Les fondations hospitalières à Nancy
par J-P.
HISTOIRE
DES SCIENCES ET TECHNIQUES EN LORRAINE
(publiée sous la direction de Georges Grignon)
Encyclopédie
illustrée de la Lorraine
Editions
Serpenoise – Presses Universitaires de Nancy
(nombreuses photos dans ce texte)
L'hôtel-Dieu devant Nancy
Créé au début du XIIe siècle, il se situait primitivement entre le centre
urbain de Nancy et le village de Saint-Dizier comme il est indiqué dans la
charte de confirmation de l'évêque Henri de Lorraine (1162). A la fin du XIVe siècle, l'Hôtel-Dieu fut
transféré près de la porte Saint-Nicolas de la Vieille Ville (rue Saint-Julien, rue des Dominicains, actuellement). Il se
trouvait alors à proximité du prieuré Notre-Dame. Ce furent des prêtres
séculiers qui administrèrent l'hôpital avec la collaboration de religieuses de Sainte-Elisabeth dites « Sœurs Grises ».
L'établissement fut touché par l'incendie de Nancy en 1218. Mais les richesses
accumulées et les donations nombreuses permirent de réparer, voire agrandir,
l'établissement hospitalier.
L'établissement
hospitalier des dames prêcheresses
Une léproserie fut créée à
Nancy au début du XIIIe siècle pour limiter la
propagation de la maladie et secourir les malades. Elle se situait à proximité
de l'Hôpital central actuel. Un accord intervint en 1221 pour répartir les
tâches et établir un accord financier entre les frères chargés de la maison des
lépreux et les moines du prieuré Notre-Dame. Au XIVe
siècle, l'établissement fut confié aux dames prêcheresses,
en fait les dominicaines qui disposaient d'un important monastère en Vieille
Ville.
II fut créé sous le règne
du duc Raoul au début du XIVe siècle par un prêtre
riche et charitable, nommé Vernier, qui possédait une grande maison dans la
Grande Rue dite « Maison Vernier ». Il la céda à la Ville de Nancy en 1336
pour l'affecter aux soins hospitaliers. Il garda, sa vie durant, la direction
du nouvel hôpital et fit appel aux dames précheresses
pour assister les patients. Ce nouvel hôpital fut placé sous le patronage de
saint Julien. Son administration, bien que parfois revendiquée par
l'administration ducale, resta à la ville. Quatre commis administraient
l'hôpital, aidés, à partir du XVIe siècle, de deux
bourgeois, désignés comme surintendants selon l'ordonnance de Charles III
(1565). Pendant deux siècles et demi, l'hôpital resta au même endroit de la
Grande Rue. Toutefois, au milieu du XVIe siècle, les
besoins avaient beaucoup augmenté et Charles III constatait « que bien des
malades étaient contraints misérablement de mourir de faim sur les fumiers,
dans les rues et voies publiques ». A partir de 1588, on construisit un nouvel
hôpital Saint-Julien qui devint opérationnel à partir
de 1590. Il se situait sur le territoire compris actuellement entre la place
Stanislas et la cathédrale ; une rue porte toujours le nom de Saint-Julien.
A proximité se fixèrent
bientôt les sœurs de la congrégation de Saint-Pierre
Fourier, les deux établissements étant séparés par la rue de la Congrégation,
devenue rue de la Constitution et aujourd'hui rue Maurice Barrès. Pour assurer
des ressources régulières au nouvel hôpital, Charles III décida « que le
meilleur et principal habit que chaque habitant de Nancy - bourgeois ou manant
- aurait à l'heure de son décès serait donné à l'hôpital Saint-Julien
par la veuve ou les héritiers ».
Le duc eut aussi recours au
système des indulgences ; c'est ainsi que le pape Clément VIII, à la demande de
Charles III et par bulle du 4 novembre 1604, attribuait une indulgence plénière
aux malades de Saint-Julien qui, à l'article de la
mort, après s'être confessés et avoir communié, invoqueraient le nom de Jésus.
Surtout, les visiteurs qui iraient voir les malades et feraient don à
l'hôpital, pourraient bénéficier d'une indulgence de quarante jours.
L'administration de
l'hôpital fut modifiée ; comme précédemment, deux bourgeois étaient désignés
par la cité comme surintendants, mais en plus, deux gouverneurs fonctionnaires,
également désignés par la cité, administraient l'établissement sous la
surveillance quotidienne d'un économe.
Hommes et femmes étaient
hospitalisés séparément. Les femmes plus ou moins valides s'occupaient des
petits enfants. Les enfants plus grands recevaient une ébauche d'instruction.
La capacité hospitalière était de l'ordre de deux cents malades, étant entendu
que les pauvres étaient admis préférentiellement.
L'hôpital Saint-Julien vécut difficilement les contrecoups des
occupations françaises du XVIIe siècle : d'une part
baisse des revenus, d'autre part sollicitations considérablement majorées du
fait de la misère, la famine et la peste. De retour sur ses terres, Charles IV
réorganisa l'administration hospitalière. Trois directeurs, nommés par le
prince, étaient désormais à sa tête ; en principe un ecclésiastique, un
conseiller à la Cour, un avocat. Avec Léopold, la Lorraine retrouva de
meilleures conditions d'existence et la vie hospitalière en profita. Mais le
grand événement fut l'arrivée à Saint-Julien des
sœurs de Saint-Charles dont la congrégation générale
venait d'être créée à Nancy et qui avaient déjà leur propre hôpital Saint-Charles. Elles étaient deux sœurs en 1702, puis sept
au milieu du siècle et remplissaient, en particulier, les fonctions d'économe
et de préposée à la pharmacie. Sous Stanislas furent créés de nouveaux lits de
donation, mais surtout une structure particulière, dépendant de Saint-Julien et destinée à assurer l'éducation d'orphelins
: douze garçons et douze filles, tirés au sort, étaient pris totalement en
charge, quasi embrigadés sous l'uniforme et bénéficiaient d’une
instruction et de l’apprentissage d’un métier manuel. A la sortie, ils
recevaient une dotation et l'administration hospitalière était chargée de leur
trouver une place professionnelle. Stanislas fit construire à sa charge un
corps de bâtiment spécial dit « bâtiment royal ». Saint-Julien
continuait, par ailleurs, à fonctionner comme un établissement hospitalier de
l'époque, mais progressivement l'habitude se prit d'adresser les sujets actifs
à l'hôpital Saint-Charles et les enfants et sujets
âgés à Saint-Julien. Ainsi, à la veille de la
Révolution, l'hôpital Saint-Julien était devenu une
maison pour les personnes âgées nécessiteuses et par ailleurs un orphelinat.
