` sommaire

Souvenirs, anecdotes

 

(Premier envoi en 2008 - dernièr envoi en juin 2015)

 

Cette rubrique vous est proposée pour que vous fassiez part de vos souvenirs : vos contacts avec vos anciens maîtres, vos cliniques, vos études, votre internat,…

 

Merci au Pr Jean-Claude Burdin et aux Dr Olivier Cahen et Jean-Pierre Voiry pour leur contribution importante à cette rubrique.

 

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Dr Voiry : juin 2015

 

Un court dialogue, tout à fait authentique , témoignant de l'humour et du bon sens du Pr Grosdidier, ... (et du prestige alors intact de l'X ! )
A la fin  des années 80 , au staff du mardi après midi de la Clinique chirurgicale C à Brabois , un interne présente un dossier rare  de dyschésie en montrant le résultat d'un certain nombre d'examens complémentaires , dont un lavement avec défécographie, parle de rééducation sphinctérienne etc... et conclut son exposé par ce commentaire personnel sur la patiente : "il  faut dire aussi que cette malade n'est pas très fûtée ....".
Question immédiate du Pr Jean Grosdidier :
Parce que tu crois qu'il faut sortir de Polytechnique pour  aller à la selle correctement ?  ( le verbe employé dans cette phrase était en fait beaucoup plus court ....

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Pr Burdin : avril 2015

Décès du médecin général inspecteur H M Antoine. Il était de la promotion de Nancy 1948-1949 celle de Boulangé, Huriet, Larcan, Laxenaire, Montaut, Schmitt et Streiff  et de la promotion du Val de Grace 1955. Il avait été au laboratoire de bactério-parasito du Père de Lavergne pendant quelques années et c'est François qui lui a succédé .Il a passé sa thèse à Nancy en 1955 avec dans son jury : de Lavergne, Melnotte, Helluy et Heully  (photo figurant avec d'autres dans la biographie du professeur de Lavergne).  Il était agégé du Val de Grace de microbiologie puis a fait les différents concours des hopitaux militaires et a terminé sa carrière comme directeur du service de Santé des Armées. Je le rencontrais  aux réunions à l'Institut Pasteur et il est venu , il y a quelques années, à des journées que nous avions organisées.  Je me souviens que sa première affectation avait été en Algérie les compagnies de méharistes, ça m'avait fait rêver. C'était un excellent ami, hélas nous ne nous voyions pas souvent. Il était très brillant comme en témoigne sa carrière et aussi très discret .J'ai vu dansle Figaro que les obsèques auront lieu demain à la chapelle du Val de Grace et l'inhumation à St. Loup sur Semouse le berceau de sa famille . Ainsi va la vie.

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Dr Cahen : avril 2014

1968 Bizutage :

Lors de mon inscription en médecine une de mes craintes était le bizutage. Convoqués à un cours de rentrée obligatoire, les pauvres étudiant(e)s de première année se retrouvèrent « séquestrés » dans le grand amphi pour quelques pratiques douteuses. Plutôt petit (1m64) et âgé que de 16 ans ½, j'y ai heureusement échappé .Tandis que deux « anciens » me saisissaient déjà pour m'entraîner vers l'estrade, je les ai convaincus que je n'étais que le fils de la concierge, venu par simple curiosité !

1970 Bavardage :

L'amphi Parisot de la rue Lionnois présentait en bas de chaque côté une porte d'entrée. Cela permit un jour à un étudiant, gros et barbu, d'entrer par l'une et de ressortir par l'autre, en tutu blanc, en faisant des pirouettes et des pointes, sous l'œil médusé de l'enseignant. Cela fut renouvelé avec une poule, bien réelle, qui affolée traversa en caquetant l'amphi. Sur l'estrade l'enseignant âgé et un peu myope s'écria : Mesdemoiselles du premier rang, arrêtez votre bavardage !!

1971 Énigmes :

Nous allions souvent à l'hôpital, où dans les services on nous présentait des patients « remarquables ». Ces derniers, complices amusés, aimaient jouer aux énigmes. Ainsi l'un deux, atteint d'une silicose dont on devait trouver la cause, faisait chercher fort longtemps aux étudiants les circonstances de sa pneumoconiose. En fait, prisonnier de guerre, il avait travaillé, durant sa captivité, au creusement d'un tunnel dans le granite des Vosges , dans les pires conditions. Un autre, alcoolique décompensé récidiviste, dont on devait vérifier l'abstinence, jurait qu'il ne buvait plus une goutte d'alcool sous aucune forme : que de l'eau ! En fait il arrosait d'une grande quantité de vin et alcool ses plats favoris,  juste avant de se servir : « On ne m'a pas interdit d'en manger !! » 

1971 Se faire la cloche :

Nous nous sommes livrés à des travaux pratiques de toutes spécialités : la mesure du champ visuel, de savants dosages colorimétriques, des accouchements sur des mannequins en cuir, des dissections anatomiques (dont une sur un « martien » : un sujet décédé avec un ictère et qui avait naturellement viré au vert en post mortem) ,etc, etc,…En exploration fonctionnelle respiratoire, notre enseignant voulu nous montrer l'usage d'un vieux spiromètre avec sa cloche en cuivre. Soucieux de son appareil fragile il chercha un « petit gabarit ». Il me proposa de souffler dans le tuyau de l'engin, de toutes mes forces. Il ne se doutait que nageur de fond et pratiquant l'apnée, je cachais une bonne capacité vitale. Il s'était reculé pour laisser les étudiants bien voir le mouvement de la plume, de la petite poulie et du contrepoids. Il se précipita en hurlant quand il vit la cloche sortir du récipient et tomber sur le côté piteusement !

1971 Les modules :

J'ai inauguré en 1970 l'enseignement par modules. En fait cela marquait la spécialisation des services et des médecins et l'abandon d'une médecine globale en dehors de la médecine interne. La médecine générale n'était pas valorisée, réservée à ceux qui n'avaient pas réussi à se spécialiser ! Lorsqu'en 1974 j'ai eu le droit à un des premiers cours de médecine générale, l'enseignant avait écrit en gros sur le tableau : « Je suis un généraliste heureux ! » avant de commencer. Je dois dire que je me suis également spécialisé mais l'anesthésie réanimation médicochirurgicale urgences samu…est une médecine générale des cas graves !! (je n'ai rien contre Balint au contraire…)

1972 Le caisson hyperbare :

Le caisson d'oxygénation hyperbare du Pr Larcan était en panne quand les neurochirurgiens décidèrent de traiter ainsi un homme jeune victime d'un traumatisme carotidien intra pétreux. Ils firent alors venir le camion des Sapeurs Pompiers qui contenait un gros caisson hyperbare devant le service. Au bout de quelques séances rapprochées, ils manquèrent de médecins « volontaires ». J'étais alors « Externe  ou étudiant hospitalier » en neurochirurgie. On me proposa en cette fin de journée de visiter le beau caisson, ce que j'acceptais avec joie. À peine entrée dedans, alors que je m'étonnais d'y trouver un patient allongé sur le brancard, la lourde porte fut refermée et verrouillée. On m'expliqua alors (explications entrecoupées de rires) que je n'avais plus qu'à m'asseoir tranquillement sur la banquette pour surveiller le patient. En cas de problèmes on me passerait le nécessaire par un petit sas avec un seau. La séance fut très longue. Évidemment je n'avais pas eu le temps de prévenir ma jeune épouse, et je finis par voir sa tête inquiète à travers le petit hublot du caisson.

