile se trouve le plus possible intégré à l'hôpital général, à proximité, en particulier, des services de pédiatrie et de spécialités accueillant des enfants. Son fonctionnement particulier (séjours de longue durée, activités multiples) implique, cependant, un aménagement architectural (salles d'activité, jardin, terrain de jeux) qui justifient une structure autonome.
c) Travaux de recherches
Ils comportent deux monographies, plusieurs rapports présentés devant des Sociétés nationales ou internationales et environ deux cents publications. Les travaux s'orientent sous la direction du Professeur Tridon dans diverses directions : rapports entre encéphalopathies infantiles, états malformatifs, et phacomatoses ; recherches sur l'épilepsie infantile : thérapeutiques médicamenteuses, complication de ces traitements, dosages sanguins, problèmes psychiatriques et psychologiques ; études sur les psychoses infantiles ; travaux sur les troubles du langage de l'enfant : audimutités, syndrome pseudobulbaire, langage et psychoses...
L'AVENIR
L'afflux dans nos services de nombreux collaborateurs jeunes, ardents au travail, animés par l'esprit d'équipe et passionnés pour la recherche, permet d'envisager l'avenir avec confiance.
Actuellement, nul ne peut plus être compétent dans toutes les branches de la pédiatrie ; la nécessité de la spécialisation n'est pas discutable. Mais, cette spécialisation ne saurait être outrancière ; elle devrait être compatible avec une bonne connaissance de la pédiatrie générale. De plus, il faudrait éviter la dispersion géographique des services spécialisés. Nous ressentons continuellement le besoin de nous retrouver, de discuter de nos travaux, de solliciter des avis. De même, est-il indispensable de pouvoir communiquer constamment avec nos collègues, chirurgiens d'enfants.
L'enseignement nécessite, lui aussi, à côté des exposés consacrés à la pédiatrie générale, la participation des spécialistes, particulièrement qualifiés pour apprendre aux futurs praticiens et pédiatres l'essentiel de leurs disciplines.
C'est dire tout le prix que nous attachons au regroupement de toutes les branches de la pédiatrie et de la chirurgie infantile dans le cadre de l'Hôpital d'enfants que nous réclamons depuis quarante ans.