Durant la Révolution,
l'hôpital continua à fonctionner selon les mêmes principes, les trois
directeurs restèrent à leurs postes jusqu'à la Terreur et furent remplacés par
un officier communal. Les sœurs restèrent également malgré quelques
tracasseries ; elles durent abandonner leurs habits religieux et ne
suspendirent leurs activités que pendant quelques mois au début de 1795. Quant
à l'église de l'établissement, elle fut momentanément transformée en salle de
réunion populaire. La fondation des Orphelins de Stanislas disparut dans la
tourmente, de sorte que, au début du XIXe siècle, Saint-Julien était devenu uniquement un établissement de
retraite pour les personnes âgées, soit hôtes payants, soit dépendantes de la
charité publique. Apres la guerre de 1870, la municipalité de Nancy envisagea
de transférer le second hôpital Saint-Julien, devenu
insalubre, dans un nouveau quartier. Ayant écarté Boudonville,
elle se fixa sur le terrain de l'ancien cimetière Saint-Nicolas, situe au-delà
de la porte de la nouvelle ville et à proximité de l'établissement des enfants
trouvés et surtout du terrain où l'on construisait le nouvel hôpital de soins.
La construction du
troisième hôpital Saint-Julien fut réalisée entre
1896 et 1900. Christian Pfister a fait, de ce nouvel
établissement, une description flatteuse : « Les vieillards possèdent désormais
à l'extrémité sud de notre ville un édifice superbe, avec des jardins, de l'air
et du soleil, et l'art a embelli de ses décorations les lignes sobres de
l'architecture. Bussière a sculpté à côté de
l'horloge un bas-relief représentant un génie qui recueille et réconforte un
vieil infirme. Au-dessus du portail de l'élégante chapelle de style
Renaissance, une grande fresque, de Maclot et Martignon, représente l'Apothéose de Saint-Julien
; une rosace, due à Gruber, envoie à l'intérieur de l'édifice les rayons de
lumière tamisés. »
Les hospitalises ont pris
possession de ces nouveaux locaux le 17 septembre 1900, et cette date doit être
retenue et rapprochée de celle du 3 janvier 1590, où fut occupé pour la
première fois le second Saint-Julien. Quelques jours
plus tard, on y amena les femmes que les sœurs de Saint-Charles
avaient recueillies, aux frais de la ville, à leur maison de Saint-Mathieu, rue
de Strasbourg. Le nombre des hospitalisés était exactement à cette date de 394,
dont 251 jouissaient d'anciennes fondations privées ; les autres étaient à la
charge de la ville ou du département ou encore du ministère de l'Intérieur
(trois lits fondés par Mme Carnot). Il y avait, en outre, quatre vingt-dix pensionnaires, vingt et une sœurs et dix-huit
préposés. En tout 523 personnes habitaient le nouvel hôpital et les demandes de
réception étaient nombreuses.
Souhaitons que ce troisième
Saint-Julien, pendant un long laps de temps, console
les vieillards, embellisse leurs derniers jours, remplisse son office de paix,
de dévouement et de charité.
A l'origine Notre-Dame du Refuge, primitivement établie dans la rue
Saint-Nicolas en 1624, puis transférée en 1696 dans le quadrilatère formé,
aujourd'hui, par les rues des Quatre-Eglises, Abbé Didelot,
Charles III et des Ponts, cette institution fut créée par Elisabeth Ranfaing, devenue Mère Marie-Elisabeth
de la Croix de Jésus, pour servir de refuge aux femmes et filles libertines et
les ramener à la vertu. A partir de cette maison mère, des maisons satellites
furent créées sur le même modèle sur tout le territoire français et leur
activité se développa jusqu'à la Révolution qui ferma ces établissements. La
maison de la rue des Quatre-Eglises fut acquise par
le Département en 1801, transformée en maison de secours recevant les indigents
atteints principalement de maladies vénériennes, gale, chancre, rage, cancer,
cataracte,... L'administration et le service des soins furent confiés, en ce
début du XIXe siècle, à la congrégation de Saint-Charles dont la maison mère et le noviciat étaient
voisins. La maison de secours garda longtemps sa vocation dermatologique et
gynécologique. Le Service universitaire de dermatologie s'y implanta après le
transfert de la Faculté de médecine de Strasbourg. Ce n'est qu'après la
Première Guerre mondiale qu'un service fut construit sur le terrain de la
congrégation du Sacré-Cœur, quai de la Bataille par
le doyen Spillmann. Il s'agit de l'hôpital Fournier,
voisin de l'hôpital-sanatorium Villemin. Ce dernier
s'est progressivement transforme en hôpital pneumologique à la suite de la
régression de la tuberculose pulmonaire des années 1950. La vocation
gynécologique de la Maison de secours se transforma en activité obstétricale et
la maternité départementale y fonctionna jusqu'à l'ouverture de la grande
maternité Adolphe Pinard.
Institution
Jean-Baptiste Thiéry
M. Claude-Emile
Thiéry légua au département de Meurthe-et-Moselle, à
son décès en juin 1895, une propriété située à Maxéville, aux portes de Nancy,
s'étendant sur plus de deux hectares et une somme de 125000 francs devant
servir à la construction d'un établissement chargé d'accueillir les enfants
malades hospitalisés à la Maison de Secours de Nancy.
L'appellation de
l'établissement devait être Asile Jean-Baptiste Thiéry
selon le nom du père du donateur.
Commencés aussitôt, les
travaux furent termines en 1900 et le 16 mai 1900, cinquante enfants atteints «
d'affections chroniques, scrofuleux et teigneux » hospitalisés à la Maison de
Secours, sont transférés dans le nouvel hôpital dirigé par six religieuses de
la Congrégation de Saint-Charles. Cette création est
donc, à ses débuts, une annexe pédiatrique de la Maison de Secours.
La première construction
fut complétée, en 1908, par deux bâtiments parallèles ; en 1914, par un
pavillon de façade ; en 1937, par une clinique moderne reliée aux services
précédents par une galerie ; enfin, en 1958, par un groupe scolaire de douze
classes sur deux niveaux.
L'institution Jean-Baptiste
Thiery poursuit en les adaptant ses missions initiales
:
- hospitalisation et
traitement des enfants et adolescents (jusqu'à vingt ans) atteints d'affections
médicales chroniques,
- hospitalisation, ou pour
certains, hospitalisation de jour à fin de traitement et d'éducation d'enfants
ou adolescents plus ou moins gravement handicapés.
Par ses objectifs, son
organisation, son dynamisme, l'institution Jean-Baptiste Thiéry
est un centre médical et médico-éducatif performant.
Stanislas avait projeté de
créer à Nancy un établissement - pilote pour l'époque - destiné à recevoir et à
élever les enfants abandonnés à leur naissance. Il n'a pas eu le temps de
réaliser son vœu, mais Louis XVI, dès son avènement et sur les conseils de sa
tante, la princesse Adélaïde, désira reprendre le projet de son arrière
grand-père Stanislas et fonda l'hospice dès la première année de son règne
(lettre patente du 28 juillet 1774).
Cet hôpital se situait à
l'origine dans une maison particulière de la rue Saint-Dizier, il était
administré par un bureau autonome d'une quinzaine de membres tandis que les
sœurs de Saint-Charles assuraient le fonctionnement
quotidien. Après les vicissitudes de la Révolution et quelques déménagements,
l'établissement devint l'hospice des Enfants de la Patrie et fut confié à la Commission
administrative des hôpitaux de Nancy. Celle-ci, disposant par compensation des
locaux de l'ancien séminaire des jésuites (rue Saint-Dizier, près de la porte
Saint-Nicolas), y installa l'hospice des Orphelins (1805) rassemblant, dès
lors, enfants trouvés, enfants abandonnés et orphelins du département de la
Meurthe. Ce n'est que sous la Restauration que l'appellation d'hospice Saint-Stanislas fut définitivement retenue en souvenir
probable du roi Stanislas dont le prénom était porté par son arrière
petit-fils, devenu le roi Louis XVIII.