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Pr Burdin : avril 2014

Au cours de ma carrière d'enseignant de bactériologie j'ai du corriger quelques milliers de copies d'étudiants de médecine ou de chirurgie dentaire. J'ai eu l'occasion de lire des choses drôles ou cocasses. Malheureusement je n'ai pas constitué un bêtisier pour la simple raison qu'à l'époque on n'en parlait pas. Cependant je me souviens de quelques perles savoureuses. En voici quelques unes :

- L'agent de la grippe est le virus gris pâle, celui de la tuberculose le bacille de coq.

- Maladies bactériennes transmises par les animaux : la bruxellose et la mystériose.

- L'agent de la scarlatine : c'est un microbe dont je ne me souviens plus du nom, mais il doit être très méchant puisqu'on dit : ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine .

Quant aux copies blanches, j'en ai conservé deux qui en réalité n'étaient pas complètement blanches.

- Pour la première, la question posée était : le pneumocoque.

Réponse : « c'est un diplocoque. J'avoue, et je ne peux faire autrement, que je suis un peu sec sur cette question de bactério qui fait partie des trois chapitres que je n'ai pas appris. Autrement dit, il ne me reste plus qu'à envisager sérieusement de repasser mes examens au mois de septembre ce qui d'ailleurs m'astreindra à un entretien estival des connaissances nécessaires pour aborder honnêtement une quatrième année. Ceci dit je suis désolé de donner du travail supplémentaire aux correcteurs de septembre, mais j'implore aussi leur indulgence, compte tenu du fait que ces vacances auront été pour moi une longue période de stress latent qui refera surface à chaque fois que la chaleur excédera les 27° environ, tout ceci dans un climat familial tendu car je ne pourrai plus prétendre, sans doute, à la soupe quotidienne (non ne pleurez pas, je trouverai un moyen). Je ne veux pas vous retenir plus longtemps, il vous reste sans doute encore quelques copies à corriger et à bientôt. »

- La seconde copie était véritablement blanche mais elle contenait un dessin très soigné qui ne nécessitait aucun commentaire.

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Dr Voiry : décembre 2012

Voici quelques souvenirs de mes années à la fac, à l'Hôpital et même en dehors, en rapport toutefois avec la médecine.

Tout d'abord, je rendrai hommage au Pr Chalnot

C'est lui qui m'a fait découvrir et aimer la chirurgie, dès le début de la deuxième année de médecine, alors qu'il m'avait accepté comme stagiaire bénévole dans son service. J'ai par la suite été son Externe, puis son Interne, et j'ai effectué mon clinicat chez son élève direct le Pr R . Frisch. Je connaissais bien ses enfants, Edith et Jean-Pierre, et j'étais parfois reçu, avec d'autres camarades, par Mme Chalnot avec beaucoup de gentillesse et de simplicité. Quand j'ai été nommé à l'Externat , elle m'a félicité ainsi : « Eh bien, M. Voiry, j''apprends que vos parents vous ont acheté une voiture (une modeste 2 CV) pour l'Externat ! Alors, pour l'Internat, vous aurez un avion ! »

Dans son service, Mr Chalnot passait une grande visite le mercredi .Il était très bien renseigné sur certains patients, comme par hasard ceux dont nous étions peu fiers, et nous posait à leur propos des questions embarrassantes mais très pertinentes. Personne n'était à l'abri, à l'exception des agrégés et des externes , mais les Assistants et les Internes avaient intérêt à bien connaître le dossier ! Et si nous avions envoyé à la radio, justement ce matin là, un patient « à risques » ( fracture réduite imparfaitement ou plâtre approximatif etc…), il l'envoyait rechercher aussitôt !

La grand'messe n'était pas seulement cette visite, mais aussi et surtout le «  staff  » du lundi soir. J'y ai régulièrement assisté, même lorsque j'avais quitté le service. Et c'était souvent une grande leçon d'humanisme et d'humilité, quand les indications chirurgicales difficiles étaient discutées et commentées. J'ai assez souvent entendu Mr Chalnot, après avoir écouté le brillant exposé de ses Assistants qui proposaient parfois une intervention lourde et complexe , poser cette simple question : « Est ce que vous rendrez service à ce malade ? »

Parfois, il avait un ton un peu ironique lors des présentations de technique orthopédique de Jacques Michon ou de Philippe Vichard, tous deux « fils de », qui calculaient savamment des angles d'ostéotomie de hanche : « Ben oui, fils Vichard, t'aurais du faire Polytechnique ! »

Comme chacun sait, Mr Chalnot était surnommé, plutôt affectueusement, le Pépère. Un matin, il venait de faire un pansement et avait revêtu pour cela au-dessus de sa blouse une chemise fendue de malade. Ainsi vêtu, il s'arrête un moment devant le tableau opératoire et, à sa grande surprise, il est pris par le bras par une jeune stagiaire infirmière qui lui demande gentiment : « On est perdu, Pépère ? je vais vous reconduire à votre chambre ! - Mais je suis le Dr Chalnot, Mademoiselle ! »

- Dans les années soixante, le Service développa de plus en plus la chirurgie à cœur ouvert . A l'époque de mon Internat, il y avait 3 ou 4 CEC réglées par semaine, Mr Chalnot participait personnellement à une bonne partie d'entr'elles. Un jour que les médias ne parlaient que du sauvetage difficile des cosmonautes du programme Appolo, Mr Chalnot eut cette parole admirable, à la fin d'une intervention particulièrement délicate : « nous, nous allons sur la lune tous les jours ! » 

Ses collègues le respectaient et rendaient hommage à sa ténacité et à sa combativité, même ceux qui n'avaient pas été ses élèves directs. L'un d'eux, le Pr Jean Sommelet, avait un jour présidé la thèse d'un Interne de la Clinique de Traumato, lequel avait demandé à Mr Chalnot de siéger dans le jury. Le lendemain, une infirmière de la Clinique demanda à Mr Sommelet : « - Monsieur, qui était ce membre du jury un peu âgé, qui avait sur sa robe une épitoge à la fourrure un peu jaune ? - à ma droite ? Ne cherchez pas, c'était le Pr Chalnot, et la fourrure , c'était du tigre ! »

Mr Chalnot avait en effet parfois la dent dure , du moins en privé, car il n'aimait pas les frimeurs et les faux prophètes. Il avait un jour comparé un de ses collègues à l'ego hypertrophié, dont le faire-savoir dépassait largement le savoir-faire, à un « berlingot Dop », célèbre shampooing de l'époque : Monsieur X ... ? Dop, Dop, Dop , cinquante fois son volume de mousse ! 