L'établissement fonctionna régulièrement avec la collaboration des sœurs de Saint-Charles tout au long du XIXe
siècle et pendant la plus grande partie du XXe
siècle. Ce n'est que tout récemment que l'établissement a reçu une autre
mission : l'accueil des personnes âgées.
De
l'hôpital Saint-Charles à l'hôpital Central
Les origines
Il n'est pas possible de
dissocier la fondation de l'hôpital Saint-Charles et
la fondation de la congrégation du même nom. La création officielle par Charles
IV de l'établissement, sis rue Saint-Jean, date de 1663, au moment où les sœurs
organisèrent leur communauté et prenaient le nom de sœurs de Saint-Charles. A la fin du XVIIIe
siècle, la capacité hospitalière était de 110 lits, le nombre des hospitalisés
pour une année était de l'ordre de 1800, surtout des sujets actifs porteurs de
maladies aiguës.
Pendant les guerres de la
Révolution et de l'Empire, toutes les ressources de l'hôpital étaient absorbées
par les soins donnés aux malades militaires, au détriment des malades civils
dont le nombre de lits était réduit a quatre-vingts. En 1826, la capacité de
l'établissement fut portée à cent vingt lits et par la suite, en 1843 et 1846,
une cinquantaine de lits supplémentaires furent ouverts pour les besoins de
l'enseignement médical.
A la fin du XIXe siècle, malgré les fondations charitables qui se
succédèrent et les généreuses dotations de Charles-Edouard
Collinet de la Salle (1862) et de Roger de Videlange (1868), les premiers signes de l'encombrement se
manifestèrent et le surpeuplement de l'hôpital devint préoccupant. L'hôpital Saint-Charles était incapable d'accueillir les malades dans
des conditions tolérables : trop exigu pour le nombre croissant de lits qu'il
renfermait, il était, de plus, vétuste et insalubre. Il faut quand même
remarquer que cet hôpital possédait déjà des salles spéciales pour les
contagieux, si l'on en croit L. Boppe (1906) : « A Saint-Charles, on occupe d'une manière permanente la salle
dite de rechange ; les salles réservées aux maladies contagieuses sont
affectées aux malades fiévreux ; enfin, on serre les lits dans les salles. »
En 1867, le vice-président
Leclerc présenta à la Commission administrative des Hospices civils de Nancy un
rapport magistral faisant abandonner toute idée d'améliorer Saint-Charles
sur place et concluant à la nécessité de reconstruire un hôpital neuf. La
Commission administrative et le Conseil d'hygiène se rallièrent à cette
conclusion, mais la guerre de 1870-1871 éclata et tous les projets furent
ajournés.
La situation
hospitalière au lendemain de la défaite de 1871
La guerre de 1870-1871
suivie par le traité de Francfort eut des effets importants sur le
développement de Nancy et sur ses structures hospitalières. La population
nancéienne augmenta brutalement du fait de la venue de nombreux expatriés
d'Alsace et de Moselle. De 50000 habitants en 1870, la population passa à 60000
deux ans plus tard et à plus de 70000 en 1882. De nombreuses industries
s'implantèrent dans la banlieue de Nancy du fait du transfert d'industries
alsaciennes, ce qui naturellement attira une population ouvrière venant du
milieu rural. Mais, parallèlement, le nombre des indigents augmenta avec les
conséquences sanitaires habituelles. Toutefois, l'événement le plus marquant et
qui eut les plus grandes conséquences sur les structures hospitalières fut le
transfert de la Faculté de médecine de Strasbourg.
L'Assemblée
nationale avait en effet voté ce transfert des mars 1872 et le décret
présidentiel fut signé le 1er octobre de la même année. Nancy prenait donc le
relais de Strasbourg et devenait la troisième ville de Faculté de France après
Paris et Montpellier. Si ce transfert était pleinement justifié pour des
raisons politiques et intellectuelles (maintenir un foyer universitaire à
proximité des provinces annexées), la décision fut très contestée en raison de
l'absence presque complète de locaux pour les enseignements et surtout du fait
de la situation hospitalière de Nancy. L'hôpital Saint-Charles
était tout à fait insuffisant en capacité de lits et équipement médical.
Seules deux cliniques
médicales purent être installées provisoirement dans l'ancien hôpital Saint-Charles. Les cliniques chirurgicales de Strasbourg
furent accueillies au dépôt de mendicité qui se situait en face de l'actuelle
église Saint-Léon et qui prit passagèrement le nom d'hôpital Saint-Léon,
permettant l'implantation de soixante-dix lits de chirurgie.
Les projets hospitaliers
Compte tenu de cette
situation très précaire, une commission fut rapidement créée pour étudier des
solutions à apporter. Ses travaux aboutirent au rapport Leclerc, du nom du
rédacteur du texte dépose en juin 1873.
Deux solutions étaient
envisagées : soit utiliser l'hospice Saint-Stanislas,
à l'extrémité de la rue Saint-Dizier et à proximité de la porte Saint-Nicolas,
qui justement venait d'être ravagé par un incendie en avril 1872 et dont
l'aménagement pouvait faire espérer la mise en place de quelque trois cents
lits ; soit construire un nouvel établissement. Ceci paraissait possible sur un
terrain situé au-delà de la porte Saint-Nicolas, appelé « la Prairie », d'où le
nom donné à la rue qui délimita ultérieurement le vaste territoire hospitalier.
Après bien des hésitations
et l'évaluation du rachat des droits de propriété de la congrégation sur
l'ancien hôpital Saint-Charles, la municipalité de
Nancy décida de retenir la seconde solution et de créer un nouvel hôpital sur
les terrains de la Prairie (décision du 9 avril 1877). La convention signée
précisait : « La ville bâtira le nouvel hôpital à ses frais, conformément aux
plans adoptés sur le terrain dit de la Prairie. Les hospices abandonneront à la
ville leurs droits de copropriété sur l'immeuble Saint-Charles
sous réserve que la municipalité se charge d'indemniser la congrégation dans
les conditions prévues par la transaction de 1874 ».
L'avant-projet établi par
Tourdes prévoyait un établissement hospitalier entièrement neuf ayant une
capacité de cinq cents lits théoriques. Toutefois, il était prévu que les
constructions se feraient en deux temps et que la première partie serait
limitée à la mise à disposition de trois cent dix lits. En même temps, il était
décidé que le Service des Maladies cutanées et vénériennes d'une part et les
Services de Maternité d'autre part resteraient implantés à la Maison de
secours, rue des Quatre-Eglises qui, elle-même,
dépendait du Département de Meurthe-et-Moselle. Cette situation s'est
pérennisée jusqu'à la fin du premier quart du XXe
siècle.
Sur le plan architectural,
on envisagea trois solutions : soit un seul grand bâtiment, soit au contraire
des pavillons distincts, soit enfin un système mixte : construction de deux
bâtiments parallèles diriges nord-sud et comportant rez-de-chaussée, premier
étage, sous-sol et combles. Cette dernière solution fut retenue.
Certaines normes d'hygiène
étaient précisées : « Les dimensions des salles seront calculées de manière à
assurer à chaque malade cinquante mètres cubes d'air dans les services
ordinaires et soixante mètres cubes pour les malades contagieux... Le cube
produit par l'élévation de la salle ne suffit pas, il faut aux malades la
superficie et l'espace latéral, sans exagération afin d'éviter la tentation de
multiplier le nombre de lits. La hauteur des salles est une des conditions
essentielles à retenir... Il est recommandé 5 mètres pour le rez-de-chaussée et
4,50 mètres pour l'étage supérieur ».
Des locaux d'enseignement
étaient prévus, dépendant de chaque service. En particulier, on prévoyait une
salle d'opération pouvant servir en même temps de salle de conférences et
contenir cent places pour les cliniques chirurgicales, deux salles de
conférences disposées en amphithéâtre pouvant accueillir chacune soixante
élèves pour les cliniques médicales, une salle d'opération servant en même
temps d'amphithéâtre pour trente élevés pour la Clinique des maladies des yeux
et enfin une salle d'opération et de conférences de trente élevés pour les
besoins de la Clinique des maladies des enfants. Un quartier spécial était
prévu pour le logement de vingt à trente religieuses à proximité de la
chapelle.
Les constructions
Ce fut Prosper Morey, élevé de Viollet-le-Duc, qui fut chargé d'élaborer
le projet architectural. Il retint une vaste cour d'honneur avec les bâtiments
administratifs, les bâtiments pour les sœurs de Saint-Charles.
Face à l'entrée, la chapelle avec un passage de part et d'autre permettant
d'accéder aux bâtiments d'hospitalisation. Les deux bâtiments principaux furent
désignés par les noms de leurs donateurs, l'un Collinet-de-la-Salle
et l'autre Roger-de-Videlange. Les bâtiments
d'hospitalisation et d'enseignement ont une longueur de cent trente mètres. Ils
se composent de salles de malades interrompues au centre par un massif qui
contient tous les locaux destinés à l'enseignement. Chacune des moitiés latérales
est à son tour partagée en deux par un massif contenant des escaliers, des
cabinets de bains, des water-closets, des chambres d'isolement et des
décharges. Chaque bâtiment présente donc dans sa longueur, quatre salles de
malades et trois massifs intermédiaires. Au niveau des salles, la largeur est
de neuf mètres ; elle est de seize au niveau des massifs, chacun de ces
derniers faisant une saillie de sept mètres sur les façades extérieures par
rapport à l'axe général de l'établissement. Les façades intérieures par rapport
a cet axe sont continues et uniformément éloignées l'une de l'autre de quarante
mètres. L'espace est rempli par un jardin. Les salles de malades placées au
rez-de-chaussée ou au premier étage sont toutes semblables : quatre par étage,
huit par bâtiment, seize en tout.
La première tranche de
construction fut réalisée entre l'automne 1879 et l'été 1883. A cette date, la
capacité disponible était de trois cents lits. Dix ans plus tard, le rapport
administratif dit que le nombre de lits disponibles est passé à quatre cents,
en relation probable avec la construction du pavillon d'Ophtalmologie. On
assiste également au développement de consultations gratuites spécialisées :
Electrothérapie (1897) ; Orthopédie (1897) ; ORL (1897) ; Urologie (1901). En
1907, furent crées vingt lits d'ORL et douze lits d'Urologie. En 1909,
l'établissement situé en face de l'Hôpital civil, dit Maison Marin, servait de
complément et accueillait les patients convalescents. En 1908, la capacité
d'hébergement était de cinq cent trente-deux lits avec une occupation moyenne
de quatre cent soixante-seize malades, mais cinq ans plus tard, en 1913,
l'occupation moyenne était de cinq cent soixante-sept, ce qui veut dire qu'il
existait un encombrement permanent et que les salles, prévues pour quinze
malades, en accueillaient jusqu'à trente.
Le fonctionnement du
nouvel hôpital
Le fonctionnement du
service médical était réglé par un certain nombre de dispositions consignées
par un règlement intérieur des Hospices civils de Nancy (1889) :
• Le corps médical est tenu
de se conformer aux règlements et décisions de l'administration en ce qui
concerne les services intérieurs de l'hôpital. Les médecins sont responsables
de leurs services tant en ce qui concerne les traitements de leurs malades
qu'en ce qui touche le régime alimentaire, l'hygiène, le service des
infirmiers.
• Les médecins doivent
procéder à la visite de leurs malades tous les jours de 7 heures à 10 heures du
matin. La contre-visite n'est obligatoire que pour l'interne du service qui, en
cas d'urgence, fait venir le chef du service intéressé.
• Au cours de la visite de
leurs malades, médecins et chirurgiens sont accompagnés des sœurs responsables
des salles, des étudiants et des élèves internes ou externes. Les prescriptions
médicales et les régimes alimentaires de chaque malade doivent être inscrits
sur des cahiers prévus à cet effet, qui doivent être signés et contrôlés chaque
jour par les médecins et chirurgiens responsables, puis disposés à la pharmacie
et à l'économat.
• Le règlement intérieur
fait obligation aux chefs de services de tenir un registre des statistiques. A
la fin de chaque mois, il doit remettre à la Commission administrative le
rapport rendant compte de l'état précis des malades ou blessés séjournant depuis
plus de trois mois à l'hôpital.
• Chaque année, ils doivent
adresser à la Commission un rapport sur les cas graves ou extraordinaires, sur
les maladies endémiques ou épidémiques, constatés pendant leur service.
Il faut insister sur le
fait que l'arrivée de la Faculté de médecine de Strasbourg à Nancy eut pour
effet de donner un caractère universitaire au système hospitalier. En fait, les
services médicaux de l'Hôpital civil étaient tous affectés aux cliniques de la
Faculté de médecine. Par conséquent, les médecins chefs de services étaient des
professeurs de la Faculté nommés par la Faculté. Ainsi, se développa un certain
pouvoir médical dépendant de la Faculté qui devait tenir compte des structures
administratives hospitalières. D'ailleurs, des 1896, l'Institut anatomique de
la Faculté de médecine s'implanta à proximité de l'Hôpital civil, rue Lionnois. Et, en 1902, l'ensemble des services de la
Faculté de médecine étaient installés de part et
d'autre de la rue Lionnois, en bordure de l'hôpital.
Ainsi, se trouvait réalisé, au moins au plan architectural, un ensemble qui
préfigurait, des le début du siècle, le centre hospitalo-universitaire réalisé
cinquante ans plus tard.