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Pr. Legras : octobre 2012

Cinq petites anecdotes.

Mon seul échec à un examen : Je détestais rater un examen. Pourtant, cela eut lieu une fois : en cinquième année de médecine. L'enseignant de cardiologie, le célèbre professeur Faivre fut en quelques occasions un peu chahuté. Et, lors d'une manifestation un peu bruyante, m'ayant repéré, il me demanda mon nom ; je lui dis Legras et il répondit : «  eh bien, ça sera maigre  ». Ce n'était pas d'une grande finesse mais il fit preuve de perspicacité. Il faut avouer que je commençais à trouver les cours un rien fatigants. Et entre le premier et le troisième cours, j'allais parfois au café à l'angle de la rue Lionnois (la faculté n'avait pas encore déménagé sur le plateau de Brabois). Mon copain, Alain Bajolle, plus studieux, prenait les cours (avec une belle grosse écriture bien lisible) et moi, je les photocopiais ensuite. Mais pas tous... Et, à l'examen de juin, en cardiologie, je suis tombé sur une de ces questions laissées de côté. Résultat : 9 sur 20 et j'ai dû repasser l'épreuve en septembre.

Une  « première » et aussi une appréciation un peu vexante : En octobre 1967, à 24 ans et 4 mois, dès la fin de la dernière année de médecine, je passais ma thèse de docteur en médecine (titre : la méthode des écarts en scintigraphie numérique). Le président du jury était le professeur Burg. J'ai présenté mon travail pendant 20 minutes à l'aide de diapositives et c'était une première à la faculté. J'ai été un peu froissé quand Burg a terminé ses commentaires en disant : «  bon travail mais j'espère qu'il fera mieux plus tard  ».

J'ai failli tout faire exploser et moi le premier : J'étais alors assistant de biophysique et le patron du service, le professeur Burg, voulait me lancer dans des recherches en cancérologie, plus précisément sur les anticorps tumoraux. Je me suis habitué à greffer des tumeurs sur d'autres souris et à attendre leur décès. Il m'avait équipé un labo au premier étage à la fac (installée alors rue Lionnois) et j'avais commencé à attirer l'attention de mes visiteurs… en affichant au-dessus de la porte deux posters : un d'Einstein, les cheveux en bataille et l'autre de Marilyn, très décolletée. Il y avait beaucoup d'appareils en verre et dans l'un d'entre eux, il y avait du sodium solide pur et au-dessus un couvercle épais. Il faut faire très attention car le sodium décompose l'eau, la réaction est assez violente. Na + H2O --> Na(OH)2 + H2. De fait, je ne me souviens plus très bien des circonstances mais j'ai mis en contact de l'eau avec le sodium. Et boum ! Un gros morceau de verre m'a frôlé et une partie de la verrerie n'a pas résisté à la déflagration. Je me suis dit alors que les chiffres étaient moins dangereux et la bio-statistique m'a convenu parfaitement.

Un beau sein chaud et rouge : En deuxième année de médecine, la leçon de sémiologie portait sur les tumeurs mammaires. Le célèbre professeur Chalnot surnommé « le pépère » nous proposa d'illustrer son propos en nous faisant découvrir un abcès du sein  : «  rubor , calor , tumor ». Et il nous présenta une jeune et belle femme endormie sur un brancard et comme tous les autres étudiants du groupe, j'ai posé ma main sur un sein nu effectivement fort chaud et en y pensant, je me dis que la sénologie eût été sans doute une discipline plus plaisante que la statistique.

Marie-Hélène Laurens et son orientation médicale : J'avais fait connaissance de Marie-Hélène dans un service de chirurgie où j'allais pratiquer une « masse sanguine » par radio-isotope (c'était l'époque où j'étais assistant en biophysique). Elle s'était fracturé la jambe et on avait bavardé – l'examen se déroulait en deux temps avec une interruption de 20 minutes - ; elle commençait médecine et je lui ai suggéré de faire de la médecine nucléaire comme spécialité. Elle a suivi ce conseil (qu'elle a toujours jugé « bon », me disait-elle ) et est devenue plus tard maître de conférences en biophysique.

Les petites erreurs : Avec le professeur Burdin, nous avons créé « BACTERIO » un logiciel de Bactériologie orienté vers la détection des infections nosocomiales (système « Alerte » à l'origine d'un grand article dans l'Est républicain !). BACTERIO fut repris et commercialisé par la société de Nancy InfoPartner. Ma famille se souviendra toujours des « petites erreurs à corriger pour Mr Burdin » ; elles étaient toujours très urgentes et m'ont occupé bien des soirées.

Douze et aléatoire…: Un petit souvenir pour tous les étudiants qui ont souffert à mes cours de statistique en première année de médecine (et souvent deux ans de suite). J'ai eu la chance de ne pas être chahuté « significativement » pendant les 25 années au cours desquelles j'expliquais les stat. à près de 500 étudiants réunis dans les grands amphis de la fac. Mais certains mots déclenchaient systématiquement les réactions de l'assistance (qui n'attendait que cela - il faut reconnaitre que la lutte était féroce pour réussir le concours, au pire moment du numerus clausus, on pouvait être recalé avec une moyenne de 13,5 sur 20 et les « carrés » faisaient tout gêner les « bizuths) ; notamment deux mots me concernaient  : variable aléatoire entrainait d'une seule voix « allez à toire, allez à toire, allez », éventuellement plusieurs fois ; Un deuxième mot avait aussi beaucoup de succès : le nombre douze repris par l'auditoire. Je trouvais cela très étonnant et un beau jour, j'ai interrogé un étudiant. Il m'a expliqué que douze était la longueur moyenne de… la structure anatomique féminine qu'on appelait au moyen-âge le conduit de la pudeur.