Les différents services
médicaux
Lors de l'ouverture,
l'Hôpital civil comptait cinq services de cliniques installés dans les deux
grands pavillons d'hospitalisation prévus : Clinique Chirurgicale « A » dirigée
par le docteur Théodore Weiss au rez-de-chaussée du pavillon Collinet-de-la-Salle ; Clinique Médicale « A » du
professeur Hippolyte Bernheim au premier étage du même pavillon ; Clinique
Chirurgicale « B » dirigée par le professeur Frédéric Gross qui occupait le
rez-de-chaussée du pavillon Roger-de-Videlange ;
Clinique Médicale « B » du docteur Victor Parisot au
premier étage du même pavillon. On remarquera que cette distribution resta
inchangée jusqu'à l'ouverture de l'hôpital de Brabois
en 1973. Une cinquième clinique (Ophtalmologie) eut du mal à trouver sa place
et fut, dans un premier temps, installée dans les locaux mansardés du pavillon Collinet-de-la-Salle en attendant qu'une construction
prévue dans la cour d'honneur permette une installation plus décente.
Le personnel médical
Les services se voyaient
attribuer un poste de médecin chef de clinique. Il s'agissait d'universitaires
dont la nomination était proposée par la Faculté de médecine et validée par la
Commission administrative. Ses activités, étant considérées comme étant de type
honorifique, n'étaient pratiquement pas rémunérées.
La fonction d'interne
rétribué n'avait été créée à l'hôpital Saint-Charles
qu'en 1861. Après l'implantation de la Faculté de médecine, le doyen de la
Faculté soumettait à la Commission des hospices la liste des candidats qui
avaient été reçus au concours annuel de l'Internat organise par la Faculté.
C'est sur cette proposition que la Commission administrative nommait aux postes
vacants. Plus tard, le concours de recrutement fut organisé exclusivement par
l'hôpital. En 1883, le nombre d'internes était limité à quatre. Il était de
treize en 1913.
La nomination de femmes
comme internes, susceptibles d'assurer des gardes de jour comme de nuit, posa
de réels problèmes à l'administration. La première nommée en avril 1899 fut
amenée à démissionner quelques mois plus tard. La deuxième proposition fut
faite en 1913 ; la Commission administrative réserva son acceptation, demanda
l'avis du ministère de l'Intérieur et du directeur de l'Administration générale
de l'Assistance Publique de la Seine. Celui-ci porta un avis favorable à la
nomination, rédigé de la façon suivante : « Les femmes internes participent aux
divers services médicaux dans les mêmes conditions que les internes hommes et
les usages pas plus que les règlements n'ont établi de différence entre ceux-ci
et ceux-là. Elles participent donc au service de garde de jour et de nuit et
depuis 1882, date à laquelle les femmes ont été autorisées à prendre part au
concours de l'Internat en médecine, les internes femmes ont assuré à Paris ce
service sans qu'il soit résulté aucun inconvénient ou accident ». En conséquence,
Mlle Marthe Laurent fut nommée. Elle devait, par la suite, faire une brillante
carrière de consultant en pédiatrie en dehors de l'hôpital.
Il était prévu également
des externes dépendant de la Faculté, placés sous la responsabilité des chefs
de Services ; ils exécutaient les prescriptions relatives aux malades,
assistaient régulièrement aux visites, remplissaient les cahiers de visite,
faisaient la relation avec la pharmacie et l'économat. Il était rappelé aux
étudiants en médecine qu'ils devaient se conformer aux dispositions d'ordre
intérieur déterminées par l'administration des Hospices sous peine d'être
exclus temporairement ou définitivement de l'hôpital. Ils ne devaient avoir
accès aux salles de malades qu'accompagnés des chefs de Services.
Un professeur agrégé de la
Faculté de médecine, affecté à la réception des produits pharmaceutiques, fut
nommé Pharmacien responsable de la pharmacie centrale des Hospices et de la
distribution. En plus, deux postes d'Internes en pharmacie titulaires furent
crées en 1913.
Les sœurs hospitalières
Un traité signé en 1841,
approuvé par le ministre de l'Intérieur, avait été conclu entre les Hospices de
Nancy et la communauté de Saint-Charles. Il était
précisé que les sœurs étaient placées, du point de vue temporel, sous
l'autorité de la Commission administrative. En échange, elles étaient logées et
nourries, et recevaient une indemnité annuelle. Le nombre des sœurs, déterminé
conformément aux besoins, ne cessa d'augmenter ; il était de 44 en 1889 et de
64 à la guerre de 1914. On trouvait ainsi une sœur supérieure chargée de la
surveillance générale, aidée d'une sœur chargée des écritures (parmi ces sœurs
supérieures on retiendra tout particulièrement la personnalité de Sœur Louise
Barrot qui assura ces fonctions de 1907 à 1942) ; une sœur pharmacienne
assistée de deux sœurs aides-pharmaciennes ; une sœur
cuisinière et une aide-cuisinière ; une sœur économe
; trois sœurs à la lingerie...
La pension Bon-Secours
Dès l'établissement du
rapport Tourdes en 1877, il fut prévu de construire une vingtaine de chambres
individuelles pour malades payant un prix de journée spécifique déterminé pour
les hospitalisés et leurs accompagnants éventuels, y compris dans certains cas
domestiques particuliers. Ces patients étaient soignés par le médecin de leur
choix, hospitalier ou non. Les produits pharmaceutiques étaient réglés en plus
du prix de journée. Pour attirer vers l'hôpital la clientèle aisée,
l'administration n'hésita pas à faire des aménagements et des agrandissements, en
particulier en 1904 elle implanta un ascenseur hydraulique et même installa le
téléphone. Le nombre de lits passa de vingt-deux en 1903 à soixante-deux la
veille de la Première Guerre mondiale, répartie en quatre classes
d'hospitalisation (neuf hors classe, dix-huit en première classe, neuf en
deuxième et dix-neuf en troisième). Situé dans la cour d'honneur de l'hôpital
Central, elle fut notablement agrandie après 1919 (création du nouveau Bon-Secours) et fonctionna selon le même principe jusqu'à
l'ouverture de l'hôpital de Brabois.
La
Première Guerre mondiale
Le développement de
l'activité hospitalière au début de ce siècle se traduisit par de nombreux
travaux qui étaient à peu près terminés au moment de la guerre. Ainsi,
l'hôpital Maringer - anciennement Maison du Sacré-Cœur - assurant l'enseignement des jeunes filles
bourgeoises de la région, mais confisqué au titre des lois laïques de 1904,
venait d'être réaménagé pour recevoir le Service de Dermatologie-Vénérologie
situé précédemment à la Maison de secours. L'hôpital Villemin, destiné à
recevoir les tuberculeux et construit dans la propriété des Dames du Sacré-Cœur, devait être inauguré en novembre 1914. D'autres
projets furent stoppés et ne purent être repris qu'à la fin des hostilités.
La mobilisation priva les
hôpitaux d'une grande partie du personnel médical. Il fut nécessaire d'avoir
recours aux médecins de ville non mobilisés, aux étudiants en médecine, aux
médecins étrangers non mobilisables et aux femmes médecins disponibles dont
plusieurs vinrent de Paris en renfort.