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Dr Cahen : novembre 2012 : "Mes Profs"

J'ai eu le grand bonheur au cours de mes études nancéennes de 1968 à 1975 de connaître une médecine à l'ancienne d'une grande humanité, humilité et économique mais aussi une médecine moderne d'une grande technicité, fière de ses victoires (les guérisons de leucémie, les greffes de rein, les services d'urgence mobile, les prothèses vasculaires ou orthopédiques, les pacemakers, …) mais coûteuse. Grâce à mes Maîtres et comme mes condisciples j'ai exercé (au cours d'une carrière hospitalière sans secteur privé en anesthésie réanimation polyvalente, urgences et SMUR SAMU 15) avec mes deux mains : la droite de la technicité (la science médicale) et la gauche de l'humanité (l'art médical). Lorsque ma main droite devenait impuissante, ma main gauche se tendait. J'espère témoigner à mes Maîtres nancéens respect et affection à travers les quelques lignes qui suivent :

Pr Anthoine  : Avec lui on apprenait encore « le signe du sou »  l'oreille contre la poitrine du patient mais avec une serviette entre, s'il vous plait !

Pr Beau  : A son cours magistral sur l'appendicite aigue ou sur la dichotomie des bronches, l'amphi se remplissait, avec de nombreux restant debout contre les murs, d'étudiants d'autres années venus y assister pour le plaisir comme on reverrait une pièce de théâtre à succès !

Pr Bessot ( ou la « chimiothérapie locorégionale » que je peux encore dire en l'imitant) : Au cours d'une visite il m'avait cependant choqué, lui qui était si gentil, lorsqu'il a reproché à un malade de ne pas vouloir se faire opérer d'une tumeur à l'estomac : « Vous avez la chance d'avoir un traitement possible ! ». Je ne savais pas alors qu'il continuait à travailler avec un Hodgkin stade IV.

Pr Beurey  : et ses collections de diapositives, qu'il passait en commentant, à la place d'un cours classique : celui des nez rouges est inoubliable ! L'allergie était l'objet d'enquête policières : comme cet homme qui présentait un eczéma mal placé en allant à Paris (il était allergique au dentifrice de sa « connaissance ») ou comme cet arbre qu'une famille faisait tailler par des entreprises et qui donnait des réactions allergiques considérables (arbre à pou ramené par un lointain ancêtre)

Pr Chalnot : Lui qui savait tout faire, avait renoncé pour les cliniques chirurgicales de fin d'études à interroger les futurs médecins sur des questions techniques. Il se contentait, à leur grand soulagement d'un bref entretien : « Comment allez-vous ? Vous êtes content de vos études ? Qu'allez vous faire maintenant ??»

Pr Cuny : Avec lui j'ai compris que deux périodes de la vie relevaient d'une médecine adaptée : le nourrisson n'était pas un petit homme mais un être immature, très gâté et le vieil homme devenait un être trop mur, un peu gâteux et aussi fragile. J'ai eu la confirmation avec, entre autres, les doses de médicaments souvent toxiques, les couches-culottes et l'absence de dents !

Pr de Lavergne  : Le « que sais-je» sur les bactéries écrit avec le Pr Burdin en 1966 aux éditions PUF commence par : « Les bactéries sont des êtres unicellulaires…leur taille extrêmement petite »… Mais se poursuit ainsi : « Etres vivants, elles se nourrissent, respirent et se reproduisent… ». On n'est pas loin des « animalcules  » de Leeuwenhoek en 1668, soit 3 siècles avant.

Pr de Ren  : Je lui ai proposé ma thèse que j'avais choisie moi-même d'écrire sur l'Acharnement thérapeutique en réanimation (une réflexion en tant qu'interne en réa sur l'inacceptable euthanasie à remplacer par l'aide au mourant). Il accepta aussitôt mais demanda qu'elle soit imprimée en offset (Un étudiant venait de passer sa thèse en faveur de l'euthanasie, reproduite avec une polycopieuse à alcool !) Mon père (instituteur) avait corrigé mes fautes d'orthographe. Par économie je l'ai retapée moi-même par cœur sur les feuilles offset de l'imprimeur en remettant mes fautes. Naturellement le jury m'a taquiné un peu le jour de passation au milieu de leurs compliments.

Pr Debry  : Ou comment dans certains troubles lipidiques un consultant ayant subi une alimentation séquentielle pouvait repartir avec la prescription paradoxale de boire du vin ! Pendant mon stage dans son service, je devais faire un examen médical complet des consultants. Il y avait de nombreuses jeunes filles splendides qui se trouvaient obèses que je n'osais faire déshabiller malgré les consignes formelles (je n'avais que 20 ans)

Pr Delagoutte : Si le Pr Beurey a soigné mon épouse pour un grave eczéma de jambe suite à un colorant de bottines, lui l'a opéré (en 1973 ils étaient très peu à le faire en Lorraine) pour son entorse grave avec rupture tendineuse de la cheville. A 22 ans, jeune interne et jeune marié, je n'ai qu'encore plus apprécié leur simplicité, leur compétence et leur gentillesse.

Pr Dollander : Avec lui nous avons véritablement vécu le développent d'un être : d'une petite morule à un grand bidule.

Pr Dureux  : Son cours sur la polio avait commencé par un vibrant hommage aux derniers malades sous poumon d'acier et aux internes et soignants décédés « en service » lors de l'épidémie des années 50.

Pr Gilgenkrantz  : et ses magnifiques caleçons à fleurs qu'il montrait facilement. On devait demander à chaque entrant s'il avait une traction-avant ou s'il connaissait quelqu'un qui en avait une à vendre ! Mais j'espère ne pas le confondre avec le Pr Dodinot dont les pacemakers étaient nommés dodinoteries. Stagiaire en cardiologie j'aidais les infirmières à faire les bilans sanguins du matin de ces malades devenus impiquables dont ce patient ancien légionnaire atteint d'une cardiopathie syphilitique qui répétait sans cesse : « et pourtant elle avait 12 ans ! ». Puis je faisais « l'infirmière instrumentiste » en salle de coronarographie « spécialiste » pour maintenir enroulés les guides métalliques découvrant que l'on pouvait avoir un ECG et même une épreuve d'effort normale et avoir les coronaires bouchés ! J'ai vu dans d'autres disciplines la cohorte des patients qui se plaignaient et à qui on disait qu'ils n'avaient rien se réduire progressivement.

Pr Grosdidier  : Assistant à une de ses interventions, je l'ai vu après avoir très rapidement placé des pinces hémostatiques donner des coups de ciseaux précis puis réclamer un baquet où il déposa « en monobloc » la moitié des organes abdominaux en déclarant : « il n'y a pas de tumeur inextirpable, il n'y a que des chirurgiens qui ne savent pas extirper les tumeurs ! » . Mais il savait se contenter d'un cathéter percutané pour traiter les abcès vésiculaires de patients âgés et collectionnait divers objets récupérés dans des rectums piégeurs (on prétendait que les plus belles pièces étaient exposées) !

Pr Guillemin : Ses greffes de reins étaient d'une modernité absolue, aidé de ses collègues nancéens de diverses disciplines dont le traitement antirejet par sérum antilymphocytaire !

Pr Heully : On ne connaissait rien à la grippe mais grâce à lui on a appris les maladies parasitaires les plus rares. Au cours de ma carrière j'ai cependant reçu aux urgences en Haute Saône, adressé pour infarctus, un employé de la ville, pilier de bistrot qui présentait en fait à 50 ans un tableau de déshydratation aigue du nourrisson. L'important étant d'y penser, j'ai eu la confirmation au microscope en admirant les vibrions dans ses selles qu'il avait attrapé le choléra. Il revenait de vacances dans sa famille au Portugal (souche Sinaï non déclarée) et sa gastrite atrophique alcoolique ne l'avait pas protégé !

Pr Huriet : Mon premier réflexe (pressé de passer ma thèse avant de poursuivre mes études de spécialité à Bordeaux et étant en poste comme interne dans l'unité de réanimation du C.H.R. de Metz qui avait le rein artificiel aigu et en hémodialyse) avait été de lui demander un sujet. Il sortit d'une armoire le dossier d'un patient qui avait curieusement fait un oedème cérébral au cours de l'hémodialyse. Comme je lui demandais « quel est le mécanisme ? » il me répondit « je compte sur vous pour le trouver ! ». Devant ma stupéfaction il me rassura : « une bonne bibliographie suffira, elle sera courte ! ». Je me suis sauvé sans le dossier comme si on m'avait demandé de traiter « A propos d'un cas de gigantisme chez les pygmées ».

Pr Kissel  : Il invitait pour nous des « patients » typiques. Comment faire le diagnostic de maladie de Parkinson ? : Vous ouvrez la porte de votre cabinet et vous appelez le malade suivant, une fois, deux fois, trois fois et vous le voyez soudain arriver à grande vitesse après avoir fait de la sure place, arrêtant sa course en se cognant contre votre bureau ! Ou ce patient atteint d'un syndrome de Korsakoff qui vous tapait dans le dos en vous rappelant les souvenirs du service militaire passé ensemble en Indochine !

Pr Lamarche  : Il prévenait d'emblée avec sagesse : « On sait ce que fait un médicament, on devine ce que font deux on ne sait pas ce que font trois ! ». J'ai beaucoup pensé à lui devant certains mélanges anesthésiques ou en recevant des patients qui prenaient 12 médicaments différents ! Il m'a appris la simplicité en utilisant de bons produits bien utilisés : ce qui m'a servi même en faisant la cuisine qu'il devait lui aussi aimer.

Pr Lamy : C'est dans son service que j'ai vu réanimer une très grosse crise d'asthme Un pauvre homme s'était remarié sur le tard avec une dame bien plus jeune qui rapidement après les noces avait fait chambre à part lui fermant même sa porte. Un jour il revint chez lui avec un Frigidaire et celle-ci lui ouvrit la porte pour un soir. Il économisa pour acheter un lave-linge. Mais cette fois elle n'ouvrit pas sa porte ce qui déclencha cette terrible crise ! Belle démonstration des liens avec le psychisme !

Pr Larcan  : Cette encyclopédie médicale vivante nous enseignait même les bêtises à ne pas faire : «  Ne dites pas les meilleurs poisons qui existent, gardez vos recettes c'est comme cela que j'ai perdu un interne ! » « Ne désespérez pas votre malade avec la totale vérité sur son cas, c'est comme cela qu'un officier voulant absolument savoir à quoi s'en tenir pour prendre ses dispositions s'est suicidé peu après mon diagnostic pronostic ! ». A Metz au S.M.U.R. j'ai pris mes gardes à la caserne des pompiers, glissant à l'appel de la sirène, avec le plus grand amusement par la longue barre métallique verticale, directement à côté du V.S.A.B. Merci mon Général !

Pr Laxenaire M. : Trop brillant freudien et enseignant j'ai manqué me tourner vers cette spécialité mais j'ai trop eu peur du transfert et du contre-transfert  ou de vouloir simplement comme disait Freund satisfaire ma curiosité sexuelle primitive !

Pr Laxenaire   Mme  : La seule, complètement décomplexée (par son mari ?) à pouvoir s'écrier : « Cette femme énorme si on la met sur le ventre elle s'étouffera comme un cochon ». C'était l'avis qu'elle avait donné sur une malade susceptible d'être opérée au cours d'une visite. Elle fut tout au long de ma carrière la plus grande experte sur les accidents allergiques en anesthésie, conférencière des plus grands congrès.

Pr Legait  : Etait-ce bien lui ? Qui, nous parlant de l'intérêt de l'observation de l'aspect de la glaire cervicale afin de déterminer les jours de fécondité de la femme au cours de son cycle menstruel (Billings), nous confia qu'il était utile, comme lui, d'avoir un microscope sur sa table de nuit !

Pr Lepoire : Je choisis comme premier stage hospitalier son service. Au premier jour avec 5 autres étudiants je me suis présenté dans son service. Il nous attendait avec ses deux chefs de clinique : « Au moins on vous a vu ! revenez dans 4 mois pour qu'on vous signe vos carnets de stage ! ». Les 5 autres s'empressèrent de repartir mais je restais planté au milieu du bureau. « Et en plus celui-là est sourd ! » s'exclama-t-il. En fait je voulais à l'époque être micro neuro chirurgien. J'ai eu l'honneur de faire de l'aide opératoire avec lui et de lui planter à plusieurs reprise le bistouri électrique dans le front tellement j'étais en admiration devant le ballet de ses mains. Je l'imaginais bien pianiste mais ceinture noire de judo !? A la visite je fus déçu en voyant l'état des survivants (après un long séjour dans un service de chroniques sous les toits) comme cet homme travaillant sur un chantier qui avait « sauté » sur une vieille bombe : il avait perdu du même côté : le bras, la jambe et une partie du cerveau et donc était paralysé de son côté intact ! Sa femme ne voulait pas le reprendre à la maison ! (ayant déjà de nombreux enfants). Dans son service on m'a appris à faire les « nouvelles » intubations nasales, à faire les trachéotomies, les cathés veineux et naturellement les ponctions lombaires (chaque matin pour les victimes d'une fracture de la base du crâne) : ce qui m'a servi après à sauver bien des blessés et faire mes rachianesthésies même difficiles à la perfection. Il m'a été « payé » des gardes pour accueillir et « techniquer » la nuit les arrivants pour leur artériographie (il n'y avait pas encore de scanner !) mais au petit matin j'allais parfois récupérer en salle d'autopsie les clips posés à la volée avec les vaisseaux pour que le neurochirurgien analyse son travail nocturne ! Ce fut à l'origine de ma spécialisation en réanimation et urgences.