Très vite, les combats
firent rage sur le front proche de Nancy, la Seille, le Grand Couronné, Fenetrange. L'hôpital Central dut
accueillir jusqu'à cinq cents blessés par jour. Ceux-ci étaient installés sous
les galeries ou sur les pelouses pour assurer le tri et faciliter l'évacuation
des blesses légers. A partir du 10 septembre 1914, le front se stabilisa et les
blessés furent moins nombreux, mais l'hiver particulièrement rude et les
conditions d'hygiène des campements militaires favorisèrent les affections de
tous types : grippes, bronchites, dysenterie, fièvre typhoïde. Devant cette
situation, les autorités militaires désignèrent l'Hôpital civil comme centre
principal d'action du Service de Santé militaire de la région. Ainsi, le Centre
hospitalier de Nancy participa en permanence à la défense sanitaire des troupes
mobilisées. Durant cette période de guerre, il reçut 25000 militaires malades
ou blessés et 24000 malades ou blessés civils, ce qui représentait
une charge considérable et une activité médicale intense.
L'entre-deux
guerres
Les besoins hospitaliers à
la fin de la guerre étaient considérables. Bien que des personnalités médicales
et universitaires furent pour la première fois associées à l'administration
hospitalière, le professeur Froelich et le doyen Seyot (Pharmacie), deux personnalités marquèrent cette
période : Alfred Krug d'une part, sœur Louise Barrot,
supérieure des sœurs Saint-Charles d'autre part.
C'est à cette époque que fut construit, dans l'enceinte de l'Hôpital civil en
parallèle avec le pavillon Videlange, un nouveau
pavillon destiné à abriter les services d'ORL, d'Urologie, de Radiologie et
surtout de Médecine Infantile, qui devait s'appeler Pavillon Krug.
Par ailleurs, la pension Bon-Secours fut agrandie par la construction du nouveau Bon-Secours en englobant les salles de garde des internes
et les locaux (réduits) pour la consultation. Cette expansion hospitalière et
la fréquentation progressivement croissante de toutes les couches sociales, y
compris les plus favorisées, pour la pension Bon-Secours
inquiétèrent quelque peu le corps médical non hospitalier qui craignait que se
développe une concurrence pratiquée par les pouvoirs publics. Le syndicat des
médecins de Meurthe-et-Moselle demanda, par l'intermédiaire de son bulletin et
par lettre à la Commission administrative, que les soins externes gratuits
soient réservés uniquement aux indigents et que les patients plus favorisés ne
soient pas admis en salle commune et envoyés dans les cliniques privées. Une première
demande formulée en 1919 fut reprise en 1934 par le président du syndicat qui
exigeait qu'un véritable contrôle soit exercé sur la situation financière des
patients. Chaque fois, la Commission administrative se refusa à effectuer de
tels contrôles et à développer une sorte de ségrégation dans l'accession à
l'hôpital public. Dans ce contexte, l'administration hospitalière eut à
envisager les applications de la loi instituant les assurances sociales avec
les conséquences sur le recouvrement des honoraires médicaux. Il apparut alors
qu'il n'existait pas de véritable contrat entre la Faculté de médecine et les
hôpitaux. Sous l'impulsion du vice-président Krug, un
véritable traité fut signé entre les deux parties le 15 juillet 1930 avec
approbation du recteur de l'Académie et du préfet. Par ailleurs, il était
institué au sein de l'hôpital un concours spécifique de recrutement de médecins
et chirurgiens des Hôpitaux susceptibles de devenir chefs de service. Un membre
de la Commission administrative devait faire partie du jury constitué de chefs
de service, à l'époque tous professeurs à la Faculté.
Ce fut l'origine de
quelques conflits. Ainsi, au premier concours de chirurgiens des Hôpitaux, le
candidat soutenu par l'Administration ne fut pas retenu par le jury et
cependant nommé ! Mais, là encore un modus vivendi intervint et pendant trente
ans, les concours de médecin et chirurgien sélectionnèrent des cliniciens de
qualité, indépendamment des fonctions universitaires. Ces cadres médicaux
étaient donc soit bi-appartenants (université-hôpital), soit mono-appartenants
(uniquement hospitaliers) partageant leur activité entre l'hôpital où ils
exerçaient le matin et leur cabinet privé ou ils consultaient l'après-midi.
Certains furent de véritables chefs d'école comme le docteur Louis Mathieu.
La
Deuxième Guerre mondiale et ses suites
Les répercussions sur la
vie hospitalière furent assez différentes de celles de 1914. Nancy resta
longtemps à l'écart des opérations militaires et ne subit pratiquement pas de
destruction. Une grande partie des hommes valides étaient mobilisés et la
population générale avait sensiblement diminué. Du fait de la mobilisation
d'une partie du personnel et de la diminution de la fréquentation hospitalière,
l'administration ferma une partie du pavillon Krug et
l'hôpital Marin.
• L'occupation allemande
fut marquée par la réquisition d'établissements hospitaliers comportant
l'hôpital Villemin (dont les patients tuberculeux furent transférés à l'hôpital
Maringer, voisin) ; l'hôpital Saint-Julien
dont le pavillon Louise-Elisabeth fut transformé en
kommandantur. On sait, par ailleurs, que l'attitude courageuse de sœur Louise
empêcha la réquisition de l'hôpital Central. Ainsi, la vie hospitalière put se poursuivre dans un cadre limité, en parallèle avec
la vie universitaire. Il revint à l'administration sous l'égide du notaire
Philippe Houot, vice-président de la Commission
administrative, d'appliquer à Nancy la réforme hospitalière (21 décembre 1941)
du gouvernement de Vichy tendant à unifier le fonctionnement des hôpitaux
publics. Sous l'autorité du Secrétariat d'Etat à la Santé, le décret du 17
avril 1943 instaura une Commission médicale consultative qui devint rapidement
la référence médicale de la Commission administrative (avec parfois des situations
de tension).
• Les divers décrets
publiés en 1941 à 1944 définissaient les relations entre chefs de service et
administration entre la communauté des sœurs de Saint-Charles
et les Hospices civils, entre le système hospitalier général et la « clinique
ouverte » que devenait la pension Bon-Secours. C'est
également à cette date que la fonction de Directeur général fut créée, (tandis
que disparaissait la fonction de secrétaire de la Commission administrative),
limitant d'autant les pouvoirs de la Commission administrative.
A partir de 1950, les
demandes d'hospitalisation ne cessèrent d'augmenter, ce qui se traduisit par un encombrement chronique des services
existants. En janvier 1955, pour une capacité de 920 lits, l’hôpital Central
avait reçu plus de 1000 patients. Les causes de ce phénomène étaient
l'évolution de la législation sociale assurant la couverture des frais
hospitaliers pour la plupart des catégories professionnelles ; le développement
des techniques médicales nécessitant un matériel dont les cliniques de l'époque
ne disposaient pas (endoscopie, radiologie) ; le développement des spécialités
médicales et chirurgicales à partir du réservoir de connaissances que
représente la Faculté de médecine ; l'intérêt des équipes médicales regroupant
des compétences complémentaires.