Pr Louyot  : La chrysothérapie (ou plus joliment « sels d'or ») est toujours utilisée avec précaution dans la polyarthrite rhumatoïde, c'est lui qui était en or !.

Pr Martin : Si les stats ne passionnèrent pas mes condisciples (à part les joueurs de poker comme mon cousin qui abandonna rapidement médecine) ce ne fut pas mon cas. D'une part j'avais passé un bac C (math élem à l'époque mais qui me destinait à math sup et math spé plutôt que médecine) d'autre part elles me furent fort utiles tout le long de ma carrière car elles sont beaucoup plus subtiles que d'affirmer «  les pieds dans le four et la tête dans le Frigidaire on est statistiquement à la bonne température ! »

Pr Michon : Passionnant avec la chirurgie réparatrice de la main mais aussi bien habillé, mince, bronzé entre deux avions ou deux parties de golf !

Pr Montaut : Il s'occupait de ses petits malades avec un amour sans bornes. D'une très grande sensibilité il savait cacher sa souffrance qu'il a payée de sa vie. J'ai eu le plaisir qu'il accepte d'être un des membres de mon jury de thèse.

Pr Neimann  : Son magnifique accent moldave « le lait de vache c'est pour le veau » mais surtout le dépistage de la maltraitance des enfants qui m'a accompagné toute ma carrière !

Pr Pernot : Lorsque je fis mon stage à Jeanne d'Arc chez le Pr Debry, je me suis retrouvé de garde également pour ses petits cardiaques. Equipé d'un petit vélo avec dans le panier avant un appareil à E.C.G. je n'étais heureusement chargé que de faire un compte-rendu de la situation au médecin de garde à domicile et prescrire selon ses conseils en me rappelant ses passionnants cours sur les malformations congénitales !

Pr Renard  : Remarquable enseignant de l'anatomie du cerveau,  il ramenait du travail à la maison et son épouse n'était pas très contente de trouver régulièrement dans son Frigidaire une boite à chapeau contenant une tête partiellement disséquée.

Pr Ribon  : opposé au I.V.G. il avait un argument des plus percutants : « Je ne me vois pas faire des I.V.G. de 8 à 10 et traiter des stérilités de 10 à 12 j'aurais l'impression de n'avoir rien fait ! Quand à la glaire cervical : « riche en fructose, havre de repos du spermatozoïde en détresse » cela ne s'oublie pas.

Pr Sadoul  : On disait que devant une radio de poumons silicosés il était capable de dire dans quelle mine le malade avait travaillé. Grand ennemi des transports trop rapides sirène hurlante en ambulance, il prédisait qu'il mourrait sur son vélo écrasé par une ambulance en voulant se mettre devant.

Pr Sommelet : Il nous avait confié qu'une fois on lui avait mal installé une malade pour une prothèse de hanche pour coxarthrose. Arrivé sur la tête fémorale celle-ci s'avéra normale. Immédiatement il avait fait réinstaller le malade du bon côté et fit le remplacement. Au réveil de la patiente il lui déclara «  j'en ai profité pour vérifier de visu l'état de votre autre hanche, rassurez-vous elle est en parfait état ! » «  Merci Professeur, vous êtes trop gentil » lui répondit- elle. Belle époque !

Pr Streiff : qui se plaignait qu'au C.T.S. les laborantines mettaient dans les frigos au milieu des poches de sang les denrées périssables achetées sur le marché voisin, grâce à lui j'ai toujours utilisé les transfusions avec une grande parcimonie.

Pr Stricker : Il a su nous parler de ce qui dans sa spécialité très pointue pourrait nous être utile un jour et nous indiquer les premiers gestes à faire pour que les blessés lui arrivent vivants même si, dans les fractures bilatérales de mâchoire inférieure, il préconisait de maintenir la langue dehors en l'attachant avec une grosse épingle à nourrice avec la peau du thorax !

Pr Thomas : L'ophtalmologie est la médecine de l'œil et l'œil de la médecine. Il parlait du fond d'œil et non d'iridologie !

Pr Vert : On était en admiration devant ses premiers quintuplés  en réa néonat ! Père d'une grande famille il nous confirmait l'intérêt pratique de l'allaitement maternel en tout lieu et à tout moment prêt. Mais devant un enfant vivant sur une péniche qui se nourrissait de lait concentré sucré en tube, il nous demandait de ne regarder que la courbe de poids et de ne pas nous offusquer ! En s'occupant pendant ses vacances de colonies pour diabétiques, il amenait (à peu de frais) toute sa tribu mais la nuit il fallait passer une torche sur les yeux des enfants pour vérifier qu'ils n'étaient pas dans le coma.

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Dr Cahen : octobre 2012

Le mystère de la salle d'histologie : Au cours des études vers 1970, nous eûmes droit à des travaux pratiques d'histologie en petits groupes. Une salle située du côté de l'amphithéâtre très original d'anatomie de la rue Lionnois avait été aménagée à cet usage. Contre les murs avaient été placés des pupitres en bois avec tiroirs où trônaient des microscopes et une simple chaise. Une armoire pour ranger le matériel et un bureau central pour un moniteur surveillant complétaient l'installation. A notre arrivée étaient placées quelques préparations colorées entre lame et lamelle à côté des gros microscopes noirs. Nous devions les dessiner et les commenter. Naturellement, à la fin, les lames étaient reposées à côté des microscopes sur les bureaux pour les autres groupes. Au fil des séances cette prescription nous fut répétée avec de plus en plus d'insistance : Il était hors de question que nous repartions avec ces préparations longues et délicates (mais de faible valeur). Le ton fut suppliant puis devant la « disparition » de plus en plus importante de ces lames le ton devint de plus en plus menaçant ce qui n'eut pour seul, bien sûr, que leur disparition presque totale. Les grands moyens furent employés : Un jour à la sortie des travaux pratiques plusieurs moniteurs nous attendaient derrière la porte et les sacs furent fouillés avec soin, sans succès. Le coup d'après ce fut une fouille corporelle par palpation qui nous fut imposée. Toujours rien ! Les cours furent arrêtés faute de lames et en désespoir de cause devant cette promo 1968 B qui faisait encore une fois parler d'elle. Précisons que la salle dans la pénombre n'avait pas de fenêtres et que bien sûr les tiroirs étaient vides ! Ont-ils retrouvé un jour leurs lames ? Un repenti a-t-il avoué ? Qu'elle était la solution du mystère de la salle d'histologie ? En fait du fait d'une fine plinthe en bas des murs il existait un espace de quelques millimètres entre la cloison des pupitres et le mur. Dans cette espace nous glissions systématiquement nos lames et au besoin celles de nos voisins à la fin des travaux comme dans la fente du tronc d'une église où elles tombaient sans bruit. Il fallait le faire à la dernière seconde, après que le moniteur eut vérifié à la fin de la séance la présence des lames à côté du microscope et juste avant de nous diriger dans un joyeux brouhaha vers la sortie.