Cette évolution traduisait,
en fait, une profonde transformation de la mentalité publique : l'hôpital
n'était plus du tout l'établissement destiné à héberger les indigents ; il
était devenu « l'hôpital de tous » gage de l'utilisation optimale des nouvelles
ressources médicales. Des lors, les pouvoirs publics s'intéressaient de plus en
plus à cet établissement qui pesait lourd dans la vie de la cite et le maire de
Nancy, qui déléguait ses pouvoirs de président de la Commission administrative,
s'investit dans les préoccupations hospitalières. Le sénateur Raymond Pinchard
fut, à partir de mai 1953, le premier à présider personnellement aux destinées
des hôpitaux.
Dans ce contexte, il
convenait de rechercher une solution pour assurer l'expansion hospitalière. Les
projets furent nombreux : utilisation de la construction interrompue par la
guerre de la fondation Hinzelin-Lhuillier au parc de Saurupt pour y établir un hôpital d'enfants ; construction
de nouveaux bâtiments dans l'enceinte de l'hôpital Central ; reconstruction
surélevée des bâtiments principaux ; utilisation, en tant qu'hôpital actif, de
l'hospice Saint-Julien, ... Aucun de ces projets, en
fait peu ambitieux, n'aboutit ; il fallut attendre... et construire des
bâtiments préfabriqués dans les espaces libres (ce qui ne satisfaisait
personne). En fait deux projets furent progressivement élaborés :
• le
premier prévoyait la réutilisation des bâtiments de l'hôpital Central et la
réalisation d'une construction sur l'emplacement du parc Olry.
Il assurait une bonne liaison entre les différents établissements voisins : de
l'ensemble Villemin-Maringer à la maternité, hôpital
Marin, hôpital Central, Saint-Julien, Faculté de
médecine rue Lionnois. Ce projet était soutenu par la
Faculté de médecine et principalement le doyen Parisot.
• le second projet, soutenu
par la Commission des Hospices, prévoyait la construction d'un hôpital
suburbain sur un terrain très vaste (30 à 40 hectares), permettant le transfert
de tous les services du CHR de Nancy tout en réservant le terrain pour des
constructions associées ultérieures.
Un terrain situé à
proximité du parc de Brabois, sur la commune de Vandœuvre, bien desservi par les projets autoroutiers, fut
retenu.
Ces deux conceptions
étaient difficilement conciliables, ce qui provoqua un grave conflit entre
Faculté et administrations hospitalière et municipale. Le maire, Raymond
Pinchard, s'opposa violemment au doyen honoraire Parisot.
Finalement, le ministre de la Santé Publique dut
donner son arbitrage (février 1960) : maintien et modernisation des
installations intra-muros ; construction d'un ensemble hospitalier à
l'extérieur de la ville répondant aux exigences des ordonnances des 11 et 30
décembre 1958.
Cette réforme élargissait
le champ d'action des hôpitaux de ville, de Faculté, dénommés dorénavant «
Centres Hospitaliers Régionaux et Universitaires » dont les missions sont :
soins (prévention comprise) ; enseignement ; recherche. Pour répondre à ces
tâches, le temps plein hospitalier fut institué pour les professeurs de
Faculté, tandis que les concours spécifiquement hospitaliers (médical,
chirurgical) étaient supprimés. Des mesures d'intégration étaient prévues.
Après beaucoup d'attente,
d'hésitation et de conflit, la décision retenue arrivait à un moment favorable.
La construction hospitalière pouvait être réalisée dans l'esprit de la réforme
et, par conséquent, avec l'appui du gouvernement.
Le décès du sénateur-maire Pinchard ne ralentit pas le projet de
construction de l'hôpital de Brabois dont la mise au
point et le suivi furent assurés conjointement par l'ingénieur-général
Henri-Paul Valentin, devenu en 1961 vice-président de
la Commission administrative, et du nouveau doyen de la Faculté de médecine
Antoine Beau.
Le ministre, ayant donné
son approbation définitive le 16 juin 1965, les travaux de voirie purent
débuter des juillet de la même année. La responsabilité architecturale fut
confiée au cabinet Lemaresquier de Paris qui proposa
une réalisation compacte en un seul bâtiment de seize niveaux (complété par un
bâtiment annexe dit Tour Paul-Louis Drouet).
Cette conception s'opposait
au système pavillonnaire de l'hôpital Central et à la construction tout en
longueur sur un niveau de l'hôpital Sédillot. La
construction, proprement dite, débuta en janvier 1968, s'effectua en continu de
sorte que le nouvel établissement complètement équipe fut inauguré le 15
septembre 1973 par le Premier ministre Pierre Messmer et le ministre en charge
de la Santé publique Michel Poniatowski. Le bon déroulement de cette opération
gigantesque bénéficia de l'action et de la compétence du Directeur général
Gabriel Marquet et du Directeur de l'hôpital de Brabois
Paul Aubanel qui devait devenir, plus tard, Directeur général du C.H.R.U. de Nancy.
Le nouvel hôpital comprend
un bloc principal d'une capacité de 1100 lits construit sur seize niveaux : les
autre niveaux inférieurs abritent les services médico-techniques
(laboratoires, services d'explorations fonctionnelles, radiologie...). Les onze
autres niveaux correspondent aux services d'hospitalisation transfères des
établissements urbains : cinq services de Médecine (A-B-C-D-E),
trois services de spécialités médicales : Cardiologie, Rhumatologie, Néphrologie
(sur un demi-étage), un service de chirurgie générale
(C), quatre services de spécialités chirurgicales : Cardio-vasculaire, Urologie
(sur un demi-étage jouxtant la Néphrologie), ORL (B)
et Ophtalmologie (B). Le bâtiment annexe auquel on donna le nom de Paul-Louis Drouet, à la suite d'un legs aux hôpitaux de
l'ancien professeur de clinique médicale B, fut destiné à recevoir les services
des maladies contagieuses, ainsi que le service des insuffisants respiratoires
qui fonctionnaient jusqu'alors dans l'hôpital Maringer
de l'ensemble Villemin-Maringer-Fournier.
La période de transition
qui précéda la mise en service de l'hôpital de Brabois
fut quelque peu facilitée par l'acquisition par les Hôpitaux de Nancy de
l'Hôpital Jeanne d'Arc de Toul, abandonné par l'armée américaine. A partir de
1970, il fut possible d'y implanter deux services de médecine spécialisée et un
service chirurgical de Traumatologie. Une partie des lits disponibles fut
réservée aux convalescents susceptibles de bénéficier d'un réentraînement
physique.
Depuis les années 1930, des
solutions avaient été recherchées pour satisfaire aux multiples besoins de la
pathologie infantile. La construction du bâtiment Hinzelin-Lhuillier
fut arrêtée durant la guerre 1939-1945. La vocation hospitalière de
l'établissement fut abandonnée après la Libération. Un projet élaboré en 1963
envisageait de réaménager en un ensemble pédiatrique le pavillon Krug de l'hôpital Central avec l'implantation du service de
Chirurgie infantile dans des locaux libérés par le transfert prévu du service
d'Urologie à Brabois ; l'extension et la rénovation
du service de Médecine. Finalement, le Pr Nathan Neimann et le doyen Antoine Beau, aidés par le Pr René Herbeuval (Président de
la Commission médicale consultative), purent obtenir une décision de la
Commission administrative, en juin 1967, pour la création à Brabois
d'un hôpital d'Enfants de 465 lits. En fait l'autorisation ministérielle
d'engagement de l'opération n'intervint qu'en 1977, les travaux débutèrent en
octobre 1978 et furent terminés fin 1981. Une fois l'équipement terminé,
l'ensemble des services pédiatriques fut transféré en décembre 1982, après son
inauguration par le ministre de la Santé, Jacques Ralite.
Les
autres implantations sur le site de Brabois
A la fin de 1974, le Centre
Anti-cancéreux, très à l'étroit avenue de Strasbourg à
côté de l'hôpital Central, fut construit sur un terrain jouxtant l'ensemble du C.H.U. de Brabois. Cet
établissement rassemble tous les services de consultations, d'hospitalisation,
médicaux et chirurgicaux, ainsi que les laboratoires concourant à la lutte
contre les diverses formes de cancer. Il porte le nom d'Alexis Vautrin qui fut
professeur de clinique chirurgicale et fondateur à Nancy du Centre Anti-cancéreux.
(Signalons que la nouvelle construction servit de référence et de modèle pour
la construction d'un centre analogue au Maroc). Maigre l'ampleur de la
construction, il est devenu nécessaire d'augmenter la capacité de
l'établissement par la construction d'une nouvelle aile (1993).
Le Centre de Transfusion
Sanguine, sans abandonner les locaux de la rue Lionnois,
s'est implanté, dès l'ouverture du C.H.U., dans
l'enceinte hospitalière. Cette nouvelle construction assure les besoins de
l'ensemble hospitalier du plateau de Brabois et
permet d'élargir l'activité du service de transfusion par le développement d'un
centre de fractionnement des produits sanguins.
Enfin, la mise en service
en septembre 1975 de la nouvelle Faculté de médecine, construite de l'autre
côté de la route de Neufchâteau, permit de réaliser sur le plateau de Brabois un ensemble entièrement nouveau répondant à la
conception de centre hospitalo-universitaire.
La
rénovation de l'hôpital Central
Ce remarquable
développement de l'équipement hospitalier extra-muros permit le désencombrement
de l'hôpital Central dont la rénovation fut parallèlement réalisée selon deux
préoccupations, d'une part assurer dans de meilleures conditions l'accueil des
patients en particulier les urgences, d'autre part, humaniser les conditions de
fréquentation de cet établissement vieux de près d'un siècle. Un bâtiment
d'accueil, qui comporte trois niveaux et offre une surface utile de 870 m2, a
été édifié en contrebas et entre les deux bâtiments principaux de l'hôpital
Central dont il illustre le renouveau. Construit notamment pour accueillir le
service des urgences, il a reçu le nom de Pierre Chalnot,
professeur de clinique chirurgicale et pionnier de la chirurgie thoracique. La
capacité hospitalière ramenée à 550 lits, soit la moitié des lits disponibles
en 1970, permit l'établissement d'un plan directeur assurant la rénovation de
la totalité des services et la transformation de l'ancienne clinique Bon
Secours. L'acquisition par le Centre Hospitalier Régional, en 1978, des anciens
bâtiments de la Faculté de médecine (après transfert des enseignements dans les
nouveaux locaux universitaires de Brabois) permit le
transfert et le développement des laboratoires hospitaliers ainsi que
l'organisation d'un funérarium permettant d'assurer dans les meilleures
conditions l'accueil des familles des patients décédés.
L'évolution du Centre
Hospitalier Régional de Nancy se poursuit : une nouvelle redistribution des
services a été amorcée en 1992, mais surtout un nouveau plan directeur prévoit
l'implantation sur le site de l'hôpital Central d'un bâtiment entièrement
consacré à la Neurologie et à la Neurochirurgie. Ces
services, en quittant l'hôpital Saint-Julien où ils
sont actuellement implantés, permettront à cet établissement de revenir
entièrement à sa vocation d'établissement d'accueil pour les personnes âgées.
Le
développement des cliniques privées
Durant la première moitié
du XXe siècle, des cliniques privées se sont ouvertes
à Nancy. Elles étaient surtout à vocation chirurgicale et dirigées par des
communautés hospitalières (sœurs de Niederbronn,
sœurs de la Sainte-Enfance...). Elles étaient surtout
fréquentées par la société aisée de la ville. Du fait, en particulier, de la
diminution des vocations religieuses et de la nécessité d'investissements
importants pour adapter ces cliniques aux besoins techniques et aux nouvelles
demandes de confort de la population, les cliniques réduisirent leurs activités
et la plupart disparurent.
A partir de 1950, de
nouvelles cliniques furent créées grâce à des formules d'actionnariat
intéressant les médecins qui pouvaient de la sorte devenir propriétaires de
leur outil de travail. De très belles réalisations dues aux initiatives
médicales s'implantèrent surtout en bordure de l'agglomération nancéienne,
comme la clinique Saint-André, la clinique d'Essey-les-Nancy,
la clinique de Gentilly.
Le
Centre de Médecine Préventive
Le Centre de Médecine
Préventive installé à Vandœuvre a été crée en 1969 à
l'initiative du doyen Jacques Parisot dont cette dernière réalisation a
matérialisé le souci qu'il a eu tout au long de sa carrière de l'identification
des risques sanitaires et sociaux et de leur prévention.
Cet établissement, considéré
comme un modèle dans ce domaine, a le statut d'une
Association dite loi de 1901. Il assure son activité avec l'accord de la
Sécurité Sociale. D'abord limite au seul département de Meurthe-et-Moselle, son
recrutement s'est étendu au département des Vosges. Des antennes ont été créées
ensuite à Reims, Saint-Dizier, Verdun et Longwy.
Le Centre de Médecine
Préventive a plusieurs missions :
En premier lieu, il assure
les bilans de santé pour des assurés sociaux qui ont la liberté de se présenter
spontanément pour les uns, qui ont été invités à le faire pour les autres, qui
sont aussi plus nombreux (environ 90 %). Ces invitations sont faites au hasard
: un membre d'une famille est tiré au sort dans le fichier des Caisses
Primaires d'Assurance Maladie, la famille tout entière est invitée à se
présenter au Centre de Médecine Préventive pour y bénéficier de ces bilans. Il
va de soi que lorsqu'une quelconque anomalie est observée, les membres de la
famille concernée en sont informés et que leur dossier est communiqué à leur
médecin traitant (après que les résultats observés leur aient été commentés, ce
qui confère au Centre de Médecine Préventive un rôle éducatif évident). Ces
bilans sont systématiquement répètes tous les cinq ans.
En second lieu, le Centre
de Médecine Préventive a une importante activité de recherche dans le domaine
de la Santé Publique. On conçoit aisément qu'en dressant les bilans de santé
d'environ 60000 sujets par an, il dispose de données nombreuses et parfaitement
identifiées sur un important échantillonnage de la population. Ceci représente
un remarquable outil de travail qui ne cesse d'être utilisé pour une meilleure
évaluation des risques encourus par chacun et au total pour le bien de tous.