Les espèces sonnantes et trébuchantes : Entre les cours de l'amphi Parisot un garçon de salle ou appariteur assez âgé dans son éternelle blouse grise venait effacer le tableau. Il avait pris l'habitude de s'approcher du micro. Un silence religieux s'installait aussitôt. Et l'on pouvait étendre à chaque fois le même couplet : "La nuit est noire, le vent mugit, j'entends dans le noir une femme qui jouit !". Aussitôt une pluie de pièces s'abattait sur l'estrade qu'il s'empressait de ramasser avant de disparaitre. Par contre le jour où après avoir tout essayé pour "sortir" un professeur nous lui avons envoyé une pluie de pièces, l'effet fut immédiat: il se dirigea furieux vers la sortie. Juste après notre vieux garçon apparut, ramassa les pièces et pour nous remercier il s'exclama dans le micro : "La nuit est noire, le vent mugit, j'entends dans le noir un prof qui fuit!"

Noël au balcon ; Dans ce même amphi nous approchions des fêtes de fin d'années. Au milieu du cours chaque professeur, à leur grande surprise, virent s'installer en quelques instants une grande échelle depuis le balcon. Tandis qu'un de nos camarades déguisé en père Noël la descendait, nous allumions des cierges de l'église voisine en chantant "petit papa Noël". Arrivé sur l'estrade, il sortait de sa hotte quelques sucreries, gâteaux ou autres friandises et faisait quatre bonnes bises à notre professeur puis repartait par son échelle qui était à nouveau enlevée et cachée derrière le balcon. Le cours reprenait comme si rien n'était, aucun prof , cette fois n'est sorti. C'était déjà la "trêve des confiseurs"! Ou la "trêve de Dieu" confirmée par Saint Louis en 1245 ! Ou plutôt "la trêve de Noël" lorsqu'en 1914 les soldats fraternisèrent, pour une nuit.

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Dr Cahen : novembre 2008

Le site me donne beaucoup de plaisir : textes, photos, … Et de tristesse : mes maîtres disparaissent les uns après les autres : dont le dernier : Philippe Canton qui disait « reste calme coco, tu vas faire exploser tes bulles d'emphysème !» ou « les enfants rentraient aux maladies infectieuses pour une et sortaient quand ils les avaient toutes faites ». Je les ai connus dans leurs services que nous fréquentions encore beaucoup. Ils avaient à cœur de nous y accueillir avec simplicité pour nous présenter des cas d'une grande richesse sémiologique et symptomatique : au lit du malade ! Ma promotion a connu les très anciens maîtres (« certains ont connu une carrière exceptionnelle » : non ! ils étaient exceptionnels !!).

Ils nous racontaient leurs débuts : c'était vraiment une autre époque !! : le Pr Faivre jeune stagiaire pratiquait encore des « mouchetures » avec une aiguille sur les membres inférieurs oedématiés placés dans une bassine pour soulager les patients ! et dans son service en tant que stagiaire je faisais les mesures pour les artérites avec l'oscillomètre de Pachon qui est considéré comme une pièce de musée (comme l'ensemble du matériel que j'ai utilisé à mes débuts ! comme j'ai pu constater dans des livres et expositions ).

Je suis un dinosaure et comme tel soit par inadaptation progressive à mon environnement hospitalier soit par des causes extérieures brutales (ou les deux) je vais bientôt disparaître de la scène hospitalière. Mais rien ne sera plus comme avant (une ère se termine) car : - On ne sait plus le faire : dans ma « jeune » spécialité dont les succès ont en fait une activité importante des hôpitaux (« de la cave au grenier ») : anesthésie, réanimation médico-chirugicale et SAMU SMUR la pénurie entraîne une perte de qualité vertigineuse ( j'ai été membre du jury national pour les médecins urgentistes : à peine 1/3 de recevables ! certains étaient faisant fonction depuis 8 ans ! et la question portait sur les accidents ischémiques transitoires des personnes âgées pendant les 24 premières heures) - On ne veut plus le faire (je ne dis pas que c'est à tort) : la recherche d'une qualité de vie personnelle et familiale est en compétition avec l'activité professionnelle … (mes trois filles ont grandi sans moi ! 10 gardes par mois presque toute ma vie) - On ne peut plus le faire : gouvernance, … pôle, ..., paiement à l'acte dans les hôpitaux,... - On ne fait plus la même chose : progression naturelle mais avec régression «en contre partie » ce qui ne s'était jamais vu avant ! .... Le présent n'existerait pas sans le passé et ce n'est que dans le soin que l'on apporte à l'action présente que se fera un avenir de qualité.

Né le 14 octobre 1951 à Metz je suis allé voir le Dr Rouillard au C.H. de Metz l'été 1969 en lui expliquant que je faisais médecine et que j'aimerais faire un stage bénévole de deux mois dans son service de cardiologie avec USIC . Quelques jours après je me retrouvais en blouse blanche avec un stéthoscope à ausculter à la visite les patients : 1er jour rythme régulier ou pas ?, 2ème jour souffle ou pas ?, troisième jour systolique ou diastolique ? J'aidais les infirmières qui en échange m'ont appris à piquer, sonder, perfuser,... au bout de deux mois, je traitais les OAP qui entraient en urgence. Je n'ai jamais quitté l'hôpital depuis car tout en vivant pleinement ma passion je « payais » mes études en travaillant à l'hôpital (fils d'instituteur).

La cardiologie (avec Faivre, Gilgenkrantz et ses troubles du rythme, Dodinot et ses pace makers ), la neurochirugie (avec Lepoire aux mains d'or qui m'a laissé faire avec lui l'aide opératoire, Montaut et ses malheureux enfants, Renard à qui je dois de connaître mon anatomie du cerveau encore maintenant), la nutrition ( Debry dont les patients obèses partaient se promener au petit matin dans les environs brumeux de Jeanne d'Arc).

A Metz les urgences, la réanimation, le Samu Smur (avec au début ses jeunes filles de la Croix-Rouge avec leur béret bleu, leur chemisette blanche et leur jupette plissée bleue qui m'ont conduit de Metz à Nancy pour la première implantation d'un pace maker d'un patient de Metz en roulant comme des folles sur l'ancienne nationale : heureusement que le Pr. Sadoul ne nous a pas barré la route avec son vélo !) et l'hémodialyse (qui venait de s'ouvrir et à qui on m'a prêté sous prétexte que je m'occupais du rein artificiel en réanimation dans mon unité ont été les excellentes bases de ma formation par compagnonnage des plus anciens vis-à-vis des petits jeunes.

En 1975 j'ai donc quitté Nancy après ma thèse le 14 novembre : « Acharnement thérapeutique et réanimation » (l'inacceptable euthanasie, l'aide aux mourants) avec le Pr de Ren à qui j'étais venu proposer le sujet car travaillant en réanimation au CH de Metz chez le Dr Condi j'étais très concerné par ce problème (« vous vous acharnez ! »). Mais à la même époque l'agonie « interminable » de Franco et l'affaire Quillian lui ont donné sans que je le veuille une certaine « publicité ». Les Prs Lamy , Anthoine , (amis de De Ren ) et le Pr Montaut que j'avais connu en neurochirurgie (je rêvais à l'époque de devenir micro neuro-chirugien !) et qui a remplacé au « pied levé » un autre Pr. m'ont fait l'honneur de présider le jury et de me remettre mon épitoge sur ma toge. Moi qui petit disait « je veux être curé, instituteur ou médecin » ! Seuls métiers que je croyais au service des autres.

J'ai fait partie de ces quelques « docteur en médecine » qui ont prêté non le serment d'Hippocrate (mais je préfère la prière médicale de Moshé Ben Maïmon : Maïmonide 1135- 1204 ) mais une « curiosité » un peu discutable : « Sur ma conscience, en présence de mes Maîtres et de mes condisciples, je jure d'exercer la médecine suivant les lois de la morale et de l'honneur et de pratiquer scrupuleusement tous mes devoirs envers les malades mes confrères et la société. »

J'aurais bien aimé faire ma spécialité à Nancy mais il était « interdit » de faire plus de 6 mois de stage en trois ans chez le Pr Larcan et les Prs Picard et Laxenaire n'offraient des « emplois » rémunérés qu'à partir de la troisième année. Les Bordelais offraient de meilleures conditions et après six mois au CHU avec le Pr Chevais, j'avais des fonctions d'assistant à Agen. En 1978 lorsque j'ai obtenu mon diplôme de spécialité à Paris, je passais dans la foulée le concours de praticien des hôpitaux non universitaire pour un poste en Franche Comté. En 1985 je suis parti pour une plus grande ville de l'Ouest de la France. Mais dans mon cœur la Lorraine de mes ancêtres et ma vieille faculté de la rue Lionnois (je n'ai jamais connu Brabois sauf pour ma thèse que j'aurais tant préféré passer dans l'ancienne salle) me restent si chers. Parfois en salle de détente du bloc j'en parle avec mes aînés de Nancy : Paul Colombel (« irremplaçable » il n'arrive pas à partir à la retraite) et Denis Beaudesson de Chanville .

2ème envoi reçu - peu de temps après

Vous me faites bien trop d'honneur en me proposant de figurer sur votre site Internet et je n'accepte qu'en souvenir de mes chers maîtres, dont je ne saurais par ailleurs oublier le côté universitaire. D'autant que certains ont été très chahutés par ma promotion à leurs cours magistraux (oh combien  j'en suis encore honteux !).

Nous cherchions bêtement à les faire sortir au plus vite : le « recordman » a été le Pr Louyot qui a eu le malheur de commencer son premier cours par « la rhumatologie vient du grec… » il n'alla pas plus loin vu ce qu'il entendit…Il nous a pardonné et est revenu par la suite nous parler des sels d'or. Le Pr Cayotte  qui a eu le malheur de faire monter sur l'estrade une jolie étudiante pour nous expliquer avec les mains les différents plans en anatomie,  prit la seconde place au palmarès mais n'est jamais revenu. Certains ont d'emblée passionné leur auditoire : ainsi le Pr Neimann « le lait de vache c'est pour le veau ! », le Pr Gosserez et son « fracas innominé »,… Enfin certains ont résisté contre « vent et marée » et étaient « insortables » et même l'un deux nous a passé un savon pour avoir chahuté « sa grande Olive ».

Enfin je ne peux résister à vous raconter mes « cliniques »

En médecine, je suis passé avec le Pr Larcan . L'ordre de passage étant alphabétique inverse, je vis sortir mes condisciples déprimés par les vastes connaissances d'Alain Larcan en tout domaine (et pas qu'en layette comme dans la revue de l'internat !). Lorsque, dernier à passer j'entrais, il s'exclama à haute voix « tant pis pour celui-là, je lui pose une question de réa : « une jeune femme vient de la maternité en état de choc avec le nez noir : à quoi pensez vous ? »   « c'est une CIVD sur une septicémie à perfringens » ; les yeux de Larcan de s'arrondir, les questions fusèrent et à chaque fois je répondais tranquillement. Ma seule erreur a été de répondre lorsqu'il me demanda à la fin où j'étais «  en réanimation chez le Dr Condi à Metz » (j'aurais du dire « en gériatrie ») d'autant qu'il connaissait le super équipement de ce dernier (à la demande d'une famille j'avais vu une fois lorsque j'étais infirmier en réa le Pr Larcan venir à Metz consulter un patient du Dr Condi comme cela se faisait encore !).

En chirurgie, je passais à la clinique de traumatologie du Pr Sommelet  et je n'y connaissais rien. Le patient que j'ai eu à examiner présentait une luxation claviculaire exceptionnellement opérée à l'époque car c'était un prof. de sport et il m'expliqua son cas de A à Z avec les divers possibilités thérapeutiques, avantages,  inconvénients,… Sommelet eut naturellement un sérieux doute à la suite de mon exposé et me posa une nouvelle question sur les entorses graves de cheville avec rupture ligamentaire (que l'on opérait également rarement, sauf mon épouse qui avait été opérée par le Pr Delagoutte à Jeanne d'Arc suite à un accident de ski que les chirurgiens autrichiens voulaient opérer sur place mais elle avait préféré rentrer « au pays »).

Restait les cliniques d'obstétrique : c'était les techniques de dilatation du col utérin pour provoquer une fausse couche. Mais c'était surtout en début d'après midi et pour chercher dans mes vagues souvenirs et éviter de dire des bêtises je parlais lentement. Mes examinateurs s'endormaient ! Mais brutalement pour avoir parlé d'un malheureux ballonnet, ils firent mine de se réveiller scandalisés. Pour ma défense j'affirmais ne pas l'avoir inventé. Heureusement que j'avais pris des gardes bénévoles à la maternité pour apprendre les accouchements et qu'une grande extraction de siège sur mannequin de cuir me sauva la mise ! ( on racontait que le Pr Duc dans un cas semblable avait simplement soulevé le « capot » du mannequin, tiré la poupée de cuir en s'exclamant : je fais une césarienne : moyennant quoi il n'avait que 20 ans d'avance !